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Date : 20060925

Dossier : T-498-06

Référence : 2006 CF 1132

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2006

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE :

SKANDER TOURKI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête de la part du défendeur, le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile, visant à faire appel de l’ordonnance du protonotaire Me Richard Morneau, datée du 28 juin 2006, laquelle permet au demandeur une extension de délai pour déposer des documents à l’appui de ses affidavits.

 

[2]               De façon générale, le défendeur prétend que les documents dont on demande le dépôt sont clairement inadmissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire puisqu’ils n’étaient pas devant le décideur administratif.

 

[3]               Il est vrai que les documents dont il est question résultent d’interrogatoires qui se sont déroulés postérieurement au 10 mars 2004 dans une autre instance. Cependant, force est d’admettre que cette instance est liée directement au dossier qui est devant notre Cour.

 

[4]               En fait, le protonotaire Morneau n’a pas décidé quant à l’admissibilité ou non des documents en question, mais a plutôt reporté sa décision au juge du fond, compte tenu des circonstances. Il est manifeste du présent dossier que le défendeur a préféré baser son argumentation sur l’admissibilité des documents en question plutôt que d’examiner la décision du protonotaire Morneau à la lumière des conditions qui puissent justifier de casser une décision d’un protonotaire en appel.

 

[5]               Les motifs pour casser une décision d’un protonotaire en appel ont été clairement exposés dans la décision Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, paragraphes 94-95, (1993) 149 N.R. 273 :

Je souscris aussi en partie à l’avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l’égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a)                  l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits,

 

b)                  l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal.

 

Si l’ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début.

 

[6]               À mon avis, dans le présent dossier, il s’agit d’une décision interlocutoire de la part du protonotaire qui ne peut être qualifiée d’erreur flagrante, puisque les documents dont il est question sont tout à fait pertinents au présent dossier et sont en rapport avec les mêmes faits. La question pertinente est de savoir s’ils pourront éventuellement être admissibles devant la Cour puisqu’ils constituent des témoignages postérieurs à la décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               Il est clair également que les déclarations des personnes interrogées sont en rapport avec les faits qui se sont passés préalablement à la décision rendue par le décideur. Les personnes qui ont fait l’objet des interrogatoires pourraient être interrogées à nouveau dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, et pourraient éventuellement être confrontées à leurs déclarations antérieures sur le même sujet, et cela même après la décision qui est l’objet de la demande de contrôle judiciaire. Une pareille demande est tout à fait plausible pour vérifier la crédibilité des personnes en cause.

 

[8]               À mon avis, il n’était pas déraisonnable ou erroné de la part du protonotaire de conclure que la pertinence et l’admissibilité des dits documents, qui constituent essentiellement la transcription d’interrogatoires, seront déterminées par le juge lors de l’audience.

 

[9]               Quant à savoir si la décision du protonotaire porte sur une question ayant une influence déterminante sur l’issue du présent dossier, il est évident que cela n’est pas le cas, puisque remettre la décision finale sur l’admissibilité des documents au juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire démontre clairement qu’il reviendra au juge du procès et non au protonotaire de décider que les documents seront admissibles au moment de l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

 

[10]           J’arrive donc à la conclusion que le requérant n’a pas fourni de preuve suffisamment convaincante pour justifier que cette Cour puisse intervenir de novo dans ce dossier et casser la décision du protonotaire.

 

[11]           En conséquence, la Cour rejette la requête du défendeur avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

  1. La requête du défendeur est rejetée;
  2. Dépens en faveur du demandeur.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-498-06

 

INTITULÉ :                                       SKANDER TOURKI

                                                           

                                                            c.

                                                           

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :               14 août 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE:   M. le juge Blais

 

DATE DES MOTIFS :                      25 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-Stéphane Kourie

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Marc Ribeiro

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Choquette, Beaupré, Rhéaume

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère la Justice

Bureau régional du Québec

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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