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Date : 20061027

Dossier : 06-T-20

Référence : 2006 CF 1300

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION WASHAGAMIS

DE KEEWATIN (ONTARIO)

 

demanderesse

et

 

JEREMY LEDOUX, ARVEL CHERRY,

GRACE CHARTRAND, ESTER BUNN,

CHERYL BIRD, JOAN LEDOUX,

STARLA LEDOUX, ROSALIE PETWANIKEB

et FABIAN VAUGH

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par la Première nation Washagamis en vue d’obtenir, aux termes du paragraphe 8(1) des Règles des Cours fédérales (les « Règles »), une ordonnance prorogeant le délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire concernant une décision d’arbitrage rendue en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2.

Le contexte

[2]               Le 6 juin 2003, la Première nation Washagamis a congédié les neuf défendeurs en l’espèce. Ces derniers ont déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail, disant avoir été victimes d’un congédiement injuste.

 

[3]               Conformément à sa pratique, Développement des ressources humaines Canada (« DRHC ») a nommé un inspecteur pour faire enquête sur les plaintes des défendeurs et tenter d’en faciliter le règlement de leurs demandes. D’après le dossier, l’inspecteur de DRHC et l’avocat des défendeurs ont eu bien de la difficulté à obtenir un dialogue sérieux avec l’avocat retenu par la Première nation Washagamis, Douglas Keshen.

 

[4]               En mai 2004, Me Keshen a fait savoir qu’il était en pourparlers avec le chef et le conseil ainsi que le séquestre-administrateur de la Première nation Washagamis en vue d’obtenir une autorisation de règlement. Rien d’autre n’est ressorti des démarches de M. Keshen, et les défendeurs ont demandé que l’on procède à l’arbitrage de leur plainte.

 

[5]               En août 2004, Jack M. Chapman, c.r., a été nommé arbitre, et une conférence téléphonique a été fixée au 7 septembre 2004 afin de discuter de questions préliminaires. Cette conférence a été reportée parce que la Première nation Washagamis avait retenu les services d’un nouvel avocat, Orvel Currie, de Winnipeg. Avec le consentement des parties, la conférence téléphonique a alors été fixée au 20 septembre 2004, et les dates d’audition relatives à l’arbitrage ont été fixées au 8, 9 et 10 novembre 2004.

 

[6]               Au début d’octobre 2004, Me Currie a demandé que l’on reporte les dates d’audition afin qu’il puisse obtenir de plus amples renseignements de sa cliente. L’avocate des défendeurs, Johanna Dusolt, a tout d’abord refusé cette demande, mais elle a ensuite changé d’avis après avoir été informée qu’il y avait une possibilité que les sommes réclamées soient protégées par une assurance. M. Chapman a confirmé la prorogation sans fixer de date, dans un courriel envoyé aux avocats des deux parties le 4 novembre 2004. Dans ce courriel il indiquait aussi que, comme discuté avec les avocats, il garderait des dates libres pour l’arbitrage en février et mars 2005.

 

[7]               Au début de novembre 2004, Me Dusolt a demandé par écrit à Me Currie de confirmer qu’il était disponible pour procéder à l’arbitrage aux dates que M. Chapman avait proposées. Me Currie n’a pas répondu à cette demande, et Me Dusolt lui a écrit de nouveau le 7 décembre 2004. N’ayant pas eu de nouvelles de Me Currie, Me Dusolt a écrit à M. Chapman pour fixer les dates de l’arbitrage.

 

[8]               M. Chapman a écrit aux deux avocats le 31 janvier 2005, faisant part de son inquiétude au sujet des retards de mise au rôle dus à l’apparente incapacité de Me Currie d’obtenir des instructions. Sa lettre disait en partie ce qui suit :

[Traduction]

Je ne puis attendre beaucoup plus longtemps pour fixer des dates en vue de l’instruction des questions susmentionnées. Je suis conscient que l’assureur n’a pas encore donné d’instructions à l’avocat. Toutefois, l’affaire a assez duré. Par conséquent, je n’attendrai que jusqu’au vendredi 11 février. Le lundi 14 février, je communiquerai avec les parties inscrites à ce jour au dossier et je fixerai ensuite les dates d’audition. Merci de votre collaboration.

 

 

Une fois de plus, Me Currie n’a pas répondu, ce qui a amené M. Chapman a écrire de nouveau aux avocats le 14 février 2005 :

[Traduction

Le 31 janvier, j’ai dit que je prévoyais fixer les dates d’audition le 14 février. Personne ne m’a répondu et, plus tôt aujourd’hui, j’ai téléphoné à toutes les parties en cause, y compris la Première nation. J’ai aussi laissé un message pour Me Currie.

 

Cette affaire est en suspens depuis août 2004 et, comme je l’ai indiqué plus tôt, je fixe maintenant la date. L’audition aura lieu le 2 mars 2005, à partir de 9 heures, au 975, Alloy Drive, à Thunder Bay. S’il y a un changement quelconque, vous en serez avisés.

 

 

[9]               Un jour avant le début de l’arbitrage, Me Currie a écrit à Me Dusolt pour l’informer qu’il ne représentait plus la Première nation Washagamis et qu’il fallait dorénavant adresser les communications au chef et au conseil. La lettre de Me Currie ne donnait aucune explication sur son retrait de dernière minute mais, dans un affidavit déposé par Marie Morrison pour le compte de la Première nation Washagamis, on relève les détails additionnels qui suivent :

[Traduction

2.         Pendant mes deux années de travail pour le compte de la Première nation, en plus de mes autres responsabilités, on m’a chargée de superviser le processus d’arbitrage des défendeurs et de formuler des recommandations au chef et au conseil de la Première nation.

 

3.         L’une de mes fonctions consistait à communiquer avec l’avocat représentant la Première nation. Je me suis entretenue directement à plusieurs reprises avec Orvel Currie, le premier avocat dont la Première nation avait retenu les services pour la représenter à l’audience, et ensuite avec Dean Kropp, un avocat retenu par la suite par la Première nation pour agir en son nom.

 

4.         Me Currie est le premier avocat dont la Première nation a retenu les services pour représenter ses intérêts contre les défendeurs dans l’arbitrage de Travail Canada qui a finalement été tranché par M. Jack Chapman, à Kenora (Ontario), le 2 mars 2005.

 

5.         J’ai téléphoné à Me Currie environ une semaine avant l’audience pour confirmer sa présence. Me Currie m’a informée à ce moment-là qu’il ne serait peut-être pas en mesure de s’y présenter mais qu’un autre avocat de son cabinet serait sur place pour représenter la Première nation à l’audience. J’ai téléphoné au cabinet de Me Currie quelques jours avant l’arbitrage afin de confirmer que ce dernier, ou un autre avocat de son cabinet, serait présent à l’audience. Me Currie n’étant pas disponible, j’ai laissé des messages lui demandant de retourner mon appel et de confirmer le nom de la personne de son cabinet qui assisterait à l’audience. Vers le 1er mars 2005, soit la veille de la date d’audition prévue, Me Currie m’a téléphoné et m’a dit qu’il ne serait pas en mesure de se rendre à l’audience, et qu’aucun autre avocat de son cabinet n’était disponible pour représenter la Première nation à cette occasion. Me Currie a en outre confirmé son absence dans le courriel joint ci-après en tant que pièce « A ». Au mieux de ma connaissance, jamais Me Currie n’a expliqué pourquoi lui-même ou un autre avocat de son cabinet ne pouvaient pas assister à l’audience.

 

 

[10]           Le courriel de Me Currie à Mme Morrison « explique » en ces termes sa conduite :

[Traduction

Présentez-vous tout simplement, faites connaître votre position et nous pourrons interjeter appel en conséquence.

 

La compagnie d’assurance est saisie de l’affaire. Il y a eu un changement dans la direction de la Bande. Un avocat ne pouvait pas être engagé avant que nous sachions ce que la compagnie d’assurance faisait.

 

 

[11]           Mme Morrison déclare que, le 1er mars 2005, elle est entrée en contact avec M. Chapman afin de demander un ajournement, ce qui a été refusé. Elle a ensuite comparu devant M. Chapman à la convocation de l’arbitrage le 2 mars 2005 et a réitéré sa demande, mais sans succès. M. Chapman a encouragé Mme Morrison à rester à l’audience afin de représenter la Première nation Washagamis, mais elle a refusé et est partie.

 

[12]           Peu après la fin de l’audience d’arbitrage, la Première nation Washagamis a retenu les services d’un nouvel avocat, Dean Kropp, de Winnipeg. Ce dernier a écrit à M. Chapman le 10 mars 2005 pour demander que l’on rouvre l’audience afin de permettre à la Première nation Washagamis de produire des éléments de preuve. M. Chapman a rejeté la demande dans une lettre datée du 14 mars 2005.

 

[13]           Une seconde demande de réouverture a ensuite été faite par Me Kropp, mais M. Chapman l’a refusée elle aussi le 5 avril 2005.

 

[14]           Le 5 juillet 2005, M. Chapman s’est prononcé en faveur des neufs défendeurs. Il a conclu que tous avaient été l’objet d’un congédiement injuste et il a évalué leurs dommages-intérêts respectifs en prenant pour base un mois de salaire par année d’emploi. Le montant global des dommages-intérêts et des dépens en faveur des défendeurs s’élevait à près de 210 000 $.

 

[15]           La décision de M. Chapman comporte la justification suivante au sujet des décisions qu’il a prises à l’égard des requêtes de la Première nation Washagamis concernant l’ajournement et la réouverture de l’audience :

Après ma nomination en tant qu’arbitre, j’ai communiqué avec les parties à plusieurs reprises. Il est important que les faits relatifs aux dates d’audience soient inscrits. Au départ, M. D. Keshen, avocat, de Kenora, en Ontario, représentait les plaignants. Quelques jours après ma nomination, j’ai appris que M. O. Currie, avocat, de Winnipeg, représenterait maintenant l’employeur. Par conséquent, j’ai tenté de convoquer une conférence téléphonique avec les avocats, mais j’ai eu beaucoup de mal à recevoir de Me Currie, ou de son bureau, une confirmation de sa disponibilité à une date précise. Une conférence téléphonique a néanmoins été d’abord prévue pour le 7 septembre 2004, mais elle a été reportée au 20 septembre 2004. À ce moment, les audiences avaient été fixées d’un commun accord aux 8, 9 et 10 novembre 2004 à Kenora. Le 5 octobre 2004, l’avocat de l’employeur a fait savoir que celui-ci allait alléguer avoir eu un motif valable pour procéder aux congédiements et il a demandé un ajournement afin de pouvoir mener une enquête et obtenir les renseignements et les documents nécessaires. L’employeur était incapable d’estimer le temps qui lui serait nécessaire pour obtenir ces renseignements et pour préparer son dossier. On a demandé à l’avocate des plaignants d’accepter l’ajournement, mais elle a refusé, et la demande d’ajournement a été rejetée. L’employeur a alors signifié aux témoins une assignation à comparaître.

 

L’avocat de l’employeur s’est ensuite assuré que ce dernier était protégé par une assurance, mais il a été incapable de confirmer que l’assureur, qui à ce moment‑là avait assumé la tenue de cette affaire pour le compte de l’employeur, allait retenir ses services. L’avocate des plaignants a fait savoir qu’elle confirmait la participation d’un assureur et, par conséquent,  elle a consenti à un ajournement à la condition que l’affaire soit entendue au plus tard en février 2005.

 

De novembre 2004 à la fin de janvier 2005 environ, l’arbitre a tenté à de nombreuses reprises d’obtenir l’assurance de Me Currie, ou de son bureau, que ce dernier représentait l’assureur. Cette confirmation et, de fait, aucun autre renseignement n’a été fourni. Le 30 janvier 2005, l’arbitre a écrit aux parties les informant que s’il ne recevait aucun renseignement avant le 11 février, une conférence téléphonique aurait lieu le lundi 14 février 2005, et des dates d’audience seraient alors fixées. Aucune réponse n’a été reçue de la part de l’avocat de l’employeur ni de la part d’aucun de ses associés, et ils ont apparemment choisi de ne pas être disponibles lors de la conférence téléphonique du 14 février. En fait, l’employeur a également été informé de la conférence téléphonique, mais personne de la Première nation ne s’est rendu disponible pour cet appel. L’avocate des plaignants a participé à la conférence téléphonique et la date d’audition a été fixée au 2 mars 2005 à Thunder Bay, en Ontario. Toutefois, puisque la plupart des plaignants habitaient tout près de Kenora, en Ontario, l’audience a été modifiée pour avoir lieu à cet endroit. Un avis a été envoyé à toutes les parties, les informant de la date, de l’heure et du lieu des audiences.

 

Le 24 février 2005, l’avocat associé pour l’employeur a fait savoir que les services de son cabinet avaient été retenus par l’assureur et il a demandé un ajournement en raison d’autres engagements ainsi que pour obtenir de plus amples renseignements. De nombreuses conférences téléphoniques ont également eu lieu entre l’arbitre et cet associé. Un ajournement de deux mois a été demandé. L’avocate des plaignants s’est farouchement opposée à tout autre ajournement. L’ajournement a été refusé. Le 1er mars 2005, Me Currie a écrit à l’avocate des plaignants, l’informant qu’il ne représentait plus l’employeur. L’arbitre a reçu une copie de cette lettre le 2 mars 2005, lors de l’audience.

 

Environ deux jours avant l’audience, Mme Morrison, au nom de l’employeur, a communiqué avec l’arbitre et a demandé un ajournement d’une durée indéterminée, mais elle ne pouvait donner aucun indice quant à la personne dont la Première nation retiendrait les services comme avocat de l’employeur, quant au moment où cette personne pouvait être nommée ou quant au moment où elle serait disponible. Sa demande pour un tel ajournement a été rejetée. Toutefois, l’arbitre a fortement recommandé qu’elle, ou une autre personne représentant l’employeur, se présente à l’audience.

 

Lors de la convocation de l’audience, tous les plaignants étaient présents et accompagnés de leur avocate, Mme Dusolt, qui avait fait la route de Thunder Bay jusqu’à Kenora pour y assister. Mme Morrison et un membre du conseil de bande étaient présents. Elle a fait savoir qu’elle ne ferait qu’une déclaration et qu’elle partirait ensuite. On lui a vivement conseillé de rester et l’arbitre a fait une très longue déclaration quant à ce qui s’était passé. On lui a expliqué maintes fois que la procédure n’avait pas la même formalité qu’au tribunal. Toutefois, elle est demeurée inflexible, a fait sa déclaration en prétendant fondamentalement que l’absence d’avocat n’était pas la faute de l’employeur, puis elle est partie. On lui a de nouveau précisé que si les éléments de preuve des plaignants n’étaient pas contestés, ils seraient fort probablement acceptés. Elle a encore une fois déclaré qu’elle ne participerait pas à la procédure puis elle est partie. L’audience s’est ensuite poursuivie.

 

À la suite de l’audience, les services d’un autre cabinet d’avocats ont été retenus pour représenter l’employeur et ce cabinet a demandé le 10 mars 2005 à ce que les audiences soient reprises. La demande a été rejetée.

 

On a fait observer à chaque avocat de l’employeur et à Mme Morrison que près de deux ans s’étaient écoulés depuis les congédiements et qu’un grand nombre des plaignants n’avaient pas d’argent d’emploi ou de ressource. Ni l’employeur ni ses avocats n’ont semblé éprouver quelque compassion pour les circonstances dans lesquelles se trouvaient les plaignants. Bien entendu, aucune décision de quelque nature que ce soit n’a été prise à ce moment quant à savoir si l’un ou l’autre des plaignants aurait gain de cause.

 

Il est à noter que tous les plaignants se sont présentés à l’audience et il est bien possible qu’il ait été difficile de leur demander de se présenter à une date ultérieure, en particulier si cette date était inconnue.

 

 

[16]           Selon l’affidavit de Mme Morrison, le chef et le conseil de la Première nation Washagamis ont donné instruction à Me Kropp de « porter en appel » la décision de M. Chapman. Ces instructions ont été données le 15 juillet 2005, ou vers cette date.

 

[17]           Dans une lettre datée du 21 juillet 2005, l’avocat représentant la Première nation Washagamis a informé Me Dusolt qu’il se pouvait que la décision de M. Chapman soit portée en appel et qu’il avait demandé des « instructions » à la Bande. Les parties ont ensuite fait quelques efforts pour régler les demandes, mais ces efforts ont été vains.

 

[18]           Il a fallu attendre le mois de janvier 2006 avant que Me Kropp rédige une ébauche d’avis de demande de contrôle judiciaire. Il a ensuite informé la Première nation Washagamis qu’étant donné que la demande était hors délai, il allait falloir demander une prorogation.

 

[19]           Il a fallu jusqu’au 2 mars 2006 avant que Me Kropp dépose l’avis de requête sollicitant une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire. Lorsque cette requête a été plaidée devant moi à Winnipeg le 11 septembre 2006, Me Kropp avait été remplacé par Me Greg Rickford, et il est utile de répéter que ce dernier n’est pas responsable des délais encourus en l’espèce.

 

[20]           Il vaut également la peine de signaler que même à une date aussi tardive que le 1er mars 2006, la Première nation Washagamis n’avait pas encore identifié ou réuni tous les documents sur lesquels elle entendait fonder sa plaidoirie de défense. Dans un affidavit établi sous serment le 1er mars 2006 pour le compte de la Première nation Washagamis, Alfred Thiessen déclare ce qui suit :

[Traduction

La demanderesse m’a informé – et je crois sincèrement – qu’elle détient d’autres documents qui contredisent la durée de service que revendiquent la majorité des défendeurs, ce qui tendrait à mener à la tenue d’une nouvelle audience, si celle-ci était accordée. La demanderesse a commencé à recueillir des documents qui se trouvent dans de nombreuses boîtes rangées dans un sous-sol.

 

 

La question en litige

            1.         Y a-t-il lieu en l’espèce de proroger, en application de l’article 8 des Règles des Cours fédérales, le délai prévu pour permettre à la Première nation Washagamis d’introduire une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de l’arbitre Chapman?

 

Analyse

[21]           Près de trois ans et demi se sont écoulés depuis que la Première nation Washagamis a mis fin aux contrats de travail des neuf défendeurs, et près d’un an et demi depuis que ces derniers ont obtenu leurs décisions respectives en vertu du Code canadien du travail. La Première nation Washagamis ne prétend pas maintenant qu’elle était fondée à procéder à ces congédiements, mais elle souhaite que l’on statue de nouveau sur la question du montant en contestant la durée de service de certains des défendeurs. Au dire de la Première nation Washagamis, l’arbitre Chapman l’a privée à tort du droit d’être entendue en rejetant sa demande de prorogation et, plus tard, en lui refusant le droit de rouvrir l’affaire afin de pouvoir produire des éléments de preuve additionnels.

 

[22]           Quand la Première nation Washagamis a introduit la présente requête en prorogation, celle-ci était déjà en retard de plus de six mois. Le retard s’explique essentiellement, dit-elle, par l’attribution de responsabilités à son avocat, Me Kropp, mais, dans l’affidavit de Mme Morrison, il est dit que la Première nation Washagamis [Traduction] « ignore pourquoi Me Kropp n’a pas respecté le délai de prescription ». L’affidavit qu’a signé M. Thiessen, le stagiaire en droit de Me Kropp, reconnaît que la Première nation Washagamis a reçu la décision de l’arbitre Chapman le 15 juillet 2005 et que, au 25 juillet 2005 au moins, Me Kropp avait eu pour instruction de « porter en appel » l’affaire. Rien ne semble avoir été fait pour donner suite à cette intention, sinon des références occasionnelles à un appel dans les lettres qui ont été échangées en vue d’un règlement au cours des quatre mois suivants.

 

[23]           Les facteurs que l’on applique habituellement dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de proroger un délai en vertu de l’article 8 des Règles ont été souvent analysés. Dans la décision 687764 Alberta Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 545, 166 F.T.R. 87, la juge Karen Sharlow conclut comme suit :

[14]      Il n'existe pas de règle absolue qui permette de déterminer dans tous les cas s'il y a lieu d'accorder l'autorisation de proroger le délai prescrit pour introduire une instance. La raison d'être du délai est de donner effet au principe que les procès doivent avoir une fin. En revanche, en accordant aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de proroger les délais, on reconnaît qu'il peut être nécessaire de proroger un délai pour rendre justice aux parties. Il faut tenir compte de ces considérations opposées pour décider s'il y a lieu ou non d'accorder la prorogation demandée. [Voir la note 2 qui suit.]

Note 2 : Grewal c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.), Consumers' Ass'n (Can.) c. Ontario Hydro [No. 2], [1974] 1 C.F. 460 (C.A.F.).

 

[15]      C'est dans la jurisprudence que l'on trouve les facteurs dont il faut tenir compte en la matière. Le facteur le plus important est celui qui oblige le demandeur à démontrer qu'il dispose d'arguments solides lui permettant d'obtenir la réparation demandée ou, pour reprendre l'expression utilisée dans certaines décisions, qu'il a des chances raisonnables d'obtenir gain de cause. En outre, le retard doit être expliqué ou justifié et le demandeur doit présenter des éléments de preuve pour démontrer qu'il a exercé ses droits avec une diligence raisonnable. Habituellement, le demandeur essaie de démontrer qu'il avait véritablement l'intention, dans les délais prévus par la loi, de solliciter une réparation relativement à la décision contestée et il présente des éléments de preuve au sujet des démarches qu'il a accomplies pour faire les diligences nécessaires. Le tribunal doit tenir compte de tout préjudice subi par le défendeur ou les tiers.

 

[24]           Plus récemment, dans l’arrêt Jakutavicius c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1488, 2004 CAF 289, le juge Marshall Rothstein a confirmé les facteurs qui s’avèrent pertinents pour proroger un délai, tels que mentionnés ci-dessus par la juge Sharlow. Il a ajouté que cette liste de facteurs n’était pas exhaustive et qu’il ne fallait pas l’appliquer machinalement. Il a confirmé aussi que l’importance qu’il convient d’appliquer à ces facteurs peut varier d’un cas à un autre.

 

[25]           Pour pouvoir appliquer l’article 8 des Règles, je vais maintenant examiner les différents facteurs qui ont une incidence sur l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

 

Intention continue de poursuivre l’action

[26]           Il ressort de la preuve que la Première nation Washagamis a donné instruction à son avocat de « porter en appel » la décision de l’arbitre dans le délai prévu à cet effet. Cette intention se reflète dans certaines des communications ultérieures qu’il y a eues entre les avocats, mais il s’agissait plus d’un levier pour poursuivre un objectif de règlement que d’une déclaration d’une intention véritable, faite sans réserve. L’importance de cette intention est également atténuée quelque peu par le fait que l’avocat de la Première nation Washagamis n’a rien fait pendant plus de six mois à la suite des instructions apparentes de sa cliente. Il n’est pas question ici d’une inadvertance ou d’une simple erreur, mais plutôt d’une situation dans laquelle un avocat a délibérément ignoré l’obligation de présenter une demande ou alors y a été indifférent, pendant un temps prolongé.

 

Durée de la prorogation demandée

[27]           En l’espèce, le retard est long et il excède de beaucoup la norme. La plupart des causes dans lesquelles on accorde la prorogation demandée présentent un retard de quelques jours à quelques semaines, mais non de quelques mois.

 

Préjudice causé à la partie adverse

[28]           Si l’on accorde une prorogation de délai, on cause un préjudice clair et manifeste aux neuf défendeurs. La Première nation Washagamis ne prétend pas qu’elle était fondée à congédier l’un quelconque des défendeurs et, dans les documents déposés, elle semble contester uniquement la durée de service attribuée à trois d’entre eux. Autrement dit, la Première nation concède qu’elle doit à tous les défendeurs un certain montant d’argent et, probablement la totalité du montant accordé à plusieurs d’entre eux. Néanmoins, les défendeurs n’ont rien reçu de la Première nation Washagamis, même en règlement partiel des sommes respectives qui leur ont été adjugées. En dépit de ses obligations, la Première nation Washagamis a contraint les défendeurs à tenter de recouvrer la somme qui leur a été adjugée en recourant aux difficultés et aux dépenses que représente une exécution forcée. La Première nation Washagamis demande donc un redressement discrétionnaire malgré sa propre indifférence flagrante à l’égard de ses obligations juridiques, et dans des circonstances où elle, ou son avocat, voire les deux, ont fait clairement obstruction au déroulement dans les meilleurs délais de l’arbitrage en vertu du Code canadien du travail.

 

[29]           Cela fait trois ans et demi que les défendeurs attendent leur dédommagement et, s’il fallait qu’un contrôle judiciaire ait maintenant lieu, il pourrait fort bien en résulter un délai additionnel pouvant atteindre un an. La Première nation Washagamis aurait pu amoindrir l’effet de ce facteur en versant des paiements partiels aux défendeurs ou en consignant auprès de la Cour les montants contestés. Au lieu de cela, elle a continué de recourir à une stratégie de résistance constante contre tous les défendeurs, malgré des preuves que cela occasionnait des difficultés considérables à un grand nombre d’entre eux.

 

Explication du retard

[30]           La Première nation Washagamis a cherché à expliquer le retard en transférant la responsabilité de l’affaire à son avocat. Même là, elle dit seulement qu’elle a donné instruction à son avocat et qu’elle [Traduction] « ignore pourquoi Me Kropp ne s’est pas conformé au délai de prescription ». L’affidavit de M. Thiessen ne dit rien à propos du défaut de soumettre la demande, sinon qu’il signale l’intention déclarée de porter l’affaire en appel et fait référence à la tenue de pourparlers de règlement. Ce dernier facteur, il va sans dire, n’est pas une excuse pour avoir omis d’introduire la demande comme le prescrivent les Règles.

 

[31]           La jurisprudence de la Cour fédérale n’est pas tout à fait uniforme dans la manière dont elle traite l’argument de négligence d’un avocat invoqué pour expliquer le non-respect d’un délai fixé pour le dépôt d’une demande. Certaines décisions traitent le client et son avocat comme une seule et même entité et n’excusent pas le client pour la négligence ou les lacunes de son avocat : voir Chin c. Canada, [1993] A.C.F. no 1033, 69 F.T.R. 77, au paragraphe 10, et Cove c. Canada, [2001] A.C.F. no 482; 2001 CFPI 266, au paragraphe 10. D’autres décisions sont un peu plus enclines à excuser une partie pour les lacunes de son avocat : voir Mathon c. Canada, [1988] A.C.F. no  707, 28 F.T.R. 217, Panta c. Canada, [1993] A.C.F. no 898, 66 F.T.R. 73 et Bogdanov c. Canada, [1992] A.C.F. no 1190.

 

[32]           Le conflit que l’on peut invoquer dans la jurisprudence de la Cour fédérale a été bien résumé par le protonotaire Hargrave dans la décision Muhammed c. Canada, [2003] A.C.F. no 1080, 2003 CF 828, où il fait remarquer ce qui suit, aux paragraphes 20 et 21 :

[20]      Il est difficile de concilier les affaires Chin et Mathon.  Dans Chin, l’accent est mis sur la proposition voulant que le client et l’avocat ne fassent qu’un, même si le client est entraîné vers le fond par le poids de l’incompétence de son avocat.  Dans Mathon, l’affaire où la date de dépôt n’a pas été respectée, l’accent est mis, par l’intermédiaire de la Cour suprême du Canada, sur le principe qu’il n’incombe pas à un client « qui a agi avec diligence de supporter les conséquences de semblables erreur ou négligence » (page 229), surtout lorsque celui-ci a été de ce fait privé d’un droit.

 

[21]      Pour choisir entre les deux approches, il faut se référer à la décision rendue dans l’affaire Grewal, précitée, qui m’oblige à balancer les facteurs applicables en matière de prorogation de délai et l’objectif global de faire justice entre les parties.  J’entends donc suivre le courant jurisprudentiel qui a mené à la décision rendue dans Mathon parce que les faits de la présente instance sont précis et clairement prouvés, comme l’a exigé le juge Rothstein, tel était alors son titre, dans Drummond, précité.  Compte tenu de toutes les circonstances, notamment de l’intention constante de poursuivre la demande, du bien-fondé de la demande, de l’absence de tout préjudice subi par le défendeur en raison du délai, de l’explication justifiant le délai - c’est-à-dire que c’est l’ancien avocat qui, en abandonnant les demandeurs après avoir laissé passer le temps, a privé ceux-ci de leur droit - et du fait que de mettre fin à la procédure de contrôle judiciaire en raison de la négligence ou de l’incompétence procédurale d’un ancien avocat procurerait un avantage inattendu au ministère public, une prorogation de délai est appropriée.  Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

[33]           J’incline à penser que quand une partie établit qu’elle a donné clairement instruction à son avocat de procéder en temps opportun et que c’est uniquement à cause d’une erreur de cet avocat que cela n’a pas été fait, il ne faudrait pas que tenir la partie en question responsable de quelque façon de l’erreur. Une telle approche cadre aussi avec celle qu’ont adoptée d’autres tribunaux ayant eu affaire à des erreurs d’avocat ou à des délais de prescription manqués : voir Woudstra c. Piston, [2004] O.J. no 594, [2004] O.T.C. 160 (C.S.J.), Dreifelds c. Burton (1998), 38 O.R. (3d) 393, [1998] O.J. no 946 (C.A.) et Tait c. CNR (1984), 11 D.L.R. (4th) 460, 64 N.S.R. (2d) 187, [1984] N.S.J. no 398 (C.S.).

 

[34]           Néanmoins, en l’espèce, la question de l’erreur de l’avocat n’est pas aussi évidente car la preuve à l’appui de cet argument est faible. Il n’est pas évident, d’après les affidavits déposés pour le compte de la Première nation Washagamis, que celle-ci n’était aucunement au courant du défaut apparent de son avocat de donner suite à ses instructions. Lorsque le retard subi est long et que la partie s’est occupée activement de la conduite d’une affaire ainsi que de la poursuite d’une stratégie de litige comme celle qui a été adoptée en l’espèce, l’argument du transfert de la responsabilité complète à un avocat pour expliquer une erreur de dépôt d’une demande perd de sa force. Une partie ne peut pas être entièrement excusée si elle décide de rester les bras croisés et omet de tenir son avocat responsable de la situation.

 

[35]           Les circonstances de l’espèce sont similaires à celles dont il était question dans l’affaire Nunez c. Canada, [2000] A.C.F. no 555, 189 F.T.R. 147, où il a été conclu que la preuve par affidavit étayant une allégation de négligence d’un avocat était lacunaire. Dans cette décision, le juge Pelletier a refusé d’accorder la réparation demandée, pour les motifs suivants :

[16]      Il a été jugé dans Panta c. Canada, [1993] A.C.F. 898, que le défaut par un avocat de prendre les mesures nécessaires pour le compte du client était une raison spéciale, mais dans cette affaire, l'avocate concernée a reconnu par affidavit sa part de responsabilité dans le retard, ce qui, visiblement, n'est pas le cas en l'espèce.

 

[…]

 

[19]      Je ne suis pas disposé à admettre une accusation de faute professionnelle grave contre un avocat, auxiliaire de la justice, sans une explication par celui-ci des agissements en question ou sans la preuve que l'affaire a été soumise à l'ordre des avocats pour enquête. En l'espèce, il y avait amplement de temps pour faire l'une ou l'autre de ces deux choses, mais ni l'une ni l'autre n'a été faite. Ce défaut ne s'accorde pas avec la gravité de l'allégation. Cette observation n'est nullement une manifestation de la sollicitude de la Cour à l'égard des avocats et aux dépens de leurs clients. La Cour ne fait que reconnaître qu'il est facile de faire des allégations de faute professionnelle et que, une fois jugées fondées, celles-ci aboutissent généralement au redressement demandé. La preuve administrée à l'appui d'une allégation de ce genre doit être à la mesure de la gravité des conséquences pour tous les intéressés.

 

 

[36]           La question du caractère suffisant de la preuve a également été examinée dans la décision Jules c. Canada, [2001] A.C.F. no 1027; 2001 CFPI 697, où le juge Yvon Pinard a conclu que l’allégation de négligence du représentant des demandeurs était insuffisante parce qu’elle était de nature trop « générale » (voir le paragraphe 4).

 

[37]           Il ne suffit pas pour une partie d’alléguer que son avocat a été négligent et de soutenir ensuite qu’elle ne sait rien de plus. Dans une telle situation, la partie en question se doit d’obtenir les informations nécessaires de son avocat afin de découvrir exactement pourquoi le délai a été manqué, et de confirmer au moyen d’une preuve claire et convaincante sa propre absence de responsabilité. Habituellement, cela se fait en produisant un affidavit établi sous serment dans lequel l’avocat reconnaît l’erreur et confirme que le client n’est pas responsable. Si cette preuve n’est pas produite, c’est souvent parce que l’avocat a une version différente de ce qui s’est passé. Les affidavits qui ont été déposés en l’espèce pour le compte de la Première nation Washagamis ne sont pas suffisants pour établir que cette dernière n’est aucunement responsable de l’erreur concernant le dépôt de la demande. En fait, ils n’établissent même pas pourquoi le délai en question n’a pas été respecté.

 

La Première nation Washagamis a-t-elle établi l’existence d’une cause défendable pour annuler la décision d’arbitrage?

 

[38]           En l’espèce, la Première nation Washagamis désire contester les décisions procédurales de l’arbitre Chapman par lesquelles ses demandes de prorogation et de réouverture de sa cause ont été refusées. Elle déclare que sa cause est défendable et invoque les décisions Bande indienne de Penelakut c. Charlie, [1994] A.C.F. no 95, 73 F.T.R. 150 et Clerk c. CPL, [2001] A.C.F. no 710; 2001 CFPI 449, pour justifier le droit d’être entendue dans le contexte de requêtes d’ajournement ou de réouverture d’une audience.

 

[39]           Les faits sur lesquels étaient fondées les décisions rendues dans les affaires Bande indienne de Penelakut et Clerk, précitées, sont fort différents de ceux qui étayent les décisions procédurales de l’arbitre Chapman. Qu’il soit question du congédiement assurément injustifié des défendeurs par la Première nation Washagamis, ou de la conduite obstructive de la Première nation Washagamis et de son avocat, l’arbitre Chapman avait un motif plausible pour rejeter les demandes faites à la dernière minute par la Première nation Washagamis en vue d’obtenir une prorogation du délai.

 

[40]           Bien que je sois disposé à conclure que la Première nation Washagamis a une cause défendable, le fait qu’elle envisage de contester la décision procédurale de l’arbitre Chapman suscite un doute considérable. Si l’on ajoute à ce facteur le fait que la Première nation Washagamis ne dispose, au mieux, que d’une défense partielle contre les demandes de plusieurs des défendeurs, cela en amoindrit encore plus l’importance.

 

Dispositif

[41]           Après avoir pris en considération le critère relatif à la mesure de redressement que prévoit l’article 8 des Règles, je ne suis pas disposé à accorder à la Première nation Washagamis une prorogation afin qu’elle puisse déposer la demande de contrôle judiciaire qu’elle envisage. Si les lacunes de son avocat lui ont causé préjudice, elle dispose d’autres recours.

 

[42]           La requête est donc rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs d’un montant de 3 500 $, débours inclus.

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en prorogation du délai prévu pour déposer une demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs, d’un montant de 3 500 $, débours inclus.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        06-T-20

 

INTITULÉ :                                       PREMIÈRE NATION WASHAGAMIS DE KEEWATIN (ONTARIO)

                                                            c.

                                                            JEREMY LEDOUX ET AL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 27 OCTOBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Greg Rickford

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lori Bertoni

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Keshen Major

Kenora (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Carrel & Partners LLP

Thunder Bay (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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