Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20060914

 

Dossier : T-2096-04

 

Référence : 2006 CF 1097

Montréal (Québec), le 14 septembre 2006

 

En présence de L’honorable Johanne Gauthier

 

 

ENTRE :

RICHARD ANGELL, DOUGLAS ATHERTON,

GUY AUGER, CLAUDE BASTIEN,

MADELEINE BASTIEN, GEORGES BÉDARD,

ANDRÉ BERGERON, DENIS BLAIS,

IRÈNE BLETON, RAYMOND BOUCHER,

ROBERT CATUDAL, DIANE COALLIER

PIERRE COLLETTE, ANDRÉ DESJARDINS,

MARCEL DONTIGNY, MEDELEINE DUFORD-BÉDARD,

MARGUERITE DUMAIS, LARRY ELLIOT,

MAURICE FOUCAULT, PIERRE GRAVEL,

ANDREA GUGLIANDOLO, ROBERT S. JUDE,

JERRY KUZYK, LIETTE LAFOND, MICHEL LAFRAMBOISE,

CLAUDE LANDRY, ROBERT LAURIN,

CHRISTIAN LAVOIE, YVES LEMAY, GÉRARD LEMIEUX,

LILIANE LUPIEN, MICHEL LYMAN,

GAÉTAN MAILHOT, JOHN MCALLISTER, RÉJEAN MCKEOWN,

DENIS MCNAMARA, NORMAND MÉNARD,

RICHARD MIGAS, MARIO NANTEL,

ROMAIN PAQUETTE, FRANÇOIS PICHÉ,

JEAN-GUY PROTEAU, LILLY RAHMANN,

RÉJEAN ROUGEAU, CLAUDE ROULX, JACQUES SAMSON,

MARCEL SAMSON, JULIO SEIZ, GENEVIÈVE SPINEDI,

DUC-THIEU VU ET BRIAN WHEELER

demandeurs 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA,

SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA,

ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les demandeurs en appellent de la décision du protonotaire Richard Morneau qui accueille avec dépens la requête des défendeurs et radie au complet leur demande de contrôle judiciaire. Par le fait même, le protonotaire a aussi rejeté la requête pour amender des demandeurs.

 

[2]               Ils arguent que leur demande de contrôle judiciaire soulève une question nouvelle, complexe et difficile qui justifie qu’on leur donne le droit de parfaire leur preuve et d’être entendus au fond. Il s’agit de la compétence de la Cour fédérale à intervenir dans le cadre d’un contrôle judiciaire lorsque le Ministre du Revenu national manque à son obligation de traiter rapidement une opposition à une cotisation telle que l’exige le paragraphe 165(3)[1] de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), et que le non respect de cette obligation statutaire et du devoir du Ministre d’agir équitablement préjudicie le droit des demandeurs d’avoir une audience juste et équitable sur le mérite de la cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI). Dans ce cadre, la Cour devra s’interroger particulièrement sur les remèdes qu’elle est compétente à adjuger.

 

[3]               Les demandeurs demandent aussi à la Cour d’accueillir la requête pour amendement qui était devant le protonotaire, de même que la nouvelle requête pour ré-amender leur avis de demande  qu’ils ont soumis en même temps que leur appel. Selon les demandeurs, la Cour doit prendre en compte ces nouveaux amendements pour décider de leur appel.


 

[4]               Pour les raisons qui suivent, la Cour a déterminé que l’appel doit être rejeté. La radiation de la demande est confirmée. Les requêtes pour amender sont rejetées.

 

Contexte

[5]               Les cinquante et un demandeurs sont tous devenus associés de Système A.L.H. Enr. (ALH) dans l’année d’imposition 1988.[2] ALH est une société commerciale en nom collectif formée en vertu des lois de l’Ontario dont les objets sont des activités commerciales et des activités de recherche scientifique et de développement expérimental dans les domaines de l’informatique, l’électronique et la formation.

 

[6]               Suite à cet investissement, les demandeurs ont tous réclamé en 1988 leur part des dépenses de recherche scientifique et développement expérimental de ALH et le montant de crédit d’impôt à l’investissement correspondant. En 1989, ils ont reçu un avis de cotisation acceptant ce traitement fiscal. Subséquemment, en 1992, le Ministre émettait des avis de nouvelle cotisation à tous les demandeurs. Les demandes de crédit d’impôt étaient refusées. Toutefois, les dépenses de ALH pouvaient être déduites à titre de dépenses d’entreprise. Outre le capital réclamé, les avis de cotisation incluaient des intérêts.

 

[7]               Les demandeurs ont déposé des avis d’opposition[3] auprès du Ministre entre les mois de


juillet et novembre 1992, à l’encontre de ces avis de nouvelle cotisation.

 

[8]               Comme les déductions et crédits d’impôt avaient été refusés en raison du caractère non-scientifique de la recherche et développement de ALH, le 7 juin 1993, l’agent des appels de Revenu Canada fit une demande pour obtenir l’opinion d’un second conseiller scientifique. Ce rapport lui fut remis le 17 mai 1994.

 

[9]               Au mois d’octobre 1994, un moratoire a été ordonné à l’égard des décisions affectant les dossiers de recherche scientifique et de développement expérimental par le bureau principal de Revenu Canada qui avait alors choisi de prendre le contrôle de tous ces dossiers. À cet époque, Revenu Canada avait recotisé les associés des douze (12) compagnies du groupe ZUNIK, dont ALH.

 

[10]           En juin 1995, Revenu Canada fait une offre de règlement qui ne visait que les compagnies du groupe ZUNIK formées après 1989. Cette offre ne s’adresse donc pas aux demandeurs.

 

[11]           En septembre 1996, en raison d’une surcharge de travail occasionnée par des avis d’appel reçus dans d’autres dossiers, le bureau principal de Revenu Canada demande à la personne chargée d’examiner ces oppositions de retarder l’émission des lettres confirmant l’intention du Ministre de maintenir les nouvelles cotisations.

 

[12]           Dans son affidavit déposé au soutien de la demande, Douglas Atherton indique que tout au long du délai dans le traitement des avis d’opposition, le représentant des demandeurs a demandé avec insistance et à de nombreuses reprises au Ministre et à ses préposés d’accélérer le traitement des oppositions et de prendre position, le tout sans succès. Monsieur Atherton dépose au soutien de cette affirmation diverses lettres envoyées au Ministre et à la Direction générale des appels qui sont datées entre août 1995 et février 1996.

 

[13]           Il convient de noter qu’en septembre 1995, soit un mois après la première lettre des demandeurs mentionnée au paragraphe 11 ci-dessus, Revenu Canada avisait l’avocat représentant les demandeurs que compte tenu que plus de quatre-vingt‑dix (90) jours s’étaient écoulés depuis la signification des avis d’opposition, ceux-ci pouvaient, s’ils le désiraient, en appeler à la CCI sans avoir à attendre la conclusion de l’évaluation ministérielle (pièce 6(g)).

 

[14]           Dans une lettre au Ministre datée du 6 février 1996 (pièce P-12(a)), le représentant des demandeurs indique que donner suite à cette recommandation de s’adresser aux tribunaux engorgerait considérablement le système judiciaire sans contribuer le moindrement à solutionner les aspects problématiques de ces dossiers. Il réfère aussi spécifiquement à l’obligation de diligence prévue au paragraphe 165(3) de la Loi.

 

[15]           Dans une lettre datée du 10 juillet 1996 (pièce P-12(b)), le représentant des demandeurs indique au Ministre qu’un délai supplémentaire « ne manquerait pas de rendre plus importants » deux problèmes, soit celui de débattre l’état des connaissances scientifiques qui circulaient dans les milieux concernés quelque dix ans plus tôt avec toutes les difficultés de preuve et les imprécisions entraînées par un tel écart temporel, et celui de garder à jour les coordonnées des opposants. Le 26 juillet 1996, le bureau du Ministre informait les demandeurs qu’une réponse était éminente (pièce P-12(c)).

 

[16]           Le Ministre n’ayant ni ratifié, ni annulé ou modifié les avis de nouvelle cotisation en octobre 1998, les demandeurs ont inscrit leur avis d’appel à la CCI[4].

 

[17]           Aux paragraphes 47 et 48 de son affidavit, monsieur Atherton indique que, compte tenu de la longue période de temps écoulée depuis l’année d’imposition de 1988, il était devenu impossible au moment du dépôt des avis d’appel pour les demandeurs de s’acquitter du fardeau de preuve que la Loi leur impose. Selon lui, ceci constitue une atteinte grave et sérieuse à l’équité procédurale et a causé et continue de causer des préjudices importants tant moraux que matériels aux demandeurs.

 

[18]           Bien qu’aucune preuve n’ait été déposée au dossier à cet égard, les demandeurs ont avisé la Cour à l’audience qu’ils ont déposé un désistement conditionnel à la CCI et qu’une remise leur a été accordée. Leurs procureurs ont aussi indiqué qu’environ 550 autres dossiers similaires d’associés dans d’autres compagnies sont en attente devant la CCI.

 

[19]           Comme l’indique le protonotaire, la Cour doit normalement permettre aux demandeurs d’amender leur avis de demande à moins qu’il ne soit clair et évident que ces amendements sont voués à l’échec. Il a donc décidé d’examiner le bien-fondé de la requête en radiation en tenant pour acquis que les amendements mis de l’avant par les demandeurs se retrouvaient bel et bien dans l’avis de demande.

 

[20]           Le protonotaire a examiné les remèdes suivants mis de l’avant par les demandeurs (paragraphe 11 de la décision) :

 

a.       l’arrêt définitif du processus de cotisation et de perception à l’égard des demandeurs relativement à l’année d’imposition 1988 et autres années concernées suite à l’investissement par les demandeurs, en 1988, dans la société Système ALH Enr. (ci-après « ALH »);

b.      l’annulation des avis de nouvelle cotisation émis aux demandeurs pour l’année d’imposition 1988 et autres années concernées, suite à l’investissement par les demandeurs dans ALH;

c.       l’extinction par prescription des sommes réclamées aux demandeurs aux termes des avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1988 et autres années concernées suite à l’investissement par les demandeurs dans ALH;

d.      l’octroi de dommages-intérêts aux demandeurs pour le préjudice causé par le défaut du Ministre et d l’ADRC de rendre une décision;

e.       la déclaration à l’endroit des défendeurs à l’effet que le défaut caractérisé des défendeurs de se conformer à leur obligation de diligence prévue à 165(3) LIR constitue une fin de non-recevoir à l’endroit de toute poursuite ou mesure de recouvrement des montants exigibles aux termes des avis de nouvelle cotisation et dans le but de traiter tous les demandeurs sur un même pied d’égalité, le remboursement avec intérêts, s’il y a lieu, de toute somme versée par les demandeurs en satisfaction des avis de nouvelle cotisation;

f.        l’autorisation pour les demandeurs d’exercer tout recours subsidiaire approprié;

g.       de façon subsidiaire et sans limiter ce qui précède, une ordonnance à l’endroit des défendeurs les enjoignant d’annuler tous les intérêts courus depuis la date de dépôts des avis d’opposition;

h.       l’octroi aux demandeurs de tout autre remède que la Cour considère juste et approprié.

 

[Les amendements qui étaient devant le protonotaire sont soulignés.]

 

[21]           À cet égard, il a examiné les motifs suivant formulés dans l’avis de demande (paragraphe 12 de la décision) :

 

a.       les défendeurs ont fait défaut de respecter leur obligation d’agir avec diligence énoncée à l’article 165(3) de la LIR et leur devoir d’agir équitablement en vertu des principes du droit administratif canadien;

b.      les défendeurs ont porté atteinte aux droits des demandeurs à la sécurité de la personne et à la protection contre tout traitement cruel et inusité, reconnus par les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »);

c.       l’article 50 de la Loi d’exécution du budget de 2004 (L.C. 2004, ch. 22) édictant l’article 222 de la LIR, qui établit le délai de prescription de dix ans des dettes fiscales fédérales payables en vertu de la LIR, n’a pas d’effet rétroactif;

d.      même si l’article 50 précité avait un effet rétroactif, l’article 222 de la LIR, tel que rédigé, est discriminatoire et porte atteinte au droit des demandeurs à l’égalité reconnue par l’article 15 de la Charte canadienne.

 

[22]           Essentiellement, le protonotaire a accueilli la requête en radiation parce qu’il a conclu que la Cour n’avait pas compétence pour accorder les remèdes décrits aux paragraphes 20a), b) et e) ci-dessus.

 

[23]           Pour ce qui est de l’extinction par prescription (paragraphe 20c)), le protonotaire a conclu que « ce remède n’a clairement et de façon évidente aucune cause d’action raisonnable ». Cette conclusion n’est pas contestée en appel par les demandeurs qui ont confirmé par écrit qu’ils se désistaient de leurs conclusions concernant la prescription (paragraphes 20c) et 21c) et d) ci-dessus).

 

[24]           Pour ce qui est de l’octroi de dommages et intérêts pour le préjudice allégué, le protonotaire a aussi conclu que la Cour n’avait pas ce pouvoir dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Les demandeurs ont confirmé à l’audience qu’ils ne contestent pas cette conclusion.

 

[25]           À l’audience, la Cour avait demandé aux parties de considérer la possibilité de s’entendre pour convertir la demande de contrôle judiciaire en une action afin de permettre aux demandeurs d’obtenir les dommages et intérêts qu’ils réclament. Les demandeurs ont alors indiqué que c’est après mûre réflexion qu’ils avaient choisi d’intenter une demande de contrôle judiciaire au lieu d’une action. Les défendeurs ont par ailleurs précisé qu’une telle conversion soulèverait un problème de prescription même si l’action portait la date de dépôt de l’avis de demande.

 

[26]           Le protonotaire a déterminé que la Cour ne pouvait exercer le pouvoir discrétionnaire du Ministre prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi afin d’annuler les intérêts courus sur des créances fiscales. La conclusion décrite au paragraphe 20g) constituait donc, selon lui, un emploi abusif des procédures de la Cour et ne révélait aucune cause d’action.

 

[27]           Finalement, compte tenu que les remèdes décrits au paragraphe 20f) et h) se retrouveraient seuls, les autres remèdes ayant été radiés, le protonotaire a conclu qu’ils ne pouvaient révéler une cause d’action raisonnable et qu’ils constituaient en ce sens des abus de procédure. Ils ne répondaient pas selon lui aux exigences du paragraphe 301 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

 

[28]           Tel que mentionné, les demandeurs ont déposé une demande afin de ré-amender leur avis de demande pour y ajouter les motifs suivants :

 

e.   Les défendeurs, de par leurs agissements, ont privé les demandeurs de leur droit d’appel prévu à l’article 169 LIR, et de ce fait, priveront les demandeurs de la jouissance de leurs biens, dans des circonstances où cette privation ne résulte pas de l’application régulière de la loi au sens du paragraphe 1a) de la Déclaration canadienne des droits, 8-9 Élizabeth II, c. 44 (Canada) dans L.R.C. (1985), App III.

 

f.        Les articles 165 et 169 LIR, et 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales ne devraient pas s’interpréter ni s’appliquer de façon à priver les demandeurs de leur droit à la jouissance de leurs biens et à une audition impartiale de leur cause, ni s’interpréter et s’appliquer de manière à priver les demandeurs d’un remède utile en cas de privation de ces droits énoncés aux paragraphes 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

[29]           Les parties ont aussi demandé à la Cour de suspendre son délibéré jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale rende une décision dans Addison & Leyen Ltd. et al. c. Sa Majesté, 2006 CAF 107,  [2006] F.C.J. no 489 (CA) (QL), et que les parties aient eu l’opportunité de soumettre des représentations additionnelles à l’égard de cette décision.

 

Questions en litige

[30]           Comme les parties s’entendent que la Cour doit réviser cette affaire de novo, elles ont présenté des arguments sur les questions suivantes :

i)                    La Cour peut-elle considérer les amendements mis de l’avant par les demandeurs dans son analyse de la requête en radiation et de l’appel de la décision du protonotaire Morneau?

ii)                   Est-il clair et évident que compte tenu du libellé de l’avis de demande de contrôle judiciaire, y compris les amendements et/ou ré-amendements, que les demandeurs n’ont aucune chance de succès?

 

 

Analyse

[31]           La Cour est d’accord avec les parties que les questions soulevées dans la requête en radiation des défendeurs sont déterminantes à l’issue de l’affaire. Elle doit donc procéder à une audition de novo et exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début (Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 et Merck & Co. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1925 (CA) (QL), 2003 CAF 291 aux par. 19, 25).

 

i)          Requête pour amender

 

[32]           L’application de cette norme ne signifie pas pour autant que la Cour est libre de considérer  de la nouvelle preuve ou des faits nouveaux. En effet, la jurisprudence énonce clairement que la Cour doit exercer sa propre discrétion sur la base du dossier tel qu’il existait ou était constitué devant le protonotaire.

 

[33]           En l’espèce, les demandeurs arguent qu’ils ne tentent pas de déposer de la nouvelle preuve ou d’introduire de nouveaux faits[5] et que la permission d’amender, en vertu du paragraphe 75 des Règles, leur permettra seulement d’ajouter un nouvel argument de droit. Cet argument viendra étayer leur position selon laquelle leur demande est fondée sur une cause raisonnable d’action qui est supportée par la preuve qui est déjà au dossier, soit l’affidavit de monsieur Atherton, particulièrement les affirmations quant à l’impact du délai sur la capacité des demandeurs d’avoir une audience juste et équitable devant la CCI.

 

[34]           Les défendeurs soumettent que l’avis de demande est, en soi, un fait matériel qui fait partie des éléments du dossier qui ne peuvent être modifiés pour les fins du présent appel.

 

[35]           Les parties n’ont soumis aucun précédent où la Cour a eu à examiner une telle question.

 

[36]           Normalement, lorsqu’il n’y a aucune indication de la part des parties qu’il manque de la preuve pertinente pour trancher une question de droit et que l’autre partie ne subit pas de préjudice, la Cour doit considérer l’argument de droit qui est nouveau en appel (Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458 au par. 51 et 671905 Alberta Inc. c. Q'Max Solutions Inc, [2003] A.C.F. no 873 (C.A.) (QL), 2002 CFPI 1293 au par. 35).

 

[37]           Il est évident que même si les demandeurs ont aussi demandé la permission de déposer un affidavit supplémentaire, il faut que les faits déjà au dossier et que la Cour doit tenir pour avérés, soient suffisants pour trancher la question. Si cela n’était pas le cas, la Cour devrait nécessairement refuser d’examiner la nouvelle question et par analogie ici, refuser de tenir compte des nouveaux amendements proposés.

 

[38]           La Cour n’est pas convaincue que les demandeurs tentent d’ajouter un nouveau motif comme par exemple, s’ils invoquaient que le Ministre, en plus de n’avoir pas examiné l’avis d’opposition avec diligence, les avait empêchés de lui faire des représentations ou de lui soumettre de la preuve. À toutes fins pratiques, les demandeurs ajoutent une référence à une disposition législative additionnelle qui supporte l’interprétation du paragraphe 165(3) de la Loi qu’ils ont déjà inclus dans leur avis de demande et comme je l’ai dit, ils ne tentent pas d’introduire une référence à des faits, actes ou agissements nouveaux. [6]

 

[39]           Dans ce contexte, il est évident que l’amendement recherché permettrait de déterminer les véritables questions entre les parties et ne résulterait pas en un préjudice qui ne peut être compensé par des dépens sur la requête en première instance et sur l’appel. Les défendeurs ont, de plus, eu l’opportunité dans leur mémoire de présenter leurs arguments sur le fond à l’égard d’une application possible des articles 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

[40]           Quoi qu’il en soit, il n’est opportun de trancher cette question que si les nouveaux amendements ajoutent véritablement au débat. Ayant analysé le mérite de la requête en radiation, à la lumière de ces nouveaux amendements, la Cour a conclu qu’ils n’avaient pas cet effet. Il n’y a donc pas lieu de trancher la question à savoir si les demandeurs peuvent ré-amender l’avis de demande pour les fins de l’appel.

 

ii)         La requête en radiation

[41]           Bien que les parties s’entendent sur ce point, il est important de rappeler le test que la Cour doit appliquer pour déterminer s’il y a lieu de radier la demande. Un avis de demande ne sera pas radié sans une audience sur le fond à moins qu’il ne soit clair et évident qu’il n’y a aucune chance de succès : David Bull Laboratories Canada Inc. c. Pharmacia Inc.,  [1995] 1 CF 588 (CAF).


 

[42]           Comme le rappelle la juge Karen Sharlow dans Addison & Leyen, précitée, le test est sévère car, généralement, il est plus efficace pour la Cour de se prononcer sur de tels arguments à l’audience sur le fond plutôt que sur une requête. Si une requête en radiation est rejetée, les procédures interlocutoires auront été une perte de temps.

 

[43]           De plus, par analogie avec une requête visant à radier une déclaration, les faits énoncés dans l’avis de demande, s’il en est, et dans l’affidavit de monsieur Atherton sont présumés vrais[7] (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 1959 au par. 979 et Addison  & Leyen, précitée, au par. 6).

 

[44]           Les parties ont clairement mis beaucoup d’effort dans la préparation de leur argumentation. Elles ont soumis une jurisprudence volumineuse et ont débattu de très nombreux principes qui n’ont pas tous la même importance pour décider de la question en litige.

 

[45]           Bien que la Cour ait examiné minutieusement tous et chacun des arguments et la jurisprudence mis de l’avant par les demandeurs, il ne sera pas nécessaire de les commenter tous en détail.

 

[46]           Avant d’analyser les arguments présentés, il est utile de décrire les divers principes qui se dégagent dans la jurisprudence soumise par les parties dont plusieurs sont repris et confirmés par la Cour d’appel fédérale dans Addison & Leyen, précitée.

 

[47]           D’abord, la Loi prévoit très précisément comment s’établit l’obligation fiscale primaire d’un contribuable (primary tax liability – voir Addison & Leyen, précitée, au par. 36 et 39). Elle prévoit aussi comment les contribuables peuvent contester ces cotisations.

 

[48]           Une fois qu’il a été cotisé, un contribuable a deux façons de contester le bien-fondé de cette décision. Il doit d’abord demander une révision administrative par le biais d’un avis d’opposition. Quatre-vingt-dix (90) jours après la signification de son avis d’opposition, que cette révision administrative soit complétée ou non, il peut demander une révision judiciaire de la cotisation en déposant un avis d’appel à la CCI.

 

[49]           En édictant l’alinéa 169(1)b) de la Loi et le paragraphe 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, le législateur a donné compétence exclusive à la CCI pour examiner le mérite d’une cotisation (Walker c. Canada, [2005] A.C.F. no 1957 (CAF) (QL), Addison & Leyen, précitée, au par. 48). Une fois qu’une décision du Ministre est rendue suite à une opposition, elle ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire (Webster c. Canada, 2003 CFPI 296, [2003] A.C.F. no 1569 au par. 20 (CA) (QL)).

 

[50]           Bien que le législateur indique spécifiquement que le Ministre doit examiner avec diligence les avis d’opposition, il ne prévoit pas de conséquence spécifique dans la Loi en cas de défaut (Addison & Leyen, précitée, au par. 41).

 

[51]           En effet, bien que le contribuable puisse en appeler à la CCI quant au mérite, celle-ci ne peut prendre en compte un manquement du Ministre à l’obligation prévue au paragraphe 165(3) de la Loi lorsqu’elle examine le bien-fondé de la cotisation, ou d’une décision du Ministre suite à une opposition (Addison & Leyen, précitée, au par. 44).

 

[52]           Avant qu’une décision soit rendue par le Ministre, la Cour fédérale est compétente pour contrôler la légalité du processus de révision administrative en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Elle peut émettre un mandamus  pour forcer le Ministre à prendre une décision ou émettre un jugement déclaratoire à l’effet que le Ministre a manqué à son obligation de diligence. À cet égard, dans Hillier c. Canada, [2001] A.C.F. no 197 (CA) (QL), la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’un tel manquement devait être considéré par le Ministre si une demande lui était faite de renoncer aux intérêts et aux pénalités en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi (voir aussi Cole c. Canada (Attorney General)[8], 2005 CF 1445, [2005] F.C.J. 1764 (QL) et Addison & Leyen, précitée, au par. 41). Dans ce cadre, un jugement déclaratoire pourrait être utile au contribuable.

 

[53]           La Cour fédérale demeure compétente pour contrôler d’autres erreurs révisables ou manquements au devoir du Ministre d’agir équitablement (voir par exemple Scott Slipp Nissan Ltd. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1096, [2004] A.C.F. no 1327 (QL)).

 

[54]           Toutefois, même si la Cour fédérale est compétente pour contrôler la légalité de ce processus administratif, l’annulation de la cotisation émise ou d’une nouvelle cotisation n’est pas une réparation appropriée pour remédier à un retard indu dans l’examen d’une opposition (Bolton c. Reine, [1996] 200 N.R. 303 (CAF); James c. Canada (Ministre du revenu national)-MRN, [2000] A.C.F. no 2135 (CA) (QL), particulièrement les paragraphes 11 à 21). Il appert de ces décisions et de Addison & Leyen, précitée, que ceci découle principalement du fait que le législateur a donné aux contribuables les outils nécessaires pour contrôler les délais dans lesquels le Ministre doit s’exécuter, soit entre autres, l’appel à la CCI et le mandamus.

 

[55]           La Cour comprend de ces décisions que si un contribuable décide qu’il est important pour lui d’obtenir une décision administrative, il a l’opportunité d’attendre plus de 90 jours avant de s’adresser à la CCI. Mais, il doit alors s’assurer que ce délai dans l’exercice de son droit d’appel ne lui cause pas de préjudice indu. À cet égard, il est d’ailleurs en meilleure position que le Ministre puisqu’il a normalement en main tous les éléments pour déterminer si un délai peut lui causer un préjudice ou non. Dans une telle éventualité, puisque c’est lui qui gère ces recours, il peut demander un mandamus ou simplement en appeler à la CCI en vertu du paragraphe 169(1)a) de la Loi.

 

[56]           Le régime législatif permet donc une grande flexibilité. Aux recours mentionnés ci-dessus, le droit commun ajoute aussi la possibilité pour un contribuable de demander des dommages et intérêts qui pourraient être égaux à la somme pour laquelle il a été cotisé lorsque la conduite du Ministre constitue un abus de pouvoir (voir  Obonsawin c. Canada, 2004 TCC 3, [2004] T.C.J. no 68 (QL)).

 

Circonstances particulières de la présente affaire

[57]           Les demandeurs arguent que leur demande ne vise pas le bien-fondé des cotisations émises contre eux, mais bien la légalité du processus de révision administrative puisque le Ministre n’a toujours pas rendu une décision suite à leurs oppositions. Ils concluent donc que la Cour a compétence pour considérer leur demande.

 

[58]           Pour appuyer cette position, ils soumettent que les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Bolton et James, précités, au paragraphe 51 ci-dessus, et dans Canada c. Ginsberg, [1996] 3 C.F. 334 (CAF), (sur laquelle la décision de la Cour dans Bolton s’appuyait en partie), ne s’appliquent pas ou ne devraient pas lier la Cour en l’espèce pour les raisons suivantes :

i)          ces décisions ont été rendues avant que la Cour d’appel fédérale  ne développe dans Society Promoting Environmental Conservation c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 239, [2003] F.C.J. 861 (CA) (QL) (ci-après, SPEC), l’analyse pragmatique et fonctionnelle qu’il convient maintenant d’appliquer pour déterminer les conséquences juridiques de l’inobservation d’une obligation telle que celle prévue au paragraphe 165(3) de la Loi.

Selon les demandeurs, lorsqu’on applique une telle approche, il devient évident que la Cour fédérale peut dans les cas appropriés annuler une cotisation de même que d’autres décisions ultérieures du Ministre viciées par une telle violation de la Loi.

ii)         La Cour d’appel n’a jamais eu à se prononcer sur l’impact des articles 7 et 12 de la Charte ou des articles 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits, et du concept de la fin de non-recevoir (article 1457 du Code civil du Québec) lorsque la violation de l’obligation prévue au paragraphe 165(3) de la Loi a pour conséquence d’enlever au contribuable son droit d’appel et son droit à une audition juste et équitable en CCI. Ici, selon eux, la conduite du Ministre a vidé ce droit d’appel de tout son sens. Son retard à agir a rendu ce droit purement théorique et leurs appels caducs.

iii)         La décision de la Cour d’appel fédérale dans Addison & Leyen, précitée, constitue une avancée majeure dans la redéfinition des pouvoirs de surveillance et de contrôle de la Cour fédérale à l’endroit du Ministre et de ses préposés dans l’accomplissement de leurs pouvoirs discrétionnaires. En outre, la Cour d’appel affirme au paragraphe 73 que, dans la mesure où l’exercice de la discrétion du Ministre est soumis au contrôle judiciaire, rien n’empêche la Cour fédérale d’accorder un remède analogue à l’annulation d’une cotisation. Selon les demandeurs, c’est précisément l’exercice d’une telle discrétion qui est en cause dans la présente demande puisque, suivant le paragraphe 165(3) de la Loi, le Ministre a une discrétion limitée pour rendre avec diligence sa décision sur opposition. Finalement selon les demandeurs, dans Addison & Leyen, la Cour d’appel fédérale aborde la question de la réparation adéquate et des recours alternatifs et indique que la Cour fédérale n’a pas à décliner juridiction au motif qu’il existe un droit d’appel en CCI ou un droit de demander une annulation discrétionnaire des intérêts et pénalités ni même un droit d’intenter une action en dommages. Elle confirme aussi que la contestation d’une décision administrative doit d’abord être faite par voie de demande de contrôle judiciaire (Canada c. Grenier, [2006] 2 R.C.F. 287 (C.A.F.)).

iv)        Les remèdes alternatifs en l’espèce ne sont pas satisfaisants puisqu’ils ne peuvent, à toutes fins pratiques, bénéficier d’un appel à la CCI, et qu’un mandamus en l’espèce ne remédierait pas au préjudice qui a déjà été causé par le retard à examiner leurs oppositions.

 

[59]           Il est aisé de constater que l’allégation à l’effet que le Ministre a, par sa conduite, préjudicié irrémédiablement le droit des demandeurs d’en appeler du mérite de leurs cotisations à la CCI et de bénéficier d’une audience juste et équitable, est au cœur de presque tous les arguments mis de l’avant par les demandeurs.

 

[60]           C’est donc cette prémisse qui sera examinée en premier. À cet égard, les demandeurs soumettent que le protonotaire s’est trompé en ignorant qu’il devait tenir pour avérés les allégations contenues aux paragraphes 47 et 48 de l’affidavit de monsieur Atherton de même que le défaut du Ministre allégué au paragraphe 4a) de l’avis de demande.

 

[61]           Pour les fins du présent appel, la Cour accepte comme avéré que par le passage du temps entre le dépôt des avis d’opposition et le dépôt des avis d’appel, les demandeurs ont perdu la possibilité de présenter une preuve complète pour se défendre adéquatement. Dans son affidavit, monsieur Atherton ne donne aucun détail sur ce qui empêche les demandeurs de se défendre. Toutefois, la pièce 12(b) de son affidavit apporte un certain éclairage à cet égard, puisqu’elle mentionne que c’est la preuve des connaissances scientifiques de 1988 qui est au cœur du débat. Et ceci n’est probablement qu’un aspect du problème décrit par monsieur Atherton.

 

[62]           Naturellement, cette allégation de fait présuppose que les demandeurs avaient accès à cette preuve ou à tout ce qu’il leur fallait pour se défendre à un moment donné et qu’ils ont perdu cet accès après un délai raisonnable suite au dépôt de leurs avis d’opposition en 1992. Les demandeurs n’ont pas argué que le Ministre aurait pu rendre sa décision avant l’expiration des premiers 90 jours de la réception de leurs avis d’opposition. Dans son affidavit, monsieur Atherton indique que le Ministre était en fait en position pour prendre sa décision dès 1994.

 

[63]           Il n’y a aucune allégation à l’effet que les demandeurs ont perdu leur habilité à défendre le bien-fondé de leur opposition et de l’appel avant l’expiration de ce délai de 90 jours.

 

[64]           Même si certaines pièces à l’affidavit contredisent en partie l’affirmation contenue au paragraphe 46[9] et qu’il n’est pas évident qu’il s’agit là d’un fait plutôt qu’une allégation mixte de fait et de droit, la Cour accepte aussi comme avéré que le Ministre est le seul responsable du long délai à traiter les oppositions. Toutefois, une telle affirmation ne concerne que les délais dans le processus de révision administrative. Monsieur Atherton n’atteste d’aucun fait qui indique ou implique que le Ministre ou ses préposés ont empêché de quelque façon que ce soit les demandeurs de déposer avant 1998, un avis d’appel, droit que leur confère directement la Loi (alinéa 169(1)a)). Le paragraphe 4a) de l’avis de demande n’est d’aucun secours à cet égard.

 

[65]           Comme je l’ai déjà indiqué en décrivant le contexte, certaines pièces déposées par l’affiant (pièces 6b) et 12) indiquent plutôt que le Ministre a expressément souligné aux demandeurs qu’ils n’avaient pas à attendre sa décision pour aller en appel et que c’est en pleine connaissance de cause que ceux-ci ont choisi d’attendre. Ils étaient alors dûment représentés par avocat et il est évident de la correspondance que celui-ci savait bien que le passage du temps affectait l’accès à la preuve


nécessaire pour étayer les arguments des demandeurs devant la CCI.

 

[66]           Dans son affidavit, monsieur Atherton ne traite pas du tout de ce qui empêchait les demandeurs d’exercer les recours dont ils disposaient soit de demander l’émission d’un mandamus ou de déposer un avis d’appel à la CCI en temps utile, c'est-à-dire avant que leur habilité à se défendre en appel ne soit affectée.

 

[67]           La Cour ne peut présumer qu’un tel empêchement existait.

 

[68]           Comme ils étaient en droit d’exercer ces recours en tout temps, dès l’expiration du délai prévu à l’alinéa 169(1)b), il semble que les demandeurs avaient choisi de miser sur la révision administrative plutôt que sur la révision judiciaire.

 

[69]           Quoi qu’il en soit, la Cour ne peut considérer comme avéré que les demandeurs ne pouvaient en appeler du mérite de leurs cotisations à la CCI ou d’obtenir un mandamus en temps utile c'est-à-dire avant qu’ils ne subissent le préjudice décrit dans l’affidavit de monsieur Atherton.

 

[70]           Ceci étant dit, j’examinerai maintenant les arguments de droit mis de l’avant par les demandeurs.

 

[71]           D’abord, ils soumettent que la Cour n’est pas liée par les décisions dans Bolton et James, parce que les faits de la présente demande diffèrent sur un point essentiel, soit qu’ils ne peuvent bénéficier d’un appel à la CCI.

[72]           Dans Bolton, confirmé par James, la Cour d’appel fédérale a conclu :

 

[3]        Dans l'affaire La Reine c. Ginsberg (No de greffe A-242-94) jugée la semaine dernière, nous avons conclu que ce n'était pas l'intention du législateur que le défaut du ministre d'examiner une déclaration et d'établir une cotisation "avec toute la diligence possible", comme l'exige le paragraphe 152(1) [Voir Note 1 ci-dessous], le prive des pouvoirs que lui accorde la Loi d'établir une cotisation.  Le raisonnement suivi dans cette affaire s'applique avec encore plus de force ici : le législateur n'entendait clairement pas que le défaut du ministre d'examiner de nouveau une cotisation avec toute la diligence possible ait pour effet d'annuler la cotisation.  En cas d’inaction de la part du ministre, le contribuable a pour recours l’appel prévu à l’article 169. [...]                                      [mon souligné]

 

 

[73]           Les demandeurs ne contestent pas que l’analyse pour déterminer les conséquences de l’inobservation d’une obligation statutaire est axée sur l’intention du législateur. Je reviendrai plus loin sur leur argument fondé sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans SPEC.

 

[74]           Selon eux, même s’ils avaient clairement le pouvoir d’en appeler en vertu de l’alinéa 169(1)b) de la Loi et le droit d’obtenir un mandamus bien avant 1998, la Cour doit déterminer les conséquences du défaut du Ministre en tenant compte non pas de ces droits mais plutôt que dans les faits, au moment où ils ont finalement décidé d’exercer leur droit d’appel, il était trop tard car ce recours était devenu théorique. Ils n’ont donc jamais pu contester le mérite de leurs cotisations.

 

[75]           Si elle adoptait ce raisonnement, la Cour devrait conclure que le législateur voulait que le contribuable qui, face à un même défaut du Ministre, agit avec diligence, devra nécessairement débattre du bien-fondé de sa cotisation avant d’en obtenir l’annulation alors que le contribuable qui reste passif  et n’utilise pas les outils mis à sa disposition dans la Loi[10], pourra obtenir l’annulation de sa cotisation sans égard au bien-fondé de celle-ci et ainsi priver ses concitoyens de sa contribution au fardeau fiscal.

 

[76]           Selon moi, il est clair et évident qu’une telle conclusion est illogique. La Cour ne peut, sur la base des faits mis de l’avant par les demandeurs, refuser d’appliquer la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale qui la lie.

 

[77]           À cet égard, les demandeurs ont par ailleurs soumis que la Cour n’est pas liée par Bolton, Ginsberg et James, puisque ces décisions « datent », particulièrement, lorsque l’on considère la nouvelle approche fonctionnelle et pragmatique adoptée dans SPEC.

 

[78]           Il est vrai que dans cette affaire, le juge Evans décrit d’une façon plus élaborée et systématique, l’approche à suivre pour déterminer si l’inobservation d’une obligation statutaire implique que la mesure administrative ainsi affectée, doive être annulée.

 

[79]           Toutefois, une lecture attentive de cette décision indique que l’approche décrite par le savant juge n’est pas nouvelle. Elle est fondée sur des principes énoncés plusieurs années auparavant et que de fait, la Cour d’appel fédérale a considéré et essentiellement appliqué dans Ginsberg et Bolton[11]. Comme dans SPEC, la Cour d’appel fédérale dans Ginsberg et Bolton a axé son analyse sur l’intention du législateur et il n’y a rien dans l’approche adoptée dans SPEC qui permette à la Cour de mettre de côté les conclusions adoptées dans ces affaires et que la Cour d’appel a plus récemment confirmé dans James, ci-dessus.

 

[80]           Toutefois, il est vrai que certains arguments des demandeurs n’ont pas été analysés dans ces décisions (voir par. 57 ii)). Est-ce que cela implique nécessairement comme le soumettent les demandeurs qu’il n’est pas clair et évident qu’ils ne peuvent obtenir l’annulation de leurs cotisations et les autres remèdes recherchés?

 

[81]           Il est effectivement tentant d’adopter cette conclusion facile qui évite l’examen du mérite des arguments mis de l’avant par les demandeurs. Toutefois, nouveauté et complexité ne sont pas synonymes de chance de succès, et la Cour ne peut conclure sur cette seule base qu’il n’est pas clair et évident que la demande n’a pas de chance de succès.

 

[82]           Disons d’abord quant à l’impact des articles 7 (atteinte à la vie et à la sécurité de leurs personnes) et 12 (protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités) de la Charte, que les demandeurs s’en sont remis entièrement aux représentations écrites appuyant leur requête devant le protonotaire. Celles-ci sont brèves et générales. Comme le protonotaire Morneau, la Cour est satisfaite qu’il n’y a aucun doute que ces dispositions n’ont pas d’application en l’espèce et que la demande fondée sur un manquement à cet égard n’a aucune chance de succès. L’article 7 de la Charte ne protège pas les intérêts économiques d’un individu et il est évident que les faits en l’espèce ne mettent pas en jeu un comportement incompatible avec la dignité humaine, élément nécessaire à l’application de l’article 12.  Il n’est pas utile d’en dire plus à ce sujet.

 

[83]           Qu’en est-il de la référence aux articles 1a) et 2b) de la Déclaration canadienne des droits que les demandeurs veulent ajouter à ce stade-ci (voir texte à l’annexe 1)?

 

[84]           Pour les fins de la présente requête, la Cour est prête à assumer sans en décider, que ces deux dispositions s’appliquent aux circonstances en l’espèce. L’article 1a) protège leur droit à la jouissance de leurs biens sans l’application régulière de la Loi (règles de justice naturelle) et l’article 2e), le droit à une audition impartiale devant toute instance civile appelée à définir leurs droits; Air Canada c. Canada (Procureure Générale), [2003] R.J.Q. 322 (CAQ) par. 47 et Canadian Committee for the Tel-Aviv Foundation c. R., 2002 CAF 72 au par. 21.

 

[85]           Les demandeurs reconnaissent que la Loi tel que libellée n’enfreint pas les principes énoncés aux articles 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits puisqu’il est évident que le législateur a prévu un droit à une audition impartiale. Comme l’indique les défendeurs aux termes du paragraphe 169(1) de la Loi et des articles 3 et 12 sur la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, les demandeurs avaient droit à une audition devant un tribunal constitué en Cour supérieure d’archives offrant les plus hautes garanties d’équité procédurale.

 

[86]           C’est donc plutôt au niveau de l’application de la Loi que le problème se situe.

 

[87]           À cet égard, les demandeurs indiquent qu’ils ont une cause raisonnable d’action à faire valoir lorsqu’ils prétendent que l’effet conjugué du défaut du Ministre de ratifier avec diligence les cotisations en litige et l’interprétation trop stricte de la limitation prévue à l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales ont pour conséquence directe la suppression de ce droit garanti dans la Déclaration canadienne des droits.

 

[88]           Disons d’abord que comme je l’ai indiqué au paragraphe 52 et 53 ci-dessus, il est acquis, selon moi, que la Cour a compétence pour examiner la légalité du processus d’opposition en l’absence d’une décision du Ministre. L’argumentation sophistiquée des demandeurs n’ajoute donc rien à cet égard[12]. L’obstacle auquel font face les demandeurs n’a pas à voir avec l’interprétation du paragraphe 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales qui donne juridiction exclusive à la CCI pour décider du mérite d’une cotisation.

 

[89]           Les demandeurs ajoutent aussi que compte tenu de la Déclaration canadienne des droits, le législateur ne peut avoir eu l’intention de permettre au Ministre d’entraver leurs droits quasi constitutionnels sans que cela n’entraîne la nullité de leurs cotisations ou la possibilité pour la Cour d’accorder les autres remèdes listés dans leur avis de demande. Ici, l’argument fondé sur les articles 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits se mêle à celui fondé sur l’analyse fonctionnelle et pragmatique préconisée dans SPEC.

 

[90]           La Déclaration canadienne des droits protège le droit à une audition impartiale devant la Cour canadienne de l’impôt, mais elle ne protège pas les demandeurs contre la perte de ce droit qui découle de leur défaut d’exercer ce droit en temps utile.

 

[91]           Comme je l’ai expliqué aux paragraphes 59 à 69, la Cour ne peut en l’espèce tenir pour avéré que les demandeurs n’étaient pas en mesure d’exercer leur droit d’appel avant 1998. Dans le cadre particulier de cette demande et sur la base des faits mis de l’avant par les demandeurs, la référence à ces nouvelles dispositions ne peut changer la conclusion adoptée par la Cour d’appel fédérale dans Ginsberg et James. Ce nouvel argument n’a pas plus de chance de succès que celui fondé sur la « nouvelle » approche adoptée dans SPEC (par. 77 à 79 ci-dessus).

 

[92]           Les demandeurs soumettent qu’ils peuvent demander l’arrêt du processus de recouvrement en se fondant sur le principe de droit civil de la fin de non-recevoir (Banque canadienne nationale c. Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339; Pintendre Autos Inc. c. R., 2003 CCI 818, par. 16 à 19).  Ils indiquent qu’il ne s’agit pas ici d’invoquer une préclusion promissoire ou un autre concept similaire de common law. Le concept de fin de non-recevoir sur lequel s’appuient les demandeurs, découle de l’application des règles de responsabilité (art. 1457 Code civil du Québec). Ils soumettent que puisque fondée sur la responsabilité civile, une telle notion ne peut être soulevée que devant les tribunaux qui ont compétence pour trancher des demandes de dommages-intérêts comme ici la Cour fédérale[13].

 

[93]           À l’audience, les demandeurs ont indiqué que la Cour n’avait peut-être pas l’information nécessaire pour conclure à l’application du droit québécois en l’espèce. Sans en décider, et seulement pour les fins de cette demande, la Cour est prête à assumer que ce droit est applicable en l’espèce.

 

[94]           La présente demande vise à vérifier la légalité du processus administratif d’opposition. Il ne s’agit pas de déterminer s’il y a eu faute civile — une telle question de responsabilité civile n’a pas sa place dans le cadre d’un contrôle judiciaire. De plus, la fin de non‑recevoir qu’invoquent les demandeurs est normalement soulevée en défense à une action de la même façon que le serait la prescription ou la compensation. Ici, les demandeurs tentent de s’en servir comme une épée plutôt qu’un bouclier, le Ministre n’ayant pris aucune mesure de recouvrement.

 

[95]           Comme je l’ai indiqué, en vertu des principes de droit administratif, le manquement à l’obligation prévue à l’article 165 de la Loi n’a pas pour conséquence d’annuler la cotisation émise bien avant ce défaut. Empêcher le recouvrement de cette créance dans le cadre d’un contrôle judiciaire reviendrait simplement à faire indirectement ce qu’on ne peut faire directement.

 

[96]           Quant aux autres remèdes, la Cour est d’accord avec les motifs du protonotaire Morneau énoncés aux paragraphes 44 à 49 de sa décision. La Cour note qu’il n’y a aucune preuve que le Ministre a cotisé les demandeurs pour des pénalités ou intérêts portant sur la période après 1992. Il ne semble pas non plus que les demandeurs lui aient demandé d’exercer sa discrétion en leur faveur à cet égard.

 

[97]           Lorsqu’il exercera sa discrétion en vertu du paragraphe 220 (3.1 de la Loi), la décision du Ministre pourra faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Les demandeurs auront alors l’opportunité de faire valoir leur argument quant au non-respect de l’obligation de diligence prévue à l’article 165 de la Loi. Certes, il serait aussi opportun pour eux de s’assurer que cette question est bien devant le Ministre avant qu’il prenne sa décision de cotiser, ou pas, les demandeurs à cet égard.

 

[98]           Avant de conclure, il est utile de traiter plus spécifiquement de la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans Addison  & Leyen, puisque les demandeurs ont argué qu’il s’agissait d’une avancée majeure dans la redéfinition des pouvoirs de surveillance et de contrôle de la Cour fédérale à l’endroit du Ministre dans le cadre de la révision de cotisations fiscales.

 

[99]           Comme l’indique la Cour d’appel au paragraphe 49 de sa décision, la question soulevée dans Addison & Leyen était entièrement nouvelle, à savoir si l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales empêchait la Cour de contrôler la légalité de la décision du Ministre d’imposer une responsabilité fiscale à un tiers afin de recouvrer les sommes dues par un autre contribuable en vertu de l’article 160 de la Loi.

 

[100]       Contrairement à la situation devant moi où le délai indu invoqué par les demandeurs est intervenu bien après l’émission de la cotisation, dans Addison & Leyen, on reprochait au Ministre d’avoir tardé indûment à prendre la décision d’utiliser le mécanisme prévu à l’article 160 de la Loi afin d’émettre une cotisation.

 

[101]       Comme l’indique l’analyse que l’on retrouve au paragraphe 65 de la décision, la Cour ne modifie pas son approche à l’égard des cotisations émises en vertu de l’article 152. Elle ne remet pas en question les principes que j’ai résumés aux paragraphes 46 à 56 ci-dessus. Au contraire, ce sont les différences entre le régime statutaire applicable aux cotisations émises en vertu de l’article 152, et celui applicable à celles émises en vertu de l’article 160 qui justifient sa décision dans cette affaire. En outre, il faut noter que la Loi ne prévoit aucun mécanisme permettant au tiers concerné de contester la décision du Ministre d’utiliser le mécanisme prévu à l’article 160, ni pour le forcer à prendre position à cet égard.

 

[102]       C’est dans ce cadre très précis et très différent de celui en l’espèce que la Cour mentionne que l’annulation d’une cotisation émise en vertu de l’article 160 n’est pas un remède totalement exclu même s’il est évident selon la Cour d’appel qu’il ne pourrait être utilisé que dans les cas les plus graves.

 

[103]       Comme il s’agissait d’un appel d’une décision sur une requête en radiation de l’avis de demande, la Cour d’appel ne procède pas à l’analyse qui s’imposera au fond pour déterminer le remède approprié si la Cour conclut que le Ministre a commis une erreur révisable dans l’exercice de sa discrétion de cotiser en vertu de l’article 160.

 

[104]       Finalement, les commentaires de la Cour quant à l’utilité des remèdes alternatifs dont le tiers pourrait bénéficier ne sont pas applicables ici puisqu’il est évident, par exemple, que la référence à la décision de la Cour dans Grenier, précitée, s’imposait puisqu’il s’agissait d’une décision distincte du Ministre et non pas simplement d’un manquement à une obligation statutaire d’agir avec diligence comme en l’espèce. Pour établir un parallèle, il faudrait que l’avis de demande ici vise la décision résultant du processus vicié par le délai, comme, par exemple, une décision du Ministre sur l’opposition.

 

[105]       Comme je l’ai indiqué auparavant, il n’y a pas de doute dans mon esprit à ce stade-ci que la Cour a compétence pour entendre cette demande de contrôle judiciaire. À cet égard, la décision dans  Addison & Leyen n’ajoute rien. Il n’y a donc rien dans cette affaire qui supporte la position des demandeurs.

 

[106]       Pour toutes ces raisons, la Cour conclut que l’appel doit être rejeté et qu’il n’y a pas lieu d’accueillir la requête pour ré‑amender l’avis d’appel, le tout avec dépens.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1. L’appel est rejeté avec dépens de même que la requête pour ré‑amender l’avis de demande.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge


ANNEXE 1

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

     165. (3) Sur réception de l'avis d'opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l'annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

166. Une cotisation ne peut être annulée ni modifiée lors d'un appel uniquement par suite d'irrégularité, de vice de forme, d'omission ou d'erreur de la part de qui que ce soit dans l'observation d'une disposition simplement directrice de la présente loi.

169. (1) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation:

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

220(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

Income Tax Act

 

165. (3) On receipt of a notice of objection under this section, the Minister shall, with all due dispatch, reconsider the assessment and vacate, confirm or vary the assessment or reassess, and shall thereupon notify the taxpayer in writing of the Minister's action.

166. An assessment shall not be vacated or varied on appeal by reason only of any irregularity, informality, omission or error on the part of any person in the observation of any directory provision of this Act.

 

169. (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied after either

(a) the Minister has confirmed the assessment or reassessed, or

(b) 90 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that the Minister has vacated or confirmed the assessment or reassessed,

but no appeal under this section may be instituted after the expiration of 90 days from the day notice has been mailed to the taxpayer under section 165 that the Minister has confirmed the assessment or reassessed.

 

 

 

220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

Charte canadienne des droits et libertés

     7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

     12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

 

   15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

Canadian Charter of Rights and Freedoms

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

 

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

Déclaration canadienne des droits

1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l’homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe :

a) le droit de l’individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi;

b) le droit de l’individu à l’égalité devant la loi et à la protection de la loi;

c) la liberté de religion;

d) la liberté de parole;

e) la liberté de réunion et d’association;

f) la liberté de la presse.

Canadian Bill of Rights

1. It is hereby recognized and declared that in Canada there have existed and shall continue to exist without discrimination by reason of race, national origin, colour, religion or sex, the following human rights and fundamental freedoms, namely,

(a) the right of the individual to life, liberty, security of the person and enjoyment of property, and the right not to be deprived thereof except by due process of law;

(b) the right of the individual to equality before the law and the protection of the law;

(c) freedom of religion;

(d) freedom of speech;

(e) freedom of assembly and association; and

(f) freedom of the press

Loi sur les Cours fédérales

18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

     18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

Federal Courts Act

18. (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

( a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

( b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph ( a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

 

Règles des Cours fédérales

 

75. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

Conditions

(2) L’autorisation visée au paragraphe (1) ne peut être accordée pendant ou après une audience que si, selon le cas :

a) l’objet de la modification est de faire concorder le document avec les questions en litige à l’audience;

b) une nouvelle audience est ordonnée;

c) les autres parties se voient accorder l’occasion de prendre les mesures préparatoires nécessaires pour donner suite aux prétentions nouvelles ou révisées.

 

301. La demande est introduite par un avis de demande, établi selon la formule 301, qui contient les renseignements suivants :

a) le nom de la cour à laquelle la demande est adressée;

b) les noms du demandeur et du défendeur;

c) s’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire :

(i) le nom de l’office fédéral visé par la demande,

(ii) le cas échéant, la date et les particularités de l’ordonnance qui fait l’objet de la demande ainsi que la date de la première communication de l’ordonnance au demandeur;

d) un énoncé précis de la réparation demandée;

e) un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable;

f) la liste des documents qui seront utilisés en preuve à l’audition de la demande.

 

Federal Courts Rules

 

75. (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.

Limitation

(2) No amendment shall be allowed under subsection (1) during or after a hearing unless

(a) the purpose is to make the document accord with the issues at the hearing;

(b) a new hearing is ordered; or

(c) the other parties are given an opportunity for any preparation necessary to meet any new or amended allegations.

 

301. An application shall be commenced by a notice of application in Form 301, setting out

(a) the name of the court to which the application is addressed;

(b) the names of the applicant and respondent;

(c) where the application is an application for judicial review,

(i) the tribunal in respect of which the application is made, and

(ii) the date and details of any order in respect of which judicial review is sought and the date on which it was first communicated to the applicant;

(d) a precise statement of the relief sought;

(e) a complete and concise statement of the grounds intended to be argued, including a reference to any statutory provision or rule to be relied on; and

(f) a list of the documentary evidence to be used at the hearing of the application.

 

Code civil du Québec

 

1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

 

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

 

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

 

Civil Code of Québec

 

1457.  Every person has a duty to abide by the rules of conduct which lie upon him, according to the circumstances, usage or law, so as not to cause injury to another.

 

Where he is endowed with reason and fails in this duty, he is responsible for any injury he causes to another person by such fault and is liable to reparation for the injury, whether it be bodily, moral or material in nature.

 

He is also liable, in certain cases, to reparation for injury caused to another by the act or fault of another person or by the act of things in his custody.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2096-04

 

INTITULÉ :                                       RICHARD ANGELL ET AL. c.

                                                            MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               14 NOVEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LA JUGE GAUTHIER

ET ORDONNANCE

 

DATE DES MOTIFS :                      14 SEPTEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Pierre Gonthier

Me Nader Khalil

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Pierre Cossette

Me Philippe Dupuis

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marchand Melançon Forget

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 



[1]   Toutes les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe 1.

[2]    Il y avait à l’origine 216 associés dans ALH.

[3]   Dans la requête devant le protonotaire, les défendeurs ont allégué que madame Dumais, une demanderesse, n’a pas déposé d’avis d’opposition. Cette question n’a pas été soulevée en appel. Il est assez évident que si madame Dumais n’a pas déposé d’avis d’appel, elle n’a pas de droit en l’espèce puisque la demande est fondée sur l’absence de décision quant à une opposition.

[4] La presque totalité des avis d’appel portent la date du 30 octobre 1998, les autres étant respectivement datés des 18, 19, et 20 décembre 2003, et des 8 et 12 janvier 2004. Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi certains des demandeurs ont attendu jusqu’en 2003 et 2004 pour déposer leur avis d’appel. Les parties n’ont pas expliqué non plus pourquoi la demande de contrôle judiciaire n’est pas hors délai. En effet, bien que l’objet de la demande soit l’absence de décision, la Cour note que lorsqu’un avis d’appel est déposé, le Ministre semble ne plus avoir juridiction pour réviser le bien-fondé des cotisations, cette question relevant dorénavant de la juridiction de la CCI.  Si c’est le cas, on peut penser que le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales a commencé à courir lors du dépôt des avis d’appel. Ce point n’ayant pas fait l’objet d’un débat devant moi, n’a toutefois pas à être tranché dans le cadre de la présente requête.

[5] Voir le paragraphe 9 des représentations écrites des demandeurs qui ont aussi confirmé cette position à l’audience.

[6] Bien qu’au paragraphe 28 de leurs représentations écrites, les demandeurs semblent dire que les agissements auxquels réfère le paragraphe 4e) qu’ils proposent d’ajouter sont différents de ceux décrits dans l’avis de demande devant le protonotaire et dans l’affidavit de monsieur Atherton, ils n’ont pas pris cette position à l’audience (voir aussi le profil d’argumentation). Comme je l’ai déjà mentionné, ils ont plutôt clairement indiqué que ce nouveau paragraphe ne réfère à rien de nouveau sur le plan factuel.

[7] La présomption ne s’applique pas aux allégations de droit.

[8]   C’est dans cette décision, le juge Michael Phelan indique que ce n’est pas parce que le contribuable avait le choix d’aller en appel plutôt que d’attendre une décision du Ministre que le Ministre n’a pas à prendre en compte un manquement au devoir de diligence prévu au paragraphe 165(3) de la Loi lorsqu’il exerce la discrétion que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi.

[9]   Dans son interrogatoire, madame Sonia Borin indique que lors d’une rencontre le 27 février 1997, le représentant du Ministre a avisé le représentant des contribuables qu’il était prêt à ratifier la cotisation et à rejeter leur demande d’annuler les intérêts. Le représentant des demandeurs aurait alors demandé au Ministre de lui accorder un délai, soit jusqu’au 14 novembre 1997, avant de ratifier formellement la cotisation. Voir aussi à cet égard la chronologie jointe à la lettre déposée comme pièce P-4 à l’affidavit de monsieur Atherton.

[10]  Comme par exemple en laissant se prescrire son droit d’appel ou en tardant à l’exercer.

[11]  Encore récemment dans Breslaw v. Canada, [2005] F.C.J. no 1781, la Cour d’appel fédérale référait à sa décision dans Ginsberg (voir paragraphes 32 et 33).

[12] Voir les paragraphes 55 à 59 des représentations écrites des demandeurs.

[13] Voir paragraphe 22 des prétentions écrites des demandeurs devant le protonotaire.

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