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Date : 20060913

Dossier : IMM-7348-05

Référence : 2006 CF 1090

Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

OLUFERANMI AJAYI ADE

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision dans laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) n’a pas reconnu que le demandeur était citoyen nigérian.

 

[2]               En tout état de cause, la Commission n’a pas examiné le bien-fondé de la demande d’asile.

 

[3]               Dans sa décision, le commissaire de la Commission dresse une liste des documents produits pour établir la nationalité du demandeur. Il manquait à cette liste la déclaration d’âge (fait office de certificat de naissance au Nigéria), un affidavit établi par le frère du demandeur pour attester les renseignements sur la naissance de celui-ci.

 

[4]               Non seulement le document en question ne figure-t-il pas sur la liste, mais il n’en est fait aucune mention; rien d’autre ne laisse croire que la Commission l’a analysé.

 

[5]               Outre le document « manquant », la Commission s’est penchée sur l’omission du demandeur d’obtenir un passeport auprès de l’ambassade du Nigéria. Comme le révèle la transcription de l’audience, la Commission a présumé qu’un citoyen nigérian a toujours droit à un passeport. Elle a donc considéré comme un facteur négatif le défaut d’en obtenir un lorsqu’il s’agit d’établir la nationalité de l’intéressé.

 

[6]               Le demandeur a témoigné que l’ambassade du Nigéria l’avait avisé qu’en attendant l’issue de sa demande d’asile, elle ne pouvait l’aider à moins qu’il ne lui remette l’original de sa déclaration d’âge et de son permis de conduire. Les autorités d’immigration canadiennes avaient saisi ces

deux documents, et le demandeur n’avait en main que des copies certifiées conformes, qui étaient, semble-t-il, insuffisantes pour obtenir un passeport nigérian. 

 

[7]               Rien dans la décision de la Commission ne laisse entendre que celle-ci n’a pas cru le témoignage du demandeur quant aux efforts qu’il a déployées à l’ambassade nigériane. La Commission ne fait que présumer qu’un passeport aurait dû être délivré ou qu’il l’a été.

 

[8]               La Cour a statué que la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle applicable à l’établissement de l’identité (Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 863, [2003] A.C.F. no 1103 (QL)). Je suis disposé à retenir cette norme de retenue élevée dans la présente affaire parce que la norme de contrôle applicable n’est pas une question en litige en l’espèce.

 

[9]               Bien qu’il soit établi en droit que la Commission n’a pas à mentionner tous les documents qu’elle a étudiés, on peut réfuter la présomption voulant qu’elle ait examiné toute la preuve qui lui a été soumise.

 

[10]           À mon avis, la preuve réfute la présomption étant donné que la déclaration d’âge touche le coeur même de la question de l’identité. La Commission a clairement rejeté la prétention du demandeur quant à son identité, mais elle n’a fait aucune mention du document clé en question. Cette omission est très révélatrice quand on considère que la Commission a explicitement mentionné et écarté d’autres documents clés et des documents de moindre importance. 

 

[11]           La Commission a également omis de prendre en considération la question du passeport nigérian du demandeur ou a commis une erreur dans son traitement de cette question. Aucun des éléments de preuve généraux présentés à la Commission ne montrait l’obligation de délivrer pareil passeport; le commissaire a simplement présumé sans preuve à l’appui qu’un passeport aurait dû être délivré au demandeur si celui-ci était vraiment citoyen nigérian.

 

[12]           La Commission n’a pas tenu compte du piège dans lequel le demandeur disait se trouver, du fait qu’il n’était pas en mesure d’obtenir un passeport parce que les autorités canadiennes avaient saisi les originaux réclamés par l’ambassade nigériane. Malgré cela, la Commission a tiré une conclusion défavorable de l’incapacité du demandeur d’obtenir un passeport.

 

[13]           Avec le respect que je dois à la Commission, le défaut de prendre en considération des documents clés, la présomption de faits sans preuve à l’appui relativement à l’obtention d’un passeport nigérian, de même que l’omission de tenir compte du témoignage du demandeur quant aux difficultés qu’il a eues à se procurer un tel passeport, sont des éléments qui rendent la décision de la Commission manifestement déraisonnable.

 

[14]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la Commission sera annulée, et l’affaire sera renvoyée pour nouvelle décision à un tribunal différemment constitué de la Commission. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit accordée, que la décision de la Commission soit annulée et que la présente affaire soit renvoyée pour nouvelle décision à un tribunal différemment constitué.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7348-05

 

INTITULÉ :                                       OLUFERANMI AJAYI ADE

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 13 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Johnson Babalola

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

 

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Johnson Babalola

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

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