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Date : 20061108

Dossier : T-831-06

Référence : 2006 CF 1345

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

 

 

ENTRE :       

ROBERT LAVIGNE

demandeur

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES et ROBERT PEPIN

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Robert Lavigne est un employé de Postes Canada à Montréal et il est membre du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le Syndicat). Il s'adresse à notre Cour pour obtenir réparation contre Postes Canada et son directeur, Robert Pepin, contre lesquels il a formulé diverses allégations. Je ne suis toutefois pas appelé à me prononcer sur le bien-fondé de l'une ou l'autre des allégations de M. Lavigne, mais bien sur la question de savoir si la Cour fédérale a compétence pour instruire l'affaire, ce que les défendeurs nient.

 

[2]               Dans sa déclaration, M. Lavigne accuse les défendeurs de négligence, d'actes illégaux et de harcèlement. Il affirme aussi que Postes Canada a contrevenu à la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.), et il ajoute que les deux défendeurs ont violé la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50. Il réclame au total 330 000 $ à titre de réparation.

 

[3]               Ces allégations font suite à une série de conflits survenus dans le cadre de l'emploi de M. Lavigne après qu'il eut pris un congé d'invalidité en 2003. On a diagnostiqué chez lui un trouble panique avec agoraphobie.

 

Contrat intervenu entre Postes Canada et la Sun Life

[4]               Lorsqu'il a repris le travail en octobre 2004, M. Lavigne recevait des prestations d'invalidité de la Sun Life, l'assureur de Postes Canada. Lorsque la Sun Life a annulé ces prestations en 2005, M. Lavigne a demandé à Postes Canada de lui permettre de prendre connaissance d'une copie du contrat d'assurance conclu avec la Sun Life. Postes Canada a refusé, d'où les accusations de négligence et d'actes illégaux que formule M. Lavigne. Il demande à la Cour de condamner Postes Canada à lui payer 25 000 $ à titre de dommages‑intérêts pour perte de jouissance de la vie et 25 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs.

 

Traduction de documents

[5]               Pour tenter de résoudre la question de l'annulation de ses prestations d'invalidité, M. Lavigne a demandé à Postes Canada de traduire du français à l'anglais certains documents versés à son dossier médical personnel. M. Lavigne affirme qu'en refusant sa demande, Postes Canada a contrevenu à l'alinéa 36(1)a) de la Loi sur les langues officielles, qui oblige toutes les institutions fédérales à fournir à leur personnel, dans les deux langues officielles, tant les services qui leur sont destinés que la documentation et le matériel d’usage courant et généralisé. M. Lavigne réclame à cet égard de Postes Canada 10 000 $ à titre de dommages intérêts pour perte de jouissance de la vie et 20 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs.

 

Accusations de harcèlement

[6]               Suivant M. Lavigne, le problème de harcèlement remonte à une rencontre qui a eu lieu en février 2006, au cours de laquelle il a expliqué à M. Pepin que son invalidité l'empêchait de travailler la fin de semaine. Il a expliqué que l'autobus qui lui permet de se rendre directement de son domicile à l'usine de Postes Canada où il travaille ne circule que la semaine et que la perspective d'emprunter un trajet moins direct déclencherait chez lui une anxiété grave, voire des crises de panique. Il a aussi affirmé que prendre un taxi lui coûterait tout simplement trop cher.

 

[7]               Après cette rencontre, M. Lavigne a quand même été affecté à des quarts de travail de fin de semaine, ce qui a donné lieu à plusieurs altercations avec M. Pepin et d'autres superviseurs de Postes Canada. Le scénario était habituellement le suivant : M. Lavigne ne se présentait pas au travail ou, invoquant son invalidité, il refusait d'exécuter une tâche précise. Lorsqu'on le réprimandait ou l'interrogeait, il mentionnait la rencontre de février 2006 et soutenait que les défendeurs étaient déjà au courant de ses contraintes médicales. Il soutient que ce traitement constitue du harcèlement, ce qui est contraire à la convention collective intervenue entre les parties. Il croit que les défendeurs sont en train de monter un dossier contre lui et qu'ils prévoient le congédier à plus ou moins brève échéance.

 

[8]               M. Lavigne affirme que M. Pepin devrait être personnellement condamné à lui verser 25 000 $ à titre de dommages‑intérêts pour perte de jouissance de la vie et 50 000 $ en dommages‑intérêts punitifs. Il fait valoir que Postes Canada a engagé sa responsabilité du fait d'autrui par suite du harcèlement dont il se dit victime et de son défaut d'ouvrir une enquête au sujet de ce présumé harcèlement, d'établir un rapport à ce sujet et de mettre fin au harcèlement. Il invoque les mêmes chefs et réclame les mêmes montants de dommages‑intérêts contre Postes Canada, ainsi que 100 000 $ pour manquement à ses obligations fiduciaires.

 

[9]               M. Lavigne reconnaît l'existence de la convention collective signée avec le Syndicat, mais affirme qu'il ne peut pas recourir à la procédure de règlement des griefs qui y est prévue parce qu'il a déjà porté plainte contre le Syndicat devant la Commission canadienne des droits de la personne, qui n'a pas encore tranché cette plainte. Il affirme, par conséquent, que le Syndicat ne pourrait pas le représenter de façon impartiale dans le cadre d'un grief visant les défendeurs et que son seul recours est de s'adresser à la Cour.

 

[10]           De façon générale, voici les réparations que M. Lavigne réclame dans l'action principale :

•           ordonner à Postes Canada de lui fournir une copie de la police d'assurance‑invalidité qu'elle a conclue avec la Sun Life;

•           ordonner à Postes Canada de lui fournir une traduction anglaise des documents en français qui se trouvent dans son dossier médical;

•           ordonner aux deux défendeurs de lui faire parvenir une lettre d'excuse et d'afficher cette lettre à l'établissement Léo‑Blanchette pendant 180 jours;

·        condamner les défendeurs à une somme totale de 330 000 $ à titre de dommages‑intérêts.

 

[11]           Évidemment, aucune de ces questions ne m'est directement soumise. Ma tâche consiste à décider si la Cour a compétence pour statuer sur le fond des prétentions des parties. Gardant cette précision à l'esprit, je vais maintenant examiner les questions en jeu dans la présente requête.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           En tant qu'employé syndiqué, M. Lavigne est assujetti aux dispositions de la convention collective conclue entre le Syndicat et Postes Canada. Il me faut donc déterminer si les prétentions de M. Lavigne relèvent de la compétence exclusive de l'arbitre en droit du travail, échappant ainsi à la compétence de la Cour fédérale. Dans l'affirmative, le seul recours de M. Lavigne consiste à faire valoir ses droits en suivant la procédure de règlement des griefs et d'arbitrage prévue par la convention collective. Pour résoudre cette question, je vais citer abondamment l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929 [Weber], dans lequel la Cour suprême a adopté le modèle de la compétence exclusive comme cadre approprié pour régir les conflits de travail.

 

[13]           Deuxièmement, je vais appliquer le critère général utilisé pour déterminer la compétence législative et constitutionnelle de la Cour fédérale. Il est bien connu sous le nom de « critère de l'arrêt ITO », c'est‑à‑dire le critère qui a été établi dans l'arrêt ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752 [ITO]. Même si les arguments de M. Lavigne satisfont à l'analyse de l'arrêt Weber, ils doivent aussi respecter le critère de l'arrêt ITO, car la Cour ne peut pas se déclarer compétente pour statuer sur une affaire qui ne satisfait pas également au critère de l'arrêt ITO.

 

[14]           M. Lavigne a demandé à la Cour de rendre une injonction interdisant aux défendeurs de l'affecter à des quarts de travail de fin de semaine. À mon sens, je ne puis aborder cette question qu'après avoir conclu que la Cour a compétence en l'espèce. Si la Cour ne peut connaître de l'action principale, elle ne peut connaître non plus de la demande d'injonction.

 

Voici donc les questions en litige :

            1.         Le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, et la convention collective conclue entre les parties ont-ils pour effet de rendre la Cour incompétente du fait qu'ils accordent aux arbitres du travail la compétence exclusive pour examiner les prétentions de M. Lavigne?

            2.         À titre subsidiaire, le critère de l'arrêt ITO a-t-il pour effet de rendre la Cour incompétente pour des motifs législatifs et constitutionnels?

            3.         Si la Cour a effectivement compétence selon l'un ou l'autre de ces critères, M. Lavigne a-t-il droit à une injonction interdisant aux défendeurs de l'affecter à des quarts de travail de fin de semaine?

 

ANALYSE

[15]           Nous sommes appelés à nous prononcer sur la même question que celle que la Cour suprême a abordée dans l'arrêt Weber, précité, au paragraphe 37 : Dans quels cas une loi sur les relations du travail qui prévoit une clause d'arbitrage exécutoire empêche-t-elle les employeurs et employés d'intenter une action en justice les uns contre les autres? Comme l'arrêt Weber est généralement reconnu comme l'arrêt de principe en matière de compétence en droit du travail, je vais en rappeler les enseignements les plus importants. La Cour suprême a cité et approuvé ces enseignements à plusieurs reprises, notamment dans l'arrêt récent Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666, 2006 CSC 19 [Bisaillon].

 

[16]           Dans l'arrêt Weber, un employé avait déposé des griefs contre son employeur, Ontario Hydro, qui avait embauché des détectives privés pour vérifier s'il abusait de ses congés de maladie. Il avait toutefois également intenté une action en justice fondée sur la responsabilité civile délictuelle et sur la Charte canadienne des droits et libertés. Ontario Hydro a réussi à faire radier l'action en justice.

 

[17]           Dans l'arrêt Weber, la Cour suprême a adopté le modèle de la compétence exclusive de l'arbitre en droit du travail. Suivant ce modèle, les litiges qui résultent expressément ou implicitement de la convention collective doivent être tranchés par voie d'arbitrage et ils échappent, par définition, aux tribunaux (Weber, précité, aux paragraphes 50 et 54).

 

[18]           La Cour a rejeté deux autres modèles qui, jusqu'à l'arrêt Weber, laissaient planer des doutes au sujet de l'importance du rôle des tribunaux en matière de conflits de travail. Premièrement, la Cour a écarté le modèle de la concomitance suivant lequel les mêmes faits peuvent donner lieu à un arbitrage indépendant et à une action en justice, selon la nature des questions soulevées. Deuxièmement, la Cour a rejeté le modèle du chevauchement de compétence, suivant lequel une action peut être intentée si elle soulève des questions qui débordent l'objet traditionnel des clauses d'arbitrage prévues dans les conventions collectives.

 

[19]           La Cour a expliqué les avantages que comporte le recours au modèle de la compétence exclusive au paragraphe 58 de l'arrêt Weber, précité :

[…] le modèle de la compétence exclusive est tout à fait conforme au libellé du par. 45(1) de la Loi sur les relations de travail et il concorde avec la position adoptée par notre Cour dans St. Anne Nackawic. En outre, il exauce le souhait que la procédure de règlement de litige établie par les diverses lois sur les relations du travail au pays ne soit pas doublée ou minée par des actions concomitantes. Il obéit à une tendance de plus en plus forte à faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la procédure d'arbitrage et de grief et à reconnaître des restrictions corrélatives aux droits des parties d'intenter des actions en justice qui sont parallèles ou se chevauchent : voir Ontario (Attorney‑General) c. Bowie, (1993), 110 D.L.R. (4th) 444 (C. div. Ont.), le juge O'Brien.

 

[20]           La Cour suprême a également confirmé le cadre analytique approprié pour déterminer si un conflit de travail relève de la compétence exclusive de l'arbitre. Au paragraphe 52 de l'arrêt Weber, précité, la Cour a écrit : « Il s'agit, dans chaque cas, de savoir si le litige, dans son essence, relève de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution de la convention collective. »

 

[21]           Pour ce qui est de la détermination de l'« essence » du conflit, la Cour a bien précisé que la question pertinente est de savoir si les faits entourant le litige qui oppose les parties résultent de la convention collective. On fait fausse route en axant cette analyse sur la qualification juridique du litige (Weber, précité, au paragraphe 43).

 

[22]           L'analyse à laquelle la Cour s'est livrée dans l'arrêt Weber a donc donné lieu à l'élaboration d'une série de principes généraux qui régissent les conflits de travail :

            1.         L'arbitre des griefs a compétence exclusive sur les litiges qui résultent expressément ou implicitement d'une convention collective.

            2.         Les tribunaux font preuve de retenue lorsqu'ils évaluent si un litige déterminé résulte de la convention collective.

            3.         L'analyse permettant de savoir si un différend relève, dans son essence, de la convention collective, se fait en deux étapes :

                        a.          Les tribunaux déterminent l'essence du litige en examinant l'ensemble des faits entourant le litige plutôt que la nature juridique du litige (Bisaillon, précité, au paragraphe 31);

                        b.         Ils vérifient ensuite si le contexte factuel entre implicitement ou explicitement dans le champ d'application de la convention collective (Bisaillon, précité, au paragraphe 32).

 

Application des principes de l'arrêt Weber à la présente espèce

« … ou toute autre voie … »

[23]           À titre préliminaire, M. Lavigne soutient qu'il y a lieu d'établir une distinction entre l'arrêt Weber, précité, et la présente espèce. La disposition qui était en litige dans l'arrêt Weber, le paragraphe 45(1) [maintenant le paragraphe 48(1)] de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. L.2, est semblable – mais pas identique – au paragraphe 57(1) du Code canadien du travail. En particulier, seul le texte de loi fédéral contient l'expression « ou toute autre voie » : « Est obligatoire dans la convention collective la présence d’une clause prévoyant le mode — par arbitrage ou toute autre voie — de règlement définitif, sans arrêt de travail […] » Le texte intégral de ces dispositions est reproduit à l'annexe qui se trouve à la suite des présents motifs.

 

[24]           M. Lavigne affirme que cette différence de libellé permet de donner compétence à la Cour fédérale. Selon lui, les mots « ou toute autre voie » laissent entendre que la Cour peut être considérée comme une solution de rechange à l'arbitrage.

 

[25]           Je ne puis accepter cet argument, au risque d'aller à l'encontre d'une jurisprudence constante qui a été élaborée au fil des ans en droit du travail et qui a réaffirmé l'importance des principes dégagés dans l'arrêt Weber, précité. Je ne peux tout simplement pas écarter ces principes lorsque j'interprète le paragraphe 57(1). Ces principes forment la trame du droit du travail au Canada et mon interprétation de tout aspect du Code canadien du travail doit s'en inspirer. J'estime qu'un libellé aussi indirect ne suffit pas à donner compétence à la Cour fédérale.

 

[26]           Avant de clore le débat sur cette question, je tiens à dire quelques mots au sujet de l'arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Travailleurs unis des transports, [1979] 1 C.F. 609, de la Cour d'appel fédérale. Dans cette affaire, la Cour devait décider qui avait compétence pour trancher un conflit de travail. La Cour a finalement statué que les parties avaient soumis à l'arbitrage les contestations pouvant s'élever entre elles, mais le juge William Ryan a néanmoins discuté du sens de l'article 155 du Code canadien du travail – le prédécesseur du paragraphe 57(1) :

38     L'article 155 établit un mode de règlement définitif, sans arrêt du travail, pour tout litige survenu en vertu des conventions collectives. Toute convention doit contenir une disposition relative au règlement définitif des conflits des genres spécifiés au paragraphe (1). Les parties à la convention sont ainsi tenues de prévoir des dispositions pour un règlement définitif par arbitrage ou par quelque autre moyen, faute de quoi (peut-être par suite du défaut, commis de bonne foi, de choisir une méthode), la Commission elle-même prendra ces dispositions à la demande de l'une des parties, et lesdites dispositions seront parties intégrantes des conventions collectives. C'est dans ce contexte qu'il faut déterminer l'effet du dernier membre de phrase de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale. A mon avis, le choix fait dans ce cas par les parties, à savoir l'arbitrage comme moyen de règlement définitif, constitue une attribution spéciale de compétence pour déterminer les litiges soulevés dans la présente action.

 39      Il est vrai que les parties auraient pu choisir une autre méthode, comme elles auraient pu n'en choisir aucune et, en conséquence, le Conseil canadien des relations du travail aurait pu être obligé de fournir une disposition de règlement définitif à la demande d'une partie. Bien entendu, je reconnais que le Conseil n'est tenu de le faire que sur demande de l'une des parties. Cependant, le paragraphe 155(1) requiert que toute convention collective fournisse une méthode de règlement définitif sans arrêt du travail, et les parties à la convention ont choisi l'arbitrage comme méthode. Il n'est pas nécessaire de se demander ce qu'aurait été la situation si elles ne l'avaient pas fait. [Non souligné dans l'original.]

 

[27]           Il semble donc que la Cour a reconnu que les parties peuvent « se soustraire » à l'arbitrage en optant pour une autre méthode pour résoudre leurs différends. M. Lavigne affirme que c'est précisément ce que le Syndicat et Postes Canada ont fait en l'espèce, en choisissant de soumettre à la Cour fédérale les litiges qui pourraient survenir entre eux. M. Lavigne affirme qu'on en trouve la preuve à deux endroits dans la convention collective :

            1.         à l'annexe N, où est expliquée la procédure d'appel à suivre dans le cadre du régime d'assurance-invalidité prévu par la convention collective;

            2.         à l'article 56.08, qui porte sur le droit de l'employé qui a fait l'objet de harcèlement de réclamer une indemnité en vertu de la common law ou de toute loi applicable.

 

[28]           Cet argument est mal fondé pour plusieurs raisons. Premièrement, l'arrêt de la Cour fédérale est antérieur à l'arrêt Weber, précité, de la Cour suprême et il faut en tenir compte lorsqu'on interprète l'expression « ou toute autre voie ». Deuxièmement, on ne sait pas avec certitude si le juge Ryan songeait à la possibilité pour les parties de soumettre un différend à la Cour lorsqu'il a évoqué le fait qu'elles auraient pu choisir « une autre méthode ». Il faisait peut-être simplement allusion aux modes de règlement extrajudiciaire des conflits, comme la médiation ou la conciliation. Mais même si j'étais disposé à accepter que l'expression « ou toute autre voie » que l'on trouve au paragraphe 57(1) pourrait conférer aux parties le droit de s'adresser aux tribunaux judiciaires comme autre moyen de régler leurs différends, aucun des deux articles de la convention collective invoqués par M. Lavigne n'appuie une telle conclusion. Ces articles sont tellement précis et spécifiques qu'on ne pourrait pas les interpréter comme l'expression d'une volonté des parties d'exclure la compétence exclusive de l'arbitre.

 

[29]           L'annexe N de la convention collective porte sur le traitement des demandes de prestations d'invalidité. Bien que M. Lavigne ait formulé de nombreuses réclamations, aucune n'est fondée sur le régime d'assurance-invalidité de Postes Canada. En fait, M. Lavigne réclame une copie du contrat que Postes Canada a signé avec la Sun Life. Il est donc inutile de débattre de la possibilité de saisir la Cour d'une telle demande.

 

[30]           L'article 56.08 porte sur le droit de l'employé qui a fait l'objet de harcèlement de réclamer une indemnité en vertu de la common law ou de toute loi applicable. Rien dans cet article ne permet expressément à l'employé qui s'estime lésé de chercher à obtenir réparation devant un tribunal judiciaire et, d'ailleurs, Postes Canada a soutenu de façon convaincante que cet article porte sur les droits substantiels de l'employé lésé et non sur l'autorité devant laquelle il doit porter ses griefs.

 

[31]           Pris globalement, l'annexe N et l'article 56.08 de la convention collective semblent offrir diverses options aux arbitres chargés de trancher les différends opposant l'employeur et les employés. Ils ne représentent cependant pas le désir des parties d'attribuer une compétence à la Cour fédérale sur tout litige découlant de la convention collective.

 

[32]           Je suis par conséquent persuadé que l'arrêt Weber, précité, s'applique parfaitement en l'espèce et je vais donc soumettre les prétentions de M. Lavigne au cadre d'analyse de cet arrêt. L'article 9 de la convention collective intervenue entre les parties précise la procédure de règlement des griefs et d'arbitrage à suivre. Ainsi, si les trois prétentions ci-après mentionnées de M. Lavigne sont expressément ou implicitement visées par la convention collective, seul un arbitre est compétent pour les examiner, suivant l'arrêt Weber, précité. Les dispositions pertinentes de la convention collective sont reproduites à l'annexe qui suit les présents motifs.

 

a.         Contrat d'assurance-invalidité de la Sun Life

[33]           Ce différend peut être qualifié de désaccord sur la question de savoir si M. Lavigne a droit à une copie du contrat d'assurance-invalidité conclu entre la Sun Life et Postes Canada. La question est directement visée à l'article 30.07 de la convention collective (Exemplaires des documents relatifs aux régimes). L'expression « documents relatifs aux régimes » est définie à l'article 30.06 et elle englobe le régime d'assurance-invalidité des employés. Pour faire valoir ses droits sur ce point, M. Lavigne doit donc suivre la procédure de règlement des griefs et la procédure d'arbitrage prévues à l'article 9 de la convention collective. La Cour fédérale n'a pas compétence pour examiner cette demande.

 

b.         Traduction du dossier médical de M. Lavigne

[34]           M. Lavigne affirme que le refus de Postes Canada de traduire certains documents versés dans son dossier médical contrevient à l'alinéa 36(1)a) de la Loi sur les langues officielles. Les défendeurs soutiennent que l'essence de ce différend est le droit de M. Lavigne de consulter son dossier médical. Je suis du même avis. La question qu'il reste à résoudre est celle de savoir si le différend, ainsi qualifié, est visé par la convention collective.

 

[35]           Les défendeurs affirme que ce différend découle expressément de l'article 10.03 de la convention collective (Accès au dossier personnel). Pourtant, cet article est muet sur la question des dossiers médicaux des employés. D'ailleurs, cet article fait partie de l'article 10 de la convention collective, qui traite de mesures disciplinaires, de suspension et de congédiement.

 

[36]           D'ailleurs, même si ce différend n'est pas visé par la convention collective, je suis disposé à décliner ma compétence tant en fonction du critère de l'arrêt ITO, sur lequel je reviendrai plus loin, qu'en raison des exigences internes de la Loi sur les langues officielles.

 

[37]           M. Lavigne ne peut tout simplement pas se plaindre devant la Cour fédérale d'une violation de la Loi sur les langues officielles, laquelle établit sa propre procédure, qu'il faut suivre pour porter plainte. Plus précisément, M. Lavigne doit d'abord porter officiellement plainte en s'adressant au commissaire aux langues officielles. Le commissaire doit ensuite décider s'il y a lieu d'instruire cette plainte et, à terme, s'il doit formuler des recommandations au gouvernement. Il est prématuré de s'adresser à la Cour à cette étape-ci.

 

c.         Allégations de harcèlement

[38]           Bien que M. Lavigne affirme que ce différend porte sur le harcèlement dont il aurait fait l'objet du fait de son invalidité, les défendeurs soutiennent pour leur part qu'il s'agit là d'une qualification juridique et non factuelle du conflit. Ils estiment qu'il s'agit plutôt d'un désaccord sur l'établissement de l'horaire de travail, une question abordée à l'article 14 de la convention collective (Heures de travail). À titre subsidiaire, ils affirment que le désaccord porte sur les mesures disciplinaires et la suspension, des questions visées à l'alinéa 10.01a) de la convention collective (Discipline, suspension et congédiement – Cause juste et fardeau de la preuve). Ils affirment enfin que ce désaccord devrait être qualifié, en vertu de l'article 33.13 de la convention collective (Droit de refus), de différend sur le droit de M. Lavigne de refuser d'exécuter un travail.

 

[39]           Peu importe que je conclue que ce désaccord porte sur l'horaire de travail, la discipline, le refus d'effectuer un travail ou le harcèlement, dans chaque cas, le différend découle de la convention collective. D'ailleurs, le harcèlement lui‑même est expressément visé à l'article 56.09. La Cour n'a pas compétence pour examiner la plainte de harcèlement.

 

[40]           Les prétentions formulées par M. Lavigne échappent donc toutes les trois à la compétence de la Cour selon l'analyse effectuée en vertu de l'arrêt Weber. Toutefois, même si je devais en arriver à une conclusion différente, j'ai également conclu que ces prétentions ne satisfont pas au critère utilisé pour déterminer la compétence législative et constitutionnelle de la Cour fédérale. J'estime d'ailleurs que les arguments de M. Lavigne ne satisfont pas au premier et au deuxième volets du critère de l'arrêt ITO.

 

Critère de l'arrêt ITO en matière de compétence législative et constitutionnelle

[41]           Le pouvoir du Parlement fédéral d'établir des tribunaux fédéraux n'est pas illimité. Ce pouvoir est strictement circonscrit à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui autorise le Parlement fédéral à établir des tribunaux « pour la meilleure administration des lois du Canada ». Cet article a suscité une abondante jurisprudence, que la Cour suprême du Canada a résumée dans le critère à trois volets qu'elle a formulé dans l'arrêt ITO, précité. Le critère de l'arrêt ITO est toujours appliqué pour déterminer si la Cour fédérale a compétence dans un cas donné. Il n'est pas propre aux conflits de travail. La Cour suprême a formellement élaboré ce critère, dans l'arrêt ITO, précité, par suite des arrêts qu'elle avait rendus dans les affaires Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique Ltée., [1977] 2 R.C.S. 1054, et McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654.

 

[42]            Le critère comporte trois conditions qui doivent toutes être réunies pour pouvoir reconnaître que la Cour fédérale a compétence :

1.         Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2.         Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.

3.         La loi invoquée dans l'affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

Attribution de compétence par une loi

[43]           M. Lavigne affirme que la première condition du critère de l'arrêt ITO est respectée puisque les paragraphes 17(1) et 17(2), l'alinéa 23c) et l'article 48 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, confèrent à la Cour fédérale la compétence pour entendre ses prétentions. Le texte de ces dispositions est reproduit à l'annexe qui suit les présents motifs.

 

1.         Paragraphes 17(1) et 17(2) et article 48 de la Loi sur les Cours fédérales

[44]           Postes Canada soutient – et j'abonde dans son sens – que les paragraphes 17(1) et 17(2) et l'article 48 de la Loi sur les Cours fédérales ne peuvent pas être considérés comme des dispositions constituant une attribution légale de compétence pour la simple raison que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux actions introduites contre la Couronne. Bien qu'elle soit une société d'État, Postes Canada n'est pas la Couronne en soi, mais plutôt un mandataire de la Couronne.

 

[45]           Il importe de bien saisir la différence qui existe entre une action introduite contre la Couronne et une demande de contrôle judiciaire. Les demandes introduites contre la Couronne sont traitées aux articles 17 et 48 de la Loi sur les Cours fédérales, tandis que les demandes de contrôle judiciaire sont visées aux articles 18 et 28 de la même loi. Si un justiciable peut demander le contrôle judiciaire d'une décision de Postes Canada, c'est parce que Postes Canada est assimilée à un « office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Ainsi, les décisions des « offices fédéraux » peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Mais le contrôle judiciaire est une procédure entièrement séparée des actions intentées contre la Couronne. Et les actions contre la Couronne sont, de par leur nature même, plus restreintes.

 

[46]           La Cour d'appel fédérale a discuté de la portée du paragraphe 17(1) dans la décision Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 2 C.F. 454 [Varnam]. La Cour a conclu que le paragraphe 17(1) ne visait que les demandes de redressement introduites contre la Couronne fédérale (Varnam, au paragraphe 14). Le juge James Hugessen a formulé quelques observations sur le caractère unique de la compétence de la Cour fédérale. Il écrit, au paragraphe 16, « […] en notre qualité de membres d'un tribunal créé par la loi, nous ne devons pas hésiter à exercer la compétence qui nous a été conférée, mais nous ne devons pas chercher à lui donner une extension plus grande que celle que prévoit clairement le libellé de la loi ».

 

[47]           Dans l'arrêt Rasmussen c. Breau, [1986] 2 C.F. 500, la Cour d'appel fédérale s'est déclarée incompétente pour statuer sur une demande en dommages-intérêts pour appropriation illégitime intentée contre l'Office canadien du poisson salé, une société mandataire de la Couronne. La Cour a statué que l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale permettait à la Cour de statuer uniquement sur les litiges intentés contre la Couronne elle-même, et non sur les litiges intentés par ou contre une société constituée en vertu d'une loi qui agirait à titre de mandataire de la Couronne (Rasmussen, aux paragraphes 12 et 23).

 

[48]           Dans le jugement Gracey c. Société Radio-Canada., [1991] 1 C.F. 739 [Gracey], le juge Paul Rouleau a décliné sa compétence pour instruire un procès en diffamation intenté contre la Société Radio‑Canada. Appliquant le premier volet de l'arrêt ITO, le juge Rouleau a estimé que l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale n'était pas attributif de compétence. Voici ce qu'il écrit, à la page 746 :

Les paragraphes 17(1) à (3) de la Loi sur la Cour fédérale s'appliquent aux cas de demande de réparation contre la Couronne. Le paragraphe 17(4) s'applique seulement aux actions intentées contre la Couronne elle-même et ne s'étend pas aux actions intentées par ou contre un mandataire de la Couronne. Vu la formulation de l'intitulé de la cause dans la déclaration du demandeur, aucune de ces dispositions ne donne compétence à cette Cour, car la Couronne n'est pas nommée comme partie au litige et les défendeurs qui sont nommés ne sont ni des fonctionnaires ni des préposés de la Couronne.

 

 

[49]           Il est donc de jurisprudence constante que les articles en question n'emportent pas attribution légale de compétence à la Cour quant aux demandes introduites contre Postes Canada, car en pareil cas, il ne s'agit pas de demandes visant la Couronne elle‑même.

 

2.         Alinéa 23c) de la Loi sur les Cours fédérales

[50]           Ayant décidé que ni les paragraphes 17(1) et 17(2) ni l'article 48 ne prévoient d'attribution légale de compétence à l'égard des demandes de M. Lavigne, il reste à trancher la question de savoir si l'alinéa 23c) peut satisfaire au premier volet du critère de l'arrêt ITO. Cet alinéa est reproduit à l'annexe qui suit les présents motifs.

 

[51]           Le débat tourne ici autour du sens de l'expression « Sauf attribution spéciale de cette compétence par ailleurs […] ». Les défendeurs soutiennent qu'en l'espèce, la compétence a été attribuée à un arbitre en vertu du paragraphe 57(1) du Code canadien du travail.

 

[52]           La Cour fédérale décline sa compétence en cas d'attribution spéciale de compétence à un arbitre. C'est précisément ce qui s'est produit dans les affaires McKinlay Transport Ltd. c. Goodman, [1979] 1 C.F. 760, et Canadien Pacifique Ltée c. Travailleurs unis des transports, précitée.

 

[53]           Ainsi que je l'ai déjà expliqué, M. Lavigne soutient qu'en raison des mots « ou toute autre voie » qu'on y trouve, le paragraphe 57(1) n'exclut pas complètement la possibilité d'attribuer compétence à notre Cour. Mais, pour les motifs que j'ai déjà exposés dans la présente décision, j'ai écarté cet argument. Il s'ensuit donc que la compétence sur les prétentions du demandeur a été attribuée à l'arbitre aux termes de la convention collective conclue entre les parties et du paragraphe 57(1) du Code canadien du travail. L'alinéa 23c) ne constitue donc pas une attribution légale de compétence.

 

[54]           M. Lavigne ne remplit donc pas le critère de l'arrêt ITO puisqu'il lui fallait satisfaire à chacun des trois volets de ce critère pour y parvenir. Quoi qu'il en soit, je vais toutefois examiner le deuxième volet du critère pour bien confirmer que la présente espèce relève de la compétence de l'arbitre.

 

Règles de droit fédérales servant de fondement à la compétence

[55]           Pour satisfaire au deuxième volet du critère de l'arrêt ITO, il doit exister une loi fédérale qui soit essentielle à la solution du litige et qui constitue le fondement de l'attribution légale de compétence (ITO, précité, au paragraphe 15). Dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, la Cour suprême a donné certaines indications sur ce volet du critère. Voici ce qu'a écrit le juge Michel Bastarache, au paragraphe 43 :

La condition relative à l’existence d’un ensemble de règles de droit fédérales constituant le fondement de l’attribution législative de compétence vise principalement à garantir le respect par les tribunaux fédéraux des limites constitutionnelles de leur compétence. Comme l’a souligné le juge Wilson dans Roberts, précité, les deuxième et troisième conditions énoncées dans l’arrêt ITO, précité − règles de droit fédérales servant de fondement et validité constitutionnelle de ces règles de droit − sont indispensables (aux pp. 330 et 331) :

 

Bien qu’il y ait nettement un chevauchement entre les deuxième et troisième éléments du critère applicable pour établir la compétence de la Cour fédérale, le deuxième, tel que je le comprends, exige qu’il existe un ensemble de règles de droit fédérales applicables à l’objet de la contestation, en l’espèce le droit relatif aux Indiens et à leurs intérêts dans les terres des réserves […] [Je souligne.]

 

Le différend à l’égard duquel on plaide l’existence d’une compétence doit être principalement et essentiellement fondé sur des règles de droit fédérales. Si le différend ne se rattache qu’indirectement à un ensemble de règles de droit fédérales, il est alors possible que, en exerçant compétence, la Cour fédérale outrepasse son rôle au regard de la Constitution.

 

[56]           En l'espèce, M. Lavigne soutient que l'un ou l'autre des éléments suivants peut être considéré comme un ensemble de règles de droit fédérales servant de fondement à la compétence :

 

1.         Convention collective

[57]           Suivant M. Lavigne, la convention collective est un ensemble de règles de droit fédéral constituant le fondement de l’attribution légale de compétence prévue à l'alinéa 23c) de la Loi sur les Cours fédérales. Bien que j'aie conclu que l'alinéa 23c) ne prévoit pas d'attribution légale de compétence en l'espèce, je suis prêt à accepter – en théorie – que la convention collective constitue un ensemble de règles de droit fédérales. Dans l'arrêt Canadien Pacifique, précité, au paragraphe 23, la Cour d'appel fédérale s'est dite d'avis qu'une demande découlant d'une convention collective est faite en vertu d'une « loi fédérale » au sens de l'article 23 de la Loi sur les Cours fédérales parce que les conventions collectives tirent leur origine du Code canadien du travail.

 

[58]           Toutefois, dans l'arrêt Canadien Pacifique, précité, la Cour d'appel fédérale a également jugé que le Code canadien du travail confère aux arbitres en droit du travail une compétence exclusive pour trancher les différends opposant les parties. J'en arrive à la même conclusion en l'espèce, ainsi que je l'ai précisé dans mon analyse de l'arrêt Weber. Je ne peux pas conclure que la présente convention collective attribue expressément compétence à la Cour fédérale.

 

2.         Directives de Postes Canada sur le harcèlement au travail

[59]           Contrairement à la convention collective, les directives internes de Postes Canada sur le harcèlement au travail ne tirent pas leur origine du Code canadien du travail – ou, d'ailleurs, de toute autre loi fédérale. C'est un document purement administratif, qu'on ne peut « raccrocher » à aucun texte législatif qui lui permettrait de bénéficier du même traitement que la convention collective. Ainsi, les directives en question ne peuvent pas être considérées comme des « règles de droit fédérales » aux fins de la présente analyse.

 

3.         Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif

[60]           La Cour a déjà décidé que la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif ne peut satisfaire au deuxième volet du critère de l'arrêt ITO pour ce qui est des actions intentées contre des sociétés d'État. Je ne puis faire mieux que répéter les propos qu'a tenus à cet égard mon collègue le juge Rouleau dans la décision Gracey, précitée, à la page 753 :

Je ne pense pas que les articles 3, 15, 21 et 36 de la Loi sur la responsabilité de l'État puissent constituer le fondement de la compétence de cette Cour dans n'importe quelle poursuite civile, simplement parce que la Couronne du chef du Canada, ou l'un de ses mandataires, est partie défenderesse à l'action et que la Loi elle-même porte sur la responsabilité délictuelle de la Couronne. À mon sens, ce n'est pas ce qu'a voulu dire la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a parlé de « l'existence d'une législation fédérale applicable » dans les arrêts Quebec North Shore, McNamara et ITO, à savoir un ensemble de règles de droit qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.

On ne saurait considérer que ces articles donnent à la Cour fédérale la compétence voulue pour connaître de ce genre d'action parce qu'on ne peut valablement les interpréter comme des dispositions ne comportant aucune restriction. L'application de ces articles doit se limiter aux actions et aux poursuites se rapportant à un sujet régi par une loi qui relève de la compétence législative du Parlement fédéral. Cette loi doit, à son tour, attribuer un droit d'action complet, c'est-à-dire créer une obligation et prévoir un recours.

 

[61]           J'estime donc que la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif ne peut pas être considérée comme une loi fédérale applicable susceptible de rendre la Cour fédérale compétente.

 

4.         Loi sur les langues officielles et la Loi canadienne sur les droits de la personne

[62]           M. Lavigne affirme enfin que la Loi sur les langues officielles et la Loi canadienne sur les droits de la personne satisfont l'une ou l'autre au deuxième volet du critère de l'arrêt ITO et que l'une ou l'autre peut être considérée comme une loi fédérale servant de fondement à la compétence. Pourtant, tout comme la procédure de plainte et d'enquête prévue par la Loi sur les langues officielles, dont j'ai déjà parlé dans la présente décision, la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit sa propre procédure qu'il faut suivre avant de pouvoir s'adresser aux tribunaux. Qualifier l'une ou l'autre de ces lois d'ensemble de règles de droit fédérales servant de fondement à la compétence irait à l'encontre de la procédure prévue par ces lois. Cet argument doit être rejeté.

 

5.         ROBERT PEPIN

[63]           Jusqu'ici, mon analyse était axée sur les griefs formulés par M. Lavigne contre Postes Canada et sur sa qualité de société d'État. Je tiens à signaler que tous les articles dont j'ai traité dans mon analyse de Postes Canada, ainsi que le paragraphe 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales, ne sauraient d'aucune façon servir de fondement à la compétence de la Cour fédérale dans le cadre d'une action intentée contre M. Pepin. En tant qu'employé d'une société d'État, il est à l'abri de toute poursuite intentée en vertu de dispositions législatives se rapportant à une action visant la Couronne. Il n'est ni la Couronne ni un mandataire de la Couronne.

 

[64]           Pour s'en convaincre davantage, il suffit de consulter les articles 12 et 13 de la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C‑10, qui démontrent amplement que M. Pepin ne fait pas partie de l'administration publique fédérale :

 

12. La Société peut employer le personnel et retenir les services des mandataires, conseillers et experts qu’elle estime nécessaires à l’exercice de ses activités; elle peut en outre fixer les conditions d’emploi ou de prestation de services correspondantes et verser les rémunérations afférentes.

 

13. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), les personnes engagées aux termes de l’article 12 sont réputées ne pas faire partie de l’administration publique fédérale. [Non souligné dans l'original.]

 

DISPOSITIF

[65]           Pour tous ces motifs, je vais faire droit à la requête présentée par les défendeurs en vue d'obtenir la radiation de la déclaration de M. Lavigne, car la Cour fédérale n'a pas compétence en l'espèce. Je ne puis donc rendre de décision au sujet de la requête en injonction de M. Lavigne.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ACCUEILLE la requête présentée par les défendeurs en vue de faire radier la déclaration de M. Lavigne, car la Cour n'a pas compétence en l'espèce et elle ne peut donc rendre de décision au sujet de la requête en injonction de M. Lavigne.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


ANNEXE A

 

 

Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2

 

 

57. (1) Est obligatoire dans la convention collective la présence d’une clause prévoyant le mode — par arbitrage ou toute autre voie — de règlement définitif, sans arrêt de travail, des désaccords qui pourraient survenir entre les parties ou les employés qu’elle régit, quant à son interprétation, son application ou sa prétendue violation.

 

57. (1) Every collective agreement shall contain a provision for final settlement without stoppage of work, by arbitration or otherwise, of all differences between the parties to or employees bound by the collective agreement, concerning its interpretation, application, administration or alleged contravention.

 

 

Loi sur les relations de travail de l'Ontario, 1995, L.O. 1995, ch. 1, annexe A

 

48. (1) Chaque convention collective contient une disposition sur le règlement, par voie de décision arbitrale définitive et sans interruption du travail, de tous les différends entre les parties que soulèvent l’interprétation, l’application, l’administration ou une prétendue violation de la convention collective, y compris la question de savoir s’il y a matière à arbitrage. 1995, chap. 1, annexe A, par. 48 (1).

48. (1) Every collective agreement shall provide for the final and binding settlement by arbitration, without stoppage of work, of all differences between the parties arising from the interpretation, application, administration or alleged violation of the agreement, including any question as to whether a matter is arbitrable.  1995, c. 1, Sched. A, s. 48 (1).

 

 

Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.)

 

36. (1) Il incombe aux institutions fédérales, dans la région de la capitale nationale et dans les régions, secteurs ou lieux désignés au titre de l’alinéa 35(1)a) :

a) de fournir à leur personnel, dans les deux langues officielles, tant les services qui lui sont destinés, notamment à titre individuel ou à titre de services auxiliaires centraux, que la documentation et le matériel d’usage courant et généralisé produits par elles-mêmes ou pour leur compte;

 

36. (1) Every federal institution has the duty, within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed for the purpose of paragraph 35(1)(a), to

(a) make available in both official languages to officers and employees of the institution

(i) services that are provided to officers and employees, including services that are provided to them as individuals and services that are centrally provided by the institution to support them in the performance of their duties, and

 

 

 

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7

 

17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

(2) Elle a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :

a) la possession par la Couronne de terres, biens ou sommes d’argent appartenant à autrui;

 

b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;

c) un trouble de jouissance dont la Couronne se rend coupable;

d) une demande en dommages-intérêts formée au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif.

***

(5) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :

a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada;

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits — actes ou omissions — survenus dans le cadre de ses fonctions.

***

23. Sauf attribution spéciale de cette compétence par ailleurs, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans tous les cas — opposant notamment des administrés — de demande de réparation ou d'autre recours exercé sous le régime d'une loi fédérale ou d'une autre règle de droit en matière :

 

c) d’ouvrages reliant une province à une autre ou s’étendant au-delà des limites d’une province.

***

48. (1) Pour entamer une procédure contre la Couronne, il faut déposer au greffe de la Cour fédérale l'original et deux copies de l'acte introductif d'instance, qui peut suivre le modèle établi à l'annexe, et acquitter la somme de deux dollars comme droit correspondant.

 

 

17. (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

 

(2) Without restricting the generality of subsection (1), the Federal Court has concurrent original jurisdiction, except as otherwise provided, in all cases in which

 

(a) the land, goods or money of any person is in the possession of the Crown;

 

 

(b) the claim arises out of a contract entered into by or on behalf of the Crown;

 

(c) there is a claim against the Crown for injurious affection; or

 

(d) the claim is for damages under the Crown Liability and Proceedings Act.

 

 

***

 

5) The Federal Court has concurrent original jurisdiction

(a) in proceedings of a civil nature in which the Crown or the Attorney General of Canada claims relief; and

(b) in proceedings in which relief is sought against any person for anything done or omitted to be done in the performance of the duties of that person as an officer, servant or agent of the Crown.

*** 

23. Except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned, the Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under an Act of Parliament or otherwise in relation to any matter coming within any of the following classes of subjects:

(c) works and undertakings connecting a province with any other province or extending beyond the limits of a province.

***

48. (1) A proceeding against the Crown shall be instituted by filing in the Registry of the Federal Court the original and two copies of a document that may be in the form set out in the schedule and by payment of the sum of $2 as a filing fee.

 

 

 

 

Convention collective conclue entre la Société canadienne des postes et le Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (venant à expiration le 31 janvier 2007)

 

 

10.01 Cause juste et fardeau de la preuve

 (a)   Aucune mesure disciplinaire sous forme d’avis disciplinaire, de suspension ou de congédiement, ou sous toute autre forme, n’est imposée à une employée ou un employé sans cause juste, raisonnable et suffisante, ni sans que lui soit remis au préalable ou en même temps un avis écrit indiquant les motifs pour lesquels cette mesure disciplinaire est imposée.

 

***

 

10.03  Accès au dossier personnel 

   Sur demande écrite d’une employée ou d’un employé, elle ou il est (ou) sa représentante ou son représentant syndical ont accès au dossier personnel officiel de l’employée ou l’employé en présence d’une représentante ou d’un représentant autorisé de la Société.  Le dossier doit être disponible dans les vingt-quatre (24) heures qui suivent le jour où la demande écrite a été faite, s’il est disponible au niveau local et, dans tous les cas, dans les cinq (5) jours civils suivant la demande.  Lorsque le dossier d’une employée ou d’un employé est disponible pour examen, les rapports mentionnés à l’alinéa 10.02 c) doivent être retirés au préalable.

 

***

 

30.06  Régime d’assurance-invalidité

a)   Les parties conviennent que le régime d’assurance-invalidité est offert à l’ensemble des employées et employés réguliers sous réserve des conditions d’admissibilité du régime.

b)   Les parties conviennent que l’adhésion au régime d’assurance-invalidité continue d’être obligatoire pour les employées et employés è temps partiel embauchés après le 10 mars 1985.

c)   La prime est payée dans des proportions respectives de cinquante pour cent (50 p. 100) par la Société et les employées et employés. Les parties conviennent que les employées et employés à temps partiel paient une prime qui n’est pas plus élevée que celle payée par les employées et employés à temps plein.

d)   Les parties peuvent s’entendre pendant la durée de la présente convention collective pour modifier le niveau des prestations du régime d’assurance-invalidité.

e)   La Société administre le régime d’assurance-invalidité. Toutefois, le paiement des prestations prévues par le régime est la responsabilité exclusive de l’assureur. En conséquence, la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage ne s’applique pas dans les cas de mésentente entre une employée ou un employé et l’assureur et ceux-ci doivent être résolus de la manière prévue à l’annexe « N ».

 

 

30.07   Exemplaires des documents relatifs aux régimes

   Dans les soixante (60) jours suivant la signature de la convention collective, la Société transmet au Syndicat des exemplaires des documents décrivant les régimes mentionnés dans les clauses 30.02, 30.04, 30.05 et 30.06. La Société transmet au Syndicat les versions modifiées des documents décrivant les régimes si des modifications leur sont apportées pendant la durée de la convention collective.

 

   La Société convient de s’engager dans une consultation significative avec le Syndicat au moins quatre-vingt-dix (90) jours avant l’introduction de modifications des primes applicables aux régimes visés aux clauses 30.02, 30.03 et 30.04.  Durant la consultation, la Société fournira l’information relativement au calcul des primes.

 

***

 

33.13   Droit de refus

a)    Une employée ou un employé a le droit de refuser d’exécuter un travail si elle ou il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir pour effet d’exposer une autre employé ou un autre employé è un danger semblable.

 

b)   L’employée ou l’employé ne peut cependant exercer le droit que lui reconnaît l’alinéa 33.13a) si le refus d’exécuter ce travail met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une autre personne, ou si le danger qui pourrait justifier son refus est inhérent au genre de profession, de métier ou de fonction qu’elle ou il exerce.

 

c)   Lorsque l’employée ou l’employé refuse d’exécuter un travail conformément à l’alinéa 33.13 a) :

i)   elle ou il doit aviser sans délai sa superviseure ou son superviseur et sa représentante ou son représentant syndical;

 

ii)   elle ou il ne subit aucune perte de salaire pendant qu’elle ou il retire ses services;

 

iii)   elle ou il a le droit d’être présent pendant que s’effectue l’enquête prévue ci-après;

 

iv)   jusqu’à ce que la situation soit rétablie, aucune autre employée ni aucun autre employé ne peut être affecté à l’utilisation ou à l’opération de la machine, de l’appareil, du matériel ou de la chose, ni affecté à cette partie du travail qui fait l’objet de l’enquête, sauf s’il s’agit d’une personne dont la tâche consiste à établir des conditions sécuritaires;

 

v)   jusqu’à ce que la situation ayant provoqué le refus de travailler soit corrigée, la Société peut affecter temporairement l’employée ou l’employé à une autre tâche pourvu qu’elle soit similaire à la sienne, qu’il n’y ait pas de perte de salaire pour l’employée ou l’employé et qu’une telle affectation ne soit pas faite en violation des dispositions de la convention collective.

 

d)   Dès que la Société est avisée par l’employée ou l’employé, elle doit s’assurer que les enquêtes, inspections et analyses nécessaires sont faites quant à la situation qui a provoqué le refus de travailler; celles-ci doivent être faites en présence d’une représentante ou d’un représentant syndical et de l’employée ou de l’employé en question. Si l’employée ou l’employé ou la représentante ou le représentant syndical décide de ne pas être présent, l’enquête peut quand même être conduite.

 

e)    Lorsque l’employée ou l’employé cherche pour des raisons frivoles, à prendre malhonnêtement avantage de la présente clause, elle ou il sera considéré par la Société comme étant passible de sanctions disciplinaires.

 

***

56.08 Indemnité

   Une plainte déposée en vertu du présent article ne restreint en aucune façon le droit d’une employée ou d’un employé qui a fait l’objet de harcèlement de réclamer et d’obtenir une indemnité en vertu du droit commun ou de toute législation applicable.

 

56.09   Le droit au grief

   Rien aux présentes ne restreint le droit d’une employée, d’un employé ou du Syndicat d’avoir recours à la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage en matière de harcèlement.

10.01 Just Cause and Burden of Proof

(a)   No disciplinary measure in the form of a notice of discipline, suspension or discharge or in any other form shall be imposed on any employee without just, reasonable and sufficient cause and without his or her receiving beforehand or at the same time a written notice showing the grounds on which a disciplinary measure is imposed.

 

***

 

10.03  Access to Personal File

   Upon written request from an employee, he or she and/or his or her Union representative shall have access to his or her official personal file in the presence of an authorized representative of the Corporation.  The file should be made available within twenty-four (24) hours following the day of the written request, providing such file is available locally and, in all cases, within five (5) calendar days after the request.  Where an employee’s file is available for review and/or examination, reports as described in paragraph 10.02(c) are to be removed prior to such review and/or examination.

 

 

 

***

 

30.06  Disability Insurance Plan

(a)   The parties agree that the Disability Insurance Plan shall be available to all regular employees subject to eligibility requirements set by the plan.

 

(b)   The parties agree that enrolment in the Disability Insurance Plan will continue to be mandatory for part-time employees hired after March 10, 1985.

 

(c)   The premium will be paid by employees and the Corporation based on a fifty (50) – fifty (50) proportion.  The parties agree that the premium payable by the part-time employees will not be higher that the premium payable by full-time employees.

 

 

(d)   During the life of his collective agreement, the parties may agree to modify the level of benefits provided for under the Disability Insurance Plan.

 

(e)   The Corporation administers the Disability Insurance Plan.  However, the payment of benefits under the plan shall be the exclusive responsibility of the insurance carrier.  Consequently, the grievance and arbitration procedure shall not apply in case of disagreement between the employee and the insurance carrier and such disagreements shall be resolved in accordance with Appendix “N”.

 

 

 

30.07  Copies of Plan Documents

   Within sixty (60) days of the signing of the collective agreement, the Corporation will provide the Union with copies of the plan documents referred to in clauses 30.02, 30.04, 30.05 and 30.06.  The Corporation will provide the Union with amended versions of the plan documents should there be changes to the plan documents during the term of the collective agreement.

 

 

 

   The Corporation agrees to engage in meaningful consultation with the Union at least ninety (90) days prior to the introduction of changes to premiums for those plans covered under clauses 30.02, 30.03 and 30.04.  During such consultation, the Corporation will provide the Union with information respecting how such premiums were calculated.

 

***

 

33.13  Right of Refusal

(a)   An employee has the right to refuse to do particular work if he or she has reasonable grounds to believe that the performance of this work will endanger his or her health, safety or physical well-being, or may similarly endanger another employee.

 

 

 

(b)  The employee may not however exercise the right granted him or her under paragraph 33.13(a) if the refusal to perform this work places the life, health, safety or physical well-being of another person in immediate danger or if the danger that could justify the refusal is inherent in the kind of profession, trade or occupation exercised by the employee.

 

(c)   When an employee refuses to do particular work in accordance with paragraph 33.13(a):

   (i)   he or she shall inform his or her supervisor and Union representative without delay;

 

 

   (ii)   he or she shall suffer no loss of salary during the period for which he or she withdraws his or her services;

 

   (iii)   he or she is entitle to be present while the investigation provided for hereinafter is conducted;

 

   (iv)   until the situation is remedied, no other employee may be assigned to use or operate the machine, apparatus, material or object, or be assigned to the part of the work which is the subject of the investigation, unless it is this person’s duty to establish safe conditions;

 

 

   (v)   until the situation giving rise to the refusal to work is corrected, the Corporation may assign temporarily the employee to another job providing that it is similar to his or her own, that the employee does not suffer any loss of salary and that such assignment does not violate the provisions of the collective agreement

 

 

 

 

(d)   As soon as the Corporation is informed by the employee, it shall ensure that the necessary investigations, inspections and analyses of the situation giving rise to the refusal to work are conducted; they shall be conducted in the presence of a Union representative and the employee concerned.  Should the employee concerned or the Union representative choose not to be present, the investigation may nevertheless proceed.

 

 

(e)   When the employee seeks, for frivolous reasons, to dishonestly take advantage of this clause, the Corporation will consider the said employee liable to disciplinary measures.

 

*** 

56.08  Compensation 

   A complaint filed pursuant to this article shall not be construed as restricting in any way the right of an employee who has been subjected to harassment to claim and obtain compensation at common law or under any applicable legislation.

 

 

56.09   Right to Grieve

   Nothing in the above provision shall be construed as restricting or limiting the right of an employee or the right of the Union to use the grievance and arbitration procedure in cases of harassment.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          T-831-06

 

INTITULÉ :                                                         ROBERT LAVIGNE

                                                                              c.

                  SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                  et ROBERT PEPIN

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE 7 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 8 NOVEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

ROBERT LAVIGNE                                          POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AZIM HUSSAIN                                                 POUR LES DÉFENDEURS

                                                                             

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROBERT LAVIGNE                                          POUR SON PROPRE COMPTE

Montréal (Québec)

 

AZIM HUSSAIN                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Ogilvy, Renault

Montréal (Québec)

 

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