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Date : 20061108

Dossier : T-432-05

Référence : 2006 CF 1343

ENTRE :

IPL INC.

 demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

 

HOFMANN PLASTICS CANADA INC.

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une requête de la défenderesse et demanderesse reconventionnelle Hofmann Plastics Canada Inc. (ci-après Hofmann Plastics) sous la règle 107 des Règles des Cours fédérales (les règles) afin que la Cour ordonne essentiellement la scission de l’instance pour que la question de la contrefaçon et de la validité du brevet 225 soit décidée d’abord et que la question des profits potentiellement réalisés par Hofmann Plastics soit tranchée dans une instance séparée advenant que la Cour conclue à la validité du brevet et à sa contrefaçon.

 

[2]               La règle 107, dans sa partie pertinente, se lit comme suit :

    107. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

    107. (1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.

 

Contexte

[3]               Tel que la Cour a eu à l’indiquer dans une décision interlocutoire récente rendue dans le présent dossier (voir 2006 CF 1085), ce dernier dossier implique une action de la part de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle (ci-après IPL) en contrefaçon de brevet ‘225 et, en retour, une demande reconventionnelle de la part de Hofmann Plastics en invalidité de ce dernier brevet.

 

[4]               Il ressort que le brevet ‘225 porte sur un couvercle et un contenant munis d’un système particulier selon lequel une petite partie du contenant se casse et se détache afin de faciliter l’ouverture du couvercle, le tout de façon à permettre à l’utilisateur de voir facilement que le couvercle a été ouvert et que le contenu a peut-être été altéré.

 

[5]               Il appert également qu’il est possible de voir, à ce stade-ci du moins, que le brevet en litige comporterait les éléments essentiels suivants, soit une combinaison :

a.       du couvercle,

b.      du contenant,

c.       du mécanisme qui retient le couvercle au contenant,

d.      du mécanisme qui permet visuellement de vérifier si le contenant a été ouvert et si son contenu est intact.

 

[6]               Tôt dans le débat et avant donc la production des affidavits de documents et la tenue des interrogations au préalable, IPL a choisi d’opter pour les profits qu’a pu engranger Hofmann Plastics.

 

Analyse

[7]               Face à une requête telle la présente, le test à appliquer est celui formulé par la Cour dans l’arrêt Illva Saronno S.p.A c. Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior » (1re inst.), [1999] 1 C.F. 146, (ci-après l’arrêt Saronno) en page 154, paragraphe 14, où la Cour établit que :

Par conséquent, compte tenu des décisions qui ont été rendues et des modifications qui ont été apportées par les Règles de 1998, je formulerais le critère à appliquer en vertu de la règle 107 comme suit: dans le cadre d'une requête présentée en vertu de la règle 107, la Cour peut ordonner l'ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l'instruction concernant la question de la responsabilité n'auront pas eu lieu, si elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l'affaire (y compris la nature de la demande, le déroulement de l'instance, les questions en litige et les redressements demandés), la disjonction permettra fort probablement d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

 

 

[8]               Pour les raisons qui suivent, j’ai décidé que Hofmann Plastics ne s’était pas acquittée ici de l’obligation qui lui incombait d’établir selon la prépondérance des probabilités que la possibilité d’effectuer des économies de temps et d’argent et d’apporter une solution juste au litige est telle qu’est justifiée une dérogation au principe général voulant que toutes les questions qui se posent dans une instance soient examinées ensemble.

 

[9]               Hofmann Plastics avance essentiellement deux grands éléments pour soutenir l’octroi de sa requête.

 

[10]           Elle soutient d’une part qu’une évaluation de la validité du brevet ‘225 permet de conclure aisément à ce stade-ci que le dit brevet est invalide parce qu’anticipé par quelque cinq (5) brevets américains. Partant, il y aurait lieu ici de scinder l’instance puisque l’étape de la reddition des profits ne prendra jamais place vu qu’Hofmann Plastics sera victorieuse à l’étape de la responsabilité en obtenant que le brevet ‘225 soit déclaré invalide.

 

[11]           D’autre part, Hofmann Plastics soutient que la détermination des profits présente des difficultés qui militent en faveur de la scission de l’instance.

 

[12]           Quant à l’invalidité alléguée du brevet ‘225, je ne considère pas que l’on puisse conclure qu’Hofmann Plastics ait établi par prépondérance de preuve que c’est là une conclusion que la Cour puisse tirer à ce stade-ci même pour les fins de cette requête sous la règle 107.

 

[13]           En effet, le contre-interrogatoire conduit par IPL à l’encontre du témoignage apporté par l’ingénieur James D. Sykes au soutien de la thèse d’invalidité mise de l’avant par Hofmann Plastics tend à démontrer, tel que les représentations écrites d’IPL le soutiennent, qu’il existe en bout de course des différences certaines entre le brevet ‘225 et ses comparables américains au niveau de la dynamique qui peut exister dans le fonctionnement du couvercle, du contenant et du mécanisme qui retient le couvercle au contenant.

 

[14]           Il est difficile pour la Cour à ce stade-ci de conclure en faveur de la thèse soutenue par l’une ou l’autre des parties au dossier. Toutefois, sans un débat éclairé d’experts à ce niveau, je ne puis conclure qu’Hofmann Plastics s’est déchargée de son fardeau de preuve au soutien de sa thèse d’invalidité.

 

[15]           Aux fins de cette conclusion, je ne considère pas que dans son exercice d’appréciation de la validité du brevet en litige, la procureure d’IPL se devait, face à M. Sykes lors de son contre-interrogatoire, de suivre l’approche d’avertissement ou de prévention développée dans l’arrêt Browne v. Dunn (1893), 6 L.R. 67 (H.L) et à laquelle réfère la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Lyttle [2004] 1 R.C.S. 193, en pages 212-13.

 

[16]           IPL, face à M. Sykes, ne cherche pas à contredire une narration ou une description de faits précis. IPL cherche simplement à établir dans le cadre d’une requête que la situation de validité n’est peut-être pas aussi certaine que les vues de Hofmann Plastics.

 

[17]           Je ne considère pas également que dans le cadre de la présente requête, IPL se devait pour tenter de contrer l’opinion de M. Sykes de produire elle-même une preuve d’expert d’une personne versée dans l’art. Une requête sous la règle 107 n’est pas l’instruction au mérite ni même une requête pour jugement sommaire.

 

[18]           En ce qui a trait à la reddition des profits et à la complexité ici de les établir, Hofmann Plastics et IPL ont chacune soumises un affidavit sur cet aspect. Dans le cas d’Hofmann Plastics, il s’agit du témoignage de son vice-président, soit Paul Kalia. Dans le cas de IPL, il s’agit du témoignage d’un comptable agréé, soit André Giroux.

 

[19]           Tel que relaté dans le passé (voir 2006 CF 1085 aux paragraphes [6] à [9]) :

[6]        (…). Dans son affidavit, M. Kalia cherche à établir dans les sept premiers paragraphes de son affidavit que Hofmann Plastics manufacture en commun une vaste gamme de produits; production qui inclut, mais sans y être limitée, des produits allégués contrefacteurs. Il ressort des allégations de M. Kalia qu’il est très difficile, voire impossible d’isoler les divers paramètres de production ainsi que les coûts reliés uniquement aux produits dits contrefacteurs.

 

[7]        Ainsi au paragraphe 8 de son affidavit, M. Kalia conclut :

 

In view of what I set out above, for at least the following types of expenses it would be extremely difficult or impossible to separate out the costs that were specifically associated with tamper-evident pails and containers, and even more difficult to separate out the costs associated with a specific line of tamper-evident pails and containers : (…)

 

[8]        On peut tenir que le but général de cet affidavit est d’établir qu’il sera impossible ou très difficile de faire la preuve des profits qui seraient reliés uniquement aux produits contrefacteurs.

 

[9]        Le 15 août 2006, M. Kalia fut contre-interrogé sur son affidavit.

 

 

[20]           Au terme de cet interrogatoire, la version de M. Kalia se maintenait.

[21]           Toutefois, à l’encontre de cette version des choses, IPL a produit l’affidavit de M. Giroux.

[22]           Ce dernier appert être comptable agréé depuis plus de trente (30) ans et posséder une expérience certaine dans l’évaluation de biens et stocks d’entreprises manufacturières.

[23]           M. Giroux, après avoir étudié l’affidavit de Paul Kalia, conclut au paragraphe 20 de son affidavit qu’il est :

20.       (…) en désaccord avec la conclusion de Paul Kalia au paragraphe 8 de son affidavit à l’effet qu’il est extrêmement difficile et même impossible de séparer les frais associés à la fabrication de contenants « tamper evident » ou de façon spécifique à divers types de contenants « tamper evident ».

 

[24]           Pour en arriver à tirer cette conclusion, M. Giroux énonce ce qui suit aux paragraphes 12 et 13 de son affidavit :

12.              À la lecture de l’affidavit de Paul Kalia et à la lumière des explications de Me Alain Y. Dussault, j’en arrive à la conclusion que les salaires des employés, les frais d’entreposage, le loyer, les coûts de la machinerie et de réparation de cette machinerie et les frais de bureau ne sont pas directement attribuables à la fabrication et la mise en marché de contenants « tamper evident ». Je comprends donc qu’ils ne seraient jamais pris en considération par le tribunal comme déduction admissible dans le cadre d’une reddition de profits.

 

13.              Dans l’éventualité où les coûts décrits au paragraphe 8 de l’affidavit étaient qualifiés de coûts directs par le tribunal, je serais en mesure d’estimer ces coûts sans difficultés et de les répartir par type de contenant « tamper evident ».

 

 

[25]           Je dois dire ici que ces allégations de M. Giroux emportent mon accord pour les fins de la présente adjudication. Le contre-interrogatoire qu’il a subi le 10 octobre 2006 ne retranche rien à la force de ces allégations. Le fait que M. Giroux prenne en compte des principes et éléments que lui a communiqué un des procureurs d’IPL et le fait qu’il n’aie pas, dans le passé, procédé à une reddition de profits ne sont pas, dans les présentes circonstances, des aspects qui affectent selon moi le poids à donner à ce stade-ci à son témoignage.

 

[26]           Je ne considère donc pas également que sur cet aspect de complexité d’établir les profits, l’on doive considérer que Hofmann Plastics s’est déchargée de son fardeau de preuve.

 

[27]           Partant, cette requête d’Hofmann Plastics sous la règle 107 sera rejetée, le tout frais à suivre.

 

[28]           Quand à la modification de l’échéancier établi dans mon ordonnance du 14 juin 2006, les parties verront à s’entendre sur cet aspect et à me transmettre dans les quinze (15) jours de la date de l’ordonnance accompagnant les présents motifs, un nouvel échéancier sous forme d’un projet d’ordonnance.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

 


 

 

Date : 20061108

Dossier : T-432-05

Montréal (Québec), le 8 novembre 2006

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

IPL INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

HOFMANN PLASTICS CANADA INC.

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE

Cette requête d’Hofmann Plastics sous la règle 107 est rejetée, le tout frais à suivre.

Quand à la modification de l’échéancier établi dans mon ordonnance du 14 juin 2006, les parties verront à s’entendre sur cet aspect et à me transmettre dans les quinze (15) jours de la date de la présente ordonnance, un nouvel échéancier sous forme d’un projet d’ordonnance.

 

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-432-05

 

INTITULÉ :                                       IPL INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

                                                            c.

 

                                                            HOFMANN PLASTICS CANADA INC.

défenderesse

demanderesse reconventionnelle

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 octobre 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Julie Desrosiers

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Andy Radhakant

 

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

FASKEN MARTINEAU DuMOULIN

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

HEENAN BLAIKIE LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

 

 

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