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Date : 20061023

Dossier : IMM-6798-05

Référence : 2006 CF 1257

Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

KITHSIRI PRIYAL SEMBUKUTTI ARACCHIGE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Sembukutti est sourd. Il a quitté le Sri Lanka en février 1998 pour étudier aux États‑Unis. Plus tard cette année‑là, il a été introduit illégalement au Canada, où il a déposé une demande d’asile, qui a été rejetée. En 2003, M. Sembukutti a demandé une exemption, pour motifs d’ordre humanitaire, de la règle habituelle voulant qu’il faille demander la résidence permanente à l’extérieur du Canada. Un agent d’immigration a rejeté sa demande. M. Sembukutti soutient que l’agent l’a traité de manière inéquitable et qu’il a omis de prendre en considération des facteurs et des éléments de preuve importants qui militaient en sa faveur. Il me demande d’ordonner qu’un autre agent procède à un nouvel examen. Je ne vois aucun motif pour annuler la décision de l’agent; je devrai donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

I.        Les questions
1.  L’agent a-t-il traité M. Sembukutti de façon inéquitable en omettant de lui fournir l’occasion de dissiper ses doutes?

2.  L’agent a‑t-il omis de prendre en considération des facteurs ou des éléments de preuve pertinents?

 

II.     Analyse

[2]               Je ne peux annuler la décision de l’agent que si elle était déraisonnable ou s’il a traité M. Sembukutti de manière inéquitable.

[3]               L’agent a pris en considération les facteurs suivants pour l’examen de la demande de M. Sembukutti :

•           M. Sembukutti a signé une fausse déclaration dans sa demande d’asile.

•           Il n’a pas de famille au Canada. Sa mère et ses quatre sœurs vivent au Sri Lanka.

 

•           Il a été sans emploi de 1998 à 2000, puis il a travaillé comme soudeur de mai 2000 à juillet 2002. Il a été à nouveau au chômage jusqu’en février 2005, date où il s’est trouvé un autre emploi de soudeur.

 

•           Il a perfectionné ses compétences en soudure (mais il n’a fourni aucune preuve). Ces compétences l’aideront à se trouver du travail au Sri Lanka.

 

•           Il a reçu des prestations d’aide sociale de 1998 à 2000, puis encore de 2002 à 2005, ces périodes chevauchant de plusieurs mois ses périodes d’emploi. On a demandé à son avocat de confirmer ce renseignement, ce qu’il a fait.

 

•           Rien ne prouvait que ses périodes de chômage étaient attribuables à sa surdité. Son dossier de travail était meilleur au Sri Lanka qu’au Canada.

 

•           Il s’est engagé auprès de l’Ontario Association of the Deaf, de la Société canadienne de l’ouïe ainsi que d’un groupe nommé « Silent Voice ». Il a également a participé à des activités de temples bouddhistes.

 

•           Il a participé également aux activités d’organismes semblables tant locaux que nationaux au Sri Lanka. Ce fait donne à penser qu’il y existe au moins certains services pour les personnes sourdes au Sri Lanka.

 

•           Il aurait besoin, semble-t-il, de l’aide d’un interprète gestuel pour demander l’autorisation d’entrer au Canada depuis le Sri Lanka, mais il avait été en mesure d’obtenir de l’aide pour demander un visa pour les États‑Unis quand il a quitté le Sri Lanka.

 

•           Un examen des risques permet de conclure qu’il ne serait pas en danger s’il retournait au Sri Lanka.

 

[4]               Sur le fondement de ces facteurs, l’agent a conclu que M. Sembukutti n’éprouverait pas de difficultés injustifiées ou démesurées s’il devait demander la résidence permanente depuis le Sri Lanka.

1.  L’agent a-t-il traité M. Sembukutti de façon inéquitable en omettant de lui fournir l’occasion de dissiper ses doutes?

[5]               L’agent entretenait de toute évidence des doutes au sujet de certains aspects de la demande de M. Sembukutti – son faux témoignage dans sa demande d’asile, l’absence de preuve documentaire attestant ses compétences en soudure et le fait qu’il ait reçu des prestations d’aide sociale alors qu’il avait un emploi. M. Sembukutti soutient que l’agent était tenu de lui faire part de ces doutes et de lui fournir une occasion de s’expliquer.

 

[6]               De la façon que j’interprète la décision de l’agent, seul le troisième point – les prestations d’aide sociale – a vraiment compté. L’agent a examiné attentivement les faits, il a revérifié les dates et, surtout, il a demandé à M. Sembukutti de les confirmer. En d’autres mots, l’agent a bel et bien donné à M. Sembukutti la chance de dissiper son plus gros doute. Je ne peux voir d’iniquité dans la manière dont l’agent a traité la demande de M. Sembukutti.

2.  L’agent a‑t-il omis de prendre en considération des facteurs ou des éléments de preuve pertinents?

[7]               M. Sembukutti prétend que l’agent a omis d’accorder l’importance due à sa surdité et, en particulier, à l’absence de services adéquats pour les personnes sourdes au Sri Lanka. En outre, selon lui, l’agent n’a pas porté suffisamment attention à ses liens avec le Canada – par sa religion, son engagement auprès de groupes de revendications et son emploi. Il soutient aussi que l’agent a procédé de façon contraire à la jurisprudence actuelle portant sur les personnes handicapées : Nazar Jassim Al-Gumer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 22 août 2005, Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SAI), TA4‑11257; Volniansky c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1597, [2005] A.C.F. n1966 (1re inst.) (QL).

 

[8]               À mon avis, les arguments de M. Sembukutti portent sur la valeur qu’a accordée l’agent aux différents facteurs plutôt que sur une véritable omission de prendre en considération des éléments de preuve pertinents. Comme je l’ai écrit ci‑dessus, l’agent a effectivement pris en considération la surdité de M. Sembukutti, son engagement au sein d’organismes de revendication tant ici qu’au Sri Lanka ainsi que les quelques renseignements dont il disposait sur la situation des personnes sourdes au Sri Lanka. L’agent a également pris en considération les liens qu’a tissés M. Sembukutti avec le Canada par son emploi et ses activités religieuses.

 

[9]               J’ai examiné les décisions sur lesquelles s’appuie M. Sembukutti. Je note que dans Al-Gumer, le demandeur avait témoigné oralement de ce qu’il avait vécu en tant que personne sourde au Koweït. Il n’avait pas eu la possibilité d’apprendre le langage gestuel et avait été harcelé parce qu’il était sourd. Dans Volniansky, la personne souffrait de graves troubles d’apprentissage ainsi que de maladie mentale. Selon un examen médical, sa santé se serait détériorée si elle avait été renvoyée en Israël. En revanche, l’agent qui a examiné la demande de M. Sembukutti n’a reçu que peu de renseignements sur la situation des personnes sourdes au Sri Lanka ou sur les répercussions qui affecteraient M. Sembukutti s’il devait y retourner pour demander la résidence permanente à partir de là. Sa première demande ne mentionnait aucunement les difficultés causées par un manque de services ou de ressources pour les personnes sourdes au Sri Lanka. Il a affirmé qu’il avait appris le métier de soudeur dans une école de formation professionnelle au Sri Lanka et qu’il avait exercé ce métier de 1985 à 1993. La majeure partie de son récit écrit concernait des allégations de risques personnels qui ont été dûment prises en considération par un agent d’examen des risques. Dans des observations supplémentaires, M. Sembukutti a simplement déclaré qu’il serait [traduction] « difficile de voyager et de communiquer avec le bureau des visas » et qu’il [traduction] « aurait besoin d’un interprète gestuel à l’extérieur du Canada ». Comme je l’ai mentionné, l’agent a écrit dans ses motifs que M. Sembukutti n’a jamais affirmé avoir éprouvé des difficultés à communiquer avec le bureau des visas auparavant.

 

[10]           Dans les circonstances, la conclusion de l’agent selon laquelle M. Sembukutti n’éprouverait pas de difficultés inhabituelles n’était pas déraisonnable compte tenu de la preuve dont il disposait. Par conséquent, je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé de question de portée générale à examiner et aucune n’est énoncée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6798-05

 

INTITULÉ :                                                   ARACCHIGE

                                                                        c.

                                                                        MCI

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 20 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 23 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Scott Simser

 

POUR LE DEMANDEUR

Joanna Hill

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Scott Simser

Kanata (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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