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Date : 20061026

Dossier : IMM-2717-05

Référence : 2006 CF 1288

Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

KUN LUAN

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Luan soutient qu’il serait exposé à la persécution en Chine, ou qu’il requiert par ailleurs la protection du Canada, parce qu’il est membre du Falun Gong. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile. Le tribunal n’a pas cru le demandeur et a conclu qu’il avait [traduction] « […] inventé son récit pour donner du poids à sa demande d’asile ». Il s’agit ici du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Le tribunal n’a pas approfondi l’examen de la connaissance par M. Luan des pratiques du Falun Gong, et a plutôt mis l’accent sur ses antécédents personnels. M. Luan soutient avoir suivi les pratiques du Falun Gong en Chine dès 1998, avant que celui‑ci ne soit interdit. M. Luan aurait ensuite continué d’en suivre les pratiques en secret avec un groupe d’amis. Son père, un juge éminent, aurait fait connaître son opposition sans toutefois intervenir en fin de compte.

 

[3]               M. Luan est venu au Canada en tant qu’étudiant. Ici, il est resté en communication par courrier électronique avec des amis membres du Falun Gong. Il communiquait à ces derniers des renseignements provenant de sites Web non accessibles en Chine, en remplaçant des mots clés au moyen d’un code pour échapper à l’attention des censeurs. Une fois les messages envoyés, ils étaient effacés par M. Luan.

 

[4]               M. Luan est même retourné deux fois en Chine, où il s’est adonné à la pratique en secret avec ses amis. Il a appris, une fois revenu au Canada, qu’il y avait eu une descente lors d’une réunion à laquelle ceux‑ci avaient participé. La mère de M. Luan s’est renseignée et elle a appris qu’un bon ami de ce dernier avait été arrêté. La police a fait une visite à la maison des parents du demandeur. Se rendant alors compte qu’il avait été repéré, M. Luan a demandé l’asile au Canada.

 

LA DÉCISION

[5]               Le tribunal a jugé qu’il était déraisonnable de croire que le père de M. Luan, un juge, lui aurait permis de s’adonner aux pratiques du Falun Gong. Le tribunal a également estimé invraisemblable que la mère de M. Luan, qui occupait un bon emploi, se serait renseignée, se mettant ainsi en péril, ainsi que son emploi, pour apprendre combien de personnes avaient été arrêtées lors de la descente. Le tribunal a tiré sa conclusion en tenant compte de la preuve documentaire qui indique que les autorités harcelaient les membres de la famille de dissidents et surveillaient leurs activités.

 

[6]               L’on concède qu’une décision fondée sur des questions de crédibilité ne peut être annulée à moins d’être manifestement déraisonnable. L’avocat du demandeur affirme à cet égard que six conclusions de fait étaient manifestement déraisonnables, toutes ayant trait à la crédibilité. Quoiqu’il ne soit pas nécessaire d’en faire le décompte, je suis convaincu qu’un certain nombre de conclusions ayant conduit à la décision avaient bel et bien un caractère manifestement déraisonnable.

 

[7]               Le seul passage concernant un juge sur lequel on a attiré mon attention dans les dossiers d’information sur le pays faisait état d’un juge qui avait assisté à une réunion du Falun Gong et s’était fait arrêter. Cela ne cadre pas avec la conclusion du tribunal selon laquelle un père, se trouvant être un juge, ne ferait rien pour empêcher son fils de continuer de s’adonner aux pratiques du Falun Gong une fois celui‑ci devenu illégal.

 

[8]               La situation régnant dans le pays ne justifiait pas de conclure qu’il était invraisemblable que la mère de M. Luan se soit renseignée au nom de son fils. Le tribunal estimait qu’elle aurait alors été surveillée par les autorités. Toutefois, les données sur la situation dans le pays prises en compte étaient citées totalement hors contexte.

 

[9]               La direction de la recherche de la CISR a publié un document important sur le sujet en novembre 2002. On y disait que le Bureau de la sécurité publique, censé avoir rendu visite aux parents de M. Luan, ne soumettait guère à du harcèlement les membres de la famille des adeptes du Falun Gong. Ce qu’on signalait, c’était du harcèlement de la part des « Bureaux 610 », une autre façon de désigner l’équipe chargée de surveiller le Falun Gong, que bien des gens considèrent être des voyous et des terroristes.

 

[10]           Le tribunal a critiqué M. Luan pour ne pas avoir produit un certificat du Falun Gong. M. Luan a toutefois déclaré que, comme le Falun Gong n’est pas un club, il n’existe pas de certificats. On ne dispose d’aucun élément de preuve quant à la disponibilité de tels certificats.

 

[11]           Une autre critique formulée concernait le peu de détails fournis par M. Luan lors de son entrevue avec les autorités. Le formulaire qu’utilise la Commission ne renferme que quelques lignes où l’on puisse énoncer les éléments principaux de la demande d’asile. On ne peut tout simplement pas comparer ce document avec le Formulaire de renseignements personnels, que le demandeur a rempli postérieurement et dans lequel il ne s’est pas montré avare de détails.

 

[12]           Les conclusions du tribunal n’étaient pas des inférences correctement tirées de faits établis. Il ne s’agissait que de conjectures qui ne peuvent résister au moindre examen (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Satiacum (1989), 99 N.R. 171 (C.A.F.)).

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour qu’un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audition.

 

 

 

 

« Sean Harrington »

 

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2717-05

 

INTITULÉ :                                       KUN LUAN

c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 26 OCTOBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leonard H. Borenstein

 

POUR LE DEMANDEUR

Amy Lambiris

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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