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Date : 20061002

Dossier : IMM-6293-05

Référence : 2006 CF 1166

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

MARZIA HAMEDI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Marzia Hamedi voulait parrainer son mari, M. Noori Noorudin, afin que celui‑ci devienne un résident permanent du Canada. Un agent des visas a rejeté la demande de M. Noorudin parce que Mme Hamedi n’avait pas déclaré qu’elle était mariée à l’époque où sa propre demande de résidence permanente a été examinée. L’agent s’est fondé sur l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (les dispositions pertinentes figurent en annexe).

 

[2]               Mme Hamedi a porté la décision de l’agent en appel, mais elle n’a pas réussi à convaincre la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) que l’agent avait commis une erreur. Dans une décision préliminaire fondée sur des observations écrites, la Commission a conclu que l’agent avait correctement appliqué l’alinéa 117(9)d) et, de plus, que cette disposition n’était pas contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Mme Hamedi prétend maintenant que la Commission a commis une erreur et me demande de lui donner la possibilité de démontrer qu’il y a eu violation de la Charte dans le cadre d’une nouvelle audience.

 

[3]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I. La question en litige

 

[4]               La Commission aurait‑elle dû donner à Mme Hamedi la possibilité de démontrer qu’il y a eu violation de la Charte au lieu de rendre la décision préliminaire de rejeter l’appel en se fondant uniquement sur des observations écrites?

 

II. Analyse

 

[5]               La décision de la Commission de rejeter l’appel de Mme Hamedi repose exclusivement sur des motifs juridiques. Si la Commission avait commis une erreur de droit, je serais tenu d’infirmer sa décision. Or, j’estime que la décision de la Commission est correcte.

a) Les faits

 

[6]               Mme Hamedi a obtenu le statut de résidente permanente au Canada en 2002, en qualité de réfugiée parrainée. Elle était célibataire au moment où elle a présenté sa demande de résidence permanente. Elle a épousé M. Noorudin pendant le traitement de sa demande, mais elle a omis de mettre celle‑ci à jour.

 

[7]               Elle a ensuite parrainé la demande de résidence permanente présentée par son mari en tant que membre de la catégorie du regroupement familial. Un agent des visas a rejeté cette demande parce que Mme Hamedi n’avait rien dit au sujet de son mariage à l’époque de l’examen de sa propre demande. Les parties reconnaissent que, dans ces circonstances, M. Noorudin ne pouvait pas être parrainé en tant que membre de la catégorie du regroupement familial au titre de l’alinéa 117(9)d), selon l’interprétation donnée à cette disposition par la Cour d’appel fédérale dans dela Fuente c. Canada, 2006 CAF 186, [2006] A.C.F. no 774 (C.A.F.) (QL). Mme Hamedi prétend cependant que la disposition est inconstitutionnelle dans son application à son cas.

 

b) La procédure

 

[8]               Lorsque Mme Hamedi a interjeté appel de la décision de l’agent des visas, elle a demandé à la Commission de tenir une audience étant donné qu’elle soulevait une question constitutionnelle concernant la validité de l’alinéa 117(9)d). La Commission a plutôt rejeté son appel en se fondant uniquement sur ses observations écrites. Mme Hamedi prétend que la Commission aurait dû lui permettre d’établir le fondement factuel de ses arguments constitutionnels. Elle soutient que cela est particulièrement important pour elle parce qu’elle veut démontrer que sa situation est différente de celle qui était en cause dans de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2005] A.C.F. no 2119 (C.A.F.) (QL). Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’alinéa 117(9)d) n’était pas contraire à l’article 7 de la Charte. Mme Hamedi prétend que de Guzman devrait être limité à ses faits particuliers et qu’elle aurait dû avoir la possibilité d’établir les faits sur lesquels reposaient ses arguments constitutionnels au cours d’une audience devant la Commission.

 

c) Le précédent

 

[9]               Dans les motifs qu’il a rédigés dans de Guzman, le juge John Evans a rappelé que Mme de Guzman avait obtenu le statut de résidente permanente au Canada et la citoyenneté canadienne après avoir omis délibérément de mentionner qu’elle avait deux fils. Il a aussi fait remarquer que l’appelante n’était pas une réfugiée.

 

[10]           Mme Hamedi prétend que les faits de de Guzman sont sensiblement différents des faits en l’espèce. C’est en toute bonne foi qu’elle a omis de mentionner son mari. Elle avait demandé la résidence permanente avant de se marier et a simplement omis de mettre son dossier à jour. De plus, contrairement à Mme de Guzman, elle était une réfugiée.

 

[11]           Cependant, bien que je sois d’accord avec Mme Hamedi lorsqu’elle dit que le juge Evans aurait peut‑être été mieux disposé envers elle qu’à l’égard de Mme de Guzman, l’affaire ne portait pas sur cette question. Après avoir traité de la situation factuelle de Mme de Guzman, le juge Evans a examiné le « fondement juridique de sa demande ». Il a fait remarquer que les non‑citoyens n’ont pas le droit d’entrer ou de demeurer au Canada et que le stress causé par la séparation des membres d’une famille ne découle pas de l’alinéa 117(9)d) ou d’une mesure gouvernementale, mais du choix personnel du répondant de laisser sa famille derrière lui. Par conséquent, il a conclu que l’alinéa 117(9)d) ne portait pas atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de la répondante.

 

[12]           La Cour d’appel fédérale a rendu l’arrêt de Guzman après que la Commission eut rejeté l’appel de Mme Hamedi. La Commission s’est cependant fondée sur la décision rendue par le juge Michael Kelen de la Cour fédérale, lequel avait également conclu que les droits garantis par la Charte à Mme de Guzman n’avaient pas été violés : de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.F. 162. La Commission a aussi cité un jugement du juge John O’Keefe, qui estimait que l’alinéa 117(9)d) n’était pas contraire à la Charte : Preclaro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1063, [2005] A.C.F. no 1313 (C.F.) (QL). Je rappelle que le juge Michel Shore est arrivé à la même conclusion dans Akhter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 481, [2006] A.C.F. no 606 (C.F.) (QL). Pour sa part, le juge Richard Mosley a conclu que l’alinéa 117(9)d) ne contrevenait pas aux principes d’équité de la common law : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 678, [2005] A.C.F. no 852 (C.F.) (QL).

 

[13]           J’aimerais ajouter également que, tout comme Mme Hamedi, les répondants dans Preclaro et Akhter avaient commis une erreur de bonne foi en omettant de révéler l’existence de membres de leur famille. Dans ces deux affaires cependant, la Cour a conclu que les droits que leur garantissait la Charte n’avaient pas été violés. En outre, la Cour d’appel fédérale a elle‑même statué que l’alinéa 117(9)d) ne portait pas atteinte aux droits d’un réfugié qui s’était senti obligé de faire de fausses déclarations sur son état matrimonial pour pouvoir quitter le Pakistan : Azizi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 406, [2005] A.C.F. no 2041 (C.A.F.) (QL).

 

III. Décision

 

[14]           Compte tenu de la jurisprudence, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a statué que l’alinéa 117(9)d) n’était pas contraire à la Charte. La Commission n’a pas non plus commis d’erreur en rendant une décision préliminaire fondée uniquement sur des observations écrites. C’est peut‑être de bonne foi que Mme Hamedi a omis de divulguer qu’elle était mariée, mais cela ne pouvait pas avoir une incidence sur l’application de l’alinéa 117(9)d), ni sur l’analyse de la constitutionnalité de cette disposition. Aucune partie ne m’a demandé de certifier une question de portée générale, et aucune question n’est énoncée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil


Annexe

 

Règlements sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Regroupement familial

 

Restrictions

117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

 

[…]

 

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

 

Family Class

 

Excluded relationships

117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle

 

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)

 

Vie, liberté et sécurité

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act (U.K.), 1982, c. 11

 

Life, Liberty and Security of a person

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-6293-05

 

INTITULÉ :                                                       MARZIA HAMEDI

                                                                            c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 20 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 2 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Tie                                                          POUR LA DEMANDERESSE

 

Catherine Lawrence                                             POUR LE DÉFENDEUR

Ramona Rothschild

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Services juridiques communautaires

du sud d’Ottawa                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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