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Date :  20060929

Dossier :  IMM-223-06

Référence :  2006 CF 1158

OTTAWA (Ontario), le 29 septembre 2006

En présence de L'honorable Paul U.C. Rouleau 

 

ENTRE :

KONSTANTIN SAMSONOV

Partie demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision négative d’un agent d’immigration à l’encontre de la demande de dispense d’un visa fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) du demandeur datée du 8 décembre 2005.

 

[2]               Le demandeur est citoyen de la Russie âgé de 26 ans. Il a quitté la Russie le 24 août 1999 et est allé étudier aux États-Unis jusqu’au 9 décembre 2001.

 

[3]               Il est arrivé au Canada le 29 décembre 2001 et a fait une demande d’asile. Cette demande a été refusée le 8 juillet 2002 par la Section de protection des réfugiés. La demande d’évaluation de risques avant renvoi présentée par le demandeur le 12 décembre 2003 a été refusée le 15 avril 2004.

 

[4]               Le 12 mai 2003, le demandeur a déposé une demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) au motif que son père était malade et qu’il devait en prendre soin, que son père et son épouse étaient au Canada et qu’il était propriétaire d’une compagnie de construction qui employait plusieurs Canadiens.

 

[5]               Le 8 décembre 2005, la demande CH du demandeur a été refusée.

 

[6]               L’agent a conclu que les informations présentées à l’appui de la demande CH n’ont pas permis de démontrer que le demandeur rencontrerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives en déposant sa demande de résidence permanente de la manière habituelle, soit à l’extérieur du Canada.

 

[7]               Le défendeur soulève une question préliminaire en ce qui concerne la preuve fournie par le demandeur à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Il est très bien établi par la jurisprudence que le contrôle judicaire d’une décision doit uniquement être fondé sur la preuve dont disposait le décideur : Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 45, [2003] A.C.F. no 52 au paragraphe 7; Asafov c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 713 (C.F. 1er. inst.). Or, les pièces D-1, D-2, D-3, D-6, D-7 et D-8 soumises à l’appui de l’affidavit du demandeur portent des dates postérieures à la décision rendue par l’agent relativement à la demande CH. Cette nouvelle preuve dont l’agent n’a pas été saisi ne devrait pas être considérée par cette Cour.

 

[8]               Le demandeur demande l’annulation de cette décision au deux motifs : premièrement, que l’agent a rendu la décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose, en décidant que son départ du Canada ne lui occasionnerait pas un préjudice indu ainsi qu’à sa famille et, deuxièmement, que l’agent n’a pas respecté les exigences de l’équité procédurale en rejetant la demande de dispense du demandeur alors que l’agent admet n’avoir pas suffisamment de preuve devant lui pour déterminer l’état de santé de son père ou l’importance de son entreprise de construction.

 

[9]               Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a conclu que la norme de contrôle à l’égard des décisions CH est celle de la décision raisonnable simpliciter. Une décision déraisonnable est une « décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé » : Canada c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 à la page 776.

 

[10]           Quant à la deuxième question en litige, la Cour suprême du Canada a indiqué que lorsqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale, la norme de contrôle ne s’applique pas : Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539 aux paragraphes 100 à 103.

 

[11]           Le demandeur soutient que la décision de l’agent n’est pas raisonnable parce que :

 

  • l’agent aurait dû inférer de la nature même des liens existant normalement entre un individu et son père ou son épouse qu’un préjudice résultait d’une telle séparation;

 

  • le fait d’être séparé de son père mourant et de son épouse est une considération d’ordre humanitaire justifiant l’octroi d’une dispense de demande de visa;

 

  • l’agent étant satisfait que son père fût malade et qu’il était bien intégré à la société canadienne, il devait conclure à l’existence de considérations humanitaires.

 

[12]           Je suis d’accord avec le défendeur que les prétentions du demandeur ne sont que l’expression d’un désaccord avec l’appréciation des divers éléments de preuve dont l’agent disposait pour rendre sa décision. Il n’est pas le rôle de la Cour de substituer à la décision d’un agent une nouvelle pondération de ces éléments.

 

[13]           L’agent a exprimé l’avis que la preuve présentée par le demandeur n’avait pas démontré en quoi la présentation de sa demande de résidence permanente, à l’extérieur du Canada, causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Concernant les représentations faites par le demandeur au sujet de son père malade, l’agent a écrit ce qui suit :

 

Representations indicate that the father is sick and needs care and that the applicant came to Canada to aid his sick father. The applicant indicates that his father will face certain death if returned to the Russian Federation because the father would not be able to find adequate treatment. The particular current health condition and specific care that the father needs is not clear – insufficient details. The possibility that the father may be removed from Canada and may not be able to find adequate health treatment in Russia is beyond the scope of the current H and C request of the applicant.

 

(Notes au dossier de l’agent, page 5)

 

 

[14]           Bien que le demandeur allègue maintenant que son père est mourant, aucune preuve dans le dossier ne démontre qu’il aurait soumis de la preuve à l’appui de sa demande CH confirmant et étayant cette allégation. En l’espèce, je suis d’accord avec le défendeur que le demandeur ne peut valablement reprocher à l’agent de ne pas avoir considéré la maladie de son père comme étant une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive alors qu’il a faut défaut de soumettre de la preuve suffisante au soutien de sa prétention.

 

[15]           Concernant le niveau d’établissement du demandeur au Canada, l’agent a conclu :

 

Indications cited for showing his establishment are that he owns his own construction business that he says employs many Canadians and that he works full-time. There are few details about who precisely the applicant employs in his company to show the economic benefit of his company.

 

The applicant has been in Canada for nearly four years. The applicant has advanced greatly in adapting to Canadian society, working and becoming economically self-sufficient. However, his departure from Canada would not appear to create a disproportionate hardship for him or anyone else. Although the applicant has close family in Canada it is uncertain what long-term Immigration status they might obtain to remain permanently in Canada. The applicant has not adequately shown the nature and substance of his relationship with his wife or his father in such a way that a separation between himself and his wife or between the applicant and his father would cause an excessive or undue hardship if the applicant were required to depart Canada.

 

The information presented has not sufficiently shown that the applicant’s absence from Canada would cause an unusual, undeserved or disproportionate hardship for him, his family or persons in Canada.

 

(Notes au dossier de l’agent, page 6)

 

 

[16]           Malheureusement pour le demandeur, le fait que l’agent a conclu qu’il avait progressé considérablement dans son adaptation au sein de la société canadienne et le fait qu’il travaillait et qu’il était devenu autonome financièrement, ne pouvaient en soi permettre à l’agent de conclure à la présence de motifs d’ordre humanitaire.

 

[17]           Dans la décision Tartchinska c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 373 (1er. inst.), cette Cour disait « que bien que les directives relatives aux motifs d'ordre humanitaire ne soient pas obligatoires, elles disent toutefois clairement que l'autonomie seule ne garantit pas qu'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire serait accueillie (au para. 20). » Il doit y avoir d’autres facteurs permettant une telle détermination, le facteur clé étant de savoir si « des difficultés inhabituelles, injustes ou indues seraient causées à la personne sollicitant l'examen de son cas si celle-ci devait quitter le Canada. » L’autonomie est un facteur dont il faut tenir compte, mais il ne s’agit pas du facteur primordial.

 

[18]           Dans la décision Nazim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 125, [2005] A.C.F. no 159 (QL), j’ai conclu que le test à savoir s’il existe des considérations humanitaires est s'il existe une situation particulière dans le pays d'origine de la personne et si un renvoi peut causer des difficultés indues (au paragraphe 15). « L'établissement n'est qu'un facteur parmi d'autres dont il faut tenir compte pour prendre une décision. Ce n'est pas un facteur déterminant à lui seul (au paragraphes 6) ».

 

[19]           Il en est de même de la séparation du demandeur d’avec son père et son épouse. Dans la décision Chau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 107, [2002] A.C.F. no 119 (QL), j’ai conclu que la seule séparation en soi de membres de la famille n’est pas un motif d’ordre humanitaire justifiant une dispense en l’absence de preuve permettant de conclure que cette séparation entraînerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Au paragraphe 19, j’écrivais :

 

Ainsi que le juge Pelletier l'a déclaré dans le jugement Irimie, (IMM-427-00) au paragraphe 12, le fait qu'une personne quitte des amis, et peut-être des membres de la famille, un emploi ou une résidence, de même que les coûts ou les inconvénients que comporterait le fait de devoir retourner dans son pays d'origine de la manière habituelle ne suffit pas nécessairement pour constituer un préjudice et pour justifier une décision favorable au sujet des raisons humanitaires. Le poids à accorder à des facteurs ou à des indices d'attachement déterminés relève du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire compétent.

 

 

[20]           En l’absence de preuve, devant lui, que la séparation du demandeur d’avec son père et son épouse causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, il était raisonnable pour l’agent de conclure comme il l’a fait.

 

[21]           Pour en conclure, il est important de répéter qu’il revenait entièrement à l’agent et non pas à la Cour de décider du poids à accorder aux différents éléments soumis, à la lumière de la preuve dont il disposait. En l’espèce, l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire raisonnablement. Il a fait un examen complet de tous les éléments de preuve soumis par le demandeur à l’appui de sa demande CH.

 

[22]           La Cour suprême dans Baker, ci-dessus, a conclu que l’obligation d’équité procédurale s’applique aux décisions touchant des motifs d’ordre humanitaire y compris des demandes CH.

 

[23]           Le demandeur note que dans sa décision, l’agent a écrit ce qui suit :

 

  • “The particular current health condition and specific care that the father needs is not clear – insufficient details.”

 

  • “There are few details about who precisely the applicant employs in his company to show the economic benefit of his company.”

 

 

[24]           Le demandeur soutient que l’agent, en rendant sa décision, n’a pas respecté les principes de l’équité procédurale et qu’il aurait dû donner l’occasion au demandeur de fournir des détails supplémentaires. Le demandeur soutient d’ailleurs que si l’agent était d’avis que la preuve présentée au soutient de ses prétentions n’était pas suffisamment détaillée, l’agent avait le devoir de communiquer avec le demandeur et lui demander des renseignements additionnels.

 

[25]           Le demandeur note également que le Guide de l’immigration : (IP) Traitement des demandes au Canada, chapitre IP 05, indique, au paragraphe 5.26, « Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire », que les agents d’immigration, dans leur évaluation des considérations d’ordre humanitaire, doivent essayer d’obtenir des précisions relativement à des raisons possibles d’intérêt public ou d’ordre humanitaire, même si celles-ci ne sont pas clairement formulées, et au paragraphe 11.1, « équité procédurale », qu’il est recommandé aux agents de « demander tout renseignement supplémentaire nécessaire ». Le demandeur soutient que l’agent étant d’avis qu’il lui manquait des détails, il devrait les obtenir du demandeur et l’omission d’avoir fait ceci a entraîné un manquement à l’équité procédurale.

 

[26]           Le demandeur cite deux décisions du juge John O’Keefe comportant des faits semblables. Dans Babilly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1469, [2004] A.C.F. no 1771 (C.F.) (QL), il était d’avis qu’il y eu manquement à l’obligation d’équité procédurale quand le décideur CH a omis d’obtenir du demandeur des précisions sur le risque personnalisé qu’il alléguait (au paragraphe 27). Dans Reis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 317, [2002] A.C.F. no 431 (C.F. 1er. inst.) (QL), il a conclu que lorsque le décideur a estimé que la preuve ne suffisait pas à justifier une dispense d’application de la règle relative au droit d’établissement et ne permettait pas d'affirmer que la demanderesse serait en mesure de recevoir et de recouvrer une pension alimentaire au Canada, le décideur aurait dû examiner davantage ces points et donc ce manquement a constitué une erreur (au paragraphe 27).

 

[27]           Toutefois, le défendeur soutient qu’il est clair que le fardeau reposait sur le demandeur de présenter toute l’information pertinente à l’appui de sa demande CH. Au paragraphe 5.1 du chapitre IP 05, il est écrit qu’il incombe au demandeur de prouver les motifs d’ordre humanitaires. Le paragraphe 5.26 énonce qu’il incombe au demandeur de présenter tous les facteurs CH qu’il estime présents dans son cas.

 

[28]           Le défendeur soutient également que les affaires Babilly et Reis, ci-dessus, sur lesquelles se fonde le demandeur, se distinguent des faits en cause. Contrairement à l’affaire Babilly, ci-dessus, il n’est pas en cause dans ce dossier un risque personnalisé. Dans cette affaire, la Cour a conclu à un manquement à l’obligation d’équité procédurale parce que l’agent avait omis d’obtenir du demandeur des précisions sur le risque personnalisé, alors que les Directives IP5 prévoyaient expressément qu’un décideur était tenu de demandeur des précisions lorsque le demandeur n’avait pas fourni des détails concernant le risque allégué. Plus encore, l’agent n’avait pas déféré l’affaire à un agent ERAR pour évaluation de risque alors qu’il aurait dû le faire. Dans l’affaire Reis, ci-dessus, il était question de l’intérêt d’un enfant canadien, raison pour laquelle la Cour a conclu que l’agent aurait dû examiner davantage l’aspect de la pension alimentaire.

 

[29]           Dans l’arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358 (C.A.F.) (QL), la Cour d’appel fédérale a réitéré qu’il incombe au demandeur de démontrer qu’il existe des considérations d’ordre humanitaire suffisantes pour justifier une dispense à la procédure normale d’immigration (aux paragraphes 18 et 23).

 

[30]           Dans la décision Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 R.C.F. 635 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a réitéré que le fardeau de présenter tous les faits à l’appui de la demande pour des raisons d’ordre humanitaire reposait sur le demandeur. Au paragraphe 8, la Cour a écrit :

 

Le demandeur qui invoque des raisons d'ordre humanitaire n'a pas un droit d'être interviewé ni même une attente légitime à cet égard. Et, puisque le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose, c'est à ses risques et périls qu'il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites. Selon nous, dans sa demande pour des raisons humanitaires, M. Owusu n'a pas suffisamment insisté sur les répercussions de son expulsion potentielle sur l'intérêt supérieur de ses enfants de manière à ce que l'agente n'ait d'autre choix que d'en tenir compte.

(c’est moi qui souligne)

 

 

[31]           Dans la décision Nguyen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 236, [2005] A.C.F. no 281 (C.F.) (QL), la juge Mactavish s’est fondée sur la décision Owusu, ci-dessus, pour rejeter l’argument du demandeur qui prétendait, comme en l’espèce, que l’agent avait l’obligation de communiquer avec lui pour obtenir toute l’information nécessaire pour rendre une décision appropriée. Aux paragraphes 7, 8 et 13, elle a écrit :

 

[7]        Bien qu'il reconnaisse qu'il avait présenté très peu d'arguments à l'agent d'immigration au sujet de sa demande CH, M. Nguyen soutient que ce dernier avait néanmoins l'obligation de communiquer avec lui pour obtenir toute l'information nécessaire pour rendre une décision appropriée.

 

[8]        Selon moi, cette question est réglée par l'arrêt Owusu : c'est le demandeur qui a le fardeau de présenter à l'agent d'immigration les faits dont il veut qu'il tienne compte. L'agent d'immigration n'est pas tenu de tenter d'obtenir d'autres renseignements du demandeur.

 

[…]

 

[13]      Pour les motifs que j'ai déjà exprimés ci-haut, je n'accepte pas l'observation de M. Nguyen selon laquelle l'agent d'immigration avait l'obligation de chercher à obtenir des renseignements additionnels quant à la nature et à l'importance du lien existant entre M. Nguyen et l'enfant de son épouse. C'est M. Nguyen qui avait l'obligation de présenter à l'agent tous les renseignements dont il voulait qu'il tienne compte.

 

 

[32]           Dans la décision Irias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1321, [2003] A.C.F. no 1717 (C.F.) (QL), j’ai souligné que lorsqu’un demandeur soumet une prétention insuffisante, comme l’a fait le demandeur dans le présent dossier, cela ne transfère pas à l’agent le fardeau d’obtenir d’autres renseignements supplémentaires. Les paragraphes 20 à 25 se lisent comme suit :

 

[20]      Je vais maintenant traiter de la dernière question en litige dans la présente affaire, soit la prétention de la demanderesse selon laquelle la décision de l'agente d'immigration enfreignait les règles d'équité et de justice naturelle étant donné qu'elle était fondée sur l'absence de renseignements qui ne lui avaient pas été demandés.

 

[21]      Comme il a été mentionné, l'agente d'immigration a demandé à la demanderesse de fournir des renseignements à jour et notamment des renseignements écrits à l'égard des personnes avec qui elle vivait avant de venir au Canada. En réponse, la demanderesse prétend que l'agente d'immigration avait clairement des questions sur d'autres points pour lesquels elle ne lui a pas demandé de clarifications. Ces points touchaient notamment la question de savoir si le fils de la demanderesse et sa belle-fille travaillaient actuellement tous deux et le lien qu'avait l'âge de la demanderesse avec les difficultés qu'elle subirait si elle retournait au Nicaragua.

 

[22]      Le défendeur prétend qu'il appartient au demandeur de fournir au décideur tous les renseignements pertinents lors d'une demande. L'agente d'immigration n'avait pas l'obligation de communiquer avec la demanderesse pour obtenir des renseignements à l'égard des questions qui résultaient du fait que la demanderesse n'avait pas expliqué le lien entre son âge et sa demande et du fait que la situation d'emploi de sa belle-fille n'était pas claire.

 

[23]      Je ne peux pas partager l'opinion de la demanderesse sur cette question. Comme M. le juge Heald a déclaré dans la décision Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 54 (C.F.C.) :

 

Le requérant prétend avoir droit à ce qu'il soit tenu compte de toute la preuve pertinente dans le cadre de sa demande invoquant des considérations humanitaires. Je suis d'accord. Cependant, le fardeau de la preuve à cet égard incombe alors au requérant. Il a la responsabilité de porter à l'attention de l'agent des visas toute la preuve pertinente relative à des considérations humanitaires.

 

[24]      Le fardeau de fournir tous les éléments de preuve pertinents pris en compte dans une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire appartient clairement au demandeur selon ce que prévoit la section 5.25 du Guide et selon la déclaration du juge Heald dans la décision Patel. Je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il soumet qu'une prétention insuffisante par un demandeur ne transfère pas à l'agent d'immigration le fardeau d'obtenir d'autres renseignements.

 

[25]      Dans la présente affaire, la demanderesse a eu la possibilité de fournir au soutien de sa demande des renseignements à l'égard de sa situation et l'agente d'immigration a même demandé à la demanderesse de fournir d'autres renseignements. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l'agente d'immigration a commis une erreur en omettant de demander à la demanderesse de fournir des renseignements additionnels.

 

[33]           À la lumière de la jurisprudence précitée, je suis d’avis qu’il est sans équivoque que l’agent n’avait aucune obligation de communiquer avec le demandeur afin de lui permettre de parfaire sa preuve. Le demandeur a eu amplement l’occasion de soumettre tous les éléments de preuve qu’il jugeait nécessaire à l’appui de sa demande et ceci jusqu’à ce qu’une décision sur la demande des motifs humanitaires soit rendue. Il ressort des notes au dossier de l’agent d’immigration que le demandeur a soumis des prétentions en date du 12 mai 2003 ainsi qu’en date du 3 juin 2005. Il a donc eu l’opportunité de déposer toute la preuve nécessaire qu’il jugeait pertinente et utile afin de démontrer l’existence de considérations d’ordre humanitaire dans son cas.


 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Paul U.C. Rouleau »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-223-06

 

INTITULÉ :                                       Konstantin Samsonov v. M.C.I.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Qc

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            ROULEAU J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 septembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Marie-Hélène Giroux

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Caroline Doyon

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Monterosse Giroux s.e.n.c.

Montréal, Qc

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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