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Date : 20060918

Dossier : T-2202-05

Référence : 2006 CF 1117

Ottawa (Ontario), le 18 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

L’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES

AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du sous-ministre d’Affaires étrangères Canada (le sous-ministre) de procéder à un exercice de mutation pour les postes de classification FS-2 et FS-3. La décision, datée du 8 décembre 2005, qui a été annoncée à tous les employés du ministère des Affaires étrangères du Canada (MAEC), expliquait que le MAEC procéderait à un exercice de mutation qui transfèrerait ou muterait de façon permanente des employés d’autres groupes d’emploi au groupe Service extérieur (groupe FS).

 

LE CONTEXTE

 

            La LEFP de 1985 et la LEFP de 2003

 

[2]               La Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) est la loi qui régit les décisions en matière de dotation au sein de la fonction publique. Elle confère les pouvoirs, établit les procédures et définit les critères en vertu desquels le gouvernement fédéral peut doter certains postes au sein de la fonction publique.

 

[3]               Avant le 31 décembre 2005, les nominations à un poste au sein de la fonction publique fédérale étaient régies par la LEFP de 1985. La Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, modifiait la LEFP à compter du 31 décembre 2005 (LEFP de 2003).

 

L’APASE

 

[4]               La demanderesse, l’Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE), est une association professionnelle qui représente environ 1200 employés actifs du Service extérieur (FS). L’APASE est aussi l’agent de négociation accrédité du groupe FS en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, et est l’agent négociateur officiel des agents du Service extérieur depuis 1968.

 

 

 

 

Le groupe FS

 

[5]               Le groupe FS est une des classifications des groupes professionnels de la fonction publique fédérale du Canada. Les principales tâches des employés du groupe FS sont la planification, l’élaboration, la mise en œuvre et la promotion, dans les pays étrangers et dans les organisations internationales, des politiques et des intérêts du Canada en matière de diplomatie, de commerce, de droits de la personne, de culture, d’immigration et de développement international.

 

Le groupe FS

 

[6]               L’apparition de la norme de classification du groupe FS à la fin des années 1960 ou au début des années 1970 coïncidait avec l’introduction de la négociation collective. À une certaine époque, il existait plusieurs niveaux d’agents FS, mais vers le milieu des années 1980, ces niveaux ont été comprimés en deux niveaux : FS-1 et FS-2. Tous les candidats entraient au niveau FS-1 et les possibilités de promotion au niveau FS-2 dépendaient du nombre de postes à pourvoir à ce niveau.

 

[7]               Au cours de la négociation collective en 1998, la demanderesse et le Secrétariat du Conseil du Trésor (le Conseil du Trésor) ont discuté et ont convenu d’implanter le Programme de perfectionnement du service extérieur (le PPSE). Le PPSE avait été conçu comme programme de formation professionnelle qui permettrait aux recrues au premier échelon d’être promues automatiquement au niveau de travail (FS-2) après avoir suivi avec succès le programme de cinq ans. Alors que les derniers employés de niveau FS-1 étaient promus, le niveau FS-1 devait être supprimé graduellement pour ne laisser que les postes du PPSE et du niveau FS-2.

 

[8]               À la suite d’une révision importante en 2004, le gouvernement fédéral a mis en place deux classifications FS additionnelles. La nouvelle structure de classification FS comptait dorénavant quatre niveaux : PPSE, FS-2, FS-3 et FS-4. À la même époque, le gouvernement fédéral a aussi réduit la durée du premier niveau, soit le PPSE probatoire, de cinq ans à trois ans.

 

[9]               Au cours du processus de conversion aux nouvelles classifications, le Conseil du Trésor a décidé que les employés FS-2 de l’ancienne norme seraient convertis au niveau FS-3 dans la nouvelle norme. Le nouveau niveau FS-4 a été créé sans employés et il a été prévu que les postes seraient pourvus par concours.

 

[10]           En vertu du nouveau plan de classification, les employés qui suivent avec succès le PPSE seraient promus automatiquement au niveau FS-2. La promotion au niveau FS-3 n’aurait lieu que s’il y avait un poste à pourvoir à ce niveau. Comme tous les employés FS-2 de l’ancienne norme ont été convertis au nouveau niveau FS-3, il était peu probable que des postes se libèrent à ce niveau pendant un certain temps. Le MAEC a estimé qu’au moins sept ans seraient nécessaires avant que la situation soit régularisée. Des employés pourvoient des postes de niveau FS-4 de manière continue.

 

L’exercice de recrutement latéral envisagé

 

[11]           Au cours des dernières années, trop peu de candidats ont été retenus, lors de concours pour l’entrée au Service extérieur, pour pourvoir les postes vacants dont le nombre ne cesse d’augmenter.

 

[12]           Entre 2001 et l’automne 2003, des discussions ont eu lieu entre la demanderesse et le MAEC, qui portait alors le nom de ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), qui visaient à résoudre le problème du nombre élevé de postes à pourvoir au sein du groupe FS. En bout de ligne, le MAECI a expliqué qu’il prévoyait lancer un seul concours qui serait ouvert tant aux employés FS qu’aux employés non-FS. Ce concours serait possiblement un « recrutement latéral » qui permettrait aux employés non-FS de la fonction publique de se joindre au groupe FS à un niveau supérieur à celui du PPSE. Traditionnellement, le seul moyen de se joindre au groupe FS, même pour des personnes déjà fonctionnaires, était de participer à un processus de recrutement rigoureux et férocement concurrentiel.

 

[13]           Lors de la dernière rencontre, les représentants du MAECI ont reconnu que la nomination au niveau FS-2 d’employés non-FS créerait des iniquités salariales. Les règlements en matière de rémunération prévoient normalement qu’un employé qui est nommé à un nouveau poste dans une classification différente doit obtenir un échelon de rémunération comparable à celui du poste qu’il occupait avant la nomination. Par conséquent, le projet du MAECI aurait pu causer une iniquité en ce sens que la rémunération des employés FS ayant de nombreuses années d’expérience auraient été moins élevée que celle des nouveaux employés FS occupant des postes de même niveau.

 

[14]           La demanderesse a expliqué au MAECI qu’elle reconnaissait la nécessité de procéder à un exercice de recrutement latéral, mais qu’elle appuierait uniquement un processus qui traiterait les employés FS actuels avec équité et qui protégerait l’intégrité du processus de recrutement au niveau d’entrée. La demanderesse a expliqué qu’il fallait prendre les deux mesures suivantes :

i.          donner la priorité en matière de nomination aux candidats qualifiés des niveaux PPSE et FS-1 dans le processus de sélection par voie de concours;

ii.          mettre en place un rattrapage d’échelons de rémunération pour les employés actuels de niveau FS-2 qui éviterait les iniquités salariales.

 

[15]           Bien que les représentants du MAECI n’étaient pas prêts à donner priorité aux employés FS dans le processus de sélection par voie de concours, ils ont laissé entendre qu’ils considéreraient de manière favorable le rattrapage d’échelons de rémunération. La demanderesse a par la suite été avisée que, somme toute, le MAECI ne considérerait pas le rattrapage d’échelons de rémunération.

 

[16]           La demanderesse a avisé ses membres de l’exercice de « recrutement latéral » que le MAECI envisageait et a expliqué les préoccupations qu’elle avait quant aux conséquences que cet exercice entraînerait pour le groupe FS. Pour des raisons inconnues, le MAECI a par la suite décidé de ne pas entreprendre d’exercice de recrutement latéral.

 

L’annonce de l’exercice de mutation

 

[17]           Le 8 décembre 2005, le sous-ministre a annoncé le lancement d’un exercice de mutation qui permettrait l’entrée dans le groupe FS aux niveaux FS-2 et FS-3. L’annonce était rédigée en partie comme suit :

[traduction]

Cet exercice vise à combler un besoin opérationnel immédiat d’agents expérimentés et hautement compétents aux échelons supérieurs du groupe FS. Il donnera aussi aux employés non‑FS qualifiés la possibilité d’entrer dans ce groupe.

 

[18]           La demanderesse n’a entendu parler de ce plan que quelques jours avant qu’il soit annoncé. Par téléphone, le MAEC a avisé le représentant de la demanderesse qu’il lancerait sous peu un exercice de « mutation », plutôt qu’un exercice de recrutement latéral, visant à pourvoir des postes de niveaux FS-2 et FS-3. Au cours de la discussion, le représentant de la demanderesse a exprimé d’importantes préoccupations au sujet du plan parce qu’il impliquait que 60 à 80 postes seraient pourvus sans que les employés actuels des niveaux FS-1 et FS-2 puissent participer au concours. Le représentant de la demanderesse a aussi rappelé au MAEC les préoccupations qui avaient été soulevées en 2003, mais on lui a répondu qu’on ne tiendrait pas compte de ces points parce que la décision avait déjà été prise et qu’elle était définitive. Cette conversation téléphonique a été la première, et la seule, discussion entre le MAEC et la demanderesse au sujet de la mutation, avant qu’elle soit annoncée le 8 décembre 2005.

 

La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor

 

[19]           Le MAEC soutient qu’il procède à cette mutation conformément à la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor, qui est entrée en vigueur le 1er juin 2000, parce qu’il a décidé de suivre cette politique plutôt que de s’en créer une. La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor formule des exigences et des objectifs généraux et prescrit, dans deux annexes, un certain nombre d’instructions et de directives au sujet de la mutation. La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor définit la « mutation » comme suit :

On entend par « mutation » l'affectation d'un fonctionnaire à un autre poste à l'intérieur d'un même groupe professionnel ou, dans les cas prévus par règlement de la Commission de la fonction publique du Canada (CFP), à un poste d'un autre groupe professionnel. Un fonctionnaire peut être muté pour une période indéterminée ou pour une période déterminée mais, contrairement à ce qui se passe dans les cas d'affectations ou de détachements, le fonctionnaire muté devient titulaire du poste auquel il est muté et, par conséquent, assume le niveau de classification et les conditions d'emploi du nouveau poste. Une mutation ne peut pas donner lieu à la promotion du fonctionnaire ou à la modification de la durée de ses fonctions. Une mutation ne peut être effectuée sans le consentement du fonctionnaire, sauf si l'acceptation de la mutation fait partie des conditions d'emploi du poste qu'il occupe avant la mutation.

 

[20]           Les parties de la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor pertinentes pour la présente affaire sont les suivantes :

Exigences de la politique

Les mutations doivent être faites d'une manière juste, raisonnable, transparente et qui tienne compte tant des besoins de l'organisation que des intérêts et aspirations professionnels légitimes des fonctionnaires.

Les ministères sont tenus d'élaborer des politiques et procédures concernant les mutations qui respectent les directives établies par le Conseil du Trésor conformément aux paragraphes 34.2(1), 34.3(1) et 34.3(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (voir l'annexe A), ainsi que tout règlement visé par le paragraphe 37.1(1) de cette Loi, et qui :

- tiennent compte des besoins et des droits des employés touchés par le réaménagement des effectifs;

[…]

 

Les ministères sont tenus de consulter les agents de négociation à propos de l'élaboration des politiques et procédures régissant les mutations.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         L’exercice de mutation viole-t-il le paragraphe 34.2(1) de la LEFP de 1985 et la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor?

 

ANALYSE

 

[21]           Je note d’abord que la nouvelle LEFP de 2003 est entrée en vigueur le 31 décembre 2005, après que la décision de lancer un exercice de mutation eut été annoncée le 8 décembre 2005. L’ancienne LEFP régit la présente affaire parce que l’exercice de mutation a été décidé avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle LEFP de 2003. Cependant, la question est théorique puisque l’exigence de respecter les directives du Conseil du Trésor se trouve aussi dans la nouvelle loi.

 

1.         La norme de contrôle

 

[22]           Comme c’est le cas dans tout contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer la norme de contrôle appropriée en utilisant une approche pragmatique et fonctionnelle. Pour effectuer cette analyse, la Cour doit tenir compte de quatre facteurs : la présence ou l’absence d’une clause privative, l’expertise relative du tribunal, l’objet de la loi et de la disposition en cause, et la nature du problème (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982).

 

[23]           En ce qui a trait au premier facteur, il n’y a pas de clause privative dans la LEFP de 1985. Quant au deuxième facteur, il ne fait aucun doute que l’administrateur général d’un ministère a une plus grande expertise que les tribunaux pour les questions de prise de décisions en matière de dotation en vertu de la LEFP de 1985. Cependant, les cours ont généralement une grande expertise pour les questions d’interprétation des lois. Ce second facteur est étroitement lié au quatrième facteur, soit la nature de la question. La demanderesse conteste le processus, et non pas le bien fondé de la décision, ce sur quoi la Cour a une grande expertise. Par conséquent, le second facteur est indicatif de moins de retenue.

 

[24]           Dans l’arrêt Davies c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 41, [2005] A.C.F. no 188 (C.A.F.) (QL), la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’objet principal de la LEFP de 1985 était de préserver l’intérêt public en veillant à ce que les nominations au sein de la fonction publique soient fondées sur le principe du mérite et soient exemptes de discrimination et de parti pris. Quant à l’objet des dispositions en question portant sur la mutation, je me réfère à la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor qui, dans son préambule, énonce un nombre de buts généraux pour la mutation, tels que la promotion d’un environnement qui encourage la mobilité des employés afin de leur permettre de se perfectionner et de répondre avantageusement aux besoins organisationnels : amélioration de l’efficacité opérationnelle et réponse aux intérêts professionnels individuels. Par conséquent, la loi et la disposition sont toutes deux de nature polycentrique parce qu’elles établissent un équilibre entre les intérêts du gouvernement et les intérêts individuels des employées de la fonction publique, ce qui est indicatif de plus de retenue.

 

[25]           Les parties sont en désaccord au sujet du dernier facteur, soit la nature du problème. Le défendeur soutient que la nature du problème est le caractère discrétionnaire de la décision en cause et que le droit administratif a traditionnellement abordé le contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires séparément de décisions sur l'interprétation de règles de droit. Le principe est qu'on ne peut exercer un contrôle judiciaire sur les décisions discrétionnaires que pour des motifs limités, comme la mauvaise foi du décideur, un but illégitime et des considérations non pertinentes. À mon avis, bien que la décision du sous‑ministre était en effet une décision discrétionnaire, la question dont la Cour est saisie est de savoir si la décision du sous-ministre respectait les exigences de la LEFP de 1985 et de la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor. Par conséquent, le dernier est également indicatif de moins de retenue.

 

[26]           Pour tous ces motifs, je crois que la décision correcte est la norme de contrôle appropriée.

 

2.         L’exercice de mutation viole-t-il le paragraphe 34.2(1) de la LEFP de 1985 et la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor?

 

[27]           Avant 1993, la dotation au sein de la fonction publique ne pouvait être effectuée que par un processus de sélection fondé sur le mérite qui se terminait par une nomination à un poste précis. Pendant un certain temps, le gouvernement avait tenté de contourner le processus de nomination dans certains cas en utilisant des mutations latérales entre postes jusqu’à ce que la Cour fédérale conclue, dans la décision Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), [1992] 2 C.F. 181 (1re inst.), que la LEFP n’autorisait pas ce genre de mutation. La LEFP a par la suite été modifiée pour permettre la « mutation » d’un employé d’un poste à un autre sans passer par le processus de sélection par concours. Tant l’ancienne LEFP de 1985 que la nouvelle LEFP de 2003 prévoient un processus administratif en ce qui a trait aux mutations : LEFP de 1985, partie III; LEFP de 2003, partie III.

 

[28]           L’article 34.2 prévoit que les mutations effectuées aux termes de la partie III.1 de la LEFP de 1985 doivent satisfaire à trois conditions légales : i) la mutation ne peut pas avoir pour résultat la promotion du fonctionnaire ou la modification de la durée de ses fonctions; ii) le fonctionnaire doit consentir à la mutation; iii) la mutation doit être effectuée selon les modalités fixées par le Conseil du Trésor.

 

[29]           En ce qui a trait à la dernière condition, qui apparaît au paragraphe 34.2(1) de la LEFP, le Conseil du Trésor a fixé ces modalités dans sa Politique sur les mutations.

 

[30]           Avant d’examiner si l’exercice de mutation en soi viole la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor, la Cour doit se pencher sur la question de savoir si cette politique a force exécutoire. Dans la décision Vavrecka c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), (1996), 110 F.T.R. 115 (1re inst.), la Cour a conclu que les ministères sont implicitement tenus, lorsqu’ils procèdent à des mutations, de se conformer aux lignes directrices établies par le Conseil du Trésor. Le juge Strayer a déclaré, au paragraphe 12 :

Dans les deux cas, la Cour a donné effet légal à ces documents. Cette politique et ces lignes directrices avaient toutefois clairement été adoptées en vertu d'une disposition législative, en l'occurrence le paragraphe 34.2(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, qui obligeait expressément les ministères à établir des politiques et des procédures sur les mutations conformes aux directives du Conseil du Trésor, lequel avait effectivement publié ces directives.

 

 

[31]           Dans la décision Nieboer c. Canada (1996), 121 F.T.R. 29, la Cour a cité la décision Vavrecka et a conclu que « [c]ompte tenu du libellé explicite que le législateur fédéral a employé au paragraphe 34.2(1) de la Loi, il est évident que les ministères sont tenus de procéder à des mutations en conformité avec les lignes directrices établies par le Conseil du Trésor » (au paragraphe 17).

 

[32]           Bien que les deux décisions susmentionnées traitent d’une question différente de celle en l’espèce, soit un préavis des possibilités de mutation à venir, le principe général qui transparaît dans ces décisions ne pourrait être plus clair. La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor a force exécutoire et, par conséquent, les ministères doivent s’y conformer.

 

[33]           La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor prescrit clairement que tous les ministères doivent élaborer leurs propres politiques et procédures en matière de mutation en conformité avec les directives du Conseil du Trésor. Le MAEC n’a pas élaboré de politique en matière de mutation. Par conséquent, on ne peut pas affirmer que le MAEC a procédé à l’exercice de mutation « selon les modalités fixées par le Conseil du Trésor ». La Politique sur les mutations du Conseil du Trésor prévoit aussi, dans un libellé contraignant, que :

Les ministères sont tenus de consulter les agents de négociation à propos de l'élaboration des politiques et procédures régissant les mutations. [Non souligné dans l’original.]

 

[34]           Selon la demanderesse, qui est l’agent de négociation accrédité, le MAEC ne l’a jamais consulté au sujet de « l’élaboration » d’une politique de mutation ministérielle. Elle n’a pas été consultée non plus au sujet de la question de savoir si l’élaboration d’une politique ministérielle distincte était nécessaire ou utile.

 

[35]           Le défendeur soutient que le MAEC a adopté la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor et qu’il n’a pas créé sa propre politique. À mon avis, cependant, cela ne change rien au fait que la demanderesse n’a jamais été consultée au sujet d’une telle adoption ni au sujet de son point de vue à savoir si l’élaboration d’une politique propre au MAEC était nécessaire ou utile. De plus, je n’accepte pas l’argument du défendeur selon lequel les discussions qui avaient eu lieu deux ans avant que la décision soit prise au sujet du recrutement latéral satisfont à l’obligation prévue par la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor de discuter de la question de la mutation. Comme la Politique sur les mutations du Conseil du Trésor a force de loi, l’obligation de consulter l’agent de négociation est une condition légale préalable à l’exercice du pouvoir de mutation. Le défaut de le faire vicie la décision du ministre et me suffit pour trancher la présente demande.

 

[36]           La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision du sous-ministre d’Affaires étrangères Canada, prise le 8 décembre 2005, sera annulée. L’affaire sera renvoyée devant le sous‑ministre pour un nouvel examen qui devra être conforme aux présents motifs. Le tout avec dépens.

 


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

La décision du sous‑ministre d’Affaires étrangères Canada, prise le 8 décembre 2005, est annulée. L’affaire est renvoyée devant le sous‑ministre pour un nouvel examen qui doit être conforme aux présents motifs.

 

Le tout avec dépens.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2202-05

 

INTITULÉ :                                       Association professionnelle des agents du service extérieur

 

                                                            c.

 

                                                            Procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Raven

Paul Champ

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John Jaworski

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP

Bureau 1600

220, avenue Laurier Ouest

Ottawa (Ontario)

K1P 5Z9

 

 

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 


Annexe A

 

 

 

DISPOSITIONS LÉGALES

 

 

Les dispositions pertinentes de la LEFP, 1985, sont les suivantes :

 

« mutation » Transfert d’un fonctionnaire à un autre poste.

 

« fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission.

 

PARTIE III.1

 

MUTATIONS

 

Pouvoirs

 

Droit exclusif

 

34.1 (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi, l’administrateur général a le droit exclusif de muter au secteur relevant de sa compétence des fonctionnaires en provenance de l’extérieur ou de procéder à des mutations au sein de ce secteur.

 

Mouvements de personnel

 

(2) Les mutations peuvent s’effectuer à l’intérieur des groupes professionnels et, dans les cas prévus par règlement de la Commission, entre ces groupes.

 

Durée

 

Sauf précision contraire, les mutations se font pour des périodes indéterminées.

 

Conditions

 

Modalités

 

34.2 (1) Les mutations sont effectuées selon les modalités fixées par le Conseil du Trésor.

 

Maintien de la situation du fonctionnaire

 

(2) Aucune mutation ne peut avoir pour résultat la promotion du fonctionnaire ou la modification de la durée de ses fonctions.

 

Consentement du fonctionnaire

 

(3) Aucune mutation ne peut être effectuée sans le consentement du fonctionnaire, sauf si l’acceptation d’être muté fait partie des conditions d’emploi de son poste actuel.

“deployment” means the transfer of an employee from one position to another;

 

“employee” means a person employed in that part of the public service to which the Commission has the exclusive right and authority to appoint persons;

 

PART III.1

 

DEPLOYMENT

 

Right to deploy

 

Exclusive right to deploy

 

34.1 (1) Except as provided in this Act or any other Act, a deputy head has the exclusive right and authority to make deployments to or within that part of the public service over which the deputy head has jurisdiction.

 

Deployments within or between groups

 

(2) Deployments may be made within occupational groups and, when authorized by the regulations of the Commission, between occupational groups.

 

Term

 

(3) Unless some other period is specified, a deployment is for an indeterminate period.

 

Conditions

 

Manner

 

34.2 (1) Deployments shall be made in such manner as the Treasury Board may direct.

 

No promotion or change in tenure

 

(2) No employee shall be deployed in a manner that results in a promotion or a change in the tenure of office of that employee.

 

Consent to deployment

 

(3) No employee shall be deployed without the consent of the employee, unless an agreement to being deployed is a term or condition of employment of the employee’s current position.

 

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