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Date : 20061012

Dossier : IMM-1640-06

Référence : 2006 CF 1214

Calgary (Alberta), le 12 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

VIOREL CRISTIAN SIMBOAN

ANGELA FLORINA SIMBOAN

demandeurs

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne la décision prise par un agent d'immigration au sujet des motifs d'ordre humanitaire invoqués par des citoyens roumains. Un des éléments essentiels de la demande présentée par les demandeurs pour qu'il soit tenu compte de motifs d'ordre humanitaire est le fait qu'il faut tenir compte de l'intérêt supérieur de leurs deux enfants nés au Canada.

 

[2]               Pour rejeter la demande des demandeurs, l'agent d'immigration a pris en considération l'intérêt supérieur des enfants en suivant la démarche suivante qui, selon les demandeurs, est entachée d'erreurs justifiant l'annulation de la décision de l'agent en question :

[Traduction]

Celui qui est chargé d'examiner les raisons d'ordre humanitaire doit être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants directement touchés et il ne doit pas minimiser cet intérêt (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). La présence d'enfants n'entraîne pas un certain résultat (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.), [2002] 4 F.C. 358), bien que, « [e]n l'absence de circonstances exceptionnelles, l'intérêt supérieur de l'enfant milite en faveur du non-renvoi du père ou de la mère  (Hawthorn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.), [2003] 2 C.F. 555).

 

Les demandeurs ont deux enfants nés au Canada. Né à Saskatoon le 13 février 2000, Brandon Christian Simboan est âgé de cinq ans. Née à Saskatoon le 12 août 2003, Michelle Lorena Simboan est âgée de deux ans.

 

L'intérêt supérieur des enfants nés au Canada des demandeurs milite en faveur de l'approbation des demandes des demandeurs.

 

Je constate que les demandeurs n'ont pas précisé s'ils emmèneraient leurs enfants avec eux s'ils étaient renvoyés du Canada ou s'ils les laisseraient au Canada. Lorsqu'elle déclare que [traduction] « s'ils sont expulsés, M. et Mme Simboan seront confrontés à un choix difficile sur la façon de mieux répondre à l'intérêt supérieur de leurs enfants », Mme Ginsburg sous-entend que ce choix n'a pas encore été fait. Les demandeurs ont précisé à Mme Ginsburg que les enfants n'ont pas de famille au Canada chez qui ils pourraient vivre. Ils relèveraient alors des services de la protection de la jeunesse. J'accepte le témoignage de Mme Ginsburg suivant lequel, si les enfants des demandeurs devaient rester au Canada et être confiés aux services de la protection de la jeunesse après le renvoi de leurs parents, on répondrait à leurs besoins essentiels mais que cette séparation causeraient un préjudice sur le plan psychologique et affectif tant aux demandeurs qu'à leurs enfants.

 

[…]

 

Pour ces motifs, l'intérêt supérieur de Brandon et de Michelle milite contre le renvoi des demandeurs, leurs parents. Toutefois, les faits suivants viennent atténuer la mesure dans laquelle ce facteur l'emporte sur les autres :

 

·         Indications, dans la preuve documentaire, suivant lesquelles il existe des programmes d'aide aux enfants handicapés et à leur famille;

·         Indications que le système d'éducation roumain respecte adéquatement les droits garantis aux enfants par la Convention relative aux droits de l'enfant;

·         Indications suivant lesquelles la situation économique qui existe en Roumanie affecte sans distinction les familles roumaines;

·         Indications que les indices économiques révèlent que l'économie roumaine est en croissance;

·         Indications que le gouvernement roumain a pris des mesures énergiques pour résoudre le problème de la discrimination dont sont victimes les minorités ethniques, y compris les Hongrois de souche;

·         Indications que le gouvernement roumain a pris des mesures énergiques pour résoudre le problème de la discrimination dont sont victimes les femmes.

 

[…]

 

L'intérêt supérieur des enfants canadiens des demandeurs milite en faveur de l'approbation des demandes des demandeurs; toutefois d'autres considérations (susmentionnées) militent contre la décision de considérer ce facteur comme déterminant. Les demandeurs n'ont pas soumis à la CISR d'éléments de preuve crédibles et dignes de confiance qui auraient permis à la CISR de leur reconnaître la qualité de réfugiés au sens de la Convention. Bien que j'accepte le fait que les demandeurs seront probablement traités de façon discriminatoire et seront harcelés en raison du fait que Mme Simboan est Hongroise de souche et que M. Simboan est de foi catholique, j'estime que ces mauvais traitements ne constitueront, selon la prépondérance des probabilités, qu'un préjudice minimal. Malgré le fait qu'ils s'y trouvent depuis longtemps, les demandeurs ont eu de la difficulté à s'intégrer à la société canadienne et, dans la mesure où ils ont réussi à s'établir au Canada, on ne saurait dire que leur établissement est attribuable à des circonstances indépendantes de leur volonté.

 

Après avoir attentivement examiné et soupesé l'ensemble des facteurs précités, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que lorsqu'on l'envisage de façon globale, la situation des demandeurs est telle que les difficultés que leur causerait le fait de devoir obtenir le visa de résidents permanents depuis l'extérieur du Canada seraient inhabituelles, injustifiées ou excessives. Il n'existe pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour justifier de dispenser les demandeurs de l'obligation de se conformer aux exigences de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

(Décision de l'agent d'immigration, 18 novembre 2005, dossier de la demande des demandeurs, aux pages 8, 13 et 17.)

 

 

[3]               J'abonde dans le sens de l'avocat des demandeurs, qui affirme que, pour en arriver à la décision à l'examen, l'agent d'immigration n'a pas respecté la norme qu'il avait reconnu comme étant la norme applicable en l'espèce. Autrement dit, comme il avait décidé que l'intérêt supérieur des enfants commandait que leurs parents demeurent au Canada, l'agent d'immigration devait conclure à l'existence de circonstances exceptionnelles pour modifier cette conclusion. Comme l'agent d'immigration n'a invoqué aucune circonstance exceptionnelle dans sa décision, je suis d'accord avec l'avocat des demandeurs pour dire que l'intérêt supérieur des enfants doit l'emporter ainsi qu'il avait été constaté, et qu'une décision favorable fondée sur des raisons d'ordre humanitaire s'imposait. Comme ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce, j'estime que la décision était déraisonnable et qu'elle était par conséquent entachée d'une erreur justifiant son annulation.

 

 


 

 

ORDONNANCE

 

            En conséquence, j'annule la décision à l'examen et je renvoie l'affaire à un autre agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1640-06

 

INTITULÉ :                                       VIOREL CRISTIAN SIMBOAN

                                                            ANGELA FLORINA SIMBOAN

 

                                                                                                demandeurs

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

                                    défendeur

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 12 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE    

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean Munn

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Caron & Partners, LLP

Calgary (Alberta)

 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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