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Date : 20060928

Dossier : IMM-5883-05

Référence : 2006 CF 1154

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

OLGA VAKRUCHEV

VITA VAKRUCHEV

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               La demande présentée par les demanderesses en vue d'obtenir que leur demande de résidence permanente soit traitée à partir du Canada pour des raisons d'ordre humanitaire (la demande CH) a été rejetée. Il s'agit du contrôle judiciaire de cette décision défavorable.

 


II.         Les faits

[2]               La demanderesse principale, Olga Vakruchev, et la demanderesse mineure, sa fille Vita, sont des citoyennes russes qui sont allées s'installer en Israël. Olga Vakruchev est devenue enceinte et aurait été victime de mauvais traitements de la part du futur père de sa fille Roberta. Pour cette raison, les demanderesses se sont enfuies vers le Canada au motif qu'elles ne pouvaient compter sur l'aide de la police israélienne.

 

[3]               Les demanderesses sont arrivées au Canada en 1999 et ont présenté une demande d'asile. Olga Vakruchev a donné naissance à sa fille Roberta le 8 mars 2000. Roberta est citoyenne canadienne.

 

[4]               Olga Vakruchev a retiré sa demande d'asile parce qu'elle craignait que le gouvernement israélien ne considère que sa demande d'asile constitue une dénonciation de l'État d'Israël.

 

[5]               Olga Vakruchev a ensuite présenté une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire (la demande CH) en invoquant les risques auxquels elle et ses filles seraient exposées si elles retournaient en Israël et en faisant valoir qu'il était dans l'intérêt supérieur des enfants que ces dernières demeurent au Canada. Ses deux filles se débrouillent bien à l'école.

 

[6]               L'agente CH a réclamé un avis sur les risques auxquels les demanderesses seraient exposées si elles devaient retourner en Israël. Après avoir pris connaissance de cet avis ainsi que des observations soumises par les demanderesses pour le réfuter, l'agente CH s'est dite convaincue que l'avis en question (suivant lequel les demanderesses ne courraient aucun risque) était raisonnable. L'agente a estimé que la demanderesse principale n'avait pas présenté suffisamment d'éléments de preuve sur cette question.

 

[7]               L'agente CH s'est dite convaincue, compte tenu de leur âge et des connaissances qu'elles avaient acquises au sujet de la langue et de la culture israéliennes grâce à leur mère, que les deux filles de la demanderesse ne seraient pas confrontées à des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives si elles devaient retourner en Israël.

 

[8]               L'agente CH a également abordé la question du refus du consulat israélien de renouveler le passeport d'Olga Vakruchev parce qu'elle avait présenté une demande d'asile. Les demanderesses avaient demandé à l'agente CH de communiquer avec le Centre d'exécution de la loi du Toronto métropolitain pour obtenir des renseignements sur son dossier, ainsi que des renseignements sur les agissements du consulat d'Israël. L'agente a estimé qu'elle n'avait pas besoin de ce dossier et que c'était aux demanderesses qu'il incombait d'établir le bien-fondé des motifs d'ordre humanitaire qu'elles invoquaient.

 

III.       Analyse

[9]               Il a été fermement établi dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que la norme de contrôle qui s'applique dans le cas des décisions CH est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[10]           Les demanderesses invoquent quatre moyens qui justifient selon elles l'annulation de la décision CH :

·                    défaut de procéder à une appréciation indépendante du risque;

·                    défaut de tenir compte d'autres risques;

·                    défaut de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants;

·                    défaut de tenir compte de facteurs relatifs à l'établissement qui échappaient à la volonté des demanderesses.

 

A.        Appréciation du risque

[11]           Une demande CH constitue une exception au principe habituel régissant les demandes de résidence permanente. Elle n'est pas une solution de rechange à une demande d'asile et on ne peut s'en servir pour « contourner » la procédure que doivent suivre les réfugiés. Dans le cas qui nous occupe, il ne faut pas oublier que la demanderesse principale avait retiré sa demande d'asile pour ensuite déposer une demande CH dans laquelle elle reprenait certaines des préoccupations déjà formulées dans sa demande d'asile.

 

[12]           L'agent CH n'est pas un expert en évaluation des risques; c'est le rôle de l'agent d'examen des risques avant le renvoi (l'agent d'ERAR) qui donne son avis au sujet des risques. En l'espèce, l'agente CH s'est acquittée de ses fonctions en examinant l'avis donné au sujet des risques et les observations formulées par les demanderesses pour réfuter cet avis. Rien ne permet de conclure que l'agente s'est contentée d'entériner d'office l'avis en question.

 

B.         Autres risques

[13]           Bien que les demanderesses aient formulé, au sujet du consulat d'Israël, des allégations dont l'agente CH n'a pas tenu compte à leur avis, il n'y a aucun élément de preuve objectif qui appuie ces allégations. C'est à juste titre que l'agente a estimé qu'il incombait aux demanderesses d'établir le bien-fondé des motifs d'ordre humanitaire qu'elles invoquaient. Bien qu'il soit possible que, dans certains cas, il incombe à l'agent de consulter certains dossiers dans le système du défendeur, rien ne permet de penser que cette mesure était nécessaire en l'espèce.

 

[14]           La question de la violence conjugale dont seraient victimes les femmes russes en Israël n'a pas été ignorée. Cette question a été abordée dans l'avis relatif aux risques et elle a été examinée par l'agente CH.

 

C.        Intérêt supérieur des enfants

[15]           Bien qu'elles reprochent à l'agente CH de ne pas avoir tenu compte des conséquences qu'un départ du Canada aurait sur les enfants, les demanderesses n'ont soumis aucun élément de preuve convaincant ou formulé d'argument qui permettraient de remettre en question les conclusions tirées par l'agente.

 

[16]           Hormis leur affirmation que les enfants se débrouillent bien à l'école, les demanderesses n'ont pas démontré qu'elles seraient confrontées à des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives si elles retournaient en Israël. La crainte que le père pourrait faire du mal à l'une ou l'autre des filles ou aux deux n'a pas été raisonnablement établie.

 

D.        Facteur de l'établissement

[17]           Les demanderesses soutiennent que l'agente n'a pas tenu compte du fait qu'en raison de circonstances indépendantes de leur volonté − le refus d'Israël de renouveler leur passeport −, elles se trouvaient au Canada depuis plus longtemps qu'elles ne l'auraient autrement été. Les demanderesses croient pour une raison ou pour une autre que ce facteur joue en leur faveur.

 

[18]           Cet argument est mal fondé. Il laisse entendre que les demanderesses auraient autrement quitté le Canada plus tôt alors que tous leurs agissements témoignent d'une volonté d'y demeurer en permanence.

 

[19]           Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

 

JUGEMENT

            LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5883-05

 

INTITULÉ :                                       OLGA VAKRUCHEV

                                                            VITA VAKRUCHEV

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 26 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 SEPTEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Nina Chandy

 

POUR LES DEMANDERESSES

Me Alexis Singer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me NINA CHANDY

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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