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Date : 20060922

Dossier : IMM-1461-06

Référence : 2006 CF 1131

ENTRE :

 

MAYURI RAMESHCHANDRA SHAH

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l'examen, le 13 septembre 2006, d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 29 décembre 2005 par laquelle le conseiller en immigration W.J. Bottomley, du Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, estimant qu'elle n'était pas un enfant à charge au sens du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, a retranché le nom de la demanderesse de la demande de résidence permanente au Canada qui était présentée par ses parents, son frère et elle-même et qui était parrainée par sa soeur et son beau-frère, qui sont tous les deux des citoyens du Canada.

 

[2]               Le dépôt de la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse, ainsi que celle de sa mère, de son père et de son frère, remonte à novembre 2002. La demanderesse a atteint l'âge de vingt-deux ans le 27 juillet 2001, avant que la demande de parrainage de sa soeur et de son beau-frère ne soit déposée. Indépendamment de ces faits, la demanderesse soutenait qu'elle fréquentait à temps plein un établissement d'enseignement en Inde et qu'elle n’avait pas cessé de dépendre exclusivement du soutien financier de ses parents depuis le moment où elle avait atteint l’âge de vingt-deux ans.

 

[3]               Dans la décision à l'examen, le conseiller relate que la demanderesse, ses parents et son frère ont été interrogés par une agente du programme d'immigration à New Delhi, en Inde, le 7 décembre 2005, dans leur langue maternelle et en présence d'un interprète. Il est noté dans la décision qu'au cours de cette entrevue, rien ne laissait croire que la demanderesse ou les membres de sa famille avaient du mal à comprendre les questions qui leur étaient posées.

 

[4]               La décision se poursuit par une citation de la définition de l'expression « enfant à charge » que l'on trouve à l'article 2 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés[1]. Il est acquis aux débats, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, que, pour pouvoir obtenir gain de cause, la demanderesse doit répondre à la définition en question. Or, pour répondre à cette définition, il faut que l'intéressé − en l'occurrence, la demanderesse − soit un étudiant qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et qu'à la fois, il n'ait pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci et d'y suivre activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

 

[5]               La lettre dans laquelle se trouve cette décision se poursuit comme suit :

[traduction] [...] Mayuri Shah [la demanderesse] a atteint l'âge de vingt‑deux ans le 27 juillet 2001. Elle a commencé en 2000 par suivre des cours d'informatique à l'Aptech Education Centre, cours qu'elle a terminés en 2003. Par la suite, Mayuri s'est inscrite à divers cours de langage informatique au même établissement. En Inde, toutes les universités relèvent de la Université Grants Commission, et Aptech n'en fait pas partie. Aptech est donc un établissement d'enseignement privé et non un établissement public. On ne peut donc pas dire que Mayuri Shah n'a pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci et d'y suivre activement à temps plein des cours depuis 2000.

 

Vu ce qui précède, je conclus que Mayuri Shah n'est pas un « enfant à charge » au sens de l'article 2 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés étant donné qu'elle n'a pas réussi à me convaincre qu'elle n’avait pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci et d'y suivre activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

 

Comme Mayuri Shah n'est pas un enfant à charge au sens du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, j'ai retranché son nom de votre demande.

 

La lettre contenant la décision était adressée au père de la demanderesse.

 

PROCESSUS AYANT CONDUIT À LA DÉCISION À L'EXAMEN

[6]               Ainsi que je l'ai déjà précisé, la demanderesse et les membres de sa famille qui se trouvaient alors toujours en Inde ont été reçus en entrevue à New Delhi le 7 décembre 2005. Voici un extrait des notes SITCI prises lors cette entrevue qui concerne la demanderesse :

[traduction] [...] La lettre d'Aptech Computer Education qui a été soumise indique son programme d'études depuis juillet 2005.

Aptech est-il un établissement public ou un établissement privé?

C'est un établissement reconnu par l'État.

Qu'entendez-vous par là? Il est reconnu par l'État.

Qui organise les examens? Aptech. C'est Aptech qui délivre les attestations.

De quelle université Aptech relève-t-il? Aucune.

[...]

J'ai fait part des mes réserves à la demanderesse : 

- Mayuri Shah a atteint l'âge de vingt-deux ans le 27 juillet 2001. Elle a commencé en 2000 par suivre des cours d'informatique à l'Aptech Education Centre, cours qu'elle a terminés en 2003. Par la suite, Mayuri s'est inscrite à divers cours de langage informatique au même établissement. En Inde, toutes les universités relèvent de la Université Grants Commission, et Aptech n'en fait pas partie. Aptech est donc un établissement d'enseignement privé et non un établissement public. On ne peut donc pas dire que Mayuri Shah n'a pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales.

 

J'ai donné à la demanderesse la possibilité de répondre. Or, la demanderesse n'avait rien de précis à dire pour répondre à ces préoccupations.

 

 

[7]               Il est acquis aux débats que la préposée aux entrevues n'était pas autorisée à décider de retrancher le nom de la demanderesse de la demande présentée par la demanderesse, ses parents et son frère. L'entrevue qu'elle a menée visait donc à recueillir des faits et à transmettre le dossier ainsi constitué à la personne chargée de prendre la décision.

 

[8]               Voici un extrait des déclarations faites par l'auteur de la décision dans l'affidavit qu'il a souscrit et qui a été déposé au soutien de la présente demande :

[traduction]

 

3.   Le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés exige que l'enfant à charge âgé de plus de vingt-deux ans soit inscrit à temps plein dans un établissement accrédité.

4.   En Inde, le système d'éduction est dirigé, contrôlé et géré par le gouvernement central ou par celui des États par l'entremise d'organismes créés par la loi à cette fin. L'Université Grants Commission (UGC), dont j'ai parlé dans les motifs de ma décision, est chargée de la coordination, de l'établissement et du respect de normes en matière d'enseignement. Aux termes de la University Grants Commission Act 1956, le droit de conférer ou de décerner des diplômes ne peut être exercé que par une université établie ou constituée par une loi du gouvernement central ou d'un des États ou par un établissement assimilé à une université ou par un établissement expressément habilité par une loi fédérale à conférer ou à décerner des diplômes.

5.   L'All India Council of Technical Education, ainsi que divers autres conseils professionnels oeuvrant dans divers domaines, se sont donnés pour mission de promouvoir le développement dans le domaine de l'enseignement technique et professionnel d'une manière coordonnée et intégrée. La loi investit l'All India Council of Technical Education du pouvoir de planifier, formuler et faire respecter des normes et des critères et d'assurer la qualité par le biais de l'accréditation.

6.   De plus, en Inde, le gouvernement des États est investi de pouvoirs concurrents lui permettant de promulguer des lois dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement universitaire, de l'enseignement de la médecine, de l'enseignement technique et des universités.

7.   Un établissement privé ou non reconnu est un établissement qui n'est ni une université constituée par une loi du gouvernement central ni une université créée par une loi d'un des États, ni un collège affilié à une université, ni un collège autonome, ni un établissement assimilé à une université, ni un institut technique qui a obtenu une accréditation de la part de l'All India Council of Technical Education, ni un autre corps professionnel constitué par le gouvernement central ou celui d'un des États pour oeuvrer dans un domaine déterminé. Ainsi que la préposée aux entrevues l'a signalé à la demanderesse lors de l'entrevue et ainsi que je l'ai noté dans ma décision, Aptech est un de ces établissements privés.

8.   Les agents des visas consultent le guide des universités préparé et publié par l'Association of Indian Universities, ainsi que plusieurs autres publications de divers domaines techniques et professionnels, ainsi que l'Internet, pour vérifier si l'établissement que fréquente le demandeur est un établissement reconnu par le gouvernement central ou le gouvernement de l'État, ou s'il est affilié à un établissement ainsi reconnu. C'est bien ce que la préposée aux entrevues et moi-même avons fait en l'espèce avant de conclure qu'Aptech n'était pas un établissement accrédité ou reconnu.

 

 

[9]               Comme on le verra plus loin dans les présents motifs, il est malheureux que l'auteur de la décision ait employé de façon interchangeable les termes « accrédité » et « reconnu » pour qualifier les établissements d'enseignement ou qu'il ait traité ces termes comme des synonymes.

 

[10]           L'auteur de la décision a reconnu, lors du contre-interrogatoire qu'il a subi au sujet de son affidavit, qu'il avait consulté le site Web d'Aptech avant de tirer sa conclusion. Il a estimé qu'il n'y avait rien dans le site Web en question qui permettait de penser qu'Aptech était accrédité par le gouvernement fédéral en Inde. Le fait que l'auteur de la décision ait visité le site Web d'Aptech pour se prononcer sur la question de l'accréditation n'a jamais été révélé à la demanderesse.

 

[11]           Dans le document versé au dossier du Tribunal on trouve, aux pages 44 et suivantes, une communication qui renferme d'autres éléments d'information au sujet de la demanderesse et des membres de sa famille en Inde. La communication porte un cachet de réception du Haut‑commissariat du Canada à New Delhi daté du 3 décembre 2005, c'est-à-dire après l'entrevue de la demanderesse et des membres de sa famille et avant la date de la décision à l'examen. La communication comprend de la documentation provenant d'Aptech elle-même ainsi que des observations complémentaires de la demanderesse suivant lesquelles Aptech est un organisme internationalement « reconnu ». La Cour n'a aucune raison de penser que l'auteur de la décision n'avait pas ce document en mains avant la date de sa décision.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           La question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judicaire se résume à la question de savoir si l'auteur de la décision a commis une erreur. Plus précisément, l'avocat de la demanderesse affirme que l'auteur de la décision a commis une erreur en ne procédant pas lui-même à l'entrevue de la demanderesse, en ne révélant pas à cette dernière qu'il avait consulté le site Web d'Aptech, en ne lui faisant pas part des résultats de cette consultation, et en n'accordant pas à la demanderesse la possibilité de répondre à cette communication.

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[13]           Dans le jugement Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2], mon collègue le juge O’Keefe, après avoir procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle, a conclu que la décision de l'agent des visas sur la question de savoir si le demandeur remplit les conditions requises pour obtenir un visa pour entrer au Canada est une question mixte de fait et de droit et que, pour cette raison, le degré de retenue judiciaire qu'il convient d'appliquer est celui de la décision raisonnable simpliciter. Je suis convaincu que l'analyse du juge O’Keefe s'applique au cas qui nous occupe. La question de savoir si un établissement d'enseignement est « accrédité » nous oblige à interpréter ce terme, que l'on trouve dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Certes, une question de droit se pose. Toutefois, l'interprétation de cette expression doit être faite en fonction du contexte des faits de toute demande comme celle dont la Cour est saisie en l'espèce. La question est donc une question mixte de fait et de droit et la norme qui s'applique est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[14]           Le demandeur qui affirme que l'on s'est fondé sur des éléments de preuve extrinsèques sans lui accorder la possibilité d'y répondre soulève une question d'équité. En pareil cas, la question de la norme de contrôle ne se pose pas. La juridiction saisie d'une demande de contrôle judiciaire qui arrive à la conclusion que, par ses agissements, l'auteur de la décision a manqué à l'équité procédurale, n'est pas tenue de faire montre de déférence[3].

 

« Accrédité »

[15]           Ainsi que je l'ai déjà précisé, le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés exige que, pour répondre à la définition d'« enfant à charge » par rapport à l’un ou l’autre de ses parents, la personne qui se trouve dans une situation comme celle de la demanderesse doit être un étudiant qui : premièrement, qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans; deuxièmement, n'a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et, troisièmement, n'a pas cessé de fréquenter cet établissement et d'y suivre activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelles. Vu ces exigences, la seule question qui se pose dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si l'établissement d'enseignement postsecondaire où la demanderesse est inscrite et qu'elle fréquente depuis qu'elle a atteint l’âge de vingt-deux ans a été « accrédité » par les autorités gouvernementales compétentes.

 

[16]           Voici la définition que le Shorter Oxford English Dictionary[4] donne du mot « accrédité » : [traduction] « investi de l'autorité nécessaire [au moyen de lettres de créance] pour agir en qualité de; officiellement autorisé ». On ne saurait assimiler ce mot au terme « reconnu » au sens informel. Si l'on se souvient que, compte tenu des faits exposés à la Cour en l'espèce, c'est à la demanderesse qu'il incombe de démontrer qu'elle satisfait aux critères lui permettant d'obtenir un visa pour entrer au Canada, je suis convaincu, selon la norme de contrôle judiciaire de la décision raisonnable simpliciter et après avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve dont disposait l'auteur de la décision, que celui-ci n'a pas commis d'erreur qui justifierait l'infirmation de sa décision en concluant qu'Aptech n'est pas un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes en Inde. D'ailleurs, selon les documents que la demanderesse a communiqués après son entrevue, Aptech n'a jamais prétendu être un tel établissement. L'auteur de la décision affirme qu'on ne trouve aucune affirmation en ce sens sur le site Web d'Aptech. Le fait que certaines institutions gouvernementales en Inde « reconnaissent » que les diplômés d'Aptech puissent possèdent certains des titres de compétence ou qualifications techniques qui leur permettent d'exercer un emploi ne saurait en aucun cas être assimilé à une « accréditation par les autorités gouvernementales compétentes ».

 

Recours présumé à des éléments de preuve extrinsèques

[17]           Voici ce que le juge Rothstein, qui siégeait alors au tribunal ayant précédé notre Cour, écrit dans le jugement Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5], aux paragraphes 20 et 21 de ses motifs :

[...] Dans le cas qui nous occupe, compte tenu de l'utilisation par le juge Hugessen des mots « qui ne lui sont pas fournis par le requérant » à l'égard de l'expression « éléments de preuve extrinsèques » et de son renvoi à l'affaire Muliadi, j'interprète l'expression « éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par la partie requérante » comme des éléments de preuve dont la partie requérante n'est pas au courant parce qu'ils proviennent d'une source extérieure. Il s'agit d'éléments de preuve dont la partie requérante ignore l'existence et que l'agent d'immigration a l'intention d'invoquer pour en arriver à une décision touchant cette partie [...]

À mon sens, la question qu'il faut se poser est celle de savoir si la requérante a eu connaissance des renseignements de façon à pouvoir corriger les malentendus ou les déclarations inexactes susceptibles de nuire à sa cause. La source des renseignements ne constitue pas un élément distinctif en soi, pour autant que les renseignements ne sont pas connus de la partie requérante. Ce qu'il faut savoir, c'est si celle-ci a eu la possibilité de répondre à la preuve. C'est ce que les règles d'équité sur le plan de la procédure exigent, selon une jurisprudence établie depuis longtemps. Pour reprendre les commentaires bien connus que lord Loreburn L.C. a formulés dans l'affaire Board of Education v. Rice :

[traduction] Ils peuvent obtenir des renseignements de la façon qu'ils jugent la meilleure, en accordant toujours à ceux qui sont parties au différend la possibilité raisonnable de corriger ou de contredire toute affirmation pertinente qui est préjudiciable à leur opinion.

[...]

                                                                                    [Renvois omis.]

 

[18]           Dans le cas qui nous occupe, les présumés éléments de preuve extrinsèques sont les renseignements que l'on trouve − ou ne trouve pas − sur le site Internet d'Aptech et dont l'auteur de la décision fait mention. En fait, ce sont des renseignements qu'on ne trouve pas sur le site Internet en question, puisque celui-ci ne renferme aucun indice permettant de penser qu’Aptech est un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes. En réalité donc, le fait de mentionner le site Internet d'Aptech a simplement eu pour effet de confirmer la conclusion préliminaire de l'auteur de la décision.

[19]           Dans le jugement Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[6], le juge Evans, qui siégeait alors à la Section de première instance de la Cour fédérale, écrit ce qui suit, au paragraphe 35 de ses motifs, dans le contexte de son analyse des « connaissances locales » sur lesquelles l'agente des visas s'était appuyée pour prendre sa décision et qui constituait, à son avis, un facteur extrinsèque :

Dans ce contexte, il est important de rappeler les principaux objectifs de l'administration des contrôles en matière d'immigration. Le premier objectif est de faciliter l'admission au Canada de personnes qui respectent les conditions énoncées dans la Loi et le Règlement sur l'immigration. Le deuxième est de veiller à ce que les personnes qui ne respectent pas ces conditions soient exclues. Ces deux objectifs sont d'égale importance, et il sera vraisemblablement impossible de les réaliser si les agents des visas n'adoptent pas une procédure pour traiter les demandes de visas dont le but est de parvenir à des décisions justes et réfléchies. Par ailleurs, la charge de travail des agents ne doit pas être alourdie par des tâches procédurales imposées par la Cour qui les empêchent de traiter les demandes d'une manière rapide et rentable.

 

Je trouve ce paragraphe particulièrement instructif en ce qui concerne les faits de l'espèce.

 

[20]           La préposée qui a mené l'entrevue a fait part à la demanderesse de ses réserves au sujet de la question de savoir si Aptech était ou non un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par le gouvernement. Elle a offert à la demanderesse la possibilité de réagir lors de l'entrevue et, selon les notes STIDI, la demanderesse n'avait rien de précis à dire pour répondre aux préoccupations formulées par la préposée. Or, c'était à la demanderesse qu'il incombait de convaincre la personne chargée de prendre la décision qu'Aptech était effectivement un tel établissement. La demanderesse a communiqué des renseignements complémentaires après l'entrevue. Le site Internet d'Aptech constituait sans doute une source de renseignement que le public pouvait consulter et rien ne nous permet de savoir si la demanderesse l'a effectivement consulté. En tout état de cause, il ne renfermait pas de renseignements qui auraient pu lui être utiles. Eu égard aux circonstances qui ont déjà été évoquées, si l'on concluait que le site Internet constituait un élément d'information extrinsèque dont la nature obligeait l'auteur de la décision à informer la demanderesse qu'il l'avait consulté, on alourdirait, pour reprendre l'expression du juge Evans, la charge de travail des agents par des tâches procédurales qui les empêcheraient de « traiter les demandes d'une manière rapide et rentable », ce qui, eu égard aux circonstances de l'espèce, ne serait d'aucune utilité.

 

[21]           Vu l'ensemble des faits de la présente affaire, je conclus que l'auteur de la décision n'a pas manqué à l'équité procédurale en ne révélant pas à la demanderesse qu'il avait consulté le site Web d'Aptech pour en arriver à la décision à l'examen.

 

Il appartient à celui qui entend la cause de la trancher

[22]           Ainsi que je l'ai déjà précisé, l'agente qui a reçu la demanderesse et les autres membres de sa famille en entrevue n'est pas l'auteur de la décision. En fait, la préposée aux entrevues n'était pas autorisée à prendre une décision comme celle qui est soumise à notre examen en l'espèce.

 

[23]           Dans le jugement Ayatollahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[7], ma collègue la juge Snider écrit ce qui suit, au paragraphe 14 de ses motifs :

Il est possible de faire une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux de l'affaire Patel [...] dans laquelle Madame le juge Tremblay-Lamer a conclu que le principe voulant que la décision émane de la personne qui a entendu l'affaire avait été violé puisque l'agent des visas avait fondé sa décision sur les notes d'entrevue d'un autre agent des visas. Contrairement à ce qui est arrivé dans l'affaire Patel [...] l'API [le préposé aux entrevues] n'était pas autorisé, en vertu de la Loi sur l'immigration, à prendre la décision définitive; ce pouvoir incombait plutôt à l'agent des visas [...] Le rôle de l'API était d'enquêter sur la demande et de recueillir les éléments de preuve que l'agent des visas devait utiliser. Le fait que ces éléments ont été recueillis au cours d'une entrevue n'exigeait pas que l'agent des visas ait participé à cette entrevue (voir par exemple Trans Mountain Pipe Line Co. c. Canada (Office national de l'énergie) [...]; Armstrong c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) [...]

                                                                                    [Renvois omis.]

 

[24]           J'estime que la présente situation est identique à celle qui est exposée dans la citation qui précède. Je suis convaincu, encore une fois d'après l'ensemble des faits de la présente affaire, qu'il n'y a pas eu de manquement à l'équité ou de violation du principe suivant lequel il appartient à celui qui entend la cause de la trancher.

 

CONCLUSION

[25]           Vu l'analyse qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

CERTIFICATION D'UNE QUESTION

[26]           À la fin de l'instruction de la présente demande de contrôle judiciaire, j'ai fait savoir aux avocats que je reportais le prononcé de ma décision, que je ferais connaître mes motifs en temps utile et que les avocats auraient ensuite la possibilité de présenter des observations au sujet de la certification d'une question. L'avocat de la demanderesse aura sept (7) jours à compter du prononcé des présents motifs pour soumettre ses observations par écrit au greffe et à l'avocat du défendeur. L'avocat du défendeur aura ensuite sept (7) jours pour soumettre ses observations par écrit au greffe et à l'avocat de la demanderesse, après quoi ce dernier aura trois (3) jours pour répondre par écrit au greffe et à l'avocat de la partie adverse. La Cour rendra ensuite son ordonnance.

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

 

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 22 septembre 2006

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1461-06

 

 

INTITULÉ :                                       MAYURI RAMESHCHANDRA SHAH c. MCI

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 13 SEPTEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE GIBSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 22 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Ronald Poulton

 

POUR LA DEMANDERESSE

MMartin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] DORS/2002-27.

[2] 2001 CFPI 661.

 

[3] Voir l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, récemment suivi dans le contexte de l'immigration dans le jugement Ren c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 766.

[4] Oxford Université Press, 1973.

[5] [1995] 1 C.F. 720; [1994] A.C.F. no 1902 (infirmé en appel pour d'autres motifs).

[6] [1998] A.C.F. no 1570.

[7] [2003] A.C.F. no 340.

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