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Date : 20061011

Dossier : IMM-7613-05

Référence : 2006 CF 1207

Ottawa (Ontario), le 11 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PAUL U.C. ROULEAU

 

 

ENTRE :

AMIR ESMAILZADEH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue le 20 octobre 2005 après un examen des risques avant renvoi (ERAR) dans laquelle il a été jugé que le demandeur ne risquait pas d’être persécuté s’il retournait en Iran.

 

[2]               Le demandeur, Amir Esmailzadeh, est un homme de 42 ans. Il est né en Iran en 1964 et demeure un citoyen de ce pays. Sa fille et son épouse, dont il est séparé, sont retournées en Iran en 1998 après avoir séjourné temporairement au Canada.

 

[3]               Le demandeur est arrivé au Canada en novembre 1996. Il a revendiqué le statut de réfugié en raison des opinions politiques qu’on lui aurait attribuées en tant que partisan du Moudjahidine. En août 1998, sous le régime de l’ancienne Loi sur l’Immigration, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du demandeur pour le motif que son manque de connaissances au sujet du Moudjahidine ne concordait pas avec le degré de la participation qu’il prétendait avoir apportée. La Commission n’a pas jugé le demandeur crédible. L’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision concernant le statut de réfugié a été refusée en janvier 1999.

 

[4]               L’agent d’ERAR a noté que le demandeur, dans ses observations pour l’ERAR, avait énuméré essentiellement les mêmes risques que lors de son audience concernant le satut de réfugié huit ans plus tôt, en juillet 1998. 

 

[5]               Le demandeur n’est pas membre du Moudjahidine. Néanmoins, le demandeur prétend avoir besoin d’être protégé parce que les autorités iraniennes considèrent qu’il participe activement au Moudjahidine et que, par conséquent, elles l’exécuteraient ou le détiendraient indéfiniment selon toute probabilité si le Canada le renvoyait en Iran.

 

[6]               L’agent a conclu que, bien que les autorités iraniennes aient par le passé traité extrêmement durement les partisans du Moudjahidine, elles ont assoupli leur politique concernant les personnes ayant quitté l’Iran illégalement. Dans l’ensemble, l’agent était convaincu que les demandeurs d’asiles retournant en Iran ne faisaient pas face à des difficultés indues à leur retour. (Dossier de la demande, page 12.)

 

[7]               L’agent a convenu que certaines personnes bien en vue qui étaient retournées en Iran avaient été détenues à leur retour, mais il a conclu que le demandeur n’était pas le type de personne qui susciterait l’intérêt des autorités iraniennes à son retour. L’agent a fondé cette conclusion précise entièrement à partir des propres observations du demandeur : M. Esmailzadeh n’est pas membre du Moudjahidine, il vit à l’extérieur du pays depuis neuf ans, les membres de sa famille demeurent en Iran, il a fait son service militaire obligatoire et il ne participe pas au Canada à des activités d’opposition.

 

[8]               L’agent a conclu qu’il n’existait pas plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit exposé à un risque d’être persécuté pour un des motifs prévus par la Convention et qu’il était improbable qu’il soit exposé au risque d’être soumis à la torture, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à une menace à sa vie par les autorités iraniennes.

 

[9]               Le demandeur soulève les trois questions suivantes dans le cadre du contrôle judiciaire de l’ERAR :

[traduction]

1.           Le ministre a‑t‑il commis une erreur de droit ou a‑t-il outrepassé sa compétence en omettant de mener une analyse distincte pour l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

 

2.           Le ministre a‑t‑il commis une erreur de droit ou a‑t-il outrepassé sa compétence dans son examen du critère concernant le degré minimal de risque pour que s’applique l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la définition de réfugié au sens de la Convention)?

 

3.           Le ministre a‑t‑il commis une erreur de droit ou de fait ou a‑t‑il outrepassé sa compétence en concluant que le demandeur n’avait pas droit à la protection offerte par les articles 96 et 97?

 

 

[10]           La nature des questions du demandeur semble nécessiter que la Cour examine la décision de l’agent d’ERAR « dans sa totalité ». Selon la jurisprudence récente, dans ces circonstances, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable.

 

[11]           Les observations du demandeur sont difficiles à suivre, mais il semble avancer trois arguments principaux : 1) les conclusions de l’agent relativement à l’article 97 sont manifestement déraisonnables; 2) l’agent était tenu de mener une analyse séparée pour l’article 97, mais il ne l’a pas fait; 3) les motifs de l’agent ne convenaient pas.

 

[12]           D’abord, le demandeur émet l’affirmation générale que la conclusion de l’agent selon laquelle les demandeurs d’asile renvoyés en Iran ne font pas face à des difficultés considérables est manifestement déraisonnable. En particulier, le demandeur dit craindre que l’agent ait fondé cette conclusion sur des assurances peu fiables des autorités iraniennes, que l’agent n’ait pas accordé assez de valeur aux rapports affirmant qu’on empêche le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés de rencontrer les personnes de retour en Iran et que l’agent n’ait pas examiné la preuve documentaire montrant que le régime iranien pratique la torture.

 

[13]           Les défendeurs soutiennent que l’analyse de l’agent étaye adéquatement ses conclusions. L’agent a soigneusement pris en considération l’ensemble de la preuve et sa décision est étayée par la preuve. L’agent avait le droit de s’appuyer sur les conclusions de la Commission selon lesquelles le demandeur n’avait pas établi de façon crédible qu’il était membre du Moudjahidine ou qu’il y participait activement. À l’exception des prétentions du demandeur, aucun nouvel élément de preuve indiquant que le demandeur serait maintenant considéré comme un contre‑révolutionnaire s’il retournait en Iran n’a été présenté.

 

[14]           La deuxième affirmation générale du demandeur veut que, puisque, au départ, son audience concernant le statut de réfugié a eu lieu sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration, l’agent d’ERAR avait l’obligation absolue de mener une analyse distincte pour l’article 97. Le demandeur avance implicitement que, contrairement au commissaire entendant une demande d’asile sous le régime de la LIPR actuelle, la Section du statut de réfugié, sous le régime de l’ancienne Loi, n’était pas tenue de considérer des facteurs semblables à ceux énoncés à l’article 97.

 

[15]           Le demandeur assimile les exigences quant à une analyse relative à l’article 97 auxquelles doivent se soumettre les agents d’ERAR en présence de demandeurs d’asile déboutés sous le régime de l’ancienne Loi à celles auxquelles doivent se soumettre les commissaires de la CISR sous le régime de la LIPR actuelle. Le demandeur s’appuie sur des précédents énonçant les exigences relatives à l’article 97 auxquelles doivent se soumettre les commissaires de la CISR. 

 

[16]           Si l’on présume que l’agent a omis de mener une analyse distincte relativement à l’article 97, annuler pour ce motif une décision par ailleurs défendable serait contraire à la jurisprudence et au bon sens. Les défendeurs invoquent la décision Bouaouni c. Canada (M.C.I.), 2003 CF 1211, au paragraphe 42, où le juge Blanchard a jugé que l’omission d’analyser expressément une demande au regard de l’article 97, bien que ce fût une erreur, était sans importance si aucune preuve ne permettait à la Commission de conclure que le demandeur avait besoin d’être protégé.

 

[17]           Le demandeur soutient que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique quand il a cherché à déterminer si le demandeur était un réfugié au sens de la Convention ou non et que, ce faisant, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle. Le demandeur se formalise de l’emploi du conditionnel dans un passage à la fin des motifs de l’agent :

 

[traduction]

[…] Je ne crois pas que la situation du demandeur soit telle qu’elle susciterait l’intérêt des autorités iraniennes à son retour là‑bas. Je ne crois pas que les autorités le considéreraient comme un partisan actif du Moudjahidine. Je prends note que des éléments de preuve montrent que certaines personnes bien en vue revenant en Iran ont été détenues à leur retour au pays, mais je ne crois pas que le demandeur soit ce type de personne.

 

 

[18]           Le demandeur prétend que l’emploi du conditionnel dans le passage ci‑dessus constitue une erreur, car il indique que l’agent a appliqué le critère plus strict de prépondérance de la preuve, plutôt que le critère établi de simple possibilité, applicable aux demandes relatives à l’article 96.

 

[19]           Les défendeurs affirment que la bonne formulation du critère est la suivante : le demandeur doit d’abord démontrer qu’il existe plus qu’une simple possibilité qu’il sera exposé à un risque et, pour ce faire, il doit prouver les faits relatifs à sa demande (par exemple, qu’il susciterait l’intérêt des autorités) selon la prépondérance de la preuve. 

 

[20]           La conclusion principale de l’agent est que le demandeur n’est pas le type de personne que le régime iranien considérerait comme une menace. Puisque la demande d’ERAR du demandeur est entièrement fondée sur la prémisse voulant que les autorités iraniennes le considèrent comme un membre actif du Moudjahidine, sa demande d’asile doit être rejetée si l’agent conclut que les autorités iraniennes ne le considéreraient probablement pas ainsi.

 

[21]           Ensuite, l’agent semble avoir soigneusement pris en considération tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, y compris toutes les observations du demandeur et les rapports sur les conditions en Iran. Il a expressément souligné la preuve documentaire soutenant la position du demandeur, comme le piètre bilan de l’Iran en matière de droits de la personne, les articles traitant de l’expulsion d’Iraniens et la décision de l’Australie de ne pas expulser les demandeurs d’asile iraniens déboutés.

 

[22]           Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, l’agent a lié, comme il le devait, la preuve documentaire à la situation personnelle du demandeur : voir Kandiah c. Canada (M.C.I.), [2005] A.C.F. n275, 2005 CF 181, aux paragraphes 17 et 18. Il a ensuite conclu que le demandeur n’était pas le type de personne qui susciterait l’intérêt du régime iranien s’il était renvoyé dans ce pays. À partir de cette conclusion, l’agent a jugé que le demandeur n’avait pas établi selon la prépondérance de la preuve qu’il serait exposé aux risques et aux dangers visés aux alinéas 97(1)a) et b).

 

[23]           Il n’existait pas d’obligation absolue de mener une analyse distincte pour l’article 97.

 


 

JUGEMENT

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Paul U.C. Rouleau »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-7613-05

 

INTITULÉ :                                                               AMIR EASMAILZADEH

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL.    

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 4 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE SUPPLÉANT ROULEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 11 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                                              POUR LE DEMANDEUR

(416) 351-8600, poste 221

 

Matina Karvellas                                                          POUR LES DÉFENDEURS

(416) 973-0430                                                                      

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane                                                              POUR LE DEMANDEUR

Avocat

166, rue Pearl, bureau 100

Toronto (Ontario)

M5H 1L3                                                                                

 

 

Ministère de la Justice                                                   POUR LES DÉFENDEURS

130, rue King Ouest, bureau 3400

Exchange Tower, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                                                               

 

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