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Date : 20061013

Dossier : IMM-7487-05

Référence : 2006 CF 1217

[TRADUCTION FRANÇAISE]

OTTAWA (Ontario), le 13 octobre 2006

En présence de monsieur le juge Paul U.C. Rouleau

 

 

ENTRE :

DAMIANUS SJAFEI THAMRIN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Section des réfugiés).

 

[2]               Le demandeur, Damianus Sjafei Thamrin, est un citoyen de l’Indonésie. Il est chrétien d’origine chinoise. Il prétend craindre d’être persécuté par des musulmans qui le ciblent en raison de sa religion et de son origine ethnique.

 

[3]               Dans une décision du 1er décembre 2005, la Section des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur au sens de la Convention au motif qu’il n’avait pas établi, au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, que la protection de l’État n’était pas offerte en Indonésie. De plus, elle a conclu à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur.

 

[4]               La Section des réfugiés a conclu que le demandeur n’avait pas établi, au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, l’absence de protection de l’État disponible pour le demandeur. Elle a fondé cette conclusion sur deux facteurs, dont le premier était le fait que le demandeur n’avait pas tenté d’obtenir l’aide de la police. La Section des réfugiés a rejeté l’allégation du demandeur selon laquelle il n’avait pas demandé l’aide de la police parce que cela était inutile et qu’il faillait la soudoyer.

 

[5]               La Section des réfugiés a mentionné un rapport du Département d’État des États‑Unis d’Amérique selon lequel la police indonésienne procède vraiment à l’arrestation de musulmans et tente vraiment de protéger ses citoyens. Le demandeur fait valoir que la Section des réfugiés a mentionné l’une des conclusions du rapport, mais n’a pas tenu compte d’autres conclusions pertinentes quant à la corruption et à l’inefficacité de la force policière indonésienne.

 

[6]               Dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 1993 CanLII 105, la Cour suprême du Canada aborde les circonstances dans lesquelles un réfugié n’a pas recherché la protection de l’État. Aux paragraphes 48 et 49, le juge LaForest écrit ce qui suit :

 

La plupart des États seraient prêts à tenter d’assurer la protection, alors qu’une évaluation objective a établi qu’ils ne peuvent pas le faire efficacement. En outre, le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l’encontre de l’objet de la protection internationale.

 

Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit : l’omission du demandeur de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l’État [traduction] «aurait pu raisonnablement être assurée». En d’autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l’expression «réfugié au sens de la Convention» s’il est objectivement déraisonnable qu’il n’ait pas sollicité la protection de son pays d’origine; autrement, le demandeur n’a pas vraiment à s’adresser à l’État.

 

 

[7]               Le demandeur allègue avoir été victime de discrimination en raison de sa religion et de ses origines ethniques. Au cours de l’audience devant la Section des réfugiés, il a parlé d’un incident qui se serait produit en 1985 et d’un autre incident lors duquel des musulmans l’auraient interpelé à bord d’un autobus au mois de janvier 1990. Il a ensuite mentionné qu’il y a eu d’importantes émeutes contre les personnes d’origine chinoise au mois de mai 1998.

 

[8]               Le demandeur a quitté l’Indonésie au mois de mai 2001 et a résidé aux États‑Unis d’Amérique, où il n’a pas demandé l’asile dans l’espoir d’une amnistie générale. À la suite des événements tragiques du mois de septembre 2001, il s’est inscrit auprès des autorités américaines et a ensuite présenté une demande d’asile. Il a par la suite retiré cette demande parce qu’il savait que nul demandeur dans sa situation ne se serait vu accorder le statut de réfugié. Il a alors été avisé par les autorités américaines qu’il devait quitter le pays au plus tard au mois de novembre 2004. Il a quitté le pays et a présenté une demande d’asile dès son arrivée au Canada le 24 octobre 2004.

 

[9]               Le demandeur n’a pas rapporté les incidents de 1985 et de 1990 à la police parce qu’il croyait qu’il devait soudoyer les agents avant qu’ils n’engagent quelque procédure qui serait utile. Son explication n’a pas été retenue, puisqu’il n’avait même pas tenté d’obtenir du secours. La Section des réfugiés a ensuite précisé qu’il incombait au demandeur d’établir, au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, l’absence de protection de l’État.

 

[10]           La Section des réfugiés a poursuivi en concluant que, bien que ce demandeur ait eu une certaine réticence à réintégrer son lieu de résidence d’origine, il avait une possibilité de refuge intérieur à Bali.

 

[11]           Comme la Section des réfugiés et l’avocat du défendeur l’ont indiqué dans les éléments de preuve documentaire, la police indonésienne procède vraiment à l’arrestation de musulmans et tente vraiment de protéger ses citoyens.

 

[12]           Lorsqu’il s’agit d’établir si la protection offerte par l’État est suffisante, il incombe au demandeur de démontrer que son gouvernement a été incapable d’offrir une protection efficace dans certaines circonstances.

 

[13]           La position du demandeur n’équivaut à rien de plus qu’à un désaccord avec l’appréciation que la Section des réfugiés a faite des éléments de preuve, et je juge qu’il lui était tout à fait loisible de tirer sa conclusion compte tenu des éléments de preuve.

 

[14]           Je suis d’avis que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau de convaincre la Section des réfugiés qu’il était réellement une personne à protéger.

 

[15]           Je ne vois aucune nécessité de commenter la conclusion concernant la possibilité de refuge intérieur. Le demandeur n’a pas satisfait au critère; il faut donc rejeter la présente demande.


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Paul U.C. Rouleau »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-7487-05

 

INTITULÉ :                                                   DAMIANUS SJAFEI THAMRIN c. MCI      

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 4 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Le juge suppléant Rouleau

 

DATE DES MOTIFS :                                   Le 13 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Me Micheal Crane

(416) 351-8600, poste 221                                                      Pour le demandeur

 

Me David Cranton

(416) 973-3135                                                                       Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Me Micheal Crane

Avocat

166, rue Pearl, bureau 100

Toronto (Ontario)

M5H 1L3                                                                                 Pour le demandeur

 

Ministère de la Justice

130, rue King Ouest, bureau 3400

The Exchange Tower, case 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                                                                Pour le défendeur

 

 

 

 

 

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