Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20060911

Dossier : T-237-02

Référence : 2006 CF 1084

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

BAUER NIKE HOCKEY INC.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

 

et

 

EASTON SPORTS CANADA INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

PROTONOTAIRE MORNEAU

 

[1]               Le 21 juillet 2005, la Cour a rendu une décision liée essentiellement à des requêtes déposées par chacune des parties dans cette affaire de violation de brevet à la suite de la deuxième ronde de communication préalable.

[2]               En janvier 2006, une troisième ronde de communication préalable a eu lieu. En outre, la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (Easton) a procédé en même temps à l’interrogatoire de M. Chenevert, l’inventeur du brevet visé par l’action. M. Chenevert a été interrogé en vertu du paragraphe 237(4) des Règles des Cours fédérales (les Règles). En tant que résultat inévitable de ladite communication préalable supplémentaire, la Cour est maintenant saisie de deux requêtes, à savoir une requête déposée par chacune des parties afin de statuer sur les objections soulevées pendant la troisième ronde de communication préalable par les représentants des parties. En ce qui concerne la demanderesse et défenderesse reconventionnelle (Bauer), elle demande aussi à obtenir d’autres réparations diverses dans sa requête.

 

Faits

[3]               Comme je l’ai indiqué dans ma décision du 21 juin 2005, l’action intentée par Bauer a trait aux lettres patentes canadiennes no 2 302 953 (brevet no 953) portant sur un quart de partie de chaussure de patin et sur la chaussure de patin comprenant ce quart de partie.

[4]               Bauer fait valoir en l’occurrence que par la fabrication et la mise en vente de divers modèles de chaussures de patin au Canada, Easton a contrefait les revendications 1, 2, 4, 5, 6 et 7 du brevet no 953.

[5]               Easton nie pour sa part la contrefaçon de toute revendication du brevet en question, et a déposé une demande reconventionnelle dans laquelle elle allègue l’invalidité du brevet no 953, en faisant notamment valoir le caractère évident de l’objet du brevet, le défaut d’invention, le fait que l’objet était déjà connu du public, son manque d’utilité et les déclarations trompeuses figurant dans la partie consacrée au contexte de la soi‑disant invention. Selon Easton, ces déclarations ont été faites pour tenter de définir comme une invention la structure du patin qui n’en est pas une.

[6]               L’affaire tourne autour des revendications 1 et 7 du brevet no 953.

[7]               La revendication 1 est libellée comme suit :

1.         La chaussure du patin comprend une semelle, une partie antérieure pour recevoir les orteils du patineur, une partie arrière pour le talon et la cheville, et une partie médiale et latérale pour recevoir le pied du patineur; lesdites parties antérieure, médiale et latérale comprenant :

-           un quart de partie médiale et un quart de partie latérale reliés ensemble en un seul tenant plié le long d’une ligne symétrique pour former la structure en forme de U de la chaussure du patin, chacune desdites parties se prolongeant verticalement le long de cette même ligne symétrique pour définir la partie recevant le talon et la cheville de ladite structure de la chaussure du patin et se prolongeant vers l’extérieur de ladite ligne symétrique en un profil se rétrécissant pour définir les deux côtés de ladite chaussure du patin;

-           un protège‑tendon fixé au quart de la partie médiale et au quart de la partie latérale à une ligne de jonction de façon parallèle, si bien que ladite partie postérieure de ladite chaussure du patin, présentant un profil angulaire défini par ledit protège‑tendon et le quart des dites parties médiale et latérale à ladite ligne de jonction.

[8]               La revendication 7 est libellée comme suit :

7.         La méthode de fabrication de chaussure de patin comprend les étapes suivantes :

            -           couper un élément d’un seul tenant comprenant un quart de partie médiale, un quart de partie latérale, une partie de renfort et une partie de renfort latérale dites quart de partie médiale et quart de partie latérale dudit élément d’un seul tenant, définissant ensemble le bord supérieur de ladite pièce d’un seul tenant;

            -           couper un protège‑tendon présentant un bord inférieur;

            -           plier ladite pièce d’un seul tenant à la ligne symétrique pour former une structure en forme de U;

            -           coudre ledit bord inférieur au dit protège‑tendon, à l’extrémité du dit bord supérieur de ladite pièce d’un seul tenant pour former un point d’appui à la ligne de jonction, de façon à ce que ledit protège‑tendon définisse un angle obtus avec ladite pièce d’un seul tenant;

            -           coudre ensemble ladite pièce de renfort médiale et la partie de renfort latérale pour former un profil de talon courbé.

(Non souligné dans l’original)

[9]               J’aborderai en premier lieu la requête déposée par Bauer, puis celle déposée par Easton.

 

I.          Requête déposée par Bauer

 

[10]           Dans sa requête, Bauer demande les six (6) réparations qui suivent :

            1.         Une ordonnance l’autorisant à signifier et à présenter une autre déclaration modifiée en lien avec la plaidoirie jointe en tant qu’annexe « A » à son avis de requête;

            2.         Une ordonnance l’autorisant à interroger M. Marc Gagnon, l’ancien président de Rock Forest Footwear Inc., l’un des fabricants des patins de la défenderesse en litige en l’espèce;

            3.         Une ordonnance autorisant Bauer à interroger un autre témoin, le cas échéant, si Marc Gagnon désigne un témoin plus approprié pendant son interrogatoire;

            4.         Une ordonnance visant à protéger et à maintenir la confidentialité de certains documents, certains renseignements et certaines notes sténographiques devant être présentés par les parties pendant la présente procédure sous la forme de l’ordonnance de confidentialité jointe en tant qu’annexe « C » à l’avis de requête;

            5.         Une ordonnance exigeant à M. Ned Goldsmith, le représentant d’Easton, de :

                        a)         répondre aux questions en suspens auxquelles la Cour a ordonné de répondre le 21 juillet 2005;

                        b)         répondre aux questions en suspens à la suite de son interrogatoire préalable le 20 janvier 2006;

                        c)         participer de nouveau à un interrogatoire préalable au bureau de Smart & Biggar à Montréal à ses propres frais afin de répondre à toutes les questions de suivi adéquates liées aux réponses fournies en a) et b) susmentionné;

            6.         L’adjudication en sa faveur des dépens liés à sa requête, et les frais liés à l’interrogatoire préalable du 20 janvier 2006 et à l’interrogatoire préalable auquel on renvoie au paragraphe 5 c) susmentionné sur une base avocat‑client, à payer immédiatement.

[11]           J’aborderai les réparations demandées par Bauer dans l’ordre où elles ont été présentées ci‑dessus.

 

            1.         Autorisation de signifier et de présenter une autre déclaration modifiée

 

[12]           Comme j’y ai fait allusion dans ma décision du 21 juillet 2005, en ce qui concerne les règles régissant la modification des actes de procédure, le passage qui suit, tiré de l’arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), page 10, traduit très nettement le libéralisme auquel la Cour est tenue dans ce genre d’affaire :

[…] même s’il est impossible d’énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s’il est juste, dans une situation donnée, d’autoriser une modification, la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice.

[13]           Les modifications demandées par la demanderesse sont liées aux éléments qui suivent :

            a)         céder le brevet no 953 de la demanderesse à NIKE International Limited (Nike International);

            b)         remplacer le nom de la demanderesse par NIKE Bauer Hockey Inc. et ajouter Nike International en tant que demanderesse;

            c)         ajouter deux autres modèles de patin de la défenderesse qui sont réputés violer le brevet no 953, soit le Typhoon et le Synergy;

            d)         une allégation selon laquelle la défenderesse a incité et amené ses fabricants, Rock Forest Footwear Inc. (Rock Forest) et Sakurai Sports, également connu sous le nom de Try On Industries (Sakurai) à violet le brevet no 953.

[14]           Les modifications proposées par Bauer aux points a) et b) se fondent sur des faits allégués, qui ne semblent pas être contestés, selon lesquels Bauer a cédé le brevet no 953 à la demanderesse proposée Nike International par l’intermédiaire d’une cession en vigueur à compter du 31 octobre 2002. Bauer serait l’unique titulaire de la licence de brevet de Nike International depuis le 1er novembre 2002. Bauer serait une personne se réclamant du titulaire de brevet actuel Nike International.

[15]           Même si, comme l’a fait remarquer Easton, la cession a eu lieu il y a de cela quelques années et que le représentant de Bauer n’a pas été interrogé à ce sujet pendant la ronde précédente de communication préalable, je ne suis pas convaincu, comme le prétend Easton, que le fait d’accueillir les modifications susmentionnées occasionnerait des retards considérables et injustifiés. Je suis plus porté à croire que les modifications demandées serviraient les intérêts de la justice en précisant l’identité des véritables personnes intéressées en ce qui concerne le brevet en l’espèce. Par conséquent, lesdites modifications seront accueillies.

[16]           Quand le représentant de Bauer se présentera de nouveau pour une quatrième et, selon toute probabilité, une dernière ronde de communication préalable, Easton aura le droit de poser les questions pertinentes sur ladite cession et sur toute autre modification accueillie aux présentes.

[17]           En ce qui concerne la modification proposée par Bauer en c), étant donné qu’Easton ne s’oppose pas en soi à la modification en raison de l’ordonnance que j’ai rendue le 21 juillet 2005, où une modification semblable a été accueillir, la modification c) sera elle aussi accueillie.

[18]           En ce qui concerne la modification d) Bauer demande à alléguer qu’Easton a incité et amené ses fabricants Rock Forest et Sakurai à violet le brevet no 953.

[19]           Dans Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 C.P.R. (3e) 129, aux pages 148 et 149, la Cour d’appel fédérale a rappelé que le critère pour l’incitation à la contrefaçon comprend les éléments qui suivent :

            a)         l’acte de contrefaçon a été exécuté par le contrefacteur direct;

            b)         l’exécution de l’acte de contrefaçon a été influencée par les agissements de l’incitateur. Sans cette influence, la contrefaçon n’aurait pas eu lieu;

            c)         le vendeur sait que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[20]           Il semblerait fortement que c’est dans le cadre des rondes précédentes de communication préalable que Bauer a recueilli ou extrait des renseignements pertinents pour chacun des volets du critère énoncé dans Dableh, ce qui l’amène maintenant à soutenir qu’Easton a incité Rock Forest et Sakurai à la contrefaçon. Étant donné qu’Easton nie que des activités de contrefaçon ont eu lieu, la modification proposée en d) doit être considérée comme liée à une question grave entre les parties.

[21]           Même si un acceptait la thèse défendue par Easton selon laquelle Bauer a appris tous les éléments d’information essentiels dès la première ronde de communication préalable, en août 2003 (et pas dans les précisions obtenues progressivement au fil des ans) on ne peut utiliser ce retard de sa part à réagir pour rejeter la modification proposée, puisque Easton n’a pas établi que la modification entraînerait effectivement des retards considérables et injustifiés ou qu’elle porterait un préjudice manifeste à l’instruction équitable de l’action en l’espèce et elle n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard.

[22]           En outre, il n’est pas clair et évident que la Cour puisse, à ce stade et en invoquant le délai de prescription, limiter la modification proposée en d) aux modèles de patins d’Easton fabriqués ou vendus après le 31 mai 2000. De plus, l’avocat d’Easton a mal interprété la décision rendue par la Cour le 21 juillet 2005 quand il a soutenu que la Cour y avait clairement établi qu’il était impossible que tous les modèles de patin d’Easton fabriqués ou vendus après 2004 violent le brevet.

[23]           Enfin, je ne puis souscrire à la thèse d’Easton selon laquelle la cause d’action d’incitation à la contrefaçon supplémentaire n’ajouterait rien à l’accusation de contrefaçon déposée à l’égard d’Easton puisqu’il est possible qu’elle doive s’acquitter d’un fardeau supplémentaire quand viendra le temps de renvoyer aux dommages‑intérêts, s’il y a lieu.

[24]           Par conséquent, en fin de compte, je ne crois pas qu’il serait injuste d’accueillir la modification proposée d). Au contraire, cette question mérite presque d’être instruite dans l’intérêt de la justice.

[25]           La modification proposée en d) sera donc accueillie.

[26]           Par conséquent, en vertu d’une ordonnance jointe aux présents motifs, Bauer aura l’autorisation de signifier et de présenter une déclaration modifiée supplémentaire sous la forme de celle jointe en tant qu’annexe « A » à son avis de requête, hormis l’inclusion de HK Sports.

[27]           La défenderesse Easton aura donc l’autorisation de signifier et de présenter une autre défense et une autre demande reconventionnelle modifiées et d’interroger Bauer sur les modifications apportées à sa demande.

            2.         Autorisation d’interroger M. Marc Gagnon, l’ancien président de Rock Forest

 

[28]           Une partie, pour interroger un tiers, doit satisfaire au critère fondamental prévu à l’article 238 des Règles, libellé ainsi :

238. (1) Une partie à une action peut, par voie de requête, demander l’autorisation de procéder à l’interrogatoire préalable d’une personne qui n’est pas une partie, autre qu’un témoin expert d’une partie, qui pourrait posséder des renseignements sur une question litigieuse soulevée dans l’action.

 

(2) L’avis de la requête visée au paragraphe (1) est signifié aux autres parties et, par voie de signification à personne, à la personne que la partie se propose d’interroger.

 

(3) Par suite de la requête visée au paragraphe (1), la Cour peut autoriser la partie à interroger une personne et fixer la date et l’heure de l’interrogatoire et la façon de procéder, si elle est convaincue, à la fois :

a) que la personne peut posséder des renseignements sur une question litigieuse soulevée dans l’action;

b) que la partie n’a pu obtenir ces renseignements de la personne de façon informelle ou d’une autre source par des moyens raisonnables;

c) qu’il serait injuste de ne pas permettre à la partie d’interroger la personne avant l’instruction;

d) que l’interrogatoire n’occasionnera pas de retards, d’inconvénients ou de frais déraisonnables à la personne ou aux autres parties.

 

238. (1) A party to an action may bring a motion for leave to examine for discovery any person not a party to the action, other than an expert witness for a party, who might have information on an issue in the action.

 

 

(2) On a motion under subsection (1), the notice of motion shall be served on the other parties and personally served on the person to be examined.

 

(3) The Court may, on a motion under subsection (1), grant leave to examine a person and determine the time and manner of conducting the examination, if it is satisfied that

(a) the person may have information on an issue in the action;

(b) the party has been unable to obtain the information informally from the person or from another source by any other reasonable means;

(c) it would be unfair not to allow the party an opportunity to question the person before trial; and

(d) the questioning will not cause undue delay, inconvenience or expense to the person or to the other parties.

 

[29]           M. Gagnon est l’ancien président de Rock Forest. Il a été désigné, dans le cadre de l’examen préliminaire précédent en tant que l’un des principaux contacts d’Easton chez Rock Forest en lien avec les patins en question.

[30]           Je suis convaincu, vu les dossiers de requête des parties, que M. Gagnon pourrait très bien avoir des renseignements pertinents sur un certain nombre de questions entre les parties à la présente instance, y compris des renseignements sur la raison pour laquelle les patins fabriqués par Rock Forest avaient supposément un quart de partie plutôt que deux quarts de parties et à la suggestion de qui.

[31]           Je suis aussi convaincu, à la lumière du dossier de quête de Bauer, que cette dernière n’a pas réussi par le passé à obtenir les renseignements pertinents qu’elle avait cherché à obtenir au départ auprès de M. Gagnon ou de toute autre source, y compris la défenderesse Easton, par tout autre moyen raisonnable. Dans ce cas, je souscris à l’opinion de Bauer selon laquelle M. Gagnon est extrêmement bien placé pour avoir des renseignements pertinents aux questions en l’espèce, encore plus maintenant que Bauer est en droit d’alléguer que Rock Forest a joué un rôle important afin d’aider Easton à commettre une incitation à la contrefaçon.

[32]           Le dossier de requête de Bauer me permet aussi de conclure qu’elle a aussi satisfait aux exigences prévues aux sous‑alinéas 238(3)c) et d) des Règles.

[33]           Enfin, je ne souscris pas à la thèse avancée par Easton selon laquelle on ne peut invoquer l’article 238 des Règles pour interroger une personne quand ladite personne n’est pas interrogée à titre personnel uniquement, mais comme c’est le cas en l’espèce, en tant que représentante d’une société.

[34]           Pour renforcer sa thèse, Easton renvoie la Cour à la décision rendue par feu mon collègue Hargrave dans Bayside Towing Ltd. c. C.P.R. (2000), 187 F.T.R. 247, confirmée dans 194 F.T.R. 158 (ci‑après Bayside). Toutefois, dans Bayside, la demande particulière présentée par la défenderesse en vue d’interroger l’exploitant local d’un remorqueur en vertu de l’article 238 des Règles a mené mon collègue à se demander, à un certain moment, s’il fallait interpréter l’article 238 des Règles d’une façon semblable à l’article 28 des règles de la Colombie‑Britannique, qui, selon l’interprétation qui en avait été faite, ne permettait pas d’interroger une personne en tant que représentante d’une société. Je ne crois toutefois pas que Bayside est un arrêt décisif pour déterminer que l’article 238 des Règles devrait faire l’objet d’une restriction semblable. Autrement dit, selon la lecture que j’en fais, Bayside n’empêche pas d’interroger M. Gagnon en tant qu’ancien président de Rock Forest en vertu de l’article 238 des Règles.

[35]           Par conséquent, Bauer recevra donc l’autorisation d’interroger M. Gagnon, l’ancien président de Rock Forest. Il est intéressant de mentionner que M. Gagnon, qui serait maintenant représenté par un avocat, n’a pas comparu à l’audition de la requête afin de s’opposer à la demande de Bauer, et ce, même si la requête de Bauer lui a été signifiée personnellement en vertu du paragraphe 238(2) des Règles.

            3.         Autorisation d’interroger d’autres témoins

 

[36]           Dans cette demande, Bauer demande à la Cour de l’autoriser à interroger un autre témoin, le cas échéant, si Marc Gagnon désigne un témoin plus approprié pendant son interrogatoire.

[37]           J’entends refuser d’accorder un tel recours à Bauer puisque je juge qu’il est prématuré. En outre, le fait de l’accueillir donnerait à Bauer une certaine autorisation générale par laquelle, en vertu de l’article 238 pour chacune des personnes (désignée par M. Gagnon ou autrement), il faudrait respecter l’approche étape par étape prévue au paragraphe 238(3).

            4.         La délivrance d’une ordonnance de confidentialité sous la forme de l’ordonnance de confidentialité provisoire jointe en tant qu’annexe « C » de l’avis de requête de Bauer

 

[38]           Ladite annexe « C » prévoit une ordonnance « limitée à l’avocat ». Même si Bauer a récemment cru qu’elle avait l’accord d’Easton pour la délivrance d’une telle ordonnance ou était en voie de l’obtenir et qu’elle ne s’attendait donc pas, au moment de monter son dossier de requête, à ce qu’Easton conteste un tel recours, il semblerait que ce soit maintenant le cas.

[39]           Afin de résoudre cette impasse, j’entends rejeter la demande d’ordonnance de confidentialité présentée par Bauer, tout en lui donnant l’autorisation de présenter une nouvelle demande avec un dossier de requête adéquat à cet égard. Cette décision n’est pas nécessaire à la marche judiciaire du dossier et elle pourrait occasionner des retards supplémentaires, peu importe si Bauer obtient ou pas l’ordonnance de confidentialité qu’il demande, et Easton doit en être consciente.

 

              5.        Une ordonnance demandant à M. Ned Goldsmith, le représentant d’Easton, de :

 

                        a)         répondre aux questions en suspens auxquelles la Cour a ordonné de répondre le 21 juillet 2005;

                        b)         répondre aux questions en suspens à la suite de son interrogatoire préalable le20 janvier 2006;

                        c)         participer de nouveau à un interrogatoire préalable au bureau de Smart & Biggar à Montréal à ses propres frais afin de répondre à toutes les questions de suivi adéquates liées aux réponses fournies en a) et b) susmentionné;

 

 

                        5 a)      Questions à l’annexe « A »

 

[40]           Les questions en suspens auxquelles la Cour a ordonné de répondre le 21 juillet 2005 ont été présentées par chacune des parties en tant qu’annexe « A » à leurs observations écrites respectives.

[41]           Comme il en a été question à l’audience, afin de répondre à cette partie de la requête, Easton devra également répondre à la question (vi) qui se trouve au paragraphe 30 des observations écrites de Bauer pour la présente requête.

[42]           En ce qui concerne les questions en suspens issues de l’interrogatoire du représentant d’Easton le 20 janvier 2006, les parties ont dressé la liste, à leur annexe « B » des questions pour lesquelles Bauer juge que la réponse est incomplète ou non recevable; à l’annexe « C », elles présentent les questions qui sont demeurées sans réponse, selon Bauer.

 

                        5 b)      Questions à l’annexe « B »

 

[43]           Dans cette catégorie, je suis convaincu que les questions R‑151 a) et b) ont reçu une réponse satisfaisante. Aucune autre réponse n’est requise.

[44]           En ce qui concerne la question R‑152, elle n’a fait l’objet que d’une réponse partielle. Easton devra indiquer le nom du fournisseur du matériel Texcore, ainsi que la description et les spécifications du fournisseur.

[45]           La question R‑153 a maintenant fait l’objet d’une réponse suffisante. En ce qui concerne la question R‑175, Easton devra respecter son engagement lorsqu’il le pourra.

[46]           La question R‑177 (ou peut‑être R‑178) porte en partie sur la part de marché estimée d’Easton en 2005. Cette information a à voir avec l’allégation de succès commercial de Bauer dans cette action. Comme Bauer l’a reconnu à l’audience, on y a maintenant répondu de manière satisfaisante. Aucune autre réponse n’est requise.

 

                        5 b)      Questions à l’annexe « C »

 

[47]           Easton a maintenant répondu à la « question sans réponse (page 51, lignes 5 à 17) » de son mieux. Aucune autre réponse n’est requise.

[48]           En ce qui concerne la question R‑176, il faudra y répondre tel qu’elle est formulée – sauf les trois premiers mots – puisqu’elle a à voir avec l’allégation de succès commercial de Bauer, plus particulièrement avec son affirmation selon laquelle les patins d’Easton qui présentaient l’invention divulguée dans le brevet no 953 ont connu un succès commercial dès leur arrivée sur le marché. Je ne considère donc pas cette question comme une recherche à l’aveuglette et Bauer a besoin d’une certaine marge de manœuvre dans son approche, dans l’étendue de l’information dont elle a besoin pour montrer le succès commercial.

[49]           Afin de protéger entièrement la réponse d’Easton à cette question, en l’attente de l’issue de la requête en confidentialité de Bauer, Easton transmettra sa réponse à l’avocat de Bauer sous le sceau de la confidentialité et à lui seulement.

 

                        5 c)      Participation à un autre interrogatoire

 

[50]           Par conséquent, le représentant d’Easton devra répondre aux questions indiquées aux présentes et devra participer de nouveau à un autre interrogatoire préalable aux bureaux de Smart & Biggar de Montréal et à ses propres frais afin de répondre à toutes les questions de suivi appropriées issues des questions auxquelles il a été ordonné de répondre.

[51]           En ce qui concerne les différentes catégories de coûts réclamés par Bauer dans son avis de requête et approfondis aux paragraphes 84 à 87 de ses observations écrites et à l’audience, je suis convaincu que l’on règle la situation dans son ensemble en adjugeant les dépens liés à la présente requête à Bauer en vertu de la colonne III du tarif B. Les autres recours liés aux coûts sont rejetés.

[52]           J’aborderai maintenant la requête présentée par Easton.

 

II.        Requête présentée par Easton

[53]           Dans sa requête, Easton demande à la Cour d’ordonner à Bauer de répondre à des questions qui auraient été refusées à tort, d’un côté, à la troisième ronde de l’interrogatoire préalable de M. Ken Covo, le représentant de Bauer (les questions Covo, annexe « A » à la requête d’Easton) et, de l’autre à l’interrogatoire de l’inventeur du brevet no 953, M. Chenevert (les questions Chenevert, annexe « B » à la requête d’Easton).

[54]           Dès le début, la Cour ne suivra pas la suggestion de Bauer de rejeter la requête présentée par Easton dans son ensemble au motif qu’elle n’était pas accompagnée d’un affidavit, et ce, même si elle ne comprend pas pourquoi Easton ne l’a pas fait. Cette approche se révélerait une mesure trop drastique. En outre, la Cour est tout sauf convaincue que l’absence de cet affidavit a réellement porté préjudice à Bauer ou a entravé sa capacité à répliquer à la requête d’Easton dans les circonstances entourant cette affaire.

[55]           En ce qui concerne le droit sur les questions pendant la communication préalable, outre ce que la Cour a indiqué dans sa décision du 20 juillet 2005, il est approprié en l’espèce de se rappeler à ce stade que le juge Hugessen a affirmé, dans Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (2000), 8 C.P.R. (4e) 413 (confirmé en appel, à 12 C.P.R. (4e) 127), ce qui suit aux pages 414 et 415 sur la pertinence des connaissances de l’inventeur sur le caractère évident d’une invention :

Je ne suis pas disposé à ordonner aux demanderesses de produire des documents sur ce que savaient les inventeurs ou les brevetés à propos des antériorités au moment de la délivrance des brevets en litige. Ces connaissances ne peuvent être pertinentes qu’à la question plaidée au sujet de l’évidence. Or, le critère applicable à l’évidence est, selon moi et bien des précédents le confirment, un critère objectif. L’élément qui doit servir de pierre de touche est la personne versée dans l’art. Il faut donc savoir si l’invention aurait été évidente pour cette personne. La connaissance effective de l’inventeur ou des inventeurs est sans importance.

(Non souligné dans l’original)

            (Voir aussi la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Free World Trust c. Electro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, à la page 1061.)

[56]           En outre, on ne peut exiger à une partie de répondre, dans le cadre d’un interrogatoire principal, à une question qui l’oblige à exprimer une opinion, qu’il s’agisse d’une opinion d’expert, son interprétation d’un brevet ou ses croyances. Dans Philips Export B.V. c. Windmere Consumer Products Inc. (1986), 8 C.P.R. (3d) 505, on indique, à la page 508 :

[traduction]

La question 467, qu’il faut lire avec la question 466, demande à la défenderesse d’exprimer une croyance. Dans l’affaire Smith, Kline & French et dans Sperry Corp. c. John Deere Ltd. et al. (1984), 82 C.P.R. (2d) 1, il est indiqué que l’on ne peut pas demander l’opinion, en tant que règle, d’une personne interrogée qui n’est pas un expert et que l’on ne peut demander à une partie d’indiquer sa position en ce qui concerne les attitudes mentales.

(Non souligné dans l’original)

            (Voir aussi Rivtow Straits Ltd. c. B.C. Marine Shipbuilders Ltd., [1977] 1 C.F. 735, à la page 736.)

[57]           En guise de remarque préliminaire sur ces deux catégories, la Cour ne statuera pas sur les questions qui ne sont plus en litige dans le cadre de la présente requête parce que, entre autres, Bauer s’est engagé à répondre, la question a été retirée ou les deux parties se sont entendues sur le fait que la question avait fait l’objet d’une réponse suffisante.

[58]           Maintenant que cela est établi, nous pouvons maintenant porter notre attention sur la première des deux questions Covo. Nous aborderons ensuite les questions Chenevert. Étant donné que les parties n’ont pas recouru à la même catégorisation pour aborder les questions Covo et Chenevert, j’ai choisi de suivre celle utilisée par Bauer à cet égard.

 

            A.        Les questions Covo

 

[59]           Les questions Covo se répartissent dans les cinq (5) catégories suivantes :

            1.         Questions réputées avoir affaire à la validité

                        (i)         Profil/angle

                        (ii)        Angle obtus

                        (iii)       Protège‑tendon

            2.         Question réputée avoir affaire à la validité/déclarations trompeuses

            3.         Questions réputées avoir affaire à l’invalidité/divulgation antérieure

            4.         Questions réputées avoir affaire à la validité/succès commercial

            2.         Question réputée avoir affaire à la validité/existence de documents

 

            Sous‑catégorie 1(i)

 

[60]           À mon avis, la question 7 a fait l’objet d’une réponse complète; on indique entre autres si c’est la presse qui donne forme à la partie supérieure de la chaussure de patin. Aucune autre réponse n’est requise.

[61]           On a répondu à la question 32 telle qu’elle était formulée. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter des éléments de réponse. Il faudra toutefois répondre à la question 30 qui se trouve à la page 27 des observations écrites d’Easton puisqu’elle appartient à la même catégorie de questions.

[62]           La question 37 telle qu’elle est formulée appelle le représentant à spéculer et à donner son opinion. Il n’est pas nécessaire d’y répondre.

[63]           Aux questions 49 et 50, on appelle essentiellement Bauer à faire une expérience au moyen de sa fraise pour la partie arrière. Il s’agit d’une demande sans rapport et inappropriée. Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.

[64]           En ce qui concerne les questions 337 et 338, Bauer devra répondre de façon plus approfondie aux questions présentées par Easton au paragraphe 30 de ses observations écrites.

 

            Sous‑catégorie 1(ii)

 

[65]           Bauer devra répondre à la question 123 dans cette catégorie. Selon cet exercice, je ne crois pas que Bauer fait une interprétation directe ou indirecte en soi de l’un des termes du brevet.

 

            Sous‑catégorie 1(iii)

 

[66]           Aucune des questions n’est permise vu les observations écrites présentées en réponse par Bauer.

 

            Catégorie 2

 

[67]           Il n’y a pas lieu d’aborder cette catégorie en l’espèce parce que Bauer s’est engagé à répondre.

 

            Catégorie 3

 

[68]           On a répondu de manière satisfaisante à la question 80. Il n’est pas nécessaire d’y répondre davantage.

 

            Catégorie 4

 

[69]           Bauer a reconnu qu’elle répondra aux questions 266, 268, 273, 286, 288, 294, 295, 296, 368, 403 et 415 à 417 si la Cour devait ordonner, à la demande de Bauer, de répondre à la question 176 (voir ci‑dessus, au paragraphe 48) Étant donné que la Cour a effectivement ordonné de répondre à ladite question 176, il faudra répondre aux questions énumérées ci‑haut.

[70]           Comme c’est le cas pour la réponse d’Easton, Bauer transmettra ses réponses à l’avocat d’Easton sous le sceau de la confidentialité et à lui seulement. Il faudra répondre aux questions 421 et 422 en suivant le même processus.

[71]           Il n’est pas nécessaire de répondre aux autres questions en suspens dans cette catégorie en fonction des observations écrites présentées par Bauer.

 

            Catégorie 5

 

[72]           Il faudra répondre à la question 141 dans cette catégorie.

[73]           Par conséquent, le représentant de Bauer devra répondre aux questions indiquées aux présentes et devra participer de nouveau à un autre interrogatoire préalable à ses propres frais afin de répondre à toutes les questions de suivi appropriées issues des questions auxquelles il a été ordonné de répondre.

 

            B.        Les questions Chenevert

 

[74]           Comme il a été indiqué plus tôt, M. Chenevert est l’inventeur nommé du brevet en litige et il a cédé ledit brevet à la demanderesse présente. Il a été interrogé en vertu du paragraphe 237(4) des Règles en tant que cédant du brevet. Comme la Cour d’appel fédérale l’a conclu dans Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c. Merck & Co. (1995), 62 C.P.R. (3d) 137, aux pages 143 et 144, l’interrogatoire d’un cédant vise à permettre à la partie interrogatrice d’obtenir des faits (et pas des opinions ou des spéculations) pertinents aux questions dans une action.

[75]           Il est possible de répartir les questions Chenevert, comme l’a fait Bauer, dans les deux catégories suivantes :

            1.         Les questions réputées être liées à la construction de l’art antérieur, des patins et de l’inventivité du brevet en litige;

            2.         Les questions réputées être liées à des déclarations trompeuses/inventivité.

 

                        Catégorie 1

 

[76]           Comme pour toutes les questions indiquées par Bauer au paragraphe 67 de ses observations écrites, je souscris à l’opinion de cette partie, comme elle l’a expliqué audit paragraphe 67 (voir aussi les paragraphes 69 et 70), que lesdites questions appellent M. Chenevert à interpréter divers termes du brevet en litige ou à indiquer s’il est d’avis que des éléments dudit brevet se trouvent dans les brevets ou les produits qui constituent l’art antérieur selon ce qu’allègue Easton. Ces questions seront abordées par les témoins‑experts au procès. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à ces questions.

[77]           Il faudra répondre à la question 66 étant donné qu’elle porte sur l’art antérieur des patins à roues alignées qu’Easton entend invoquer.

 

                        Catégorie 2

 

[78]           Les questions en suspens dans cette catégorie exigent à M. Chenevert, comme à la catégorie 1, de spéculer sur une situation hypothétique et de donner son opinion sur le résultat possible. Par conséquent, pour les motifs exposés par Bauer aux paragraphes 73 à 77 de ses observations écrites, il n’est pas nécessaire d’y répondre.

[79]           En conséquence, l’interrogatoire de M. Chenevert est terminé et il n’est pas nécessaire de lui ordonner de répondre à des questions en suspens ou de se présenter de nouveau.

[80]           En ce qui concerne les dépens, les réparations demandées par Easton sont rejetées et les dépens liés à la présente requête sont adjugés en faveur de Bauer en vertu de la colonne III du tarif B puisqu’elle a largement obtenu gain de cause dans la présente requête.

                                                                                                            « Richard Morneau »

Protonotaire

 

Montréal (Québec)

Le 11 septembre 2006

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-237-02

 

INTITULÉ :                                       BAUER NIKE HOCKEY INC.

 

                                                            et

 

                                                            EASTON SPORTS CANADA INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 juillet 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 septembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

François Guay

 

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

Gordon J. Zimmerman

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

Borden Ladner Gervais

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.