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Date : 20060919

 

Dossier : DES-4-02

 

Référence : 2006 CF 1105

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

MOHAMED HARKAT

 

demandeur

- et -

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

PROTECTION CIVILE DU CANADA

 

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]        Le 23 mai 2006, la Cour a rendu une ordonnance (l’ordonnance) qui prévoyait que M. Harkat pouvait être mis en liberté sous réserve qu’il se conforme à toutes les conditions énoncées dans l’ordonnance. Le paragraphe 23 de l’ordonnance prévoyait aussi que la Cour réviserait les conditions de l’ordonnance à la suite du premier des éléments suivants à survenir : i) la prise d’une décision par le représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) quant à savoir si M. Harkat peut être renvoyé du Canada ou ii) quatre mois après la date de l’ordonnance.

 

[2]        Le représentant du ministre a rendu une décision dans laquelle il conclut que M. Harkat peut être renvoyé du Canada. Après avoir pris connaissance de cette décision, la Cour a communiqué avec les avocats des parties. Les avocats de M. Harkat ont avisé la Cour que leur client souhaitait que des modifications soient apportées aux conditions de l’ordonnance. Les avocats des ministres ont fait savoir que les ministres ne demandaient aucune modification des conditions de l’ordonnance, malgré la décision rendue par le représentant du ministre. Il a finalement été convenu que les deux parties présenteraient des observations écrites à l’appui de leur point de vue et toute preuve qu’elles jugeaient nécessaires. La Cour devait ensuite rendre une décision fondée sur les observations présentées pour M. Harkat, sur les observations en réplique des ministres et de M. Harkat et sur toute preuve qui lui aurait été fournie.

 

[3]        La Cour a reçu les observations et ni l’une ni l’autre partie n’a présenté de preuve.

 

[4]        La Cour expose ci-après ses motifs au sujet des observations des parties.

 

[5]        Je commencerai par résumer les modifications que M. Harkat souhaite voir apporter à l’ordonnance, soit :

 

1.         M. Harkat demande la permission d’ajouter M. Alois Weidemann comme caution chargée de la supervision, c’est-à-dire une des personnes qui peut accompagner et superviser le demandeur lors de sorties et qui peut rester dans le domicile avec lui pour que Sophie Harkat et Mme Brunette puissent quitter le domicile.

 

2.         M. Harkat demande la permission de déménager dans une nouvelle résidence que Pierrette Brunette, sa belle-mère, et/ou son conjoint, M. Weidemann, achèterait. M. Harkat propose d’y habiter avec sa femme Sophie, Mme Brunette et M. Weidemann.

 

3.         M. Harkat demande une modification au paragraphe 7 afin de pouvoir sortir dans la cour du domicile de 8 h à 23 h. L’ordonnance prévoit présentement qu’il peut sortir de 8 h à 21 h. Les ministres s’opposent à cette modification et demandent que l’ordonnance soit modifiée de façon à ce qu’elle prévoie que M. Harkat ne puisse pas sortir dans la cour [traduction] « après la brunante ».

 

4.         M. Harkat demande une modification au paragraphe 9 de l’ordonnance au sujet des personnes qui peuvent entrer dans le domicile. Le paragraphe prévoit présentement que :

9.                  Aucune personne ne pourra entrer dans le domicile, à l’exception des suivantes :

 

a)         Sophie Harkat et Pierrette Brunette;

b)         les autres personnes mentionnées au paragraphe 5 ci-dessus;

c)         les avocats de M. Harkat, soit Paul Copeland et Matthew Webber;

d)         en cas d’urgence, des pompiers, des policiers et des professionnels de la santé;

e)         toute personne autorisée à l’avance par l’ASFC [l’Agence des services frontaliers du Canada]. Pour obtenir une telle autorisation, il faudra communiquer à l’ASFC le nom, l’adresse et la date de naissance de l’intéressé; l’autorisation préalable ne sera pas requise pour les visites subséquentes d’une personne préalablement autorisée, mais l’ASFC peut retirer son autorisation en tout temps.

 

M. Harkat demande l’ajout suivant :

[traduction]

Lorsque la maison ou de l’équipement nécessite des réparations, un réparateur professionnel peut entrer dans le domicile sans y être autorisé à l’avance par l’ASFC. L’ASFA sera avisée à l’avance du nom de la compagnie pour laquelle le réparateur travaille et de la date à laquelle le réparateur se présentera au domicile. Une copie de la facture des réparations sera envoyée à l’ASFC dans les 96 heures suivant la demande de l’ASFC d’une telle copie.

 

5.         M. Harkat demande une modification au paragraphe 8 de l’ordonnance au sujet du préavis qui doit être donné à l’ASFC lorsque M. Harkat souhaite quitter le domicile. Le paragraphe 8 prévoit que :

8.         M. Harkat pourra, entre 8 h et 21 h et sur autorisation préalable de l’ASFC, quitter le domicile trois fois par semaine pour une durée maximale de 4 heures par absence. La demande d’une telle autorisation devra être présentée au moins 48 heures à l’avance, et on devra y préciser le ou les lieux où M. Harkat désire se rendre et l’heure de son départ ainsi que de son retour au domicile. Si une telle absence est autorisée, M. Harkat devra signaler son départ avant de quitter le domicile et signaler son arrivée sans délai, tel que le lui enjoindra plus précisément un représentant de l’ASFC. Lors de toutes les absences du domicile autorisées, M. Harkat devra en tout temps porter sur lui l’appareil de repérage permettant la surveillance électronique et être accompagné soit de Sophie Harkat, soit de Pierrette Brunette, qui auront pour responsabilité de surveiller M. Harkat et de s’assurer qu’il se conforme entièrement à toutes les conditions de la présente ordonnance. Cela exigera d’elles qu’elles soient toujours auprès de M. Harkat pendant qu’il sera à l’extérieur du domicile. Avant la mise en liberté de M. Harkat, tant Sophie Harkat que Pierrette Brunette devront signer un document dans lequel elles reconnaîtront avoir une telle responsabilité et accepteront de l’assumer, ce qui comprend particulièrement l’obligation de signaler sans délai à l’ASFC toute violation d’une condition de l’ordonnance. Les avocats de M. Harkat devront établir ce document, qui sera soumis pour approbation aux avocats des ministres.

 

M. Harkat explique que l’ASFC a adopté le point de vue que le préavis de 48 heures doit être calculé à partir du moment où elle reçoit la demande (et non du moment où la demande est présentée) et qu’un préavis de 96 heures est requis dans le cas d’une fin de semaine prolongée.

 

6.         M. Harkat est préoccupé par le fait qu’il croit être suivi par des employés de l’ASFC lorsqu’il quitte le domicile avec l’une des cautions chargées de la supervision. Il demande à la Cour de préciser le rôle de l’ASFC. Il avance que si l’ASFC le fait suivre, il n’est peut-être pas nécessaire que l’une de ses cautions l’accompagne.

 

7.         M. Harkat souhaite obtenir la permission de faire des promenades à l’intérieur d’un rayon de trois pâtés de maisons de sa résidence.

 

8.         M. Harkat demande que le paragraphe 8 de l’ordonnance, précité, qui limite le nombre d’heures qu’il peut passer à l’extérieur du domicile, soit modifié afin qu’il puisse prolonger la durée d’une sortie si celle-ci comprend une visite chez le médecin.

 

9.         M. Harkat souhaite faire modifier l’ordonnance de manière à ce qu’il puisse rester seul au domicile. Le paragraphe 6 de l’ordonnance prévoit que :

6.         Au moment de sa mise en liberté, M. Harkat sera conduit par la GRC (ou un autre organisme dont l’ASFC et la GRC pourront convenir) et il résidera par la suite au [adresse supprimée dans l’ordonnance publique], dans la cité d’Ottawa, en Ontario (le domicile), avec Sophie Harkat, son épouse, Pierrette Brunette, sa belle-mère, et Pierre Loranger. Pour protéger la vie privée de ces personnes, l’adresse du domicile ne sera pas publiée dans le dossier public de la présente instance. M. Harkat devra demeurer dans ce domicile en tout temps, sauf s’il y a urgence médicale ou tel que le prévoit par ailleurs la présente ordonnance. M. Harkat ne devra pas rester seul dans le domicile. Cela veut dire qu’en tout temps où M. Harkat est dans le domicile, soit Sophie Harkat, soit Pierrette Brunette, soit une autre personne approuvée par la Cour, devra également s’y trouver. Le mot « domicile » utilisée dans les présents motifs vise uniquement la maison d’habitation, à l’exclusion de tout espace extérieur qui y est associé.

 

10.       M. Harkat souhaite faire modifier l’ordonnance pour qu’il ait droit à cinq sorties par semaine (plutôt que trois).

 

11.       M. Harkat demande, au sujet des sorties permises, qu’il n’ait plus à aviser l’ASFC à l’avance de l’endroit où sa voiture sera stationnée lorsqu’il sort.

 

12.       M. Harkat souhaite faire modifier le paragraphe 10(iii)b) de l’ordonnance. Ce paragraphe prévoit que :

10.       Lorsque M. Harkat quittera le domicile avec l’autorisation de l’ASFC, il ne devra pas :

[…]

iii)         rencontrer toute personne avec laquelle il aurait pris rendez-vous, à l’exception :

                                                […]

b)         de toute personne autorisée au préalable par l’ASFC, l’obtention de l’autorisation requérant la communication à l’ASFC du nom, de l’adresse et de la date de naissance de l’intéressé.

 

M. Harkat demande que la disposition soit modifiée afin que tout [traduction] « représentant des médias qui possède un document d’identification professionnelle authentique » soit dispensé de l’approbation préalable de l’ASFC.

 

13.       M. Harkat demande que les personnes suivantes soient autorisées à entrer dans son domicile ou à le rencontrer en dehors du domicile : Benoit Renaud, Paul Smith, Matthew Behrens et Dan Sawyer.

 

14.       M. Harkat demande que le paragraphe 10 iv) de l’ordonnance soit modifié. Le paragraphe prévoit présentement que :

10.       Lorsque M. Harkat quittera le domicile avec l’autorisation de l’ASFC, il ne devra pas :

[…]

iv)        aller en tout lieu autre qu’un ou des lieux autorisés conformément au paragraphe 8 ci-dessus, ni aller en tout lieu autrement que pendant les heures autorisées.

 

M. Harkat demande qu’il ne soit pas nécessaire de présenter ces renseignements, mais qu’il donne plutôt une description du lieu où il se rendra.

 

15.       M. Harkat demande que le paragraphe 12 de l’ordonnance soit modifié en ce qui a trait au fait que « […] aucun téléphone cellulaire ne sera autorisé dans le domicile ». M. Harkat demande que sa femme ait la permission d’avoir un téléphone cellulaire si elle s’engage à ne pas laisser son mari l’utiliser et si elle le garde dans une partie fermée à clé du domicile.

 

16.       M. Harkat demande que M. Pierre Loranger soit relevé de ses responsabilités comme caution.

 

17.       M. Harkat demande que l’ordonnance qui établit les limites géographiques de la zone dans laquelle il peut se trouver lorsqu’il quitte le domicile avec l’approbation de l’ASFC soit modifiée pour lui permettre d’utiliser la voie de contournement Blackburn Hamlet.

 

18.       M. Harkat habite présentement avec sa femme et sa belle-mère dans un immeuble locatif. Compte tenu de leur déménagement prévu, M. Harkat souhaite faire modifier l’ordonnance afin qu’il soit permis à certaines personnes, employées de l’entreprise de gestion immobilière qui s’occupe de leur logement, d’entrer dans le domicile et de le faire visiter à d’éventuels locataires, sans qu’il faille obtenir une approbation pour chaque personne qui entrera dans le domicile.

 

19.       M. Harkat fait remarquer que, si le déménagement est approuvé, il pourrait être impossible de fournir les noms et les renseignements personnels des employés de la compagnie de déménagement qui se rendront au domicile pour s’occuper de l’emballage et du déménagement.

 

20.       M. Harkat soutient que la livraison du courrier accuse un important retard. Il demande que le paragraphe 13 de l’ordonnance, qui permet l’interception des communications écrites à destination ou en provenance du domicile, soit modifié afin qu’il y soit précisé que toute inspection doit être terminée au plus tard un jour ouvrable après la livraison du courrier.

 

[6]        J’ai divisé ces demandes en quatre catégories, qui sont les suivantes :

 

A.        La demande de changement de domicile de M. Harkat et de l’ajout de M. Weidemann comme caution chargée de la supervision (articles 1, 2, 18 et 19 ci-dessus).

 

B.         La demande d’assouplissement de certaines des conditions existantes (articles 3, 7, 8, 9, 10, 11, 14 et 17 ci-dessus).

 

C.        La demande non contestée (article 16 ci-dessus).

 

D.        La demande de précision de certaines des conditions existantes (articles 4, 5, 6, 12, 13, 15 et 20 ci-dessus).

 

[7]        Je vais aborder chaque catégorie à tour de rôle.

 

A.        La demande de l’ajout de M. Weidemann comme caution chargée de la supervision, de changement de domicile de M. Harkat et de l’autorisation d’accès au domicile pour les éventuels locataires (articles 1, 2, 18 et 19 ci-dessus).

[8]        Il est convenu que, pour que les ministres puissent envisager l’ajout de M. Weidemann comme caution chargée de la supervision, ce dernier doit se présenter à une entrevue tenue par des représentants de l’ASFC. Cependant, M. Weidemann se trouve en dehors du pays et son retour n’est prévu qu’à la fin septembre. Lorsqu’il se sera présenté à l’entrevue et que les ministres auront examiné son dossier et auront présenté des observations sur sa capacité à être une caution pour M. Harkat (et que M. Harkat aura déposé des observations en réponse, le cas échéant), la Cour déterminera si elle approuve la demande d’ajout de M. Weidemann comme caution chargée de la supervision.

 

[9]        En ce qui a trait à la demande de changement de domicile, l’ASFC et l’entreprise de surveillance doivent examiner la propriété pour déterminer si de la technologie GPS peut y être installée, et l’ASFC doit évaluer la capacité de surveillance au nouveau domicile. Lorsque l’inspection sera terminée et que la Cour recevra les observations des ministres (et la réponse de M. Harkat, le cas échéant), la Cour déterminera si elle approuve le changement de domicile. Si le déménagement est approuvé, les parties devront présenter des observations supplémentaires au sujet des dispositions à prendre pour surveiller M. Harkat le jour du déménagement.

 

[10]      Bien que, pour les motifs que je viens d’énoncer, il soit prématuré de traiter de l’approbation du changement de domicile, les parties ayant présenté des observations au sujet de la façon appropriée de faire visiter le domicile actuel à d’éventuels locataires, j’aborderai donc cette question immédiatement.

 

[11]      L’ASFC reconnaît le droit du propriétaire de faire visiter la propriété, mais demande que certaines conditions soit imposées. À mon avis, les conditions proposées sont raisonnables et l’ordonnance sera donc modifiée pour qu’il soit tenu compte de cette situation. Le paragraphe 25, qui suit, sera ajouté à l’ordonnance :

 

25.       Le propriétaire ou son agent peuvent faire visiter les lieux où M. Harkat habite présentement à des locataires éventuels aux conditions suivantes :

i)                    Toute visite sera effectuée entre 8 h et 21 h.

ii)                   Le nom, l’adresse et la date de naissance de tout agent qui fera visiter la propriété devront être fournis à l’ASFC au moins deux jours ouvrables avant que l’agent entre dans le domicile.

iii)                 L’ASFC recevra un avis au moins 24 heures avant la visite du domicile.

iv)                 Des représentants de l’ASFC peuvent être présents lors de toute visite.

v)                  Aucune personne qui entre dans le domicile ne peut y apporter de dispositif de communication (y compris tout téléphone, téléavertisseur ou dispositif de type BlackBerry).

vi)                 Aucune personne qui entre dans le domicile ne peut photographier ou enregistrer sur bande vidéo l’intérieur de la maison. Un agent du propriétaire peut demander à l’avance l’approbation de l’ASFC de photographier les lieux pour les besoins de mise en marché de la propriété.

vii)                 Aucune personne à qui l’ASFC a refusé l’accès au domicile ne peut visiter la propriété.

viii)              Dans la mesure du possible, les visites devraient être prévues de manière à coïncider avec les absences approuvées de M. Harkat.

ix)                 Si M. Harkat se trouve au domicile lors d’une visite, avant que qui que ce soit puisse entrer dans la maison, M. Harkat, accompagné d’une caution, devra quitter les lieux et se rendre dans la cour arrière du domicile.

 

B.        La demande d’assouplissement de certaines des conditions existantes (articles 3, 7, 8, 9, 10, 11, 14 et 17 ci-dessus).

[12]      Je souligne en tout premier lieu que l’exigence dans l’ordonnance concernant la révision des conditions de mise en liberté, si une décision de renvoi de M. Harkat du Canada était rendue, reflète les préoccupations de la Cour au sujet du fait qu’une telle décision constitue un pas de plus vers le renvoi de M. Harkat du Canada. Il s’agit donc d’une situation qui pourrait accroître la possibilité que M. Harkat tente de violer les conditions de sa mise en liberté en vue d’éviter le renvoi. Il n’a pas été envisagé que, si le renvoi de M. Harkat était prononcé, la Cour utilise cette décision comme déclencheur d’un assouplissement de certaines des conditions de la mise en liberté.

 

[13]      M. Harkat a été mis en liberté le 21 juin 2006 ou vers cette date. Il s’est écoulé trop peu de temps, à mon avis, pour que la Cour accepte d’assouplir les conditions de la mise en liberté. Par conséquent, les demandes présentées aux articles 3, 7, 8, 9, 10, 11, 14 et 17, ci-dessus, sont rejetées. La question pourra être réexaminée lorsque plus de temps se sera écoulé et que M. Harkat aura respecté toutes les conditions de sa mise en liberté depuis plus longtemps.

 

[14]      Je refuse de restreindre le paragraphe 7 de l’ordonnance, tel que les ministres l’ont demandé, pour qu’il prévoie que M. Harkat ne peut pas se trouver dans la cour « après la brunante ». Ma conclusion repose sur deux motifs. Premièrement, les ministres n’ont relevé aucun problème au sujet de la formulation existante du paragraphe et ont en effet souligné d’entrée de jeu qu’ils ne souhaitaient apporter aucune modification à l’ordonnance. Deuxièmement, j’ai tenté de rendre l’ordonnance aussi claire que possible pour éviter des malentendus et des violations involontaires des conditions de la mise en liberté. L’utilisation d’un terme comme « brunante » dans l’ordonnance, plutôt que l’utilisation d’une heure précise et fixe, augmente la possibilité de contestation.

 

C.        La demande non contestée (article 16 ci-dessus).

[15]      Les ministres ne s’opposent pas au retrait de M. Loranger de l’ordonnance du moment qu’une autre caution chargée de la supervision, qui soit approuvée par les ministres, accepte d’assumer les responsabilités qui revenaient à Pierre Loranger.

 

[16]      Je ne suis au courant d’aucune autre responsabilité de M. Loranger que celle d’avoir signé un acte de cautionnement de 1 500 $ et d’avoir reconnu par écrit avoir examiné les conditions prévues dans l’ordonnance. L’ordonnance sera modifiée et toute référence à M. Pierre Loranger sera retirée si l’une des conditions suivantes est remplie : un montant additionnel de 1 500 $ doit être versé à la Cour; une nouvelle caution doit signer un acte de cautionnement du même montant conformément au paragraphe 5 de l’ordonnance; une des cautions existantes doit signer un acte de cautionnement modifié pour ajouter 1 500 $ au montant garanti.

 

D.                La demande de précision de certaines des conditions existantes (articles 4, 5, 6, 12, 13, 15 et 20 ci-dessus).

[17]      J’aborde ci-dessous la question de la modification ou de la précision de certaines des conditions existantes de l’ordonnance.

 

Article 4 – accès pour un réparateur

[18]      Je reconnais qu’il puisse être difficile d’aviser à l’avance l’ASFC du nom, de l’adresse et de la date de naissance des personnes qui doivent entrer dans le domicile pour effectuer des réparations d’urgence à la maison ou à de l’équipement dans la maison. Cependant, la modification demandée, soit la permission de laisser entrer « un réparateur professionnel », est trop vague. La condition suivante sera plutôt ajoutée à l’ordonnance :

 

24.       Lorsque la maison ou de l’équipement dans la maison nécessite des réparations ou d’autres services non urgents, les conditions prévues dans l’ordonnance régiront l’habilitation à entrer dans le domicile. Cependant, lorsque la maison ou de l’équipement dans la maison nécessite des réparations ou des services urgents, une demande pourra en tout temps être présentée à l’ASFC pour obtenir l’approbation d’une personne, d’une entreprise, d’une société ou de toute autre entité qui puisse fournir des services de réparation d’immeuble ou de l’équipement qui s’y trouve. Lorsque des réparations ou des services urgents sont requis, l’ASFC devra être immédiatement avisée de la réparation ou du service urgent qui doit être effectué. Si l’ASFC n’a pré-approuvé aucune entité pour effectuer ce genre de réparation ou de service, elle devra approuver le plus rapidement possible une personne, une entreprise, une société ou une autre entité pour que les travaux soient effectués. Lorsqu’un rendez-vous est pris avec une entité pré-approuvée ou une entité approuvée, l’ASFC doit sans délai être informée du rendez-vous et de la nature des travaux à exécuter. Si possible, l’ASFC sera avisée, un jour avant le rendez-vous, du nom du ou des réparateurs qui entreront dans le domicile pour effectuer les travaux. L’ASFC pourra accompagner le réparateur dans le domicile et/ou demander à M. Harkat de quitter le domicile avec l’une de ses cautions chargées de la supervision et de se rendre à l’arrière de la cour, ou à tout autre endroit indiqué par l’ASFC, pour la durée de la visite du réparateur. Si le temps est trop inclément pour que M. Harkat reste à l’extérieur, l’ASFC pourra lui demander de rester dans un véhicule stationné dont le moteur est en marche, en compagnie d’une de ses cautions chargées de la supervision, ou d’attendre dans un autre lieu qu’elle aura choisi. M. Harkat pourra être accompagné par un représentant de l’ASFC pendant la durée de la visite du réparateur.

 

Article 5 – durée du délai à prévoir pour les demandes d’absence du domicile

[19]      Une difficulté, qui n’avait pas été anticipée dans l’ordonnance, est survenue au sujet des demandes d’absence du domicile. Dans le cas de fins de semaines prolongées, l’ASFC a demandé un préavis de 96 heures pour une demande d’absence, et des demandes d’absences pour une sortie le dimanche ont été rejetées lorsqu’elles étaient présentées tard le vendredi après-midi. Souvent, les demandes sont faites par courriel ou par téléphone, et M. Harkat demande que le préavis de 48 heures demandé soit calculé à partir du moment où le courriel est envoyé ou que le message téléphonique est enregistré, et non à partir du moment où le message est lu ou écouté.

 

[20]      Dans les motifs de l’ordonnance, le paragraphe 94 notait qu’il fallait rendre plus aisée la surveillance de la mise en liberté de M. Harkat par les autorités « sans imposer à celles-ci un fardeau injustifié ». Il y est prévu que l’ASFC aura deux jours ouvrables pour examiner une demande de sortie. Par conséquent, l’ASFC doit répondre à une demande présentée le vendredi après-midi au plus tard le mardi après‑midi ou le mercredi après‑midi si le lundi est un jour férié. Par conséquent, le paragraphe 8 est modifié par l’ajout, immédiatement après la phrase « [l]a demande d’une telle autorisation devra être présentée au moins 48 heures à l’avance, et on devra y préciser le ou les lieux où M. Harkat désire se rendre et l’heure de son départ ainsi que de son retour au domicile », de la phrase « Il est entendu que toute demande d’approbation sera présentée à l’avance pour que l’ASFC ait deux jours ouvrables pour examiner la demande ».

 

Article 6 – présence de représentants de l’ASFC lors de sorties approuvées

[21]      Les paragraphes 88 et 89 des motifs de l’ordonnance énumèrent deux des facteurs à l’appui des conditions sévères de la mise en liberté de M. Harkat. Ces paragraphes se lisent comme suit :

[88]      Quatrièmement, il est raisonnable de présumer que les autorités canadiennes demeureront intéressées à la situation de M. Harkat, si ce dernier est mis en liberté, et qu’il leur sera possible de surveiller légalement ses activités.

 

[89]      Cinquièmement, on peut aussi présumer la connaissance par M. Harkat tant de l’intérêt des autorités à son endroit que de leur capacité de surveiller ses activités. On peut présumer, en outre, que cette connaissance dissuadera M. Harkat de se conduire d’une manière pouvant lui valoir de nouvelles poursuites.

 

[22]      Je ne suis pas prête à dicter à l’ASFC la façon dont elle doit assumer la responsabilité de superviser M. Harkat. Je ne serais prête à examiner la pertinence des actions de l’ASFC que si une situation précise, inappropriée ou inadmissible, se présentait au cours de la surveillance d’une sortie.

 

[23]      La présence ou l’absence de représentants de l’ASFC ne modifie aucunement les obligations des cautions chargées de la supervision de M. Harkat. Par conséquent, je ne suis pas disposée à modifier l’ordonnance pour qu’elle prévoie que les cautions chargées de la supervision de M. Harkat n’aient pas à l’accompagner lorsqu’il quitte la résidence pour une sortie, comme M. Harkat le demande.

 

Article 12 – accès aux médias

[24]      Je suis prête à prendre en considération une certaine modification à l’ordonnance en ce qui a trait aux personnes à qui M. Harkat peut parler au sein des médias. Cependant, le critère proposé, selon lequel M. Harkat peut rencontrer tout représentant des médias qui possède « un document d’identification professionnelle authentique », est trop vague et pourrait entraîner des violations involontaires des conditions de la mise en liberté. Une demande plus précise est nécessaire.

 

Article 13 – approbation de quatre visiteurs

[25]      Il semble que l’un des visiteurs mentionnés, Paul Smith, n’a pas présenté de demande de visiter le domicile. Il n’est donc pas approprié de traiter cette demande avant qu’elle soit présentée à l’ASFC. En ce qui a trait aux trois autres visiteurs, si le demandeur fait valoir que l’ASFC a déraisonnablement refusé l’approbation d’un visiteur, chaque visiteur qui s’est vu refuser l’approbation et qui souhaite régler la question devra présenter un affidavit. L’ASFC pourra alors présenter des affidavits en réponse et l’affaire sera examinée en fonction des preuves au dossier.

 

Article 15 – téléphone cellulaire pour Mme Harkat

[26]      Aucun motif n’a été donné à l’appui de l’affirmation selon laquelle [traduction] « Mme Harkat a vraiment besoin d’un téléphone cellulaire ». Si j’ai bonne mémoire, cela n’était pas un problème lorsque Mme Harkat a témoigné devant la Cour lors de l’audience pour la mise en liberté de son mari. Dans le même ordre d’idées, on n’a aucunement expliqué pourquoi les besoins de Mme Harkat ne seraient pas comblés si l’ASFC lui remettait un téléphone cellulaire pour lui permettre de communiquer avec l’ASFC ou du personnel affecté aux urgences. La demande est rejetée.

 

Article 20 – courrier

[27]      Afin de dissiper toute incertitude au sujet de l’examen des communications écrites à destination ou en provenance du domicile, le paragraphe 13 de l’ordonnance sera modifié par l’ajout, à la fin du paragraphe, de la précision suivante :

 


L’ASFC examinera toute communication écrite à destination ou en provenance du domicile dans les deux jours ouvrables suivant l’interception afin de limiter le retard dans l’envoi ou la réception de telles communications.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 19 septembre 2006

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                            DES-4-02

 

INTITULÉ :                           MOHAMED HARKAT

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

PROTECTION CIVILE DU CANADA

 

 

DATES DES OBSERVATIONS SUPPLÉMENTAIRES AU SUJET DES MODIFICATIONS DE LA CAUTION :

 

 

            Les observations de M. Harkat ont été présentées les 18, 21, 23 et 25 août 2006

Les observations des ministres ont été présentées les 28 et 30 août 2006 et les 6, 11 et 14 septembre 2006

Les observations en réponse de M. Harkat ont été présentées les 29 et 30 août 2006.

 

MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :             LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :          Le 19 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Copeland                                      POUR LE DEMANDEUR

Matthew Webber

 

D. MacIntosh                                       POUR LES DÉFENDEURS

A. Riaz

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paul Copeland                                      POUR LE DEMANDEUR

Copeland, Duncan

Avocats

31 Avenue Prince Arthur

Toronto (Ontario)

 

 

 

Matthew Webber                                 POUR LE DEMANDEUR

Webber Schroeder

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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