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Date : 200605080

Dossier : DES-04-01

Référence : 2006 CF 1058

 

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 8 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. ANDREW MACKAY

 

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat en vertu de l’article 40.1de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

ET le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada

ET Mahmoud JABALLAH

 

CERTIFICAT

La présente atteste que la transcription ci-jointe des motifs prononcés oralement à l’audience du 2 mai 2006 constitue l’essentiel des motifs que j'ai exposés à l'appui de l’ordonnance prononcée oralement par laquelle j’ai rejeté la demande présentée par M. Jaballah en vue d'obtenir la suspension de l'instance concernant la vérification du caractère raisonnable du certificat de sécurité délivré en août 2001 et par laquelle j’ai ajourné l’audience au 15 mai 2006 pour recevoir la preuve de M. Jaballah.

 

__________________________________

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

Toronto (Ontario)

Décision rendue le mardi 2 mai 2006 dans le dossier DES-4-01

Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Solliciteur général c. Mahmoud Jaballah

 

            LA COUR : Bonjour à tous. Je vais rendre ma décision oralement, et nous examinerons ensuite brièvement ce que nous allons faire à partir de là.

            Le demandeur sollicite une ordonnance suspendant l’instance jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans trois affaires qui doivent être plaidées dans environ six semaines, mais je refuse d’accueillir sa requête. Cela dit, dans la situation où nous nous trouvons cette semaine, je crois que certaines dispositions doivent être prises pour la tenue d’une nouvelle audience.

            Permettez-moi de dire un mot au sujet de la requête principale.

            M. Jaballah sollicite une ordonnance suspendant l'audience prévue il y a six semaines, avec l’accord de son avocat, d’abord pour examiner sa demande d’autorisation de présenter une preuve, et ensuite une audience prévue pour la semaine du 15 mai concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité délivré en août 2001. Ce certificat confirmait l’opinion des ministres concernés selon laquelle M. Jaballah est interdit du territoire au Canada pour des raisons de sécurité. Le certificat a ensuite été soumis à la Cour pour qu’elle détermine s’il est raisonnable.

            Vous n’aimerez peut-être pas cela, mais je dois dire que je suis déçu. Nous en sommes à la deuxième ou à la troisième date prévue pour que M. Jaballah réponde aux préoccupations qui sous-tendent le certificat du ministre.

            C’est au moins la deuxième fois que son avocat présente, avec un préavis loin d’être suffisant, des requêtes obligeant la Cour, dans son souci d’assurer l’équité de la procédure, à reporter des dates d’audience. C’est au moins la deuxième fois depuis le mois de septembre dernier, lorsque l’avocat avait dit essentiellement : [Traduction] « Bien franchement, je suis tout simplement trop occupé avec la présente affaire et mes autres responsabilités pour bien servir les intérêts de mon client ».

            Je suis également déçu, permettez-moi de le dire, de constater que l’avocat, qui savait depuis au moins une semaine que M. Jaballah avait été déplacé de Toronto à Kingston, n’a pas alors cherché, en autant que je sache, à en discuter avec le procureur de la Couronne. J’ignore si c’est exact, mais c’est l’impression que je retiens de la correspondance qui m’a été adressée hier.

            Pour en revenir à la requête, les avocats conviennent, et moi aussi, que le critère à trois volets permettant de décider s’il y a lieu d’accorder une suspension de l’instance est le critère approprié en l’espèce. À mon avis, ce critère n’est pas rempli. J’admets qu’il y a de sérieuses questions au sujet de la constitutionnalité du processus applicable en vertu de la LIPR. La question de la constitutionnalité de ce processus applicable aux certificats a été soulevée dans d’autres affaires dont est maintenant saisie la Cour suprême du Canada. Cette question peut être soulevée, mais elle n’a pas encore été plaidée en l’espèce. Je suis toujours étonné de voir les arguments qui peuvent être plaidés dans la présente affaire, alors je ne formule pas d’hypothèse sur les éléments qui peuvent être soulevés.

            Sur le plan pratique, la Cour n’a pas encore été saisie d’une question sérieuse en l’espèce. Je reconnais néanmoins qu’il y a vraisemblablement des questions se rapportant à la présente affaire dont la Cour suprême du Canada a été saisie et qui seront abordées dans le cadre d’autres affaires vers le milieu du mois prochain.

            Le demandeur invoque l'arrêt YRI-York, un arrêt de la Cour d’appel fédérale rendu en 1988, qui portait sur une demande de suspension d'une enquête pouvait mener à une poursuite pénale en vertu de la Loi sur la concurrence, poursuite qui avait été engagée en vertu de l’article 17 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions dont la constitutionnalité n’avait pas encore été examinée.

            En l'espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur un processus dont la validité et la constitutionnalité ont déjà été confirmées par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Ahani et Charkaoui. Tel est le droit que je dois appliquer et suivre tant que la Cour suprême du Canada ou le législateur, agissant conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés, n’en décideront pas autrement.

            Je reconnais que des questions sérieuses sont soulevées dans la présente affaire, dont certaines seront abordées, je présume, dans la plaidoirie, et traitées, espérons-le, par la Cour suprême dans d’autres dossiers. Je reconnais qu'il y a des questions sérieuses à trancher.

            Passons au préjudice irréparable. Si je comprends bien l’arrêt YRI-York, ce qui a amené principalement la Cour à accorder une suspension de la procédure d’un autre tribunal, et non pas la sienne comme cela est demandé en l’espèce, c’était surtout qu’elle s'inquiétait de la mauvaise utilisation potentielle de renseignements obtenus par suite d’une enquête qui pourrait plus tard être déclarée invalide.Zone de Texte: MA

            En l’espèce, la suspension est demandée en vue d’écarter le témoignage que M. Jaballah a demandé l’autorisation de présenter afin de répondre, peut‑on présumer, aux préoccupations des ministres, tel qu’elles ressortent des résumés remis à M. Jaballah, des nombreux documents publics au dossier, des témoignages publics d’agents du SCRS, et pas autre chose. Il y a dans le dossier de la présente affaire de nombreux éléments de preuve auxquels M. Jaballah n’a tout simplement pas encore répondu.

            S’il témoigne dans la présente instance, il pourra bénéficier de l’article 13 de la Charte, et vous savez que cet article protège les personnes qui témoignent au cours de procédures. Ces personnes ont alors droit à ce qu’aucun témoignage incriminant qu’elles donnent ne soit utilisé pour les incriminer dans d’autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires. Il est vrai que cette règle s’applique seulement aux procédures criminelles mais, si nécessaire, la Cour pourrait ordonner que le témoignage de M. Jaballah dans la présente affaire ne soit pas utilisé dans d’autres procédures, que ce soit en matière criminelle ou civile ou en matière d’immigration, sauf pour la présente affaire ou pour une poursuite pour parjure ayant un lien avec ce témoignage.

            De toute façon, je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances de l’espèce, il y aurait un préjudice irréparable si l’audition de M. Jaballah n’était pas reportée.

            Dans les circonstances et compte tenu qu’il est dans l’intérêt public d’en arriver rapidement à une décision dans la présente affaire, intérêt auquel je n’ai guère prêté attention jusqu’ici, je ne considère tout simplement pas que la prépondérance des inconvénients favorise M. Jaballah. En fait, elle favorise la position du ministre, à savoir que l’affaire ne doit pas être suspendue.

            Voilà ma décision en ce qui a trait à la demande que l’audience soit suspendue, à toutes fins pratiques, indéfiniment.

            Nous sommes déjà le mardi de la semaine qui avait été prévue pour l’audience, et j’ai dit que M. Jaballah ne serait pas tenu d’être présent devant la Cour sauf sur préavis de deux jours francs, ce qui signifie qu’il reste un jour à la fin de la semaine. Je ne suis pas certain, compte tenu de ce que je sais maintenant et c’est très peu – des arrangements qui ont été pris pour permettre à l’avocat de communiquer avec M. Jaballah, que ce soit à Kingston ou à Toronto. J’ignore quels sont ces arrangements.

            Dans les circonstances, je crois, à moins que les avocats aient une meilleure idée, que nous devrions nous assurer que M. Jaballah soit disponible pendant au moins le temps qu’il l’aurait été s’il n’avait pas été déplacé de Toronto durant les cinq jours compris entre le 24 et le 29 avril avant que la présente audience ne débute, de façon à ce que les avocats aient le temps de finir de se préparer. J’aimerais que les avocats me donnent une idée du temps qu’ils prévoient passer avec M. Jaballah pendant cette période.

            Quoi qu’il en soit, j’aimerais, si possible, laisser aux avocats des deux parties le soin de prendre les mesures nécessaires pour que M. Jaballah puisse être présent pour ce témoignage devant la Cour, s’il souhaite témoigner, pendant la semaine du 15 mai, une semaine que nous avons réservée pour poursuivre l’audition de la présente affaire. Il nous reste encore à trouver un moment pour entendre les arguments relatifs au caractère raisonnable du certificat.

            J’aimerais bien terminer cette affaire aussi rapidement que possible. Je suis prêt à dire que s’il faut que ce soit après la décision de la Cour suprême et avant la fin de juin, nous le ferons alors.

            Les avocats voudront peut-être se parler à ce sujet. Je crois certainement qu’ils peuvent s’entendre et trouver un arrangement au sujet de la situation actuelle de M. Jaballah de façon à ce qu’il puisse témoigner de manière satisfaisante dans 10 jours, soit dans environ deux semaines,. Il doit encore décider s’il veut le faire. S’il le veut, je ne peux pas croire que les avocats ne réussiront pas à s’entendre.

            Mme JACKMAN : Nous pourrions peut-être faire une pause pour en discuter.

          LA COUR: Je crois que oui. Je vous invite à examiner quand vous pourriez vous pencher sur la question. Je présume que certains d’entre vous pourraient avoir à intervenir devant la Cour suprême. Je ne vous le demande pas.

          M. NORRIS : De ce côté, c’est oui.

          LA COUR : Nous ferons une pause de 15 à 20 minutes.

            ‑ Courte pause à 10 h 15.

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

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