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Date : 20060911

Dossier : IMM-399-06

Référence : 2006 CF 1082

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

ENTRE :

MARINAH BERGMAN

SARA MALKA GERSHON

 

demanderesses

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par écrit aux termes de l’article 399 des Règles des Cours fédérales (les Règles) en vue de faire annuler l’ordonnance par laquelle j’ai rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire des demanderesses. J’ai rendu cette ordonnance parce que les demanderesses n’avaient pas mis en état leur demande d’autorisation en déposant un dossier de demande comme l’exige l’article 10 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (les Règles en matière d’immigration), DORS/93-22.

 

[2]               Le 25 janvier 2006, les demanderesses ont déposé leur demande d’autorisation contestant la décision rendue le 4 janvier 2006 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans les affidavits déposés à l’appui de la présente requête, on affirme que les demanderesses n’ont pas mis leur demande d’autorisation en état parce que leur consultante en immigration, Mira Trakht, n’était pas parvenue à déposer le dossier de demande dans le délai imparti. Selon l’affidavit de Mme Trakht, établi le 5 juin 2006, le greffe de la Cour a rejeté le dossier de demande parce qu’il n’était pas présenté dans la forme prescrite. Mme Trakht n’a rien fait pendant plusieurs mois après avoir été avisée de ce problème. Elle a fini par consulter un avocat. Au début de juin 2006, l’avocat a tenté de déposer une requête en prorogation de délai pour la signification et le dépôt du dossier de demande. Le greffe de la Cour a rejeté la requête en question, étant donné que j’avais déjà rejeté la demande d’autorisation le 4 avril précédent.  

 

[3]               La présente requête n’a été déposée que le 1er août 2006; aucune explication n’a été donnée au nom des demanderesses pour justifier la période supplémentaire de près de deux mois qui a précédé la demande de redressement.

 

[4]               D’après l’affidavit constituant du ouï-dire qui a été déposé à l’appui de la requête par un parajuriste au service du bureau de l’avocat des demanderesses, Mme Trakht aurait dit ignorer que la demande d’autorisation avait été rejetée par la Cour le 4 avril 2006. Toutefois, Mme Trakht ne dit rien sur ce point dans son affidavit, et le dossier de la Cour indique qu’un certificat de l’ordonnance de rejet avait été envoyé par courrier recommandé à son bureau trois jours plus tard.

 

[5]               Il est juste de dire qu’en l’espèce, les représentants des demanderesses ont fait preuve de négligence dans le traitement de cette affaire au cours des six derniers mois. Il ne s’agissait pas d’une erreur fortuite dans le cas de Mme Trakht. Celle-ci a délibérément décidé de ne rien faire malgré le fait qu’elle était parfaitement au courant de son défaut de mettre la demande d’autorisation en état depuis au moins février 2006. De toute évidence, l’intervalle entre le dépôt avorté du dossier de demande et le rejet de la demande le 4 avril 2006 était bien assez long pour présenter une requête en prorogation de délai. 

 

[6]               Dans leur dossier de requête, les demanderesses sollicitent réparation en vertu de l’article 399 des Règles, mais elles ont défendu leur requête comme s’il s’agissait d’une requête en prorogation de délai présentée au titre de l’article 21 des Règles en matière d’immigration. Mon ordonnance antérieure rejetant la demande d’autorisation constitue une décision définitive, qui doit être annulée avant que l’on soit puisse examiner la prorogation du délai pour déposer le dossier de demande. Il n’est donc pas indiqué pour les demanderesses de se fonder sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R. 106, qui traite du pouvoir discrétionnaire de la Cour de proroger un délai.   

 

[7]               Selon la jurisprudence, c’est seulement dans les circonstances les plus exceptionnelles que les Règles des Cours fédérales autorisent l’octroi d’une ordonnance annulant le rejet antérieur d’une instance : voir Fernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 909, [2001] A.C.F. no 1287 (QL); Boubarak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1239, [2003] A.C.F. no 1553 (QL). 

 

[8]               D’après l’article 399 des Règles, la Cour peut annuler une ordonnance si une partie présente une preuve prima facie démontrant que cette ordonnance n’aurait pas dû être rendue et que la partie n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur. Un redressement peut aussi être accordé lorsque des faits nouveaux surviennent ou sont découverts après l’ordonnance ou lorsque celle-ci a été obtenue par fraude.

 

[9]               L’article 397 des Règles permet à la Cour d’examiner à nouveau les termes d’une ordonnance dans les dix jours après l’avoir rendue lorsque celle-ci ne concorde pas avec les motifs donnés ou lorsqu’une question a été oubliée ou omise involontairement.   

 

[10]           Les article 397 et 399 des Règles ne sont d’aucun secours pour les demanderesses en l’espèce.  

 

[11]           Dans Vinogradov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 77 F.T.R. 296, [1994] A.C.F. no 647 (QL), une affaire très semblable à la présente espèce, on avait demandé au juge Andrew MacKay de réexaminer sa décision de rejeter une demande d’autorisation. Dans cette affaire, la Cour avait été saisie de l’ordonnance en question quelques jours après l’avoir rendue, et non pas des mois comme en l’espèce. Le juge MacKay a rejeté la requête en réexamen, statuant qu’un tel redressement ne peut être accordé que dans des « circonstances très particulières » (voir le par. 2) et lorsque les faits établis tombent sous le coup des règles applicables. Il conclut les motifs de sa décision avec les observations suivantes :

3      Je suis conscient de quelques-unes des difficultés auxquelles se heurtent les requérants non représentés par un avocat qui tentent d’avoir accès au processus de contrôle d’une décision, en l’occurrence celle qu’a rendue la SSR. Néanmoins, ils doivent observer les règles applicables à ce processus. 

 

4      Je fais remarquer que ce résultat est compatible avec celui auquel on est arrivé dans l’affaire Ansomah c. Canada, non publiée, no du greffe A-1261-90, 25 avril 1990, (C.A.F.). Dans cette affaire, la Cour d’appel a rejeté une demande de prorogation du délai fixé pour présenter des observations écrites, au soutien d’une demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire, au motif que la demande de prorogation de délai avait été présentée postérieurement au rejet de la demande d’autorisation.  

 

5      Comme les requérants n’ont présenté aucun élément qui viendrait justifier le nouvel examen de l’ordonnance rendue le 14 octobre 1993, et qu’aucun motif valable n’est invoqué en l’espèce relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de permettre le dépôt tardif d’un dossier de demande, l’ordonnance du 14 octobre doit être considérée comme définitive.

 

 

[12]           Le juge MacKay a aussi examiné, dans la décision Pistan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 774, [2001] A.C.F. no 1132 (QL), une requête en réexamen d’une ordonnance portant rejet d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui n’avait pas été mise en état. L’excuse donnée par le requérant est qu’il avait eu de la difficulté à retenir les services d’un avocat. La requête a été rejetée pour les motifs énoncés aux paragraphes 4 à 6 :  

4      La requête fait référence à la règle 399(1)b) des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration, 1998. Cette règle donne à la Cour le pouvoir, sur requête, d’annuler ou de modifier une ordonnance rendue « en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance ». Rien, aux termes de cette règle, ne permet à la Cour d’annuler son ordonnance du 23 mai 2001.

 

5      De plus, les faits allégués ne permettent pas de soumettre les circonstances du cas du requérant à la règle 397, qui sert habituellement de fondement à une requête en réexamen. Cette règle prévoit que dans les 10 jours après qu’une ordonnance ait été rendue, ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer une requête demandant un réexamen au motif que l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs donnés ou qu’une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement. Ces circonstances ne se retrouvent pas en l’espèce. 

 

6      L’incapacité de se qualifier pour l’aide juridique ou l’incapacité de retenir les services d’un avocat faute d’argent ne sont pas des explications acceptables qui justifieraient une prorogation du délai pour déposer une requête ou un dossier de requête conformément aux règles de la Cour. Bien qu’une personne puisse être bien avisée de se faire représenter au procès par un avocat, elle peut très bien se représenter elle-même comme semble prêt à le faire le requérant en l’espèce. Le fait de ne pas l’avoir fait plus tôt, et la décision de le faire maintenant, ne peuvent servir de fondement à une prorogation du délai par la Cour. La Cour ne dispose simplement d’aucun motif pour annuler son ordonnance du 23 mai 2001.

 

 

[13]           Dans la décision Cove c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 266, [2001] A.C.F. no 482 (QL), le juge Denis Pelletier était saisi d’une demande de prorogation du délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire. La demande de prorogation reposait sur des allégations de négligence de la part d’un consultant en immigration. Le juge Pelletier a refusé d’accorder le redressement sollicité pour ce motif, et a statué au paragraphe 10 que les clients sont tenus responsables de la négligence et des erreurs de leurs représentants :

10      Les particuliers qui se présentent à titre de personnes spécialisées en matière d’immigration adoptent la désignation de « conseiller juridique », comme c’est de plus en plus souvent le cas, seront assujettis à la même norme que ceux qui se présentent régulièrement devant la Cour. Les conséquences découlant de l’inexécution de leurs obligations pour leurs clients seront les mêmes que dans le cas des clients des avocats spécialisés en matière d’immigration. Il n’y a aucune raison pour laquelle la Cour devrait protéger les consultants des allégations de négligence en fermant les yeux lorsqu’ils commettent des erreurs. Les avocats spécialisés en matière d’immigration paient des primes d’assurance responsabilité élevées afin d’obtenir une protection qui pourrait être invoquée chaque fois qu’un tribunal refuse de fermer les yeux sur leurs erreurs. Appliquer une norme différente à l’endroit des consultants équivaut à subventionner la concurrence à laquelle ceux-ci se livrent avec les avocats spécialisés en matière d’immigration.

 

 

[14]           Dans la même veine, les fautes apparentes commises par les représentants des demanderesses en l’espèce ne font pas en sorte que ces dernières sont visées par les Règles qui permettent à la Cour d’annuler ses ordonnances antérieures. En outre, même si j’avais le pouvoir de proroger le délai pour autoriser le dépôt tardif du dossier de demande, je ne le ferais pas compte tenu des faits qui m’ont été présentés. Les demanderesses n’ont ni expliqué adéquatement la longue période qui s’est écoulée avant qu’elle ne saisissent la Cour de la présente affaire, ni établi que le bien-fondé de leur cause est défendable. Malgré la crainte que les demanderesses prétendent avoir, la probabilité qu’elles puissent établir le bien-fondé de leur demande d’asile respective vu leur droit de retourner en Australie semble tout au plus faible. La demanderesse Sara Gershon n’est peut-être une ressortissante australienne, mais il ressort clairement des documents déposées en l’espèce qu’elle a vécu dans ce pays avec sa mère durant bien des années. Rien ne prouve qu’elle ne serait pas autorisée en droit à y retourner avec sa mère. 

 

[15]           Je rejette donc la présente requête visant à annuler l’ordonnance de la Cour du 4 avril 2006. 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête présentée par les demanderesses en vertu de l’article 399 des Règles est par la présente rejetée.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-399-06

 

INTITULÉ :                                       MARINAH BERGMAN, SARA MALKA GERSHON

                                                            c. 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

REQUÊTE TRAITÉE PAR ÉCRIT À OTTAWA

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BARNES

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 11 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Daniel M. Fine

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Marissa Bielski

Toronto (Ontario)

        POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel M. Fine

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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