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Date : 20060919

Dossier : IMM-5042-06

Référence : 2006 CF 1123

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

NICOLE AMANDA SIMMONS

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans trois jours, Mme Simmons sera renvoyée à Saint‑Vincent d’où elle s’est enfuie il y a un certain nombre d’années afin d’échapper à son mari malveillant. Saint‑Vincent est une petite île et, selon la preuve, aussi imparfaite soit‑elle, il n’y existe aucune maison d’accueil pour les femmes.

 

[2]               La demande d’asile et de personne à protéger de Mme Simmons a été rejetée en 2004. Dès lors, en conformité avec la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), elle a sollicité une évaluation des risques avant renvoi (ERAR) en vertu des articles 112 et suivants. Elle a également demandé qu’on lui permette de présenter une demande de résidence permanente tout en demeurant au Canada pour des considérations humanitaires (CH), et ce, conformément à l’article 25 de la LIPR. Cette demande a été déposée il y a environ 15 mois.

 

[3]               La décision relative à l’ERAR a été défavorable. La demanderesse a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision. Cette demande ne suspend pas le renvoi. Une agente d’exécution a été chargée de renvoyer la demanderesse du Canada « dès que les circonstances le permett[ront] » pour reprendre le libellé de l’article 48 de la Loi. On a demandé à l’agente d’exécution de retarder le renvoi de la demanderesse jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue quant à la demande qu’elle a présentée à la Cour concernant la décision relative à l’ERAR défavorable, et, également, d’attendre le résultat de la demande CH. L’agente a refusé. Mme Simmons a demandé à la Cour de lui accorder un sursis judiciaire. Sa requête est accueillie.

 

[4]               En ce qui concerne le report du renvoi de la demanderesse en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR, une évaluation psychologique et une mise à jour ont été déposées. L’agente d’exécution a transmis ces rapports aux Medical Overseas Services dont les services sont souvent retenus pour ce genre d’affaires. Un des médecins de cet organisme a envoyé son évaluation à l’agente d’évaluation qui, dans ses notes, n’a fait que mentionner que celui‑ci a examiné les rapports [traduction] « et qu’il ne souscrivait pas à l’opinion. Il affirme de plus que les soins médicaux élémentaires sont dispensés à Saint‑Vincent ».

 

[5]               Il est de jurisprudence constante qu’un sursis est un recours extraordinaire qui n’est accordé que s’il existe une question sérieuse à trancher, un risque de préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (CAF)).

 

[6]               Quant à la question sérieuse à trancher, l’arrêt R.J.R.-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, permet d’affirmer que, sauf lorsque la réclamation est futile ou vexatoire, le juge de la requête devrait procéder à l'examen des deuxième et troisième étapes du critère à trois volets.

 

[7]               En l’espèce, l’agente d’exécution s’est fiée à l’opinion d’un médecin qui n’a pas été soumise à Mme Simmons. En effet, nous ne savons pas ce qui figurait dans cette opinion. Il n’est certainement pas futile de prétendre, comme l’a fait Mme Simmons, qu’elle aurait dû avoir la possibilité de voir les documents ou, à tout le moins, d’en voir l’essentiel et d’avoir la possibilité de formuler des observations quant à ceux‑ci. Si les agents des visas ont des réserves quant à d’éventuels immigrants, ils doivent faire part de ces réserves afin de donner au demandeur la possibilité de répondre de façon significative (Khyaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 703 (QL), Guo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 626, [2006] A.C.F. no 795). Se peut-il que l’on ne soit pas tenu à cette même obligation lorsqu’il est question de préjudice irréparable? Voir Pancharatnam c. Canada (Solliciteur général) 2004 CF 867, [2004] A.C.F. no 1057.

 

[8]               La deuxième question sérieuse à trancher est la demande CH en instance. L’agente d’exécution était disposée à différer le renvoi de quelques mois de telle sorte que Mme Simmons ne perde pas le dépôt qu’elle a versé relativement à un bail à condition qu’elle assume les frais de son voyage de retour à Saint‑Vincent. Elle n’était toutefois pas prête à attendre l’issue de la demande CH. Elle a souligné, ce qui peut paraître banal mais qui est juste, qu’une demande CH en instance ne résulte pas en un sursis administratif. Toutefois, ce n’était pas la question qu’elle devait examiner. Elle aurait dû examiner si la demande avait été déposée en temps opportun et si la raison pour laquelle aucune décision n’était rendue était qu’il y avait engorgement du système. Elle a adopté l’opinion qu’il fallait entre un et trois ans pour qu’une demande CH soit examinée. Elle n’a pas mentionné d’où elle tenait ces chiffres. Les renseignements qui figurent dans le site Web de Citoyenneté et Immigration donnent à penser, bien qu’avec certaines nuances, que le traitement d’une telle demande prend d’ordinaire 15 mois. L’agente avait le pouvoir discrétionnaire d’entendre l’issue de la décision CH en instance (Poyanipur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 116 F.T.R. 4, Simoës c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 F.T.R. 219). On peut prétendre qu’elle a entravé ce pouvoir discrétionnaire.

 

[9]               En ce qui concerne le préjudice irréparable, la crainte de Mme Simmons à cet égard est au cœur même de sa demande d’ERAR et de sa demande CH. Son témoignage a toujours été accepté. Elle se faisait régulièrement battre ainsi qu’abuser physiquement et sexuellement. Son époux s’est rendu à son lieu de travail et a déchiré ses vêtements devant ses collègues de travail. Elle a le droit de faire valoir ses droits devant une cour de justice canadienne.

 

[10]           La prépondérance des inconvénients favorise certainement Mme Simmons, compte tenu surtout que ce n’est pas à la dernière minute qu’elle a déposé sa demande CH. Elle est en instance depuis 15 mois.

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête est accueillie.

2.                  Le renvoi de Mme Simmons prévu pour le 22 septembre 2006 est suspendu jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée en l’espèce.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5042-06

 

INTITULÉ :                                       NICOLE AMANDA SIMMONS

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

                                                            DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Osborne G. Barnwell

 

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : 

 

Osborne G. Barnwell

Avocat

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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