Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20061025

Dossier : T‑529‑06

Référence : 2006 CF 1279

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

VLADIMIR RAIVITCH

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, le contrôle judiciaire de la décision prise par Mme Susan Lefebvre, agente principale des politiques et de la législation, Secrétariat aux retraites et aux personnes âgées, ministère du Développement des ressources humaines. Par cette décision, datée du 16 février 2006, Mme Lefebvre refusait au demandeur les mesures correctives prévues par le paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le RPC) lorsqu’une prestation a été refusée à une personne par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur, M. Raivitch, est né en Ukraine en 1940 et a immigré au Canada en 1991.

 

[3]               En juillet 2000, le demandeur s’est rendu au bureau régional de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) à Edmonton (Alberta), dans l’intention d’y présenter une demande de pension d’invalidité en vertu du RPC. À l’époque, il avait semble‑t‑il énormément de difficultés à s’exprimer en anglais. Le demandeur soutient que, dans son anglais laborieux, il avait expliqué au conseiller à l’accueil de DRHC, au comptoir de services, qu’il était incapable de travailler à cause de ses ennuis de santé, et lui avait demandé le formulaire requis, qui, selon ce qu’il croyait, s’appliquait à une demande de pension d’invalidité. En réalité, on lui aurait remis un formulaire de demande de pension de retraite selon le RPC (le formulaire RPC‑R).

 

[4]               Le demandeur a rempli le formulaire RPC‑R qu’on lui avait remis et il l’a présenté à DRHC. Une pension de retraite lui a été accordée en octobre 2000, un mois après son 60e anniversaire. M. Raivitch ne prétend pas qu’il avait demandé conseil à DRHC à l’époque, ni avant le dépôt ultérieur de sa demande initiale, en 2000.

 

[5]               Le demandeur soutient que ce n’est qu’en 2002 qu’il a découvert l’erreur, grâce à son médecin, et, après avoir communiqué avec DRHC, il a alors déposé un formulaire de demande de pension d’invalidité (le formulaire RPC‑I), en janvier 2003. La demande fut rejetée par le défendeur. En appel, le tribunal de révision a jugé en janvier 2004 que le demandeur avait droit à une pension d’invalidité du RPC.

[6]               En mars 2004, Mme Lefebvre, de DRHC, a procédé à un examen interne pour vérifier si une erreur administrative au sens du paragraphe 66(4) du RPC avait été commise, comme le prétendait le demandeur.

 

[7]               La conclusion de janvier 2004 du tribunal de révision fut infirmée en novembre 2005 par la Commission d’appel des pensions (la Commission). Selon la Commission, la demande de pension d’invalidité avait été présentée après la date limite de changement d’une pension de retraite en une pension d’invalidité. La Commission s’est également déclarée incompétente pour dire s’il y avait eu ou non erreur administrative.

 

[8]               Dans des lettres datées du 31 mai 2005 et du 20 décembre 2005, le demandeur a prié directement DRHC de revoir la décision lui refusant des prestations d’invalidité. Il écrivait que la source du problème était une erreur administrative commise par le défendeur. Au nom du défendeur, Mme Lefebvre a répondu, par lettre datée du 16 février 2006, que le demandeur ne s’était pas vu refuser des prestations d’invalidité à cause d’une erreur administrative.

 

[9]               Le demandeur a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de cette décision le 23 mars 2006.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[10]           La disposition législative qui est au cœur de cette affaire est le paragraphe 66(4) du RPC, ainsi formulé :

66 (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

66 (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

 

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

 

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

 

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

 

[11]           Il n’existe aucun droit d’appel à l’encontre d’une décision prise conformément au paragraphe 66(4) du RPC. La décision peut cependant être examinée par la Cour fédérale dans une procédure de contrôle judiciaire : Paquette c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. n° 1844, paragraphe 39 (C.A.). S’agissant de la décision du défendeur en date du 16 février 2006, le paragraphe 66(4) du RPC donne au défendeur le pouvoir discrétionnaire « de prendre une mesure corrective pour replacer une personne dans la situation où cette dernière se retrouverait, s’il est convaincu qu’une erreur administrative ou un avis erroné du défendeur a privé cette personne… » d’une prestation à laquelle elle a droit (Paquette, précitée, paragraphe 40).

 

LES POINTS EN LITIGE

[12]           La demande de contrôle judiciaire soulève les points suivants :

1.      La décision de la Commission était‑elle manifestement déraisonnable? Plus précisément :

 

a)      la décision du défendeur est‑elle appuyée par la preuve? et

b)      le défendeur a‑t‑il négligé de tenir compte des facteurs pertinents pour arriver à sa décision?

 

2.     La conduite du défendeur équivalait‑elle à un déni d’équité procédurale?

 

 

LA Norme de contrôle

[13]           Je relève au départ que le demandeur et le défendeur s’accordent à dire que la norme de contrôle applicable à la décision contestée ici est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[14]           Compte tenu de la nature discrétionnaire de la décision ministérielle en cause ici, une décision axée sur des faits, je reconnais que l’intervention de la Cour ne sera justifiée que si elle juge la décision manifestement déraisonnable.

 

[15]           Ma conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable est applicable ici s’appuie sur : Leskiw c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. n° 748, paragraphe 22; et Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2004] A.C.F. n° 1949, paragraphe 4. Dans les deux cas, la décision contestée avait été prise en vertu du paragraphe 66(4) du RPC.

 

[16]           S’agissant de l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Ainsi que l’écrivait le juge Marshall Rothstein, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Fetherston c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. n° 544, au paragraphe 16 : « Les questions d’équité procédurale ne sont pas assujetties à l’analyse pragmatique et fonctionnelle. Il appartient aux tribunaux judiciaires de donner une réponse juridique à ces questions ».

 

ANALYSE

a) La décision du défendeur était‑elle appuyée par la preuve?

[17]           Le défendeur soutient que la décision en cause était suffisamment appuyée par la preuve, tandis que le demandeur affirme qu’elle ne l’était pas. Il s’agit là en effet du point central à décider pour juger la présente affaire. Compte tenu de la divergence de vues des parties sur cet aspect, il convient d’examiner dans le détail les principes juridiques applicables.

 

[18]           Je commencerai par rappeler que le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve, mais plutôt d’examiner si, avant d’arriver à sa décision, le ministre a suivi les bonnes procédures et appliqué les bons facteurs : arrêt Suresh, précité, au paragraphe 34. Comme l’écrivait succinctement ma collègue la juge Judith A. Snider dans le jugement Kissoon, précité, au paragraphe 5, à propos d’une décision prise en vertu du paragraphe 66(4) du RPC :

Une conclusion d’avis erroné ou d’erreur administrative est une conclusion de fait. Elle indique également B la cour de révision qu’elle doit faire preuve de retenue B l’égard de la décision du ministre. La Cour ne doit ni apprécier B nouveau la preuve ni modifier les conclusions tirées, uniquement parce qu’elle serait arrivée B une autre conclusion.

 

[19]           En l’espèce, il incombe donc à la Cour de décider si la décision du ministre de rejeter la prétention de M. Raivitch selon laquelle le traitement de son dossier avait été entaché d’une erreur administrative s’appuyait suffisamment sur la preuve disponible.

[20]           Il importe de garder à l’esprit que le point à éclaircir, tout comme la preuve sur laquelle était fondée la décision du défendeur, portait spécifiquement sur le contact entre M. Raivitch et le conseiller à l’accueil du centre régional de DRHC à Edmonton. C’était là l’incident central à l’origine de la prétention initiale du demandeur au titre du paragraphe 66(4) du RPC. Partant, c’était aussi l’espace temporel sur lequel s’est focalisé l’examen requis, même s’il fut logiquement éclairé par les faits postérieurs à l’événement.

 

[21]           Pour savoir si une erreur administrative avait pu être commise, le défendeur :

  • a examiné la preuve documentaire existante, à savoir : les demandes adressées au RPC par M. Raivitch; les dossiers et rapports ministériels connexes susceptibles d’avoir résulté des contacts avec le demandeur; la correspondance échangée entre le demandeur et divers représentants du défendeur; les documents se rapportant aux procédures antérieures introduites par le demandeur, ainsi que la décision du tribunal de révision et celle de la Commission d’appel des pensions;

 

  • a consulté le personnel d’encadrement du bureau d’Edmonton qui était susceptible de dire ce qu’il savait de la transaction contestée survenue entre le demandeur et le défendeur;

 

  • a consulté d’autres représentants du défendeur qui étaient intervenus dans des procédures antérieures, afin de mieux comprendre la preuve présentée;

 

  • a vérifié les politiques, pratiques et procédures applicables régissant le contenu et la distribution des formulaires aux régions (sans doute pour savoir si le bureau d’Edmonton s’était écarté des directives officielles en remettant au demandeur une version antérieure du formulaire RPC);

 

  • a conclu qu’aucun formulaire double RPC‑R/RPC‑I n’avait jamais été distribué, contrairement à ce qu’affirmait le demandeur;

 

  • a examiné les documents d’information qui avaient pu être remis au demandeur lorsqu’il s’était présenté au comptoir de services; et

 

  • a examiné d’une manière générale les affirmations du demandeur, notamment celles qui concernaient sa difficulté à s’exprimer en anglais, en les confrontant aux preuves directes et indirectes versées au dossier.

 

[22]           Le demandeur soutient que la preuve médicale de son invalidité était aisément accessible et qu’elle aurait suffi en juillet 2000 à justifier une demande de RPC‑I. Je retiens en effet des prétentions du demandeur que cette preuve aurait figuré dans son dossier à DRHC, si DRHC lui avait remis le bon formulaire. Ce point n’est pas à lui seul déterminant pour la présente analyse. Toutefois, le demandeur dit aussi que la conclusion du défendeur, exposée dans sa décision du 16 février 2006, reposait elle‑même sur le fait que ses dossiers ne renfermaient pas une preuve médicale suffisante correspondant à la période pertinente d’admissibilité. De l’avis du demandeur, cela s’expliquait uniquement par le fait que le défendeur lui avait remis le mauvais formulaire. Autrement dit, le demandeur conteste l’affirmation que fait Mme Lefebvre au paragraphe 12 de son affidavit, où elle écrivait que, si M. Raivitch [traduction] « … avait une santé chancelante, la preuve médicale versée au dossier ne suffisait pas à prouver qu’il était invalide au 31 décembre 1998, sa période minimale d’admissibilité » (non souligné dans l’original). Le demandeur fait valoir que ce raisonnement du décideur était donc fautif et que la Cour devrait intervenir et annuler la décision. Je ne partage pas cet avis.

 

[23]           La décision contestée était fondée sur une évaluation générale, et apparemment détaillée, portant sur une diversité de documents disponibles, sur la procédure introduite devant le tribunal de révision et sur la preuve qui lui fut présentée, sur des entrevues, des lettres, des politiques, des formulaires et des procédures et sur d’autres éléments qui sont apparus au cours de l’examen interne fait par le défendeur. L’affirmation du demandeur concernant la preuve médicale, fût‑elle exacte, ne suffirait pas à supplanter tous les autres éléments considérés par le défendeur pour arriver à sa décision.

 

[24]           Se fondant sur son examen interne, le défendeur a conclu que les politiques et procédures applicables avaient été observées et que la preuve ne permettait pas d’affirmer autre chose. Par conséquent, de l’avis du défendeur, aucune erreur administrative n’avait été commise. Le défendeur est aussi arrivé à la conclusion que la version double, RPC‑R/RPC‑I, des formulaires n’était pas distribuée à l’époque où le demandeur avait présenté sa demande en juillet 2000, que le fait d’utiliser encore, à l’époque, les versions antérieures du formulaire ne constituait pas une erreur et que le demandeur avait reçu le formulaire qu’il souhaitait recevoir à l’époque, à savoir le formulaire de demande RPC‑R. Le défendeur a fondé sa décision sur ce qui semble avoir été un examen approfondi de la preuve disponible, et sa décision découlait raisonnablement de cette preuve.

 

[25]           Par conséquent, selon moi, la décision du défendeur s’appuyait sur la preuve.

 

b) Le défendeur a‑t‑il négligé de considérer les facteurs pertinents lorsqu’il est arrivé à sa décision?

 

[26]           Le demandeur dit aussi que le défendeur n’a pas tenu compte des difficultés du demandeur à s’exprimer en anglais, un facteur important lorsqu’il s’agissait de déterminer si une erreur administrative avait été commise. Encore une fois, il importe de se rappeler que, dans la présente instance, il n’appartient pas à la Cour de dire si la décision prise par le défendeur est celle que la Cour elle‑même aurait prise compte tenu de l’ensemble de la preuve, mais plutôt de dire si le défendeur était autorisé en droit à tirer la conclusion qu’il a tirée.

 

[27]           Il ressort clairement du dossier que le défendeur a bel et bien tenu compte de l’impact possible de la langue de communication dans les circonstances de la présente affaire et qu’il a intégré cet élément dans son évaluation et dans sa décision.

 

2. La conduite du défendeur équivalait‑elle à un déni d’équité procédurale?

[28]           Le contenu de l’obligation d’équité procédurale est variable et doit être déterminé au cas par cas. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a énoncé une analyse en cinq volets pour déterminer dans chaque cas le contenu de l’obligation d’équité procédurale, une obligation de common law. Les cinq facteurs sont les suivants : (1) la nature de la décision qui est prise et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question; (3) l’importance de la décision pour les personnes visées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et (5) les choix de procédure qui sont faits par le décideur. Cette liste n’est pas limitative (arrêt Baker, paragraphes 23 à 28).

 

[29]           Le premier facteur concerne la nature de la décision et la mesure dans laquelle le processus s’apparente au processus judiciaire (arrêt Baker, paragraphe 23). Par extension, il conviendrait de considérer aussi le contenu juridique de la décision, ainsi que l’écrivait le juge Rothstein dans l’arrêt Fetherston, précité, au paragraphe 20 : «  elle [la décision] comporte très peu de contenu juridique et, finalement, elle conserve un caractère discrétionnaire. Ces éléments impliquent ni de fortes ni de faibles protections procédurales. »

[30]           Le défendeur n’a pas établi de procédure applicable aux revendications en vertu du paragraphe 66(4) du RPC, comme l’indique le juge Barry L. Strayer dans l’arrêt Leskiw c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. n° 803 (C.A.F.), au paragraphe 7 : « Le paragraphe 66(4) autorise le ministre ou son représentant à prendre des mesures correctives lorsqu’une erreur administrative a entraîné une perte de prestations. Il ne prévoit toutefois aucune procédure. Il exige tout simplement que le ministre soit « convaincu » que l’avis en question a donné lieu à une perte de prestations ». Par conséquent, la décision prise par le ministre en vertu du paragraphe 66(4) est totalement discrétionnaire.

 

[31]           En l’espèce, la décision du ministre était une décision administrative discrétionnaire de nature générale, prise à la suite d’un examen interne, dont le contenu juridique était faible. Ce processus n’est pas assimilable au processus judiciaire et le niveau d’équité procédurale qu’il requiert est donc faible.

[32]           Quant au second facteur, la juge Claire L’Heureux‑Dubé examinait, dans l’arrêt Baker, au paragraphe 24, deux cas où des protections procédurales accrues seront requises : 1) lorsqu’aucune procédure d’appel n’est prévue, et 2) lorsque la décision est définitive et déterminante quant à la question en litige. En l’espèce, il n’y avait aucun droit d’appel de la décision du ministre de février 2006, décision qui était donc définitive. Cependant, il n’y a pas de clause privative, et un contrôle judiciaire reste possible. Il en résulterait des protections procédurales moindres : arrêt Fetherston, précité, paragraphe 21.

 

[33]           S’agissant maintenant du troisième facteur, il est clair que la décision présente une importance subjective pour le demandeur et qu’elle a eu un effet défavorable sur sa situation financière. Cet effet défavorable sur la situation financière du demandeur est sans aucun doute important pour lui, mais, sur l’éventail des conséquences des décisions de nature administrative, il est juste de situer cet effet défavorable à l’extrémité inférieure. Autrement dit, un certain niveau d’équité procédurale s’impose, mais pas un niveau indûment onéreux.

 

[34]           Le quatrième facteur est celui des attentes légitimes. Si une personne peut légitimement espérer que certaines procédures seront observées, alors l’obligation d’équité exigera l’application de telles procédures (arrêt Baker, précité, paragraphe 26). Dans les circonstances de la présente affaire, les attentes raisonnables et légitimes seraient que le ministre fasse procéder à un examen interne pour savoir si une erreur administrative a été commise, et qu’il fonde ensuite sa décision sur la preuve disponible. C’est effectivement ce qui s’est produit dans la présente affaire, comme je l’ai dit plus haut.

 

[35]           Le dernier facteur est le choix des procédures adoptées par le décideur. En l’espèce, ce facteur concerne le droit du demandeur de faire des observations, ainsi que le choix des mesures d’enquête utilisées par le ministre en réponse à l’erreur administrative alléguée par le demandeur. Comme je l’ai dit au début, il n’existe aucune procédure officielle régissant l’enquête menée en vertu du paragraphe 66(4) du RPC; la procédure employée est définie librement par le ministre, ce qui s’accorde avec la nature discrétionnaire de la décision elle‑même.

 

[36]           En l’espèce, le décideur a mené de nombreuses entrevues auprès d’employés de DRHC, afin de vérifier si une erreur administrative avait effectivement été commise dans le dossier du demandeur. Le défendeur affirme que son enquête a exploré tous les moyens raisonnables propres à mettre au jour une possible erreur administrative : examen de documents et d’archives, entretiens personnels avec les employés et revue de la correspondance, sans oublier l’impact possible de la difficulté du demandeur à s’exprimer en anglais. Je conclus que le défendeur a adopté une démarche adéquate et raisonnable pour donner suite aux prétentions du demandeur. Le défendeur lui a aussi laissé la possibilité de s’exprimer, dans la correspondance se rapportant à l’examen en question, mais également tout au long des procédures antérieures se rapportant aux mêmes allégations, procédures qui elles aussi ont finalement guidé la décision contestée.

 

[37]           À la lumière du dossier et de l’ensemble des circonstances, il m’apparaît que le défendeur a appliqué une procédure équitable pour savoir si une erreur avait été commise à la date de la transaction en cause, en juillet 2000. Il n’est pas établi que l’équité procédurale a été refusée à M. Raivitch dans l’examen de sa réclamation. L’affaire a été l’objet d’au moins deux enquêtes internes, menées d’une manière approfondie et raisonnable. Par ailleurs, il m’apparaît que le défendeur est resté sensible, durant les enquêtes internes, aux facteurs qui intéressaient particulièrement le cas du demandeur.

 

[38]           Pour tous ces motifs, je conclus que dans les circonstances le défendeur a rempli son obligation d’équité procédurale.

 

DISPOSITIF

[39]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le défendeur disposait de preuves suffisantes, et a appliqué une procédure satisfaisante, pour dire que si des prestations ont été refusées au demandeur ce n’était pas en raison d’un avis erroné ou d’une erreur administrative. Le défendeur s’est conformé aux exigences du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada lorsqu’il a pris sa décision, et il a respecté son obligation d’équité procédurale en prenant ladite décision. Sur aucun de ces deux aspects il n’a commis une erreur susceptible de contrôle. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

 


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑529‑06

 

INTITULÉ :                                       VLADIMIR RAIVITCH c. LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 2 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 25 OCTOBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew  Bachelder

 

POUR LE DEMANDEUR

Stuart Herbert

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Edmonton Centre for Equal Justice

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

Johns H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.