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Date : 20060908

Dossier : T-1536-05

Référence : 2006 CF 1076

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

 

IGNATIUS BENOIT

 

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        M. Ignatius Benoit, le demandeur, est un pêcheur. En 1996, M. Benoit s’est vu refuser le statut de pêcheur du noyau, qui est le statut le plus élevé qu’un pêcheur puisse obtenir et qui est accompagné d’avantages importants. Depuis ce temps, M. Benoit a contesté la décision par voies administratives. Il présente maintenant une demande de contrôle judiciaire des diverses décisions qui ont été rendues par les entités et personnes suivantes :

 

  • L’Unité d’évaluation des pêcheurs du noyau du ministère des Pêches et des Océans (MPO), en date du 2 août 1996;

 

  • Le Comité d’examen industrie/MPO, en date du 3 octobre 1996, dont la décision a été confirmée par un fonctionnaire du MPO en novembre 1996;

 

  • Le ministre des Pêches et des Océans (le ministre), Robert Thibault, à diverses dates en 2002 et en 2003;

 

  • Le ministre, Geoff Regan, à diverses dates en 2004 et en 2005, et finalement en date du 12 août 2005.

 

[2]        En terme de recours judiciaire, M. Benoit demande l’annulation de toutes les décisions liées à sa demande du statut de pêcheur du noyau et la délivrance d’une ordonnance de mandamus pour contraindre l’Unité d’évaluation des pêcheurs du noyau à examiner le bien-fondé de sa demande du statut de pêcheur du noyau en fonction de certains critères.

 

[3]        Les parties conviennent que le procureur général du Canada est le défendeur approprié en l’espèce. L’intitulé sera modifié de manière à ce que le ministre des Pêches et des Océans et l’Unité d’évaluation des pêcheurs du noyau du ministère des Pêches et des Océans ne paraissent plus comme défendeurs.

 

Les questions en litige

[4]        En l’espèce, les questions en litige sont les suivantes :

 

1.                  Quelle est la décision qui fait l’objet du présent contrôle?

 

2.                  Quelle est la nature de la décision et quelle est la norme de contrôle applicable?

 

3.                  Le ministre a-t-il commis des erreurs qui justifient l’intervention de la Cour?

 

Les dispositions légales et le régime administratif applicables

[5]        Le ministre des Pêches et des Océans a le pouvoir d’octroyer des permis de pêche en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14 (la Loi), qui prévoit :

 

7. (1) En l’absence d’exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d’exploitation de pêcheries — ou en permettre l’octroi —, indépendamment du lieu de l’exploitation ou de l’activité de pêche.

 

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

 

[6]        En 1996, la politique du ministre était d’évaluer les pêcheurs en vue de déterminer s’ils étaient admissibles au statut de pêcheur du noyau. L’Unité d’évaluation des pêcheurs du noyau et le Comité d’examen industrie/MPO ont été créés pour aider le ministre dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire en lui fournissant des recommandations non contraignantes. Il convient de noter que la Loi ne prévoit pas de droit de contrôle ou d’appel une fois que le ministre a rendu une décision au sujet du permis. Par conséquent, la décision du ministre de réexaminer ou de réviser son refus d’accorder un permis est une décision discrétionnaire au même titre que la décision originale, en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi.

 

Analyse

Quelle est la décision qui fait l’objet du présent contrôle?

[7]        Le demandeur demande le contrôle judiciaire de toutes les décisions liées à sa demande du statut de pêcheur du noyau, de la recommandation défavorable de l’Unité d’évaluation du statut de pêcheur du noyau faite en 1996 au refus du ministre de rouvrir le dossier le 12 août 2005. En tout, huit décisions ministérielles sont en cause. C’est-à-dire qu’entre novembre 2001 et le 12 août 2005, M. Benoit a présenté au moins huit demandes de réexamen; le ministre a rejeté la demande de M. Benoit dans sept (peut-être huit) décisions écrites distinctes.

 

[8]        Cette approche générale soulève certains problèmes. Premièrement, les décisions de l’Unité d’évaluation du statut de pêcheur du noyau et du Comité d’examen débordent du cadre du présent contrôle judiciaire. Ces organismes font des recommandations aux représentants du ministre, ils ne prennent pas de décisions. Le présent contrôle judiciaire ne peut s’appliquer qu’à des décisions du ministre ou de ses représentants de refuser l’octroi du statut de pêcheur du noyau (Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2002] A.C.F. no 436 (QL), 2002 CAF 103, au paragraphe 13).

 

[9]        Deuxièmement, le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, prévoit que les demandes de contrôle judiciaire doivent être présentées dans les 30 jours suivant le prononcé de la décision contestée. Sauf pour la dernière décision du ministre Regan, communiquée par lettre en date du 12 août 2005, toutes les décisions précédentes dépassent la limite des 30 jours. M. Benoit aurait pu présenter des demandes de contrôle judiciaire au sujet de ces décisions, mais comme il ne l’a pas fait, le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, ainsi que l’intérêt de la justice dans le caractère définitif des décisions, empêche M. Benoit de demander le contrôle judiciaire des décisions précédant celle du 12 août 2005.

 

[10]      Finalement, une demande de contrôle judiciaire ne peut toucher qu’une seule décision. Une demande doit être présentée pour chaque décision pour laquelle une réparation est demandée (article 302, Règles des Cours fédérales, DORS/98-106; Institut canadien des droits humains c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] 1 C.F. 475 (1re inst.)).

 

[11]      Pour ces motifs, seule la décision du ministre prise le 12 août 2005 fera l’objet du présent contrôle judiciaire. Je commencerai par résumer cette décision.

 

La décision du ministre du 12 août 2005

[12]      La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire a été prise en réponse à une demande présentée le 30 juin 2005 par l’avocat de M. Benoit. Dans la demande de révision ministérielle, l’avocat de M. Benoit a énoncé divers motifs sur lesquels la demande était fondée : 

 

  • incohérences dans la procédure du Comité d’examen industrie/MPO au cours de l’audience tenue en 1996;

 

  • abus de procédure commis par le Comité d’examen en 1996 par son refus d’examiner certains documents et de permettre à M. Benoit de témoigner au sujet de certains renseignements;

 

  • nouveaux renseignements, [traduction] « qui n’avaient pas été présentés auparavant au bureau du ministre […] qui prouvaient que le demandeur avait été patron d’entreprise au cours des années précédant sa blessure »;

 

  • circonstances exceptionnelles, dont le manque d’instruction de M. Benoit, qui pourraient expliquer le fait qu’il n’a pas fourni certains renseignements pertinents et qu’il n’a pas compris son droit d’appel.

 

[13]      Dans sa lettre du 12 août 2005, le ministre a répondu comme suit :

 

[traduction]

Je vous remercie de votre lettre du 30 juin 2005 au sujet du statut de M. Ignatius Benoit en vertu de la Politique de permis du groupe noyau.

 

Comme je l’ai mentionné dans mes lettres précédentes, et comme mes prédécesseurs l’ont aussi mentionné, le dossier de M. Benoit a été examiné à fond plusieurs fois et la décision qui a été rendue sera maintenue.

 

Depuis 1996, les titulaires de permis ont eu d’amples possibilités pour faire examiner leur dossier. Cependant, je ne suis plus disposé à faire examiner par les fonctionnaires du ministère des dossiers pour lesquels une décision claire a été rendue après examen complet. Malheureusement, je ne peux apporter aucune aide supplémentaire à M. Benoit.

 

Quelle est la nature de la décision et quelle est la norme de contrôle applicable?

[14]      La décision qui refusait à M. Benoit le statut de pêcheur du noyau, rendue en novembre 1996, devait être définitive et obligatoire, sous réserve d’un contrôle judiciaire. Aucune disposition légale ne prévoit le contrôle des décisions du ministre et ce dernier n’est certainement pas tenu légalement de réexaminer sans arrêt les mêmes décisions. L’examen de la correspondance permet de noter que, dans des décisions précédentes, le ministre avait avisé M. Benoit qu’il réexaminerait sa décision à certaines conditions, entre autres si M. Benoit présentait de nouveaux renseignements (voir, par exemple, les lettres du ministre datées du 3 juin 2002 et du 7 novembre 2003). Dans chaque cas, M. Benoit a répondu à l’invitation en présentant une demande de réexamen et, à chaque fois, la demande a été rejetée. Le ministre n’a pas réitéré l’invitation de présenter de plus amples renseignements dans les décisions qu’il a rendues le 29 avril 2004 et le 6 juillet 2005.

 

[15]      Comme : a) le ministre n’a aucune obligation prévue par la loi de procéder à un nouvel examen; b) dans ses lettres de 2004 et 2005, le ministre n’a pas invité M. Benoit à présenter de nouvelles demandes; c) M. Benoit avait déjà obtenu de nombreux réexamens, je ne suis pas absolument certaine que le ministre avait une obligation quelconque à ce stade de répondre à la huitième demande de réexamen de M. Benoit. Cependant, si c’était le cas, cette obligation n’exigeait qu’un minimum d’équité procédurale (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). Je suppose que, si une obligation s’imposait au ministre, il s’agissait de l’obligation d’examiner la demande présentée le 30 juin 2005 de bonne foi, en évitant l’arbitraire et en se fondant sur des considérations pertinentes.

 

[16]      La nature discrétionnaire du pouvoir du ministre de délivrer des permis est clairement établie. Le juge Major a décrit cette nature aux paragraphes 36 et 37 de Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12 :

 

Je suis d’avis que le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la délivrance de permis, qui est conféré au Ministre par l’art. 7, est, à l’instar de son pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis, restreint seulement par l’exigence de justice naturelle, étant donné qu’il n’y a actuellement aucun règlement applicable.  Le Ministre doit fonder sa décision sur des considérations pertinentes, éviter l’arbitraire et agir de bonne foi. [Non souligné dans l’original.]  Il en résulte un régime administratif fondé principalement sur le pouvoir discrétionnaire du Ministre : voir Thomson c. Ministre des Pêches et Océans, C.F. 1re inst., no T‑113‑84, 29 février 1984.

Cette interprétation de la portée du pouvoir discrétionnaire du Ministre est conforme à la politique globale de la Loi sur les pêches.  Les ressources halieutiques du Canada sont un bien commun qui appartient à tous les Canadiens.  En vertu de la Loi sur les pêches, le Ministre a l’obligation de gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l’intérêt public (art. 43).  Les permis sont un outil dans l’arsenal de pouvoirs que la Loi sur les pêches confère au Ministre pour gérer les pêches.  Ils permettent de restreindre l’accès à la pêche commerciale, de limiter le nombre de pêcheurs et de navires et d’imposer des restrictions quant aux engins de pêche utilisés et à d’autres aspects de la pêche commerciale.

 

[17]      La Cour a toujours adopté la décision manifestement déraisonnable comme norme de contrôle applicable aux décisions du ministre ou de ses représentants de refuser, de suspendre ou de révoquer un permis, conformément à l’approche pragmatique et fonctionnelle (voir, par exemple, la décision Tucker c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2000] A.C.F. no 1868 (C.F. 1re inst.), conf. par [2001] A.C.F. no 1862 (C.A.F.), aux paragraphes 13 à 16; adoptée également dans Fennelly c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 1573, 2005 CF 1291, au paragraphe 21; Goodwin c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2005] A.C.F. no 1438, 2005 CF 1185, au paragraphe 25).

 

[18]      Comme la norme de contrôle la plus rigoureuse s’applique à la décision de refuser, de suspendre ou de révoquer un permis, il s’ensuit qu’une norme aussi rigoureuse s’applique à la décision prise quant à savoir si la décision doit être réexaminée. Les deux décisions sont discrétionnaires et, à mon avis, elles font partie du « régime administratif » auquel la Cour suprême a fait référence dans l’arrêt Comeau’s, précité.

 

[19]      Au regard de cette norme la plus rigoureuse, « [l]e Ministre doit fonder sa décision sur des considérations pertinentes, éviter l’arbitraire et agir de bonne foi» (arrêt Comeau’s, précité, au paragraphe 36; suivi par la juge Elizabeth Heneghan dans Keating c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2002] A.C.F. no 1602, 2002 CFPI 1174, aux paragraphes 64 et 65).

 

Le ministre a-t-il commis une erreur?

[20]      M. Benoit reconnaît qu’il tente de faire annuler la recommandation du Comité d’examen et la décision du ministre y faisant suite de lui refuser le statut de pêcheur du noyau, comme ressort de l’examen de toutes les observations qu’il a présentées subséquemment au ministre, y compris celles qui font l’objet de la présente demande. M. Benoit a contesté à maintes reprises le processus de détermination de son statut et a tenté de faire remettre en question le processus et les conclusions du Comité. En l’espèce, M. Benoit soulève diverses erreurs de procédure et de fait que le Comité aurait commises, y compris :

 

  • la violation de la théorie de l’expectative légitime;

 

  • la crainte raisonnable de partialité de la part des membres du Comité;

 

  • le défaut de permettre à M. Benoit de présenter des documents portant sur certaines des questions en litige;

 

  • le défaut d’informer M. Benoit des renseignements qui se trouvent dans son dossier.

 

[21]      Il est maintenant presque impossible de porter un jugement sur les erreurs alléguées. Les arguments présentés font ressortir les raisons d’intérêt public pour lesquelles il existe une limite au délai au cours duquel une demande de contrôle judiciaire peut être déposée. Il n’est tout simplement pas juste envers le défendeur de soulever maintenant des questions qui auraient pu et auraient dû être présentées après que le ministre eut rendu sa décision en 1996.

 

[22]      Selon M. Benoit, il a seulement appris en 2003 que la décision du Comité d’examen était fondée sur une mauvaise compréhension de ses activités de pêche d’avant 1983. Il soutient aussi qu’une grande partie des erreurs que le Comité aurait peut-être commises n’ont été découvertes qu’au cours du présent contrôle judiciaire. Par exemple, il fait remarquer que les renseignements dont le Comité était saisi au sujet de son expérience de pêche, ceux contenus dans les dossiers du MPO, n’étaient pas complets. Cependant, si M. Benoit avait demandé le contrôle judiciaire de la décision originale rendue en 1996, ou des refus précédents du ministre de réexaminer la décision, les erreurs en question auraient été remarquées. Un examen de la décision du ministre, qui était fondée sur la recommandation, aurait probablement mis au jour la preuve entière dont étaient saisis tant le Comité que le ministre. De plus, l’examen d’une demande de contrôle judiciaire présentée dans les délais, qui aurait soulevé des questions d’équité procédurale, d’expectative légitime et de crainte raisonnable de partialité, aurait bénéficié alors d’un dossier complet et contemporain des faits.

 

[23]      M. Benoit soutient qu’il ne savait pas qu’il pouvait porter la décision du ministre en appel. Ce n’est pas une excuse acceptable. Compte tenu de l’importance du statut de pêcheur du noyau pour son mode de vie, on se serait attendu à ce que M. Benoit demande de l’aide pour la poursuite de sa revendication.

 

[24]      J’ai les mêmes réserves au sujet des nombreuses autres décisions que le ministre a rendues entre le 29 juillet 2002 et le 6 juillet 2005. Dans chaque cas, la demande de réexamen a été présentée par un avocat pour M. Benoit. Comme le langage utilisé dans les diverses demandes le corrobore, M. Benoit (ou du moins, son avocat) était parfaitement au courant qu’il pouvait demander l’intervention de la Cour. Malgré cela, il n’a présenté aucune demande à la Cour avant la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[25]      Comme aucun contrôle judiciaire n’avait été accueilli pour la décision rendue en 1996, ni pour les nombreuses décisions qui ont suivi, lorsque le ministre a réfléchi à sa dernière réponse, il pouvait raisonnablement croire qu’il n’y avait eu aucune erreur dans ces décisions antérieures. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable que le ministre rejette les observations de la demande présentée le 30 juin 2005 au sujet des points suivants :

 

  • incohérence dans la procédure du Comité d’examen industrie/MPO au cours de l’audience tenue en 1996;

 

  • abus de procédure commis par le Comité d’examen en 1996 par son refus d’examiner certains documents et de permettre à M. Benoit de témoigner au sujet de certains renseignements;

 

  • circonstances exceptionnelles, dont le manque d’instruction de M. Benoit, qui pourraient expliquer le fait qu’il n’a pas fourni certains renseignements pertinents et qu’il n’a pas compris son droit d’appel.

 

[26]      Il reste la nouvelle preuve présentée dans la demande de réexamen du 30 juin 2005. À supposer, sans toutefois me prononcer sur ce point, que le ministre avait l’obligation d’examiner la nouvelle preuve présentée, la tâche du ministre consistait à examiner si une nouvelle preuve, qui n’avait pas été présentée aux décideurs antérieurs, ou ne pouvait pas l’être, avait été effectivement présentée et si une telle preuve pouvait justifier une décision différente de celle rendue en 1996.

 

[27]      Dans ses dernières observations au ministre, M. Benoit a présenté des copies d’affidavits d’autres pêcheurs à l’appui de son argument portant sur son statut de pêcheur d’avant 1983. M. Benoit soutient que le ministre n’a pas tenu compte de ces renseignements pertinents. Je ne suis pas du même avis.

 

[28]      Je note d’abord que rien ne démontre que le ministre n’a pas tenu compte de la nouvelle preuve; en l’absence de preuve contraire, il faut présumer que le ministre a examiné les observations qui lui ont été présentées dans la demande de réexamen du 30 juin 2005. De plus, je peux raisonnablement conclure que le défaut du ministre de faire référence précisément aux affidavits est dû au fait qu’il avait conclu que : a) ils n’appuyaient pas de façon convaincante la demande de M. Benoit et b) ils ne constituaient pas une « nouvelle preuve ».

 

[29]      À mon avis, les affidavits offraient très peu d’appui à M. Benoit. Tout d’abord, les affidavits ne sont que des preuves par ouï-dire parce que les déposants présentent un témoignage de leurs connaissances des pratiques de pêche de M. Benoit d’avant 1983. Deuxièmement, les déposants expriment seulement l’opinion selon laquelle M. Benoit avait été un « patron d’entreprise » avant 1983; c’est précisément la décision que devaient prendre les fonctionnaires du MPO, le Comité d’examen et le ministre après avoir examiné toute la preuve. Finalement, il n’existe aucun motif pour lequel cette preuve ne pouvait pas être présentée au Comité d’examen au moment de l’audience. Il n’est pas déraisonnable que le ministre ait rejeté les affidavits.

 

[30]      Un autre argument que M. Benoit a présenté est le fait que le ministre s’est fondé sur des renseignements qu’un fonctionnaire du MPO avait préparés pour lui, renseignements auxquels M. Benoit n’avait pas eu accès. M. Benoit est d’avis que les renseignements fournis au ministre comportaient de nombreuses erreurs qui ne sont apparues que dans le contexte du présent contrôle judiciaire. M. Benoit soutient que le fait que les renseignements ne lui avaient pas été communiqués l’a empêché de réagir aux erreurs. Il ajoute que ceci constitue un manquement à un principe de justice naturelle; on aurait dû l’aviser de ce qu’on faisait valoir contre lui.

 

[31]      Les renseignements qui comportent supposément des erreurs font partie du dossier courant de M. Benoit au MPO. M. Benoit n’allègue pas que les fonctionnaires du MPO ont préparé un rapport « secret » ou qu’ils ont fourni au ministre des renseignements autres que ceux qui se trouvaient dans son dossier, et rien n’indique que c’est le cas. M. Benoit aurait pu, à tout moment, demander à examiner son dossier. Il ne peut pas maintenant s’appuyer sur son défaut de le faire comme motif permettant de conclure qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle.

 

Conclusion

[32]      En conclusion, je ne relève aucune erreur dans la décision que le ministre a prise le 12 août 2005, dans laquelle il refusait de réexaminer le statut de M. Benoit dans le cadre de la Politique de permis du groupe noyau. Le ministre a fondé sa décision sur des considérations pertinentes, il n’a pas été arbitraire et il a agi de bonne foi. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[33]      Tel que demandé dans les observations écrites et discuté lors de l’audience, les dépens seront adjugés au défendeur selon le tarif habituel.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

1.   l’intitulé soit modifié de manière à ce que le ministre des Pêches et des Océans et l’Unité d’évaluation des pêcheurs du noyau du ministère des Pêches et des Océans ne paraissent plus comme défendeurs

 

  1. la demande de contrôle judiciaire soit rejetée et que les dépens soient adjugés au défendeur.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1536-05

 

INTITULÉ :                                       IGNATIUS BENOIT c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 août 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       La juge Snider

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 septembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Fred R. Stagg, c.r.

 

POUR LE DEMANDEUR

Korinda McLaine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Fred R. Stagg Law Office

Stephenville (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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