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Date : 20060908

Dossier : IMM-7142-05

Référence : 2006 CF 1078

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

GARNIK OHANYAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) par laquelle elle a refusé de rétablir une demande d’asile qui avait fait l’objet d’un désistement.

 


II.         Les faits

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Arménie, âgé de 29 ans, qui a demandé l’asile le 13 septembre 2004. Il a retiré sa demande peu après, parce que son épouse l’avait informé que les agents du gouvernement avaient cessé de le rechercher et qu’il pouvait retourner en Arménie en toute sécurité.

 

[3]               Quelques semaines plus tard, le demandeur fut informé par son épouse que les agents du gouvernement étaient retournés à sa maison; ils le recherchaient. Le demandeur a présenté une requête en application de l’article 53 des Règles de la Section de la protection des réfugiés pour rétablir sa demande d’asile.

 

[4]               La Commission a rejeté la demande. Le demandeur affirme qu’il n’a jamais reçu les motifs de la décision, bien que la Commission soutienne, de son côté, qu’elle a expédié une lettre à laquelle était jointe une inscription sur laquelle figuraient les motifs du refus de rétablir la demande.

 

[5]               Cette inscription, désignée sous le nom d’« Annexe A » de la lettre de la Commission, tire les conclusions suivantes :

·                    le demandeur avait le même conseil dans le cadre de la requête en rétablissement que lors de la demande d’asile;

·                    il n’y a eu aucun manquement à la justice naturelle, puisque le demandeur avait retiré sa demande après avoir consulté son conseil;

·                    il n’y a eu aucun manquement à la justice naturelle, puisque l’absence d’audience ne constitue pas un déni de justice naturelle en raison du fait que le bien‑fondé de la cause n’a pas été vérifié;

·                    il n’y a eu aucune irrégularité à ce point importante qu’elle entacherait toute la procédure et, par conséquent, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de rouvrir la demande.

 

III.       Analyse

[6]               Je souscris à la conclusion du juge Kelen dans la décision Sathasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 438; [2004] A.C.F. no 541 (QL), selon laquelle la norme de contrôle dans de telles circonstances est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[7]               L’article 53 des Règles prévoit ce qui suit :

53. (1) Toute personne peut demander à la Section de rétablir la demande d'asile qu'elle a faite et ensuite retirée.

 

 (2) La personne fait sa demande selon la règle 44; elle y indique ses coordonnées et transmet une copie de la demande au ministre.

 

 (3) La Section accueille la demande soit sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle, soit s'il est par ailleurs dans l'intérêt de la justice de le faire.

53. (1) A person may apply to the Division to reinstate a claim that was made by that person and withdrawn.

 

 (2) The person must follow rule 44, include their contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

 (3) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice or if it is otherwise in the interests of justice to allow the application.

 

 

[8]               À mon avis, il n’y a eu aucun manquement à la justice naturelle, parce que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire. Ni la crédibilité du demandeur, ni aucun des faits pertinents n’étaient en cause. Le demandeur a pu formuler toutes ses observations par écrit.

 

[9]               Il n’y a eu aucun manquement à la justice naturelle en raison du défaut de fournir des motifs. Bien que les motifs figurant dans l’inscription puissent ne pas avoir été reçus en même temps que la décision, il existait des motifs et ils étaient suffisamment détaillés pour que le demandeur sache pourquoi sa requête en rétablissement était rejetée. On n’a établi aucun préjudice du fait de la remise tardive des motifs.

 

[10]           Quant à la question de savoir si le fait de permettre le rétablissement serait dans « l’intérêt de la justice », le demandeur n’a formulé aucune observation importante sur ce point. Tout au plus, le demandeur affirme que cela est injuste pour lui et que l’audition de sa cause n’entraînerait aucun inconvénient pour la Commission.

 

[11]           Selon le demandeur, le juge von Finckenstein, dans l’affaire Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 279; [2005] A.C.F. no 359 (QL), a restreint le sens de l’expression « intérêt de la justice ».

 

[12]           Si je comprends bien, dans cette décision, le juge von Finckenstein a simplement jugé que, selon les faits de l’affaire en l’espèce dans laquelle les demandeurs prétendaient que la Commission avait appliqué un mauvais critère juridique, un tel argument ne faisait pas partie des motifs compris dans l’expression « par ailleurs dans l’intérêt de la justice ». Selon moi, cette décision ne constitue pas une conclusion exhaustive quant à la signification que peut prendre l’expression « par ailleurs dans l’intérêt de la justice » figurant à l’article 53 des Règles.

 

[13]           L’expression « par ailleurs dans l’intérêt de la justice » a un sens large et donne à la Commission un pouvoir discrétionnaire étendu pour rétablir une demande, mais cela exige de sa part qu’elle pèse toutes les circonstances d’une affaire, et non pas uniquement sous l’angle des intérêts d’un demandeur. Le rétablissement est une exception à la norme et doit être interprété et appliqué dans ce contexte.

 

[14]           Dans les circonstances actuelles, le demandeur bénéficiait des services d’un conseil et la décision de retirer sa demande a été prise en connaissance de cause et non par erreur ou sous la contrainte. Le demandeur a pris une décision stratégique qui, apparemment, ne l’a pas servi. L’article ne vise pas à protéger les demandeurs des conséquences de la conduite qu’ils ont librement choisi d’adopter, même lorsqu’ils ont pris une décision ou une mesure qui n’a pas donné les résultats espérés.

 

[15]           Par conséquent, il n’y a pas de raison valable, selon moi, permettant à la Cour d’intervenir dans la présente affaire. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-7142-05

 

INTITULÉ :                                                               GARNIK OHANYAN

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 6 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 8 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yerzy                                                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Robert Bafaro                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Yerzy                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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