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Date : 20061025

Dossier : T-1770-05

Référence : 2006 CF 1278

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC.

demanderesse

et

 

NOVOPHARM LIMITED et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

et

 

 

TAKEDA PHARMACEUTICAL COMPANY LIMITED

 

défenderesse/brevetée

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d'une requête de la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) en vue de faire radier l'affidavit de M. Gerard Raymond Colca, signé sous serment le 9 août 2006 (l'affidavit de M. Colca) et de faire radier le paragraphe 8 et la pièce A de l'affidavit de M. Bernard Robert Landau, signé sous serment le 8 août 2006 (l'affidavit de M. Landau).

 

[2]               La protonotaire Aronovitch a rendu une ordonnance le 19 juillet 2006. Cette ordonnance autorise Takeda Pharmaceutical Company Limited (Takeda) à déposer en contre-preuve une courte réponse afin de définir plus clairement les questions soulevées dans l'affidavit de M. Peter O’Brien, signé sous serment le 31 mars 2006 (l'affidavit de M. O’Brien).

 

[3]               Après avoir minutieusement examiné l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch, en portant une attention particulière aux directives et aux éléments précis mentionnés dans son ordonnance, j'estime que la protonotaire Aronovitch a défini très clairement la portée des éléments auxquels Takeda pouvait répondre en contre-preuve. En ce qui concerne la présente requête, les dispositions pertinentes de l'ordonnance sont les alinéas 2a) à d), g) et h).

2. Takeda est autorisée à signifier et à déposer, au plus tard le 10 août 2006, une contre-preuve succincte se limitant à commenter les éléments suivants :

 

a)      La question de savoir si les renseignements manquants, à savoir les éléments a) à e) au paragr. 53 de l'affidavit de M. O’Brien, sont nécessaires à la validation des valeurs déclarées relativement à la dose efficace DE 25 %.

 

b)      Les trois éléments d'information manquants, selon M. O’Brien, dans le mémoire descriptif du brevet concernant les données de toxicité déclarées (affidavit de M. O’Brien, paragr. 54).

 

c)      La mesure de toxicité la plus « pertinente », à savoir les analyses biochimiques et l'histochimie d'un échantillon de sang de rat (affidavit de M. O'Brien, paragr. 55).

 

d)      La question de savoir s'il y avait lieu de déterminer la proportion entre le poids frais et le poids sec et de procéder à un dosage des protéines (affidavit de M. O'Brien, paragr. 56).

 

[...]

 

g)      Ce qu'il y a lieu de déduire du fait que le mémoire descriptif du brevet 323 ne contient aucune information concernant les marges de sécurité entre l'effet pharmacologique et la toxicité des réactions secondaires défavorables, cette information étant nécessaire pour prouver l'utilité promise du composé (I) et permettre de tirer des conclusions quant à l'existence d'un avantage particulier (affidavit de M. O’Brien, paragr. 67 et 68).

h)      L'impossibilité de calculer, en se fondant sur le mémoire descriptif du brevet 323, l'indice thérapeutique ou la marge de sécurité en raison d'un manque d'information concernant les doses utilisées lors des expériences, ou l'impossibilité pour une personne versée dans l'art de déterminer, en se fondant sur ce mémoire descriptif, si le composé (I) possède un quelconque avantage par rapport aux composés existants dans l'état actuel de la technique (affidavit de M. O’Brien, paragr. 69).

 

[4]               En réponse à l'ordonnance, Takeda a déposé les éléments de contre-preuve suivants :

a)      un affidavit de M. Gerard Raymond Colca signé sous serment le 9 août 2006;

 

b)      un affidavit de M. Bernard Robert Landau signé sous serment le 8 août 2006;

 

c)      un affidavit de M. James B. Hendrickson signé sous serment le 8 août 2006;

 

d)      un affidavit de Mme Loren D. Koller signé sous serment le 7 août 2006.

 

[5]               Dans la présente requête, Novopharm demande à la Cour de radier l'affidavit de M. Colca dans sa totalité ainsi que le paragraphe 8 et la pièce A de l'affidavit de M. Landau au motif que ces éléments de contre-preuve ne sont manifestement pas compris dans la portée de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch (Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2006] A.C.F. n° 1009).

 


L'affidavit de M. Colca

[6]               J'ai examiné attentivement la contre-preuve déposée par Takeda et j'ai posé des questions très précises à l'avocat de la défenderesse Takeda concernant la portée de la décision de la protonotaire Aronovitch afin de déterminer quelles parties de l'affidavit de M. Colca répondent directement aux paragraphes de l'affidavit de M. O'Brien mentionnés par la protonotaire Aronovitch.

 

[7]               Malheureusement, la défenderesse Takeda n'a pas réussi à démontrer clairement que l'affidavit de M. Colca fournit une réponse précise et succincte à l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch. De fait, l'avocat de la défenderesse Takeda a soutenu qu'il y avait lieu d'examiner l'affidavit de M. Colca dans sa totalité comme une réponse à l'ensemble des éléments de l'affidavit de M. O'Brien énumérés dans l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch, plutôt que d'essayer de faire correspondre chaque section de l'affidavit de M. Colca à un élément donné de l'ordonnance.

 

[8]               Takeda a été autorisée à déposer une contre-preuve succincte se limitant à commenter les neuf éléments de l'affidavit de M. O'Brien mentionnés aux alinéas 2a) à 2h) de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch. Je suis d'accord avec la défenderesse Novopharm que l'affidavit de M. Colca ne contient aucune preuve appartenant à l'une des trois catégories de contre-preuve que Takeda a été autorisée à déposer, à savoir l'information dont une personne versée dans l'art aurait besoin pour évaluer la revendication dans le brevet 323 voulant que la pioglitazone présente : (i) une plus grande activité que les composés existants dans l'état de la technique; (ii) une moins grande toxicité que les composés existants; (iii) des avantages par rapport aux composés existants (activité supérieure et toxicité moindre).

 

[9]               Effectivement, la moitié de l'affidavit de M. Colca consiste en un résumé de sa formation, de son bagage professionnel et de son expérience passée avec Takeda. Plus particulièrement, M. Colca affirme qu'il a participé directement au tri, à la sélection, aux essais cliniques et au développement commercial de la pioglitazone de 1984 à 1993, alors qu'il travaillait pour Upjohn Laboratories / Pharmacia & Upjohn (Upjohn).

 

[10]           M. Colca fait état de son opinion aux paragraphes 13 à 23 de son affidavit; il affirme ainsi que les données de Takeda sont valides parce que Upjohn a vérifié ces données en effectuant ses propres essais et que, compte tenu des essais réalisés par Upjohn et Takeda, la pioglitazone s'est avérée un composé d'une plus grande efficacité.

 

[11]           Dans son affidavit, M. Colca parle effectivement du brevet en question mais il ne dit pas si une personne versée dans l'art a besoin des cinq éléments d'information manquants mentionnés au paragraphe 53 de l'affidavit de M. O'Brien pour valider les valeurs déclarées relativement à la dose efficace DE 25 %, comme l'a clairement précisé la protonotaire Aronovitch à l'alinéa 2a) de son ordonnance. Dans son affidavit, M. Colca ne dit pas si une personne versée dans l'art a besoin des trois éléments d'information manquants mentionnés au paragraphe 54 de l'affidavit de M. O'Brien pour évaluer les revendications dans le brevet 323 selon lesquelles la pioglitazone présente une moins grande toxicité que les composés existants dans l'état de la technique, tel qu'exigé à l'alinéa 2b) de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch. Le témoignage d'opinion dans l'affidavit de M. Colca ne dit pas si une personne versée dans l'art a besoin de la mesure de toxicité la plus pertinente mentionnée par M. O'Brien au paragraphe 55 de son affidavit pour évaluer les revendications dans le brevet 323 selon lesquelles la pioglitazone présente une moins grande toxicité que les composés existants dans l'état de la technique, tel qu'exigé à l'alinéa 2c) de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch.

 

[12]           De fait, l'affidavit de M. Colca ne contient aucun des éléments clairement définis par la protonotaire Aronovitch aux alinéas 2a), b), c), d), g) et h) de son ordonnance.

 

[13]           L'avocat de Takeda a soutenu que si l'affidavit était radié, cela pourrait donner lieu à un déni de justice parce que cet affidavit contient le témoignage direct d'une personne qui a participé personnellement aux essais cliniques et aux préparatifs pour le développement commercial de la pioglitazone chez Upjohn et qui, dans ce cadre, a testé les données recueillies lors des expériences réalisées par Takeda concernant le brevet en cause.

 

[14]           À mon avis, la défenderesse Takeda a eu la possibilité de présenter le témoignage de M. Colca lorsqu'elle a déposé son dossier de preuve en premier lieu. Puisqu'elle a omis de le faire, je ne vois pas pourquoi elle devrait être autorisée à se servir de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch comme prétexte pour fournir cette information sous la forme d'une contre-preuve alors que cette preuve est manifestement exclue de la portée de l'ordonnance et ce, simplement parce qu'elle affirme aujourd'hui que cette preuve est unique et importante à la défense de sa cause.

 

[15]           Pour tous ces motifs, je suis convaincu que la contre-preuve de Takeda n'est pas comprise dans la portée de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch et qu'elle doit être radiée.

 

L'affidavit de M. Landau

[16]           En ce qui concerne l'affidavit de M. Landau, je m'interroge sur le passage où il affirme que l'avocat l'a informé que les essais réalisés dans le cadre d'une demande d'approbation réglementaire n'ont pas nécessairement la même nature que les essais réalisés en vue d'obtenir un brevet et où il cite la jurisprudence du Canada et des États-Unis à l'appui de son opinion.

 

[17]           Selon moi, cette opinion constitue manifestement une preuve par ouï-dire ainsi que des arguments de droit. Je suis d'accord avec l'avocat de la défenderesse Novopharm que pour ce seul motif, le paragraphe 8 n'est pas recevable en contre-preuve. Ce paragraphe peut-être facilement éliminé car il se distingue clairement du reste de l'affidavit de M. Landau, qui traite plus particulièrement des éléments mentionnés dans l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch; à ce titre, cette partie de l'affidavit n'est pas contestée par la défenderesse Novopharm. 

 

[18]           Je conclus sans aucune hésitation que le paragraphe 8 et la pièce A de l'affidavit de M. Landau outrepassent manifestement la portée de la contre-preuve que Takeda a été autorisée à déposer aux termes de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch et qu'ils doivent donc être radiés.

 


ORDONNANCE

 

Pour ces motifs, LA COUR ORDONNE QUE :

1.      la requête de Novopharm soit accueillie;

2.      l'affidavit de M. Colca dans sa totalité ainsi que le paragraphe 8 et la pièce A de l'affidavit de M. Landau soient radiés;

3.      les dépens soient adjugés à la requérante Novopharm.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1770-05

 

INTITULÉ :                                       Eli Lilly Canada Inc.

                                                            c.

                                                            Novopharm Limited et autres

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 28 septembre 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 octobre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ruth Promislow

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Novopharm –  requérante)

 

Christopher van Barr

Vik Tenekjian

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Takeda – intimée)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(Eli Lilly)

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

John Sims

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Novopharm)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Takeda)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(le Ministre de la Santé)

 

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