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Date :  20061026

Dossier :  IMM-1158-06

Référence :  2006 CF 1274

Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

NORVIN RAMIRO GONZALEZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               [10]      Les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l'entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l'obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu'ils sont au Canada. Cela représente un changement d'orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d'importance à l'intégration des demandeurs qu'à la sécurité : voir, par exemple, l'al. 3(1)i) LIPR comparativement à l'al 3j) de l'ancienne Loi; l'al. 3(1)e) LIPR comparativement à l'al. 3d) de l'ancienne Loi; l'al. 3(1)h) LIPR comparativement à l'al 3i) de l'ancienne Loi. Considérés collectivement, les objectifs de la LIPR et de ses dispositions relatives aux résidents permanents traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l'ancienne Loi.

 

[...]

 

[13]      En résumé, les dispositions de la LIPR et les commentaires de la ministre indiquent que l'adoption de la LIPR, et de l'art. 64 en particulier, visait à renvoyer diligemment du pays les criminels condamnés à une peine d'emprisonnement de plus de six mois. Étant donné que l'art. 196 renvoie expressément à l'art. 64 (privant du droit d'appel les grands criminels), il semble que les dispositions transitoires devraient être interprétées à la lumière de ces objectifs législatifs.

 

[...]

 

[45]      Enfin, les appelants avancent tous les deux des arguments fondés sur la Charte. Mme Medovarski prétend que l'art. 196 porte atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de sa personne que lui garantit l'art. 7. Elle soutient que l'expulsion la prive de la liberté de prendre des décisions fondamentales touchant sa vie personnelle, y compris son choix de rester avec son compagnon. Selon Mme Medovarski, la tension psychologique qui résulte de la mesure d'expulsion prise par l'État compromet la sécurité de sa personne. Elle ajoute que le processus d'extinction de son droit d'appel était inéquitable et contraire aux principes de justice fondamentale.

 

[46]      Le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer ou de demeurer au Canada : Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, p. 733. À elle seule, l'expulsion d'un non-citoyen ne peut mettre en cause les droits à la liberté et à la sécurité garantis par l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[47]      Même si la liberté et la sécurité de la personne étaient en jeu, l'iniquité ne suffit pas pour qu'il y ait manquement aux principes de justice fondamentale. Les motifs d'ordre humanitaire évoqués par Mme Medovarski sont pris en compte, en vertu du par. 25(1) LIPR, pour décider s'il y a lieu d'admettre un non-citoyen au Canada. La Charte garantit le caractère équitable de cette décision : voir, par exemple, l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. De plus, la Cour a statué, dans l'arrêt Chiarelli, que les principes de justice fondamentale mentionnés à l'art. 7 n'exigent pas d'accorder la possibilité d'un appel, fondé sur des motifs de compassion, contre la décision d'expulser un résident permanent pour grande criminalité. "Il faut s'attendre à ce que la loi change à l'occasion, et le ministre n'a pas amené Mme Medovarski à croire à tort que son droit d'appel survivrait à tout changement de la loi." : Ainsi, pour ces motifs et ceux mentionnés précédemment, toute iniquité découlant du passage à la nouvelle loi ne constitue pas une violation de la Charte.

 

[49]      Malgré les arguments d'équité avancés par les appelants, je conclus que l'interprétation qu'ils proposent de l'art. 196 entraîne une redondance législative et est incompatible avec les objectifs de la LIPR. Cette conclusion est renforcée par le texte de l'art. 196 et les principes d'interprétation des lois bilingues.

 

(Comme spécifié par la juge en chef Beverley McLachlin de la Cour suprême du Canada dans Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] A.C.S. no 31 (QL).)

 

[27]      ...La nature limitée du droit des non-citoyens d'entrer au Canada et d'y demeurer se dégage nettement de l'art. 4 de la Loi. Suivant le par. 4(2), les résidents permanents ont le droit de demeurer au Canada, sauf s'ils relèvent d'une des catégories énumérées au par. 27(1). L'une des conditions auxquelles le législateur fédéral a assujetti le droit d'un résident permanent de demeurer au Canada est qu'il ne soit pas déclaré coupable d'une infraction punissable d'au moins cinq ans de prison. Cette condition traduit un choix légitime et non arbitraire fait par le législateur d'un cas où il n'est pas dans l'intérêt public de permettre à un non-citoyen de rester au pays...

 

(Dans l’arrêt Canada (Ministre de la l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711, [1992] A.C.S. no 27 (QL), comme spécifié par le juge John Sopinka.)

 

De fait, le droit de l’immigration repose sur la classification du statut particulier d’un individu et les droits découlant de ce statut, tel le droit d’entrer ou de demeurer au Canada. Dans l’affaire Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, [2002] A.C.S. no 1 (QL), le juge Frank Iacobucci précise :

[59]      Par opposition, les résidents permanents qui ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ne jouissent d'aucune protection légale expresse contre le renvoi vers un État où ils croient que leur vie ou leur liberté serait menacée, quoique la Charte leur confère des garanties contre le retour vers certaines situations : voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1. Cela démontre qu'il n'est pas indispensable d'avoir une uniformité absolue entre la façon dont la Loi traite les résidents permanents qui ne sont pas des réfugiés et les réfugiés au sens de la Convention. En fait, la Loi traite les citoyens différemment des résidents permanents, qui à leur tour sont traités différemment des réfugiés au sens de la Convention, lesquels sont traités différemment des détenteurs de visas et des résidents illégaux. C'est un aspect important du régime législatif que différentes catégories de personnes soient traitées différemment, avec les adaptations voulues selon les différents droits et les différentes situations des personnes faisant partie de ces groupes. Il suffit de souligner que les résidents permanents ont des droits en vertu de la Charte et de la Loi que les autres non-citoyens n'ont pas, notamment la liberté de circulation et d'établissement garantie par le par. 6(2) de la Charte et le droit de parrainer des individus en vue de leur admission au Canada en vertu du par. 6(2) de la Loi.

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 2 février 2006, selon laquelle l’appel du demandeur devait être rejeté.

 

FAITS

[3]               Monsieur Norvin Ramiro Gonzalez, un citoyen du Guatemala, né le 20 décembre 1980, est entré au Canada en juin 2000.

 

[4]               Le 14 juillet 2000, il a été parrainé par sa mère et a reçu le statut de résident permanent. Tous les frères et sœurs de monsieur Gonzalez du côté maternel, ainsi que sa mère et son beau-père, demeurent au Canada. Les autres membres de la famille de monsieur Gonzalez se retrouvent au Guatemala.

 

[5]               Monsieur Gonzalez a fait l’objet d’un rapport d’interdiction de territoire pour grande criminalité aux termes de l’article 14 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (Loi) puisqu’il a été déclaré coupable à l’extérieur du Canada d’une infraction qui, si commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[6]               Le 24 octobre 2002, monsieur Gonzalez a été trouvé coupable de trafic illégal de six personnes aux États-Unis, l’équivalent de l’infraction d’organisation d’entrée illégale au Canada que l’on retrouve à l’article 117(1) de la Loi. Ce dernier a reçu une sentence de 12 mois et un jour, qu’il a purgé aux États-Unis, en plus d’une probation d’un an suivant sa libération.

 

[7]               Au dossier de monsieur Gonzalez se trouvent également des infractions pendantes de vol et de possession de biens criminellement obtenus.

 

[8]               Le 5 octobre 2004, suite au rapport aux termes de l’article 44(1) de la Loi, une mesure d’expulsion a été émise à l’encontre de monsieur Gonzalez.

 

[9]               Le 22 octobre 2005, monsieur Gonzalez et madame Lilian Marleny Galdamez Guardado se sont mariés. Le couple nourrit un projet de famille avec madame qui est enceinte.

 

[10]           Le 13 décembre 2005, monsieur Gonzalez est allé en appel de la mesure d’expulsion émise contre lui le 5 octobre 2004. Le 2 février 2006 la Commission a rejeté cet appel, dont monsieur Gonzalez conteste maintenant la décision.

 

DEMANDE CONTESTÉE

[11]           Monsieur Gonzalez a déposé son appel en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, qui prévoit qu’un résident permanent peut interjeter appel de la mesure de renvoi dont il fait l’objet.

 

[12]           Ce dernier n’a pas contesté la validité en droit de la mesure de renvoi. Il a plutôt invoqué l’existence de motifs humanitaires et de circonstances particulières qui justifieraient l’octroi d’une mesure spéciale par la Commission.

 

[13]           Cette compétence discrétionnaire est prévue aux articles 67(1)c) et 68(1) de la Loi, qui se lisent comme suit :

Fondement de l’appel

 

67.      (1-Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

 

Sursis

 

68.      (1) - Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

Appeal allowed

 

67.      (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

Removal order stayed

 

68.      (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

[14]           Le paragraphe 69(1) de la Loi prévoit, par ailleurs, ce qui suit :

Rejet de l’appel

 

69.      (1) - L’appel est rejeté s’il n’y est pas fait droit ou si le sursis n’est pas prononcé.

 

Dismissal

 

69.      (1) - The Immigration Appeal Division shall dismiss an appeal if it does not allow the appeal or stay the removal order, if any.

 

[15]           La Commission a conclu que la mesure de renvoi était valide en droit et qu’il n’y avait pas lieu d’exercer sa juridiction discrétionnaire en faveur de monsieur Gonzalez, puisque les circonstances de l’espèce ne justifient pas la prise de mesures spéciales :

[5]        Après avoir analysé la preuve, dans les circonstances, compte tenu du témoignage non crédible rendu par l’appelant et des faits en l’espèce, le tribunal en vient à la conclusion que le rejet de l’appel s’impose.

 

            [...]

[25] Le tribunal considère que monsieur qui parle espagnol, a étudié et œuvré au Guatemala où il a passé la plus grande partie de sa vie et où il a toujours de la famille, notamment son père, ne subirait pas de préjudice irréparable. Il en va de même pour les membres de sa famille.

 

[26] Compte tenu de la gravité de l’infraction pour laquelle a été condamné l’appelant, considérant sa déresponsabilisation, les répercussions qu’a eues le geste criminel de l’appelant sur les individus qui ont voyagé avec lui illégalement aux États-Unis, compte tenu du faible degré d’intégration de l’appelant et du fait que nous ne croyons pas que les bouleversements que son expulsion occasionneraient soient tels qu’ils justifieraient l’octroi d’une mesure spéciale, l’appel doit être rejeté.

 

 

QUESTION EN LITIGE

[16]           La décision de la Commission était-elle manifestement déraisonnable ?

 

NORME DE CONTRÔLE

[17]           Il est de droit constant que le rôle de la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire n’est pas de substituer son appréciation de la preuve à celle de la Commission. Son mandat constitutionnel se restreint plutôt à juger si la décision de la Commission respecte les limites prévues par la Loi. (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, [2003] A.C.S. no 28 (QL), au paragraphe 98; Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, [2004] A.C.S. no 2 (QL), au paragraphe 18.)

 

[18]           Cette question est intimement liée à la nature de la décision portant sur la disposition réparatrice de l’alinéa 67(1)c) de la Loi – au même effet que l’ancien alinéa 70(1)b) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. 1-2 – et à la norme de contrôle applicable. (Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66, [2003] A.C.S. no 7 (QL), au paragraphe 14; Voice Construction Ltd., ci-dessus, au paragraphe 18; Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, [2004] A.C.S. no 22 (QL), au paragraphe 43.)

 

[19]           La jurisprudence a clairement établi que l’application de la disposition réparatrice prévue à l’alinéa 70(1)b) de l’ancienne Loi sur l’immigration, relevait de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire auquel la Cour devait accorder une grande déférence. Dans l’arrêt de principe Boulis c. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), [1974] R.C.S. 875 (QL), la Cour Suprême du Canada a écrit :

[13]      ...Je ne crois pas que la compétence d’appel de cette Cour à l’égard d’une décision de la Commission rendue en vertu de l’article 15(1)b)(i) devrait s’étendre jusqu’à modifier le poids que la Commission a attribué à la preuve lorsque, considérée en elle-même ou à la lumière d’une preuve contradictoire ou divergente, la Commission doit décider de sa valeur en regard des critères établis par l’article 15(1)b)(i).

 

[20]           Il s’agit donc de déterminer si, pour paraphraser les motifs rendus par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Chieu, ci-dessus, au paragraphe 90, le tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire objectivement, lucidement et a considéré tous les facteurs pertinents.

 

[21]           L’application de l’alinéa 67(1)c) de la Loi relevant par ailleurs de l’expertise considérable que possède la Commission à cet égard, la Cour doit accorder une grande déférence aux conclusions qui relèvent principalement du domaine factuel et les contrôler selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. (Chieu, ci-dessus, au paragraphe 24; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, [2002] A.C.S. no 3 (QL), au paragraphe 31; Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] S.C.C.A. no 331 (QL), au paragraphe 16; Aryan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] D.S.AI. no 1304 (QL), aux paragraphes 36-37; Badhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1050, [2004] A.C.F. no 1279 (QL), au paragraphe 8.)

 

ANALYSE

[22]           Considérant les principes précédemment exposés quant au contrôle judiciaire d’une décision discrétionnaire d’un tribunal quasi-judiciaire, lequel contrôle ne s’exerce que sur la légalité de la décision et non sur son mérite, comme la Commission a exercé sa discrétion légalement, de façon non arbitraire, cette Cour ne peut substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la section d’appel et ne peut donc intervenir pour casser sa décision.

 

[23]           La décision de la Commission est contestée sur trois points :

·        Selon monsieur Gonzalez, celui-ci n’aurait pas été adéquatement représenté par son avocat devant la Commission car il a été avisé un jour avant l’audience qu’il était convoqué devant le tribunal pour l’audition de son appel. De plus, monsieur Gonzalez ajoute que son avocat n’a pas déposé toutes les preuves de travail et d’intégration qu’il avait apportées pour les fins de son appel. Par conséquent, ce dernier allègue qu’il a été privé d’une « audition pleine et entière », constituant ainsi une entrave aux règles d’équité procédurale.

·        Tout comme devant la Commission, monsieur Gonzalez ne conteste pas la validité juridique de la mesure de renvoi. Il se limite, plutôt, à plaider que la Commission aurait pu exercer sa compétence discrétionnaire en sa faveur.

·        De plus, monsieur Gonzalez argumente que la décision de la Commission ne tient pas compte des obligations internationales du Canada et va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) (Charte), relativement à la protection de la vie familiale.

 

            1) Faute professionnelle de l’avocat de monsieur Gonzalez

 

                        a) Remarque préliminaire      

[24]           Un justiciable ne peut valablement invoquer une faute professionnelle de son ancien avocat sans fournir les explications de ce dernier sur ce qui lui est reproché ou sans une preuve que l’affaire a été soumise pour enquête au barreau, auquel l’avocat est inscrit. (Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1039, [2004] A.C.F. no 1401 (QL), au paragraphe 64; Sathasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 438, [2004] A.C.F. no 541 (QL), au paragraphe 24; Mutinda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 365, [2004] A.C.F. no 429 (QL), au paragraphe 15; Kizil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 137, [2004] A.C.F. no 168 (QL), au paragraphe 19.)     

 

[25]           En l’espèce, monsieur Gonzalez a eu toute la possibilité de prendre l’une ou l’autre de ces mesures. Le dossier n’indique pas qu’il l’a fait. La Cour n’a devant elle aucune preuve établissant que monsieur Gonzalez a déposé quelque plainte que ce soit contre son ancien avocat. Par conséquent, l’argument fondé sur l’incompétence de celui-ci n’est pas fondé. (Geza, ci-dessus.)

           

[26]           Quoi qu’il en soit, même si cette exigence préalable était satisfaite, l’argument de monsieur Gonzalez, basé sur l’incompétence de son ancien avocat, doit être rejeté, pour les raisons suivantes.

 

                                         i) Les deux volets de la preuve nécessaire quant à l’incompétence d’un avocat

 

[27]           Pour qu’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’incompétence d’un avocat soit accueillie, il incombait à monsieur Gonzalez de démontrer :

1) que les actes ou omissions de l’avocat relevaient d’une incompétence extraordinaire. Il s’agit du volet d’examen du travail de l’avocat.

(Hallat c. Canada, 2004 CAF 104, [2004] A.C.F. no. 434 (QL), au paragraphe 20; Gogol c. Canada, 2000 D.T.C. 6168 (C.A.F.), au paragraphe 3; Robles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 374, [2003] A.C.F. no 520 (QL), au paragraphe 35.)

 

2) qu’il est raisonnablement probable que n’eût été de l’erreur ou des erreurs professionnelles en cause, l’issue de l’instance aurait été différente. Il s’agit du volet de l’appréciation du préjudice.

(Olia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 315, [2005] A.C.F. no 417 (QL), au paragraphe 6; Lahocsinszky c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 275, [2004] A.C.F. no 313 (QL), au paragraphe 15; Robles, ci-dessus, au paragraphe 33.)

 

 

[28]           Dans l’affaire R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520, [2000] A.C.S. no 22 (QL), aux paragraphes 27-28, le juge John C. Major souligne ce qui suit :

[27]      L'incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable. Le point de départ de l'analyse est la forte présomption que la conduite de l'avocat se situe à l'intérieur du large éventail de l'assistance professionnelle raisonnable. Il incombe à l'appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l'avocat ne découlaient pas de l'exercice d'un jugement professionnel raisonnable. La sagesse rétrospective n'a pas sa place dans cette appréciation.

 

[28]      Les erreurs judiciaires peuvent prendre plusieurs formes dans ce contexte. Dans certains cas, le travail de l'avocat peut avoir compromis l'équité procédurale, alors que dans d'autres, c'est la fiabilité de l'issue du procès qui peut avoir été compromise.

 

 

[29]           En l’espèce, monsieur Gonzalez n’a pas fait preuve de ces deux volets.

 

 

 

ii) L’ancien avocat n’a pas fait preuve d’incompétence et il n’est pas raisonnablement probable que, sans l’omission de déposer d’autres documents, le résultat de l’appel aurait été différent

 

[30]           Monsieur Gonzalez affirme, dans son affidavit, qu’aucune de ses preuves de travail et d’intégration n’ont été présentées. Contrairement à la prétention de ce dernier, il appert des motifs de la Commission que celle-ci a tenue compte de cette preuve :

[21]      L’avocat de l’appelant soutient que son client a toujours travaillé depuis son arrivée au Canada. If faut cependant réaliser que les cinq années passées au Canada, il a été incarcéré pendant un an et, en raison d’une blessure au dos, il a été en arrêt de travail une autre année, il aurait donc travaillé au plus pendant trois ans. Par ailleurs, il a complété toutes ses études au Guatemala où il a aussi travaillé. Son père, sa grand-mère et d’autres membres de sa famille seraient toujours au Guatemala, soit des oncles, tantes, cousins et cousines vivent aussi au Guatemala où l’appelant a par ailleurs admis avoir quelques amis avec qui il n’aurait toutefois plus de contacts en raison de sa venue au Canada. Ayant été séparé de sa mère, arrivée au Canada sept ans avant lui, l’appelant s’occupait au Guatemala de ses jeunes frères et sœurs maintenant au Canada. Il apparaissait donc capable d’être responsable de sa personne.

 

[...]

 

[23]      L’appelant mentionne avoir procédé avec sa conjointe à un mariage civil puisque c’est dans son esprit « un mariage à l’essai ». Le couple, croyant et pratiquant, aurait donc malgré tout décidé de procéder ainsi « avant de se marier à l’église ». La conjointe de monsieur a témoigné à l’effet qu’elle croyait être enceinte depuis une semaine. Elle n’aurait pas encore consulté de médecin mais un test de grossesse maison serait avéré positif...

 

[...]

 

[25]      Le tribunal considère que monsieur qui parle l’espagnol, a étudié et œuvré au Guatemala où il a passé la plus grande partie de sa vie et où il a toujours de la famille, notamment son père, ne subirait pas de préjudice irréparable. Il en va de même pour les membres de sa famille.

 

 

[31]           Quant à l’allégation de monsieur Gonzalez qu’il a été avisé la veille de son audition de sa convocation devant la Commission et qu’il n’aurait reçu aucune préparation de son avocat, les motifs de la Commission illustre que celui-ci a pu exposer clairement son histoire, expliquer toutes les circonstances de son dossier et ainsi faire valoir ses moyens. 

 

[32]           Enfin, l’affirmation de monsieur Gonzalez à l’effet qu’il avait donné un mandat à un représentant différent n’est pas appuyée par son affidavit.

 

[33]           Le fait pour l’ancien avocat de ne pas avoir déposé les preuves de travail et d’intégration de monsieur Gonzalez découlait donc de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. Cette omission ne relève pas d’une incompétence.

 

[34]           De plus, il n’est pas raisonnablement probable que, n’eût été l’omission en cause, l’issue de l’instance aurait été différente, compte tenu, notamment, que l’alinéa 67(1)c) de la Loi, accorde un grand pouvoir discrétionnaire à la Commission à l’égard de sa compétence en équité.

 

[35]           Dans le présent cas, monsieur Gonzalez n’a pas fait la preuve qu’il a subi un manquement aux règles de justice naturelle.

 

2) La compétence en équité de la Commission

[36]           Tel que susmentionné, l’alinéa 67(1)c) de la Loi, accorde un grand pouvoir discrétionnaire à la Commission à l’égard de sa compétence en équité. Cette disposition donne à la Commission le pouvoir de déterminer, si, « vu les autres circonstances de l’affaire », un résident permanent devrait être renvoyé du Canada. Ces circonstances incluent le bien de la société canadienne et celui de la personne en particulier. (Mendiratta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 293, [2005] A.C.F. no 364 (QL), au paragraphe 18; Badhan, ci-dessus, aux paragraphes 8 et 12.)

 

[37]           Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Commission est guidée par les facteurs énoncés dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (QL), confirmée par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Chieu, ci-dessus. Ces facteurs comprennent notamment :

a) la gravité de(s) (l’)infraction(s) à l’origine de l’expulsion;

b) la possibilité de réadaptation;

c) la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement de l’appelant ici;

d) la présence de la famille qu’il a au pays et les bouleversements que l’expulsion de l’appelant occasionnerait pour cette famille;

e) le soutien dont bénéficie le demandeur, non seulement au sein de sa famille, mais également dans la collectivité;

f) l’importance des difficultés que pourrait connaître l’appelant dans le pays vers lequel il sera vraisemblablement renvoyé.

 

[38]           L’exercice de la discrétion en cause doit aussi être compatible avec les objectifs de la Loi, dont celui énoncé à l’alinéa 3(1)h) qui reconnaît le besoin de garantir la sécurité des Canadiens. (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, [2005] A.C.F. no 1309 (QL), au paragraphe 11.)

 

[39]           Ainsi qu’il appert des paragraphes 5 à 27 des motifs de la Commission, celle-ci a tenu compte de tous les facteurs pertinents entourant le dossier de monsieur Gonzalez.

[40]           Monsieur Gonzalez n’a pas démontré en quoi la Commission a commis une erreur en refusant d’appliquer la disposition réparatrice.

 

[41]           En outre, la Commission a noté que monsieur Gonzalez a souvent été réticent à donner des explications ou à faire des aveux, minimisant ainsi la gravité des infractions criminelles commises en responsabilisant plutôt d’autres individus dont il s’est dit victime. La Commission a noté que monsieur Gonzalez avait ajusté son témoignage à plusieurs reprises, qu’il s’est contredit et a contredit le témoignage de son épouse contribuant ainsi à miner sa crédibilité.

 

[42]           La Commission s’est penché sur la gravité de l’infraction ayant mené à l’expulsion de monsieur Gonzalez et sur ses possibilités de réadaptation. À ce titre, la Commission a déploré la déresponsabilisation de ce dernier face à l’infraction reprochée, ainsi que le fait qu’à son retour au Canada, après avoir purgé sa sentence, monsieur Gonzalez a récidivé :

[19]      Le conseiller de l’appelant plaide que son client a exprimé des remords et qu’il réalise maintenant avoir commis un acte criminel lourd de conséquence. Il est exact qu’en cours de témoignage, l’appelant a exprimé des remords en demandant pardon aux autorités canadiennes. Par contre, d’autre part et de façon quelque peut contradictoire, l’appelant rapporte à plus d’une occasion n’être nullement responsable de passage clandestin et répète avoir été une innocente victime.

 

[20] En audience, il fait état de la théorie du complot des Costa-Ricains. Il déclare par ailleurs (tel qu’en fait foi la pièce R-1 : entrevue de l’appelant avec l’ASFC) que les Américains auraient convaincu les Costa-Ricains de dire aux autorités que c’était lui qui leur avait fait passer la frontière moyennant le paiement de 2 000 $ chacun et ce, en échange d’une peine d’emprisonnement réduite. Il invoque qu’il n’avait pas 12 000 $ sur lui lorsque les Américains l’ont arrêté. Ceci, selon l’appelant serait la preuve que ces propos relèvent du mensonge. Par contre, jamais ni lors de son entrevue avec l’ASFC ni lors de son audience, il ne mentionne avoir déboursé quoique ce soit à quiconque l’aurait aidé à traverser les frontières. Ainsi, le tribunal ne peut que constater la déresponsabilisation de la part de l’appelant qui tente désespérément de trouver d’autres coupables. Qui plus est, après avoir eu la possibilité de réfléchir à ces actes en purgeant sa peine d’un an de prison aux États-Unis, l’appelant semble avoir trouvé le moyen dès son retour au Canada d’être impliqué de nouveau avec la justice. À ce chapitre, mentionnons qu’il n’a pas été facile d’obtenir le témoignage de l’appelant. Tout d’abord lorsqu’on lui demande s’il a eu d’autres problèmes avec la justice au Canada suite à ses péripéties avec les autorités américaines, il répond par la négative et ce, à quatre reprises. Ce n’est que confronté à la pièce R-2, soit une infraction en regard de l’article 334b)ii) du Code criminel que l’appelant dit d’abord ne plus se rappeler pour ensuite dire « ne plus se rappeler exactement » et finalement, se souvenir avoir comparu à la Cour à une ou deux occasions avec un ami qui aurait volé quelque chose dans un magasin Canadian Tire. Alors qu’on lui demande s’il est certain qu’il ne s’agissait que d’un vol à l’étalage, il répond par l’affirmative et explique avoir été accusé d’avoir volé des gants. Finalement, son témoignage glisse et il parle d’une voiture volée. Évidemment, l’appelant n’est pas condamné de ces crimes qui figurent à son dossier criminel au sujet d’infractions qui seraient survenues le 13 juillet 2004. Cependant, nous observons toujours la même réticence dans sa façon de témoigner, et là aussi, l’appelant, tout de suite, décharge son fardeau sur l’ami qui l’aurait accompagné. À tout le moins, ce que l’on peut conclure face au dossier criminel de l’appelant et au type de témoignage qu’il livre et qu’il appert bien incertain, compte tenu du peu de remords qu’il exprime et ses fréquentations, que l’appelant présente des chances sérieuses de réhabilitation.

 

[43]           En outre, la Commission a également considéré la durée de la période passée et le degré d’établissement de monsieur Gonzalez au Canada. Sur ce point, contrairement à ce qu’allègue monsieur Gonzalez, ce dernier est au Canada depuis l’année 2000. Il n’avait donc pas 17 ans lorsqu’il est venu au Canada. En outre, la Commission a bien rappelé qu’entre l’année 2000 jusqu’au moment de l’audition devant la Commission, monsieur Gonzalez a été incarcéré aux États-Unis pendant un an. Le demandeur n’a donc été au Canada qu’au plus 5 ans. C’est donc à bon droit que la Commission a conclu que monsieur Gonzalez a passé la majorité de sa vie au Guatemala. En outre, l’affirmation à l’effet que monsieur Gonzalez n’a plus aucun lien avec son pays d’origine n’est pas fondée sur la preuve et n’est pas confirmée par l’affidavit de ce dernier. En effet, celui-ci se limite à indiquer qu’il a un grand réseau d’amis à Montréal et que sa famille immédiate s’y trouve, incluant les frères et sœurs du côté de sa mère.

 

[44]           De plus, la Commission a tenu compte de la situation familiale de monsieur Gonzalez et le soutien que bénéficie ce dernier au sein de sa famille et dans la collectivité. À ce titre, il a noté la relation de monsieur Gonzalez avec sa mère et le fait qu’il vit avec sa conjointe et qu’elle est enceinte. Sur ces deux points, la Commission a fait part dans ces motifs d’une certaine réserve sur la nature de ces relations, en se fondant sur la preuve testimoniale :

[22]      ...D’autre part, alors qu’il dit être en bons termes et en relation étroite avec sa mère, le tribunal n’a pu que déplorer l’absence de madame à l’audience. L’appelant a simplement expliqué avoir préféré que sa conjointe vienne témoigner puisqu’elle était plus près de lui que ne l’était sa mère. Compte tenu de l’absence de la mère de l’appelant, nous avons à peine à croire que ses liens avec sa mère sont aussi serrées qu’il le prétend. L’appelant a expliqué que sa mère, séparée de son père, se serait remariée avec un dénommé Galdamez qu’il n’appréciait guère. Curieusement, l’appelant a épousé la fille de ce dernier le 22 octobre 2005...

 

[23] ...Madame Galdamez mentionne avoir rencontré l’appelant en l’an 2000. Selon le témoignage de l’appelant, le jeune couple se serait fréquenté pendant deux ans, soit jusqu’au moment où monsieur aurait été condamné à un an de prison aux États-Unis. La relation du couple se serait maintenue pendant l’époque où il aurait été emprisonné. L’appelant mentionne avoir écrit ou parlé au téléphone à madame pendant une période de trois mois. En effet, pendant les quelques sept mois suivants, madame serait retournée au Salvador dans sa famille. L’appelant ne se souvient pas de la date de l’anniversaire de son épouse qui, selon lui, aurait 19 ans. Madame Galdamez est en fait née le 22 mars 1987 et est donc âgée de 18 ans, au jour de l’audience. Le témoignage de madame vient contredire celui de l’appelant quant à l’évolution de leur relation. Madame mentionne en effet avoir connu monsieur en l’an 2000 mais dit que le couple ne se serait fréquenté que pendant environ six mois. Selon elle, elle ne serait allée le voir qu’une seule fois en prison non pas à titre de compagne de cœur mais simplement pour accompagner la sœur de l’appelant. Madame explique avoir même fréquenté un autre jeune homme pendant toute la période pendant laquelle avait été emprisonné son conjoint. Madame prétend avoir une bonne communication avec son conjoint et dit que le couple « n’aurait pas de secret ». Pourtant, elle mentionne que jamais suite à ses problèmes avec la justice américaine, son conjoint n’aurait eu de démêlés avec la justice et n’aurait été arrêté ou n’aurait comparu à la Cour. Mis à part des problèmes de tickets routiers impayés, elle n’est nullement au courant d’ennuis qu’aurait eus son conjoint avec la justice.

 

[24] Si l’appel était rejeté, madame rapporte qu’elle quitterait le Canada avec son conjoint. Le tribunal n’est guère convaincu du sérieux de cette relation. Ce mariage civil que l’appelant et sa conjointe qualifient de « mariage à l’essai » célébré de façon très contemporaine le 20 octobre 2005 alors que l’appelant était sous le coup d’une mesure de renvoi nous laisse très perplexe. Les témoignages contradictoires quant à l’évolution de la relation du couple nous font eux aussi douter de l’authenticité de cette relation. Quant à la grossesse alléguée, ce ne serait qu’une possibilité. De plus, compte tenu du manque de crédibilité général des témoins, le tribunal ne saurait considérer cette possibilité sérieusement. À tout événement, si vraiment cette relation était sérieuse, madame a exprimé le désir de quitter le Canada avec son conjoint. Par ailleurs, le tribunal doute de l’influence de  cette jeune femme de 18 ans dans la prise de décisions, les choix de fréquentations et les actions posées par l’appelant.

 

 

[45]           La Commission a également considéré les bouleversements occasionnés tant par monsieur Gonzalez que pour sa famille par une expulsion de ce dernier vers son pays d’origine. En l’espèce, la Commission s’est penchée sur la question de savoir s’il existait dans le cas de monsieur Gonzalez des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales aux termes de l’alinéa 67(1)c) de la Loi.

 

[46]           En somme, la section d’appel a correctement exercé sa discrétion et a tenu compte de tous les facteurs pertinents qui ont été mis en preuve devant elle.

 

[47]           Dans une décision récente, Cowell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 624, [2003] A.C.F. no 819 (QL), cette Cour s’exprimait ainsi sous la plume du juge Yvon Pinard concernant le pouvoir d’intervention de la Cour relativement aux conclusions de faits tirées par la section d’appel :

[19]      Il appartenait à la SAI, le juge des faits, d'apprécier la preuve qu'elle avait devant elle. La SAI a accepté la preuve produite par le défendeur selon laquelle le demandeur n'avait pas signalé ses condamnations à CIC. Elle avait aussi devant elle les arguments du demandeur, qui reconnaissait que "techniquement, il aurait dû signaler la dénonciation révisée" et qu'il y avait eu "contravention technique aux conditions relatives à l'obligation de déclarer les accusations et condamnations". Rien n'indique que la SAI a ignoré des preuves pertinentes ou tenu compte de preuves hors de propos, et donc la Cour ne peut intervenir dans la conclusion qu'elle a tirée, ni revoir de nouveau la preuve qu'elle avait devant elle (voir, par exemple les précédents suivants : Hoang c. Canada (M.E.I.) (1990), 13 Imm.L.R. (2d) 35 (C.A.F.), Cherrington c. Canada (M.C.I.) (1995), 94 F.T.R. 198 et Tse c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 72 F.T.R. 36).

 

 

[48]           Dans le présent cas, monsieur Gonzalez n’a pas démontré que les conclusions de faits tirées par la section d’appel sont manifestement déraisonnables ou ont été tirées sans égard à la preuve soumise. Par conséquent, les conclusions tirées par la Commission ne sont entachées d’aucune erreur pouvant justifier l’intervention de cette Cour.

 

3) La décision de la Commission n’est pas contraire à la Charte canadienne des droits et libertés

 

[49]           Contrairement aux prétentions de monsieur Gonzalez, il est établi dans l’arrêt Canada (Ministre de la l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711, [1992] A.C.S. no 27 (QL) :

[27]      ...La nature limitée du droit des non-citoyens d'entrer au Canada et d'y demeurer se dégage nettement de l'art. 4 de la Loi. Suivant le par. 4(2), les résidents permanents ont le droit de demeurer au Canada, sauf s'ils relèvent d'une des catégories énumérées au par. 27(1). L'une des conditions auxquelles le législateur fédéral a assujetti le droit d'un résident permanent de demeurer au Canada est qu'il ne soit pas déclaré coupable d'une infraction punissable d'au moins cinq ans de prison. Cette condition traduit un choix légitime et non arbitraire fait par le législateur d'un cas où il n'est pas dans l'intérêt public de permettre à un non-citoyen de rester au pays...

 

 

[50]           Monsieur Gonzalez allègue, relativement à la distinction que fait la Loi entre les droits du citoyen et ceux du non-citoyen, que l’État ne peut agir comme bon lui semble. Or, l’état du droit sur cette question est clair : la distinction repose sur un principe fondamental du droit de l’immigration, soit que le non-citoyen, contrairement au citoyen Canadien, ne jouit d’aucun droit constitutionnel d’entrer ou de demeurer au pays. (Chiarelli, ci-dessus; Chieu, ci-dessus, au paragraphe 57.)

 

[51]           Par ailleurs, la Cour Suprême du Canada a statué que cette distinction ne constituait pas une forme de discrimination au sens de l’article 15 de la Charte puisqu’elle est expressément autorisée en vertu du paragraphe 6(1) de la Charte. (Chiarelli, ci-dessus; Lavoie c. Canada, 2002 CSC 23, [2002] 1 R.C.S. 769 (QL), aux paragraphes 37 et 44.)

 

[52]           En outre, la Cour Suprême du Canada a récemment affirmé que la déportation, en soi, ne prive aucunement un non-citoyen de son droit à la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] A.C.S. no 31(QL), au paragraphe 46; Romans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 272, [2001] A.C.F. no 1416 (QL).)

 

[53]           De fait, le droit de l’immigration repose sur la classification du statut particulier d’un individu et les droits découlant de ce statut, tel le droit d’entrer ou de demeurer au Canada. Dans l’affaire Chieu, ci-dessus, le juge Iacobucci précise :

[59]      Par opposition, les résidents permanents qui ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ne jouissent d'aucune protection légale expresse contre le renvoi vers un État où ils croient que leur vie ou leur liberté serait menacée, quoique la Charte leur confère des garanties contre le retour vers certaines situations : voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1. Cela démontre qu'il n'est pas indispensable d'avoir une uniformité absolue entre la façon dont la Loi traite les résidents permanents qui ne sont pas des réfugiés et les réfugiés au sens de la Convention. En fait, la Loi traite les citoyens  différemment des résidents permanents, qui à leur tour sont traités différemment des réfugiés au sens de la Convention, lesquels sont traités différemment des détenteurs de visas et des résidents illégaux. C'est un aspect important du régime législatif que différentes catégories de personnes soient traitées différemment, avec les adaptations voulues selon les différents droits et les différentes situations des personnes faisant partie de ces groupes. Il suffit de souligner que les résidents permanents ont des droits en vertu de la Charte et de la Loi que les autres non-citoyens n'ont pas, notamment la liberté de circulation et d'établissement garantie par le par. 6(2) de la Charte et le droit de parrainer des individus en vue de leur admission au Canada en vertu du par. 6(2) de la Loi.

[54]           Dans le présent cas, il appert que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière cohérente en tenant compte des objectifs énoncés dans la Loi et les faits en l’espèce,  notamment le bien de l’individu dans son contexte intégral et la protection de la société canadienne.

 

[55]           Il est important de noter qu’aucun avis de question constitutionnelle n’a été déposé ni soulevé devant la Commission. De plus, l’affirmation de monsieur Gonzalez en ce qui a trait au caractère inconstitutionnel de certaines dispositions de la Loi est vague, général et sans fondement. Il appert donc que cet argument est erroné en droit et par conséquent, ne justifie pas l’intervention de cette Cour.

 

CONCLUSION

[56]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1158-06

 

INTITULÉ :                                       NORVIN RAMIRO GONZALEZ

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 17 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 26 octobre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Sylviane Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STEWART ISTVANFFY

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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