Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20061107

Dossier : IMM-6264-05

Référence : 2006 CF 1335

ENTRE :

FARHAT NASIM HASHMI

IDRI MUHAMMAD ZUBAIR

HISHAM MUHAMMAD ZUBAIR

TAIMIYYAH IDREES ZUBAIR

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’audition le 24 octobre 2006, à Toronto, d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration le 30 septembre 2005 par laquelle il a refusé la demande de prorogation ou de rétablissement du statut de résidente temporaire ainsi que la demande de permis de travail présentées par les demandeurs pour le compte de Farhat Nasim Hashmi.

 

 

 

L’HISTORIQUE

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Pakistan. Farhat Nasim Hashmi (la demanderesse principale) est reconnue comme étant une érudite et une enseignante de renommée mondiale en études islamiques. Les autres demandeurs sont le mari et les enfants de la demanderesse.

 

[3]               La demanderesse principale a été invitée par l’Islamic Society of North America à venir donner une série de conférences au Canada.

 

[4]               Les demandeurs ont obtenu des visas de visiteur pour séjours multiples valides pour 12 mois afin de permettre à la demanderesse principale d’accepter l’invitation de l’Islamic Society of North America. Ils sont arrivés pour la première fois en juin 2004 et, à l’exception de la demanderesse principale qui a effectué une visite de trois semaines aux États-Unis, ils sont demeurés au Canada pendant huit semaines durant lesquelles la demanderesse principale s’est acquittée de son engagement auprès de l’Islamic Society of North America.

 

[5]               La demanderesse principale a été invitée, une fois de plus, par l’Islamic Society of North America, à donner d’autres conférences. Les demandeurs sont retournés au Canada en octobre 2004 et, une fois de plus, la demanderesse principale s’est acquittée de ses obligations envers l’Islamic Society of North America. Lors de leur deuxième visite, les demandeurs sont demeurés au Canada jusqu’au 7 janvier 2005. Avant de quitter le Canada à cette date, la demanderesse principale s’est vu offrir un emploi à temps plein au Canada, pour une durée d’un an, afin de poursuivre son travail religieux.

 

[6]               La demanderesse principale a demandé un permis de travail afin de pouvoir continuer à faire son travail religieux au Canada. Elle est retournée au Canada le 4 avril 2005, se fiant toujours à son visa de visiteur pour séjours multiples expirant en mai 2005. Elle fut informée au point d’entrée que sa demande de permis de travail avait été refusée. On lui a néanmoins permis d’entrer, et ce, pour une période d’un mois, encore une fois pour donner des conférences. Une deuxième demande de permis de travail au nom de la demanderesse principale a été soumise. C’est la décision relative à cette demande par laquelle on a rejeté la demande de permis de travail et la demande connexe de prorogation ou de rétablissement du statut de résidente temporaire, qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[7]               La demanderesse principale est demeurée au Canada à partir de son entrée le 4 avril 2005 jusqu'à la date d’audition de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

LE RÉGIME LÉGISLATIF ET LE RÉGIME RÉGLEMENTAIRE CONNEXE

[8]               Les paragraphes 18(1) et 30(1), les mots introductifs de l’article 32 et les alinéas 32a) et b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] sous‑tendent le régime réglementaire régissant l’entrée au Canada des personnes qui n’ont pas la citoyenneté canadienne et régissant les personnes inscrites comme Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens. Ces paragraphes sont ainsi libellés :

 

18. (1) Quiconque cherche à entrer au Canada est tenu de se soumettre au contrôle visant à déterminer s’il a le droit d’y entrer ou s’il est autorisé, ou peut l’être, à y entrer et à y séjourner.

18. (1) Every person seeking to enter Canada must appear for an examination to determine whether that person has a right to enter Canada or is or may become authorized to enter and remain in Canada.

[…]

30. (1) L’étranger ne peut exercer un emploi au Canada ou y étudier que sous le régime de la présente loi.

30. (1) A foreign national may not work or study in Canada unless authorized to do so under this Act.

[…]

32. Les règlements régissent l’application des articles 27 à 31, définissent, pour l’application de la présente loi, les termes qui y sont employés et portent notamment sur :

32. The regulations may provide for any matter relating to the application of sections 27 to 31, may define, for the purposes of this Act, the terms used in those sections, and may include provisions respecting

a) les catégories de résidents temporaires, notamment les étudiants et les travailleurs;

(a) classes of temporary residents, such as students and workers;

b) les critères de sélection applicables aux diverses catégories d’étrangers, et aux membres de leur famille, ainsi que les méthodes d’appréciation de tout ou partie de ces critères;

(b) selection criteria for each class of foreign national and for their family members, and the procedures for evaluating all or some of those criteria;

[…]

 

[9]               Le régime réglementaire connexe applicable à la demanderesse principale ainsi qu’aux membres de sa famille, est raisonnablement complexe. Les dispositions pertinentes de ce régime sont reproduites à l’annexe jointe aux présents motifs.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]           Devant la Cour, l’avocat a soumis deux questions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire : premièrement, la demanderesse principale, lorsqu’elle a été admise au Canada le 4 avril 2005, a‑t‑elle été admise à travailler au Canada sans permis de travail en vertu du paragraphe 186l) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), c’est‑à‑dire en tant que personne chargée d’aider une communauté ou un groupe à atteindre ses objectifs spirituels et dont les fonctions consistent principalement à prêcher une doctrine, à exercer des fonctions relatives aux rencontres de cette communauté ou de ce groupe ou à donner des conseils d’ordre spirituel, c’est‑à‑dire, en vertu du paragraphe 186l) du Règlement? Deuxièmement, l’agent d’immigration a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que la demanderesse principale n’était pas admissible à la prorogation et au rétablissement de son statut de résidente temporaire et à recevoir un permis de travail, compte tenu de sa demande déposée depuis le Canada en avril 2005?

 

L’ANALYSE

La norme de contrôle

[11]           Ce qui suit est une brève analyse pragmatique et fonctionnelle visant à décider quelle norme de contrôle s’applique aux deux questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[12]           Quant à savoir si la demanderesse est entrée au Canada le 4 avril 2005 pour travailler de la manière prévue à l’alinéa 186l) du Règlement, le premier facteur, la présence ou l’absence d’une clause privative, est neutre car aucune clause privative ne figure dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le deuxième facteur dont il faut tenir compte est l’expertise relative du décideur. En l’espèce, le décideur est un agent d’immigration qui n’a pas décidé si la demanderesse avait été admise en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement mais qui a plutôt décidé si la demanderesse avait été admise en vertu de ce Règlement par un autre agent d’immigration. Les agents d’immigration possèdent un degré élevé d’expertise lorsqu’il s’agit d’établir le statut d’une personne en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du Règlement. Ils ont notamment reçu une formation qui leur permet de filtrer les personnes qui cherchent à entrer au Canada et, par conséquent, possèdent une connaissance détaillée et précise du régime réglementaire pertinent. La Cour possède une expertise moins importante dans ce domaine que celle d’un agent d’immigration. Par conséquent, un degré élevé de retenu est justifié.

 

[13]           Le troisième facteur dont il faut tenir compte est l’objet du régime législatif et réglementaire. L’article 186 du Règlement traite notamment du cas où le résident temporaire peut travailler au Canada sans permis de travail. L’alinéa l) de cet article traite expressément du travail qui consiste à aider une communauté spirituelle. Il semblerait qu’il vise l’aide apportée à une communauté au Canada afin que celle‑ci puisse atteindre ses objectifs spirituels. À ce titre, il semble qu’il s’agisse d’une disposition polycentrique. Encore une fois, cette brève analyse penche en faveur d’un degré élevé de retenue à l’endroit de la décision de l’agent d’immigration en question.

 

[14]           Le dernier facteur dont il faut tenir compte est la nature du problème. Cette question soulève une conclusion de fait de la part de l’agent d’immigration. Il n’a pas eu à interpréter la loi pour arriver à sa conclusion. Il a plutôt déterminé si un autre agent d’immigration avait permis à la demanderesse d’entrer au Canada en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement. Une telle conclusion de fait commande un degré élevé de retenue à l’endroit de la décision du décideur.

 

[15]           Compte tenu de la brève analyse qui précède, je suis convaincu que la première question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire devrait être tranchée en faisant preuve d’un degré élevé de retenue à l’endroit de la décision de l’agent d’immigration, c’est‑à‑dire que la question en litige devrait être examinée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[16]           Quant à la deuxième question en litige, c’est‑à‑dire la question de savoir si la demanderesse principale remplissait les conditions requises pour l’obtention d’un permis de travail à la suite de sa demande présentée au Canada pour l’obtention de ce permis en avril 2005 et pour se voir accorder une prorogation ou un rétablissement de son statut de résidente temporaire, la brève analyse pragmatique et fonctionnelle qui suit s’applique.

 

[17]           Comme il a déjà été mentionné, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne comprend aucune clause privative. Par conséquent, ce facteur particulier est neutre.

 

[18]           Encore une fois, en ce qui a trait à la première question, les agents d’immigration possèdent une bonne expérience et une bonne expertise quant à décider qui remplit les conditions pour recevoir un permis de travail au Canada en vertu du régime législatif et réglementaire. Cela dit, ces décisions comportent une interprétation du droit, un domaine dans lequel la Cour possède une grande expertise. Par conséquent, j’estime que ce facteur est neutre.

 

[19]           Le paragraphe 200(1) du Règlement est obligatoire car il exige qu’un permis de travail soit délivré à un étranger si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’étranger a demandé un permis de travail de la manière appropriée, qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable et, au vu des faits de l’espèce, qu’il entend exercer un travail visé à l’article 205 du Règlement. Encore une fois, au vu des faits de l’espèce, il semble qu’il n’était pas nécessaire que l’on fasse passer un examen médical à la demanderesse principale. L’article 205 du Règlement semble souple en ce qui a trait à la délivrance d’un permis de travail relatif à un travail qui « […] permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents ou qui est d’ordre religieux ou charitable ». J’estime que le libellé contraignant de l’article 200 du Règlement l’emporte sur le libellé contraignant de l’article 205 si la demanderesse principale avait l’intention de faire du travail visé par les critères qui précèdent. Je considère que ce facteur est neutre.

 

[20]           Enfin, en ce qui a trait au facteur de la nature de la question, j’estime qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit car elle soulève la question de savoir si la demanderesse principale est visée par l’alinéa 205a) ou 205d) du Règlement. Ce facteur indique que l’on ne doit faire preuve que d’un degré limité de retenue.

 

[21]           Au vu de la brève analyse qui précède, je conclus que la norme de contrôle applicable à la deuxième question en litige dans la présente demande est la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

La demanderesse principale est‑elle entrée au Canada le 4 avril 2005 pour y travailler sans permis de travail en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement?

[22]           La preuve soumise à la Cour sur cette question est remarquablement insatisfaisante. Malheureusement, l’agent d’immigration qui a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle n’a soumis aucun affidavit qui aurait permis d’orienter la Cour. Par conséquent, la Cour ne peut que spéculer quant au raisonnement de l’agent lorsque celui‑ci a manifestement conseillé à la demanderesse principale de faire une demande de permis de travail à partir de l’extérieur du Canada. Ce fait, à lui seul, inciterait la Cour à conclure que la demanderesse principale, selon l’agent d’immigration, ne remplissait pas les conditions pour faire une demande de permis de travail depuis le Canada. Par contre, l’avocat qui a soumis la demande de permis de travail de la demanderesse principale ainsi que la demande de prorogation ou de rétablissement du statut de résidente temporaire de la demanderesse principale était manifestement d’avis que la demanderesse avait été admise à travailler au Canada sans permis de travail en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement et que, par conséquent, elle avait le droit de faire une demande de permis de travail depuis le Canada. La question de savoir si l’opinion de l’avocat à cet égard a été soumise à l’agent d’immigration qui a admis la demanderesse principale le 4 avril 2005 n’est qu’une pure spéculation. Cela dit, la demanderesse principale déclare dans un affidavit soumis à la Cour qu’elle a clairement fait savoir à l’agent d’immigration qui l’a admise le 4 avril qu’elle revenait au Canada pour donner à nouveau des conférences afin d’aider une communauté ou un groupe à atteindre ses objectifs spirituels et qu’elle ferait une demande de permis de travail afin de pouvoir continuer à accomplir cette tâche, moyennant rémunération, pendant une année complète.

 

[23]           Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs, ce n’était pas la première fois, le 4 avril 2005, que la demanderesse principale entrait au Canada. La demanderesse principale était déjà entrée plusieurs fois au Canada afin d’aider une ou des communautés à atteindre ses ou leurs objectifs spirituels. Dans ce contexte, je suis convaincu que l’agent d’immigration dont la décision fait l’objet du présent contrôle a commis une erreur susceptible de contrôle au regard de la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable, en concluant que la demanderesse principale n’a pas été admise au Canada le 4 avril 2005 afin de travailler sans permis de travail en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement.

 

L’agent d’immigration a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que la demanderesse principale n’était pas autorisée à recevoir un permis de travail?

[24]           Selon la preuve soumise à la Cour, il est clair que la demanderesse principale a fait une demande de permis de travail en avril 2005 afin de pouvoir accepter une offre d’emploi d’une durée d’un an dans le but de donner des cours d’enseignement aux femmes musulmanes et de mettre au point des cours en études islamiques. Son salaire, dans le cadre de cet emploi, devait être de 43 500 $, auquel devait s’ajouter [traduction] « […] tout ensemble d’avantages sociaux que la ISNA (l’Islamic Society of North America) fournit normalement à ses employés ».

 

[25]           Selon la preuve soumise à la Cour, l’agent d’immigration a considéré que le salaire et l’ensemble d’avantages sociaux qui seraient accordés à la demanderesse principale étaient plus qu’une [traduction] « petite indemnité de subsistance » au sens de la section 5.40 du Guide des travailleurs étrangers figurant à l’annexe jointe aux présents motifs et que, par conséquent, la demanderesse principale ne remplissait pas les conditions prévues dans le Guide quant à la délivrance d’un permis de travail relatif à un « travail religieux ou de bienfaisance ».

 

[26]           La définition de « travail » qui figure à l’article 2 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et qui figure également à l’annexe, définit ce mot, en partie, comme étant une « activité qui donne lieu au paiement d’un salaire ou d’une commission […] ». Ce salaire ou cette commission n’est pas limité de la manière prévue à la section 5.40 du Guide des travailleurs étrangers. Dans D’Souza c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[2], le juge MacKay a écrit ce qui suit aux pages 517 et 518 :

Le principe sur lequel les arguments de la requérante reposent est essentiellement le suivant : la procédure administrative décrite dans le Guide de l'emploi n'est pas autorisée par la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration. À mon avis, le critère à la lumière duquel la procédure doit être évaluée consiste à savoir si celle-ci est incompatible avec la Loi et le Règlement. Dans la mesure où ces directives internes ne sont pas incompatibles avec la Loi ou le Règlement, aucune objection sérieuse ne peut être soulevée à leur égard. S'il y a incompatibilité avec la Loi ou le Règlement ou si ces directives établissent une procédure qui entrave le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi, en l'occurrence, la Loi et le Règlement, ces derniers devront l'emporter.

 

Au vu des faits de l’espèce, je suis convaincu que la section 5.40 du Guide des travailleurs étrangers dans la mesure où il limite à une « […] petite indemnité de subsistance » la « rétribution » qu’un travailleur étranger qui fait un travail religieux ou un travail de bienfaisance peut recevoir, est incompatible avec la définition de « travail » qui figure à l’article 2 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, où le montant du salaire ou de la commission gagné pour une activité, religieuse ou de bienfaisance, n’est pas mentionné. Je suis convaincu que la définition du mot « travail » dans le Règlement, pour reprendre les mots du juge MacKay, doit l’emporter sur la restriction qui figure dans le Guide des travailleurs étrangers. En d’autres mots, la restriction particulière qui figure à la section 5.40 ne peut tout simplement pas prévaloir comme fondement du refus de délivrer un permis de travail à la demanderesse principale quant à un travail religieux ou de bienfaisance pour lequel elle recevrait un salaire de 43 500 $ par année, plus des avantages sociaux.

 

[27]           De plus, la demande soumise au nom de la demanderesse principale pour la délivrance d’un permis de travail et pour une prorogation ou un rétablissement de son statut de résidente temporaire reposait non seulement sur l’alinéa 205d) du Règlement, mais également sur l’alinéa 205a) du Règlement, c’est‑à‑dire sur le fondement non déraisonnable que l’emploi offert à la demanderesse au Canada pour une durée d’un an  permettrait « […] de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents ». Au vu de la preuve soumise à la Cour, ce motif particulier invoqué à l’appui de la demande de la demanderesse principale semble avoir été complètement ignoré.

 

[28]           Compte tenu de la brève analyse qui précède, je suis convaincu que, au regard de la norme de la décision raisonnable simpliciter, l’agent d’immigration, dont la décision fait l’objet du présent contrôle, a commis une erreur susceptible de révision en décidant de rejeter la demande de la demanderesse principale.

 

CONCLUSION 

[29]           La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision faisant l’objet du présent contrôle sera annulée et la demande de prorogation ou de rétablissement du statut de résidente temporaire ainsi que la demande de permis de travail présentées par la demanderesse principale en avril 2005 sont renvoyées au défendeur pour nouvel examen et nouvelle décision par un autre agent d’immigration.

 

[30]           À la fin de l’audition de la présente demande, l’avocat de la demanderesse n’a proposé aucune question à la certification. Bien que l’avocat du défendeur ait fait valoir qu’il y avait peut‑être, au vu des faits de l’espèce, une question grave de portée générale à certifier qui permettrait de trancher un appel interjeté à l’encontre de ma décision, il n’a proposé aucune question particulière. Je partage le point de vue de l’avocat de la demanderesse que la présente affaire repose entièrement sur des faits tout à fait exceptionnels, du moins selon mon expérience. Bien qu’il ne fasse aucun doute que les questions soulevées soient graves, du moins pour la demanderesse principale et sa famille, je ne puis concevoir que toute question qui pourrait être certifiée et qui permettrait de trancher un appel interjeté à l’encontre de ma décision serait de portée générale. Dans les circonstances, aucune question ne sera certifiée.

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 7 novembre 2006

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


 

 

ANNEXE

 

Le préambule de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés[3] (le Règlement) et la définition du mot « travail » figurant dans cet article sont ainsi libellés :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

2. The definitions in this section apply in these Regulations.

[…]

« travail  » Activité qui donne lieu au paiement d’un salaire ou d’une commission, ou qui est en concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanents sur le marché du travail au Canada.

“work” means an activity for which wages are paid or commission is earned, or that is in direct competition with the activities of Canadian citizens or permanent residents in the Canadian labour market.

[…]

 

Le préambule de l’article 186 du Règlement et l’alinéa l) de cet article sont ainsi libellés :

186. L’étranger peut travailler au Canada sans permis de travail :

186. A foreign national may work in Canada without a work permit

l) à titre de personne chargée d’aider une communauté ou un groupe à atteindre ses objectifs spirituels et dont les fonctions consistent principalement à prêcher une doctrine, à exercer des fonctions relatives aux rencontres de cette communauté ou de ce groupe ou à donner des conseils d’ordre spirituel;

(l) as a person who is responsible for assisting a congregation or group in the achievement of its spiritual goals and whose main duties are to preach doctrine, perform functions related to gatherings of the congregation or group or provide spiritual counselling;

[…]

 

L’article 196 du Règlement est ainsi libellé :

196. L’étranger ne peut travailler au Canada sans y être autorisé par un permis de travail ou par le présent règlement.

196. A foreign national must not work in Canada unless authorized to do so by a work permit or these Regulations.

 

Le préambule de l’article 199 du Règlement et l’alinéa b) de cet article sont ainsi libellés :

199. L’étranger peut faire une demande de permis de travail après son entrée au Canada dans les cas suivants :

199. A foreign national may apply for a work permit after entering Canada if they

[…]

b) il travaille au Canada au titre de l’article 186 et n’est pas un visiteur commercial au sens de l’article 187;

(b) are working in Canada under the authority of section 186 and are not a business visitor within the meaning of section 187;

[…]

           

Le sous‑alinéa 200(1)c)(ii) du Règlement est ainsi libellé :

200. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

200. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

[…]

c) il se trouve dans l’une des situations suivantes :

(c) the foreign national

[…]

ii) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205,

ii) intends to perform work described in section 204 or 205, or

[…]

 

            Le préambule de l’article 205 du Règlement et les alinéas a) et d) de cet article sont ainsi libellés :

205. Un permis de travail peut être délivré à l’étranger en vertu de l’article 200 si le travail pour lequel le permis est demandé satisfait à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

205. A work permit may be issued under section 200 to a foreign national who intends to perform work that

a) il permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents;

(a) would create or maintain significant social, cultural or economic benefits or opportunities for Canadian citizens or permanent residents;

[…]

d) il est d’ordre religieux ou charitable.

(d) is of a religious or charitable nature.

           

La section 5.40 du Guide des travailleurs étrangers de Citoyenneté et Immigration Canada, laquelle a trait au travail religieux et de bienfaisance, est pertinente quant à ce qui précède et particulièrement quant à l’alinéa 205d) du Règlement et quant à la définition du mot « travail » figurant à l’article 2 du Règlement. Cet article est en partie libellé comme suit :

R205 (d) s’applique aux travailleurs dans les domaines religieux et de bienfaisance qui assument des fonctions religieuses pour un organisme religieux ou de bienfaisance canadien. Il ne s’applique pas aux employés d’organismes religieux qui entrent pour prêcher une doctrine ou être au service d’une congrégation; ceux‑ci peuvent faire une demande en vertu du R1861).

_________________________________________________________

Note

Un organisme sans but lucratif n’est pas nécessairement un organisme de bienfaisance. Ce dernier a le mandat de lutter contre la pauvreté ou d’offrir des services à la collectivité ou à des établissements religieux ou d’enseignement. Un demandeur est considéré comme faisant un travail religieux ou de bienfaisance lorsqu’il répond aux conditions suivantes :

·         La personne ne touche aucune rétribution, à l’exception d’une petite indemnité de subsistance;

[…]


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6264-05

 

INTITULÉ :                                                   FARHAT NASIM HASHMI

                                       IDRI MUHAMMAD ZUBAIR

                                       HISHAM MUHAMMAD ZUBAIR

                                       TAIRMIYYAH IDREES ZUZBAR

                                       c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 24 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 7 NOVEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

Robert Bafaro

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

Date : 20061107

Dossier : IMM-6264-05

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

 

ENTRE :

FARHAT NASIM HASHMI

IDRI MUHAMMAD ZUBAIR

HISHAM MUHAMMAD ZUBAIR

TAIMIYYAH IDREES ZUBAIR

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire est annulée et la demande de permis de travail présentée par Farhat Nasim Hashmi ainsi que la demande de prorogation ou de rétablissement du statut de résidente temporaire présentée par les demandeurs sont renvoyées au défendeur pour nouvel examen et nouvelle décision par un autre agent.

            Aucune question n’est certifiée.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] [1991] 1 C.F. 505 (C.F. 1re inst.).

[3] DORS/2002-227.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.