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Date : 20061012

Référence : 2006 CF 1216

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

Dossier : T-2241-95

ENTRE :

MARGARET HORN

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défenderesse

 

et

 

Dossier : T-2242-95

 

ENTRE :

SANDRA WILLIAMS

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les présents motifs se rapportent à une requête présentée par Aboriginal Legal Services of Toronto (ALST), en vue d’intervenir dans le présent litige.

 

[2]               La requête a été déposée le 4 octobre 2006 à l’égard d’une affaire qui dure depuis presque 10 ans et qui sera instruite à compter du 16 octobre 2006. Les observations présentées en réponse ont été déposées le 10 octobre 2006. Il est par conséquent urgent de statuer sur cette requête.

 

[3]               Il faut noter que l’instruction de la présente action avait été initialement prévue pour le 27 mars 2006, mais elle a été reportée le 16 mars 2006 pour diverses raisons. Elle a alors été fixée au 3 avril 2006 puis repoussée à une date à déterminer qui est devenue la date d’instruction actuelle. En aucun temps avant ou pendant ces étapes de la procédure, y compris les dates d'instruction des mois de mars et d’avril, ALST n’a manifesté l’intention d’intervenir. Aucune explication satisfaisante n’a été fournie pour justifier cette situation.

 

[4]               ALST est en fait un organisme d’aide juridique offrant de multiples services à la communauté autochtone de la région de Toronto. Cet organisme déclare avoir une expertise à l’égard des questions juridiques dans les litiges intéressant les Autochtones et qu’il est vu accorder le statut d’intervenant dans un certain nombre d’instances en justice. Dans le contexte du présent litige, 23 de ses 28 employés ont été recrutés, dans le cadre d’entente de louage de services, par Native Leasing Services, une agence dont il est question dans le présent litige. Certains de ces employés sont des Indiens inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens, d’autres sont des membres des Premières nations qui ne sont pas inscrits.

 

[5]               La défenderesse s’oppose à la présente requête pour nombre de raisons, dont certaines intéressent la justiciabilité de la question soulevée par ALST, l’imprécision de son intérêt et les documents qu’elle souhaite produire (faits juridiques et sociologiques) et l’incidence que cette intervention pourrait avoir sur le déroulement de l'instance. Toutes sont des préoccupations valables.

 

[6]               Par ailleurs, il y a la question visant l’article 87 de la Loi sur les Indiens, son application et son effet et le lien avec l’article 15 de la Charte. ALST semble particulièrement s’intéresser à l’emploi du critère du lieu de résidence comme « facteur de rattachement » à l’égard de l’article 87 et à la question des Autochtones vivant à l’intérieur ou à l’extérieur d’une réserve. Les demanderesses vivent toutes les deux dans une réserve.

 

[7]               La défenderesse parle de la possibilité qu’un grand nombre de personnes soient visées par les conclusions juridiques à l’égard de l’article 87 de la Loi sur les Indiens et de l’article 15 de la Charte. Au total 2 000 avis d’opposition, 496 avis d’appel à la Cour de l’impôt et 4 000 avis de confirmation possibles, tous liés à des employés de Native Leasing Services, pourraient être envoyés.

 

[8]               Le critère servant à établir le statut d’intervenant a été décrit de diverses façons. Dans Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2000] A.C.F. no220 (C.A.) (QL), au paragraphe 8, la Cour d’appel fédérale a élaboré six facteurs à prendre en compte :

1)        La personne qui se propose d’intervenir est‑elle directement touchée par l’issue du litige?

2)         Y a‑t‑il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

3)         S’agit‑il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

4)         La position de la personne qui se propose d’intervenir est‑elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

5)         L’intérêt de la justice sera‑t‑il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

6)         La Cour peut‑elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

 

La Cour d’appel fédérale dans Feeroequus Railway Co. c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, 2003 CAF 408, a cité avec approbation le critère en trois volets énoncé dans Abbott c. Canada, [2000] 3 C.F. 482 (1re inst.) (qui est à peu près semblable à celui élaboré dans Maurice c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2000] A.C.F. no 208 (QL)) :

1.         Le requérant de l’intervention doit posséder un intérêt en ce qui concerne l’issue du procès;

2.         L’issue du procès portera gravement atteinte aux droits du requérant;

3.         Le requérant, en sa qualité d’intervenant, apportera un point de vue différent à l’instance.

 

[9]               Même si, en tant qu’organisme, ALST ne possède pas d'intérêt en ce qui concerne l'issue du procès et ne sera pas touchée, compte tenu de la nature de son mandat de représenter les intérêts des Autochtones, certaines des personnes que cet organisme cherche à aider pourraient bien être lésées.

 

[10]           Dans les circonstances de l’espèce, le critère le plus important pour établir le statut d’intervenant consiste à se demander si ALST apportera un point de vue différent à l’instance. En d’autres termes, son intervention aidera‑t‑elle la Cour à rendre sa décision?

 

[11]           À cet égard, les demanderesses sont représentés par un excellent avocat chevronné. Les demanderesses n’ont pas expliqué pourquoi elles appuyaient la présente requête. Toutefois, les demanderesses sont des Autochtones qui vivent dans une réserve et, par conséquent, ALST pourrait apporter un point de vue légèrement différent à l’argument juridique sur l’interprétation de l’article 87, le critère du lieu de résidence et l’incidence possible de la présente affaire dans le contexte de l’article 15 de la Charte.

 

[12]           C’est pour ce motif que la requête sera accueillie, sous réserve de conditions strictes. La Cour est consciente du fait qu’un intervenant, sans doute par inadvertance, fera dévier l’instance, nuira au litige réel entre les parties et imposera un fardeau injuste à la défenderesse qui devra répondre à de nouvelles questions à la veille même de l'instruction.

 

[13]           Par conséquent, l’intervention d’ALST se limitera à ce qui suit :

 

a)         Présentation des arguments juridiques dans un mémoire de droit conforme aux Règles des Cours fédérales seulement. Aucune tentative de présentation de nouveaux faits sous le couvert d’un mémoire ne sera autorisée.

 

b)         Le mémoire se limitera à 10 pages, à l’exclusion des annexes.

 

c)         Le mémoire devra être signifié et déposé au plus tard le 20 octobre 2006.

 

d)         L’exposé verbal d’ASLT suivra celui des demanderesses; le temps alloué sera déterminé en tenant compte du temps dont les parties auront besoin pour établir raisonnablement le bien‑fondé de leur argument.

 

e)         ALST peut être condamné aux dépens si les circonstances le commandent.

 

f)          ALST n’aura aucun droit d’appel.

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE QUE la requête est accueillie, sans frais, selon les conditions suivantes :

 

1.         L’intervenant peut présenter des arguments juridiques dans un mémoire de droit conforme aux Règles des Cours fédérales seulement. Aucune tentative de présentation de nouveaux faits sous le couvert d’un mémoire ne sera autorisée.

 

2.         Le mémoire se limitera à 10 pages, à l’exclusion des annexes.

 

3.         Le mémoire devra être signifié et déposé au plus tard le 20 octobre 2006.

 

4.         L’exposé verbal d’ASLT suivra celui des demanderesses; le temps alloué sera déterminé en tenant compte du temps dont les parties auront besoin pour établir raisonnablement le bien‑fondé de leur argument.

 

4.         ALST peut être condamné aux dépens si les circonstances le commandent.

 

5.         ALST n’aura aucun droit d’appel.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                               T-2241-95 et T-2242-95

 

INTITULÉ :                                                              MARGARET HORN

                                                                                   c.

                                                                                   SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU        CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE        MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

                        et

 

                                                                                   SANDRA WILLIAMS

                                                                                   c.

                                                                                   SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU        CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE        MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU ET DATE

D’AUDIENCE :                                                        REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT                         EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES                             RÈGLES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                             LE 12 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian A. Crane

 

     POUR LES DEMANDERESSES

John Shipley

 

     POUR LE DÉFENDEUR

Kimberly R. Murray

Amy Britton-Cox

     POUR L’INTERVENANT

     ÉVENTUEL, ABORIGINAL LEGAL

     SERVICES OF TORONTO

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

     POUR LES DEMANDERESSES

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

    POUR LA DÉFENDERESSE

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

Toronto (Ontario)

     POUR L’INTERVENANT ÉVENTUEL,      ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF

     TORONTO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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