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Date : 20061027

Dossier : T-2042-05

Référence : 2006 CF 1282

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

 

 

ENTRE :

PETER McGAW

demandeur

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par le Bureau des services fiscaux de Toronto‑Nord par lettre, datée du 13 octobre 2005, envoyée au demandeur, l’informant que les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu ne concernaient pas les demandes de remboursement des cotisations d’assurance‑chômage et que, de toute façon, sa demande avait été reçue après l’échéance du délai de prescription de dix ans applicable aux examens d’équité.

[2]               Les faits menant à la présente demande de contrôle judiciaire peuvent se résumer de la manière suivante. Le demandeur et son entreprise, Peter McGaw & Associates Inc., ont payé des cotisations conformément à la Loi sur l’assurance‑chômage pour les années 1987, 1988, 1989 et 1990.

 

[3]               En 1991, il a été jugé que l’emploi du demandeur au sein de l’entreprise n’était pas un emploi assurable (parce que le demandeur était propriétaire de plus de 40 % de l’entreprise). En conséquence, les cotisations d’assurance‑chômage mentionnées ci‑dessus avaient été payées à tort.

 

[4]               Le demandeur a demandé au ministre du Revenu national le remboursement de la portion des cotisations d’assurance-chômage payée par l’employeur. Le 7 janvier 1992, le ministre a accepté de rembourser la portion des cotisations payée par l’employeur en 1988, 1989 et 1990, mais a refusé de rembourser les cotisations payées en 1987 pour le motif que le délai de prescription de trois ans était échu.

 

[5]               Dans une lettre datée du 29 décembre 1992, le demandeur a demandé au ministre le remboursement de la portion des cotisations d’assurance‑chômage qu’il avait payée à titre d’employé pendant les quatre années en question. Dans des avis datés du 22 janvier 1993, le ministre a informé le demandeur qu’un remboursement serait accordé pour l’année 1990, mais pas pour les années 1987, 1988 et 1989, pour le motif que la demande pour ces années avait été déposée après l’échéance du délai de prescription de trois ans applicable aux demandes de remboursement.  

 

[6]               Douze ans plus tard, dans une lettre datée du 27 juin 2005, le demandeur a demandé à nouveau le remboursement, avec intérêts, des cotisations payées en 1988, 1989 et 1990, en invoquant les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le demandeur a été informé le 22 juillet 2005 que sa demande était refusée pour le motif que la Loi sur l’assurance‑emploi limitait les remboursements aux trois années précédant la date de la demande.

 

[7]               Le 16 septembre 2005, le demandeur a sollicité un examen d’équité de deuxième niveau, réclamant des dommages‑intérêts, avec intérêts, pour les cotisations non remboursées, ainsi que pour les impôts et les intérêts perçus par l’Agence du revenu du Canada, pour les années d’imposition 1988, 1989, 1990.

 

[8]               M. Colin Cooke, chef des appels au Bureau des services fiscaux de Toronto‑Nord, a informé le demandeur, par lettre datée du 13 octobre 2005, que sa demande était refusée pour les motifs qu’il n’y avait aucune disposition d’équité concernant le remboursement de cotisations d’assurance‑emploi et que la Loi sur l’assurance‑emploi limitait les remboursements à trois années. De toute façon, le demandeur avait déposé sa demande après l’échéance du délai de prescription de 10 ans applicable aux dispositions d’équité. 

 

[9]               Le demandeur sollicite maintenant l’annulation de cette décision et demande à la Cour d’enjoindre au ministre d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour accorder la réparation demandée.

 

[10]           Les deux questions à trancher sont les suivantes.

 

1.  Les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquent‑elles au remboursement de cotisations d’assurance‑emploi?

 

2.  Le demandeur a‑t‑il laissé le délai de prescription échoir avant de demander le remboursement des cotisations en question?

 

 

 

[11]           Le demandeur soutient qu’il n’a pas appris avant 1991 que son entreprise et lui avaient payé les cotisations par erreur (puisque son emploi n’était pas assurable) et que ses demandes de remboursement des cotisations, tant celles de l’employeur que celles de l’employé, ont été présentées bien avant la fin des trois années suivant cette date. Il s’oppose au refus du ministre d’accorder le remboursement en raison d’un délai de prescription qui aurait commencé à courir avant que l’erreur relative au paiement des cotisations ait été connue. Il prétend que ce refus contrevient aux principes de l’équité procédurale. Selon lui, le fait que ses demandes visant le remboursement des cotisations de l’employeur et le remboursement des cotisations de l’employé aient reçu des traitements différents montre clairement que le processus est injuste et qu’il n’a pas été appliqué correctement.

 

[12]           Il soutient en outre qu’il est contraire au bon sens que les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent pas aux cotisations d’assurance‑emploi payées par erreur, particulièrement lorsque est invoqué le délai de prescription de trois ans prévu à la Loi sur l’assurance‑emploi, lequel commence à courir indépendamment du moment où l’erreur est remarquée.

 

[13]           La défenderesse affirme que les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu ne permettent pas au ministre de rembourser des cotisations d’assurance‑emploi. Ces dispositions permettent au ministre d’établir, à la demande du contribuable, une nouvelle cotisation après la fin de la période normale de nouvelle cotisation, mais uniquement afin de rembourser ou de réduire l’impôt payable par le contribuable. De toute façon, selon la défenderesse, même si les dispositions d’équité s’appliquaient, le demandeur a présenté sa demande après l’échéance du délai de prescription de dix ans.

 

[14]           La défenderesse soutient que le recours dont disposait le demandeur pour recouvrer les cotisations payées à tort était régi par la Loi sur l’assurance‑chômage, qui obligeait le demandeur à demander par écrit au ministre le remboursement dans les trois ans suivant la fin de chaque année en cause.

 

[15]           Selon la défenderesse, le ministre n’avait tout simplement pas la compétence pour accéder à la demande du demandeur et, en conséquence, l’allégation selon laquelle le ministre aurait contrevenu aux principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est sans fondement.

 

[16]           Le paragraphe 152(4.2), la disposition d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu, est rédigé ainsi :

 

 

(4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable là un contribuable – particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire – pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction ‘un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :

 

(4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining, at any time after the end of the normal reassessment period of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year, the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is ten calendar years after the end of that taxation year,

 

a)   établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts et les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

 

(a) reassess tax, interest or penalties payable under this part by the taxpayer in respect of that year; and

 

b)   déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année.

 

(Non souligné dans l’original.)

(b) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year of deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer’s liability under this Part for the year.

 

(emphasis added)

 

 

 

 

 

[17]                       Le paragraphe 63(1) de la Loi sur l’assurance‑chômage (la loi en vigueur à l’époque en cause en l’espèce) est rédigé ainsi :

 

63. (1) Lorsqu’une personne a effectué un versement excédentaire au titre de ses cotisations ouvrières prévues par la présente loi pour une année ou a effectué un versement au titre de cotisations ouvrières prévues par la présente loi pour une année, alors qu’elle n’exerçait pas un emploi assurable, le ministre doit, si cette personne lui en fait la demande par écrit dans les trois ans qui suivent la fin de cette année, lui rembourser le trop-perçu.

 

(Non souligné dans l’original.)

63. (1) Where a person has made an overpayment on account of employee’s premiums or has made a payment of employee’s premiums under this Act during a year when the person was not employed in insurable employment, the Minister shall refund to the person the amount of the overpayment or payment if application in writing is made to the Minister by the person not later than three years after the end of that year.

 

(emphasis added)

 

 

 

[18]           Le libellé des deux lois est sans équivoque. Les dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent qu’à l’impôt sur le revenu et la Loi sur l’assurance‑chômage exige que les demandes de remboursement de cotisations payées au cours d’une année donnée doivent être présentées dans les trois ans qui suivent la fin de cette année. La défenderesse a donc raison d’affirmer que le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder le remboursement des cotisations demandé par le demandeur. Je comprends la situation du demandeur, qui a présenté sa demande de remboursement peu après avoir appris que les cotisations avaient été payées à tort, mais la loi est claire et la Cour n’est d’aucun secours en l’espèce.

 

[19]           On pourrait s’attendre à ce qu’une personne cherche à obtenir une décision relative à l’assurabilité de son emploi avant de payer les cotisations d’assurance‑emploi. Sur le vu des dossiers des parties en l’espèce, je ne peux vérifier les faits à l’origine de la décision relative à l’assurabilité ni pourquoi elle n’a pas été demandée plus tôt. S’il l’avait fait, le demandeur aurait pu éviter de se trouver dans la situation actuelle.

 

[20]           En plus, le demandeur réclame, dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, [traduction] « 5000 $ pour le stress, les pressions exercées sur lui et le temps perdu pour obtenir un traitement équitable en l’espèce ».

 

[21]           Ces dommages‑intérêts ne peuvent être réclamés dans la demande de contrôle judiciaire, puisque la jurisprudence a établi que des dommages‑intérêts ne peuvent être accordés dans le cadre d’un contrôle judiciaire; Al-Mhamad c. C.R.T.C., 2003 CarswellNat 186; 2003 CAF 45; autorisation de pourvoi devant la CSC refusée.

 


 

JUGEMENT

 

[22]           Compte tenu des faits en l’espèce, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens, si la défenderesse les réclame.

 

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2042-05

 

INTITULÉ :                                                   PETER McGAW

                                                                        c.

                                                                        L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             COLLINGWOOD (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 24 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 27 OCTOBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter McGaw (pour son propre compte)

 

POUR LE DEMANDEUR

Brent Cuddy

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter McGaw

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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