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Date : 20061110

Dossier : IMM-1811-06

Référence : 2006 CF 1357

 

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

ENTRE :

PALWINDER SINGH KHELLA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Le 17 mars 2006, la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a confirmé la décision prise par une agente des visas de rejeter la demande présentée par M. Khella en vue de parrainer son épouse. La Commission a entériné la conclusion de l’agente des visas selon laquelle le mariage de ces deux derniers n’était pas authentique. M. Khella a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Malgré la complexité des relations unissant les membres de la famille de l’épouse du demandeur et les tentatives nombreuses faites par celle‑ci pour être admise au Canada, j’en suis venu à la conclusion qu’il convient de rejeter la décision de la Commission.

I.          Les faits

[2]               M. Khella est né en Inde le 10 avril 1980. Il a été parrainé à titre de personne à charge accompagnant ses parents et il est devenu résident canadien permanent le 3 avril 2000. Mme Khella (née Palwinder Kaur Sangha), pour sa part, vit avec ses parents dans le village de Maggowal, en Inde. Elle a été adoptée à l’âge de 16 ans par son oncle paternel demeurant au Canada, mais la demande de parrainage que celui‑ci a présentée pour elle à titre d’enfant adoptée a été rejetée. En 1996, Mme Khella, âgée de 17 ans, a été parrainée pour venir au Canada en tant que fiancée d’une autre personne, mais le parrainage a été retiré. À l’âge de 19 ans, Mme Khella a demandé un visa de visiteur, qui lui a également été refusé.

 

[3]               C’est la seconde fois que M. Khella essaie de parrainer son épouse. Il l’a d’abord parrainée à titre de fiancée; cette demande a été rejetée et, le 24 mars 2004, la Commission a également rejeté l’appel interjeté par M. Khella. La Commission disait s’interroger dans ses motifs, en raison des longues fiançailles du couple, et elle a jugé suspect qu’il n’y ait pas eu de plans concrets de mariage après plus de trois ans (le couple s’était fiancé en janvier 2001).

 

[4]               Moins de deux mois plus tard, le couple s’est marié en Inde. M. Khella a de nouveau présenté une demande de parrainage de Mme Khella –  à titre d’épouse cette fois. Une agente des visas affecté à l’étranger a fait passer une entrevue à Mme Khella en Inde, et elle a rejeté la demande de parrainage en novembre 2004. Une fois encore, M. Khella a interjeté appel auprès de la Commission. Il a témoigné en personne à l’audience, tandis que Mme Khella a témoigné à partir de l’Inde, par voie téléphonique. La Commission a rejeté l’appel le 17 mars 2006. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        La décision contestée

[5]               La Commission a reconnu dès le départ que le témoignage des époux concordait à bien des égards, notamment quant au point d’origine de leur mariage, aux antécédents de Mme Khella en matière d’immigration, à leurs connaissances générales concernant la situation respective de l’un et de l’autre au Canada et en Inde, et à la composition de la famille de chacun. La Commission a conclu, néanmoins, que les parties avaient fourni des renseignements incompatibles, ce qui permettait de douter de leur crédibilité. La Commission a notamment tiré les conclusions qui suivent.

·        Le témoignage des époux était incompatible pour ce qui est des préparatifs de mariage (quant au moment où ces préparatifs avaient été achevés).

·        Mme Khella s’est directement contredite. Elle avait d’abord dit à l’agente des visas que ses parents adoptifs n’avaient pas assisté au mariage. Elle a par la suite déclaré à la Commission que l’intermédiaire au Canada du couple (sa mère adoptive) avait bel et bien assisté au mariage.

·        Mme Khella n’a pas dissipé les préoccupations de l’agente des visas quant au choix d’un endroit éloigné de son village pour le déroulement de la cérémonie de mariage.

·        Mme Khella a fait référence au même membre de sa famille une fois comme « frère biologique » (devant la Commission) et une autre fois comme « frère de son cousin » (devant l’agente des visas). La Commission a conclu que cela « visait à créer une impression d’une relation plus distance entre elle et son frère biologique et n’était pas une reconnaissance de son statut de personne adoptée (…) ». La Commission a conclu que Mme Khella essayait ainsi de cacher à l’agente des visas le fait que sa sœur avait parrainé son frère biologique.

·        La Commission n’a pas trouvé satisfaisantes les raisons fournies par M. Khella quant au fait qu’il n’avait pas rencontré sa future épouse immédiatement après son arrivée en Inde en vue de son mariage en mai 2004.

·        La Commission a également jugé curieux que M. Khella soit d’abord allé voir un cousin à Dubaï avant de poursuivre son voyage en Inde pour rendre visite à Mme Khella en 2005. Le commissaire a écrit à cet égard : « À mon avis, les actions de [M. Khella] démontrent une intention qui est incompatible avec le développement d’une relation conjugale authentique ».

·        Finalement, Mme Khella a de nombreux autres proches au Canada, et la Commission n’était pas convaincue que celle‑ci avait l’intention de vivre avec M. Khella une fois arrivée au Canada. Cela, d’ailleurs, semble être la raison principale pour laquelle la Commission a conclu que le mariage n’était pas authentique et qu’il avait été contracté principalement en vue de l’admission au Canada de Mme Khella. Il vaut la peine à cet égard de citer le paragraphe 16 des motifs de la Commission, qui exprime l’essentiel de son raisonnement :

En ce qui concerne les motivations du mariage, je conclus que les familles respectives du couple ont joué un rôle très actif dans l’organisation du mariage entre l’appelant et la demandeure. La demandeure a déclaré que la sœur de l’appelant avait organisé le mariage de son frère biologique avec la sœur de l’appelant, qui n’avait pu venir au Canada lorsque sa famille avait immigré au pays. Elle a également organisé le mariage de la demandeure et de l’appelant avec l’aide de la tante de la demandeure. Les fiançailles du frère de la demandeure ont eu lieu un mois avant le mariage de la demandeure. Quatre mois avant le mariage de cette dernière, son frère a parrainé avec succès la sœur de l’appelant pour le Canada. La demandeure a de proches parents au Canada qui ont tenté de l’aider ainsi que son frère à entrer au Canada. La demandeure a été adoptée par le frère de son père, et son frère biologique a été adopté par la sœur de son père. Les tantes et les oncles de la demandeure vivent à Squamish (C.‑B.), où réside également la famille de l’appelant. Ce dernier a déclaré au cours de la première audience relative à l’appel, le 26 février 2004, que la demandeure avait l’intention de parrainer ses parents et ses frères et sœurs non mariés au Canada, de manière à ce que ses proches puissent être réunis avec les autres membres de sa famille. À la présente audience, la demandeure a affirmé que ses parents ne veulent pas immigrer au Canada et que ses autres frères et sœurs trouveront leur conjoint en Inde. Je trouve que son témoignage n’est pas crédible. Compte tenu du fait que les proches de la demandeure au Canada et ses parents en Inde ont tenté à de nombreuses reprises, en vain, de faciliter son admission au Canada depuis qu’elle est âgée de 16 ans, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’intention principale de la famille est d’aider la demandeure à entrer au Canada. Outre les intentions de sa famille, je considère que la demandeure a des raisons de vouloir immigrer au Canada, qui ne comprennent pas le partage de sa vie future avec l’appelant. Mis à part l’appelant, la demandeure a de la famille au Canada et elle pourrait choisir de ne pas rester avec celui-ci.

 

 

III.       Les prétentions des parties

[6]               M. Khella fait valoir les erreurs, à plusieurs égards, de la Commission. Il soutient tout d’abord que la Commission a mal interprété le témoignage de Mme Khella au sujet de sa mère adoptive et de l’intermédiaire. L’intermédiaire serait en fait la tante et non la mère adoptive de Mme Khella. La mère adoptive et l’intermédiaire seraient ainsi deux sœurs différentes du même père biologique. C’est donc erronément que la Commission a conclu que le témoignage de Mme Khella était contradictoire sur ce point. Le demandeur soutient en outre que la Commission a mal interprété le témoignage de Mme Khella relativement à son frère biologique, disant qu’elle aurait fait référence à ce dernier de différentes manières parce qu’il avait été adopté et n’était donc plus son véritable frère mais plutôt le frère de son cousin. M. Khella a réfuté, finalement, les autres conclusions de la Commission quant à la crédibilité et a donné des explications sur la longue période avant que le couple ne soit réuni, sur son arrêt à Dubaï en 2005 alors qu’il se rendait en Inde et sur la conclusion de la Commission selon laquelle la famille de Mme Khella souhaite que celle‑ci immigre au Canada. M. Khella qualifie toutes ces erreurs d’erreurs de droit.

 

[7]               M. Khella soutient également que la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle n’a reconnu aucune valeur à la preuve présentée par lui et Mme Khella au sujet des communications qu’ils se sont échangées (factures téléphoniques, cartes de souhait, etc.) et pourquoi elle a rejeté l’affidavit du chef du conseil de village. Il soutient que la Commission n’a pas tenu compte, en outre, de la cohabitation de 20 jours des époux après leur mariage, de la durée de leur relation non plus que de leurs projets d’avenir au Canada.

 

[8]               L’avocate du ministre soutient pour sa part que l’appréciation, de bonne foi, par la Commission de l’authenticité du mariage constituait une conclusion de fait, qui appelle, à ce titre, la plus grande retenue. Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité, en outre, découlaient de contradictions existant entre le témoignage de M. Khella et celui de Mme Khella, d’une part, et entre les déclarations de Mme Khella devant l’agente des visas et devant la Commission, d’autre part. Selon l’avocate du ministre, enfin, la Cour n’a pas à intervenir lorsque la Commission a apprécié les faits et a prêté davantage foi à certains éléments de preuve qu’à d’autres.

 

[9]               L’avocate du ministre soutient de plus que les arguments de M. Khella relatifs à l’objet premier du mariage mettent en cause l’appréciation de la preuve par la Commission. Or, comme les conclusions de celle‑ci n’étaient pas manifestent déraisonnables, selon ce que prétend le ministre, il n’y a pas lieu que la Cour intervienne.

 

[10]           L’avocate du ministre a néanmoins concédé à l’audience que la Commission avait commis une erreur en estimant à tort que l’intermédiaire était la mère adoptive de Mme Khella. Il s’agit bien de deux personnes distinctes. La Commission a donc commis une erreur en accusant Mme Khella de s’être contredite lorsqu’elle a dit que sa mère adoptive n’avait pas assisté au mariage alors que sa tante, l’intermédiaire, y avait assisté. On a également concédé que la Commission avait fait trop de cas de la désignation, par Mme Khella, de son frère biologique comme étant le frère de son cousin. Selon le ministre, toutefois, ces conclusions n’étaient pas un élément central de la conclusion générale de la Commission, et il faudrait donc ne leur accorder que peu d’importance.

 

IV.       Questions en litige

[11]           Deux questions sont soulevées dans le cadre du présent contrôle judiciaire :

1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

2. La Commission a-t-elle apprécié erronément l’authenticité du mariage ou son objet principal?

 

V.        Analyse

[12]           Bien que M. Khella soutienne le contraire, tous ses arguments ont trait aux conclusions de fait de la Commission, lesquelles appellent généralement le niveau le plus élevé de retenue judiciaire. La question de savoir si un mariage est ou non authentique est purement une question de fait, tout comme l’est celle de l’appréciation de l’objet principal de ce mariage. Cela étant, la Cour a constamment eu recours à la norme de la décision manifestement déraisonnable aux fins de l’examen de telles questions. Se reporter à cet égard, par exemple, à Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1673; Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1184; Grewal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 960; Jaglal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 685; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Navarrete, 2006 CF 691.

 

[13]           Selon l’article 13 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), tout citoyen canadien ou résident permanent peut parrainer son époux ou son épouse en vue de son admission au Canada, à titre de membre de la catégorie « regroupement familial », sous réserve que cette dernière personne ne soit pas exclue par application de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. L’article 4, tel qu’il a été modifié en 2004 (DORS/2004-167, article 3), prévoit ce qui suit :

 

4. Mauvaise foi – Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

4. Bad faith – For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

[14]           D’entrée de jeu, la Commission énonce correctement dans ses motifs le critère à deux volets à appliquer pour établir si un époux ou une épouse peut être considéré membre de la catégorie « regroupement familial » (au paragraphe 2) :

Le critère à appliquer est un critère à deux volets, c’est-à-dire que pour qu’un étranger soit visé par l’article 4 du Règlement, il faut pouvoir démontrer que selon la prépondérance des éléments de preuve dignes de foi, le mariage n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi). Pour que le tribunal fasse droit à l’appel, il incombe à l’appelant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’un des volets du critère n’a pas été satisfait.

 

 

[15]           Je suis par conséquent d’avis que la Commission a appliqué les principes juridiques appropriés et n’a pas commis d’erreur de droit. Malgré les tentatives faites par M. Khella pour déceler des erreurs de nature juridique dans les motifs de la Commission, toutes les prétendues erreurs qui ont conduit la Commission à tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité du couple sont strictement des erreurs de fait, qu’il s’agit donc de réviser en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[16]           Une fois qu’on a écarté la conclusion de la Commission relative à la présence au mariage de la mère adoptive de Mme Khella et celle relative à la confusion entourant son frère biologique, que reste-t-il pour conclure que la mariage n’a pas été contracté de bonne foi? Bien peu de chose, il me semble. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission devait établir que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait l’acquisition d’un statut aux termes de la LIPR. La preuve concernant les antécédents en matière d’immigration de Mme Khella ne concernait que ce second élément. Il restait à la Commission à établir que suffisamment d’éléments de preuve permettaient de conclure que le mariage n’était pas authentique. Si le raisonnement de la Commission quant à ce volet du critère ne peut résister au contrôle judiciaire, la demande de M. Khella devra être accueillie.

 

[17]           La Commission a en fait elle-même reconnu que les témoignages des témoins concordaient à de nombreux égards, comme je l’ai précédemment souligné. Elle a ensuite décrit ce que je considère être un ensemble de contradictions et d’incohérences mineures. Elle a fait grand cas, par exemple, du fait que Mme Khella aurait déclaré que la date et le lieu du mariage avaient été décidés lors de la première rencontre du couple le 13 mai 2004, alors que, selon le témoignage de M. Khella, les préparatifs du mariage avaient été achevés et une date de mariage confirmée à la fin d’avril 2004, soit avant son arrivée en Inde, le 1er mai 2004. Bien que cela puisse sembler contradictoire, il n’en demeure pas moins que les faire-part ont été imprimés deux semaines avant le mariage, tout comme Mme Khella l’a elle-même confirmé à l’agente des visas. Une décision a ainsi dû être prise avant le 13 mai, soit la date de la première rencontre du couple. Je ne crois pas, de ce fait, qu’il faudrait accorder trop de poids à cette légère contradiction dans les réponses données par Mme Khella.

 

[18]           Pour ce qui est du fait que les futurs époux ne se sont rencontrés que trois jours avant le mariage alors que M. Khella était déjà en Inde depuis deux semaines, ce dernier a expliqué qu’il n’était pas habituel dans la culture indienne que le marié et la mariée se rencontrent avant le mariage. Cette explication est parfaitement raisonnable, et la Commission n’a fourni aucun élément pour étayer sa conclusion selon laquelle les futurs époux auraient pu se rencontrer en compagnie de chaperons sans déroger aux coutumes de la collectivité.

 

[19]           La Commission a également conclu qu’il n’était pas raisonnable, dans le cadre d’un mariage authentique, que M. Khella soit allé voir son cousin quelques jours alors qu’il se dirigeait vers l’Inde en 2005. Or ce fait, encore une fois, ne me semble pas incompatible avec le développement d’une relation conjugale authentique. M. Khella a expliqué dans son témoignage qu’il avait pris de longues vacances, de plus d’un mois, pour pouvoir passer du temps avec son épouse. Il a vécu avec elle pendant tout son séjour en Inde, il lui a apporté des cadeaux, il lui a envoyé de l’argent et, comme il en a fourni la preuve, il lui a fréquemment téléphoné depuis qu’ils se sont fiancés. Cela a plus d’importance, assurément, que le fait que M. Khella se soit arrêté quelques jours chez son cousin alors qu’il se dirigeait vers l’Inde.

 

[20]           La Commission a conclu, finalement, qu’on avait peu parlé du mariage et que peu de personnes y avaient assisté. La preuve, toutefois, n’étaye pas une telle conclusion. Un motif raisonnable a été avancé pour expliquer la tenue de la cérémonie de mariage à quelques kilomètres du foyer ancestral de la mariée. L’agente des visas et le commissaire, en outre, n’ont pas voulu regarder des vidéocassettes permettant de voir, semble-t-il, qu’un grand nombre de personnes ont assisté au mariage (environ 300 personnes selon le témoignage de M. Khella). Ce qui est tout aussi troublant, c’est le peu de valeur accordé à l’affidavit du chef du conseil de village « parce que cet homme ne disposait pas de tous les faits et n’avait pas une connaissance directe de la relation maritale qu’entretiennent la demandeure et l’appelant » (motifs de la Commission, paragraphe 12). Or, le sarpanch a déclaré dans sa déposition qu’il connaît personnellement Mme Khella et qu’il était présent au mariage. Il a également dit qu’il y avait à la cérémonie de mariage de nombreux parents et amis du couple et membres de la collectivité, que M. et Mme Khella ont vécu maritalement après cette cérémonie et qu’ils sont connus en tant que mari et femme dans la collectivité et que [traduction] « le nom de sa famille serait entaché si on laissait Palwinder Kaur Sangha seule en Inde et qu’on ne lui délivrait pas un visa pour faire en sorte qu’elle et son époux soient réunis au Canada » (dossier du demandeur, page 45).

 

VI.       Conclusion

[21]           En bout de ligne, il se dégage clairement l’impression que la Commission a rejeté l’appel à l’encontre de la décision de l’agente des visas parce que les nombreuses tentatives faites par Mme Khella pour être admise au Canada démontrent que celle‑ci n’a pas véritablement l’intention d’être réunie à son époux et de vivre avec lui; cela démontre plutôt l’intention de Mme Khella d’immigrer au Canada par quelque moyen que ce soit. Même si j’étais prêt à admettre que c’est là une conclusion que la Commission pouvait valablement tirer –  une question sur laquelle je ne désire pas me prononcer –, je suis malgré tout d’avis que les raisons invoquées par la Commission pour conclure en l’inauthenticité du mariage ne sauraient résister à l’analyse, même en fonction de la norme de contrôle la plus sévère. Tel que la Commission l’a elle-même reconnu, M. Khella avait seulement à établir que l’un des deux volets du critère susmentionné n’avait pas été satisfait. Pour les motifs précédemment énoncés, j’en viens à la conclusion que la décision de la Commission au sujet de l’authenticité du mariage se fondait sur des conclusions de fait erronées et des inférences inopportunes. La norme de contrôle applicable à ces erreurs est celle du caractère manifestement déraisonnable, et la demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section d’appel de l’immigration de la Commission pour que celui‑ci statue à nouveau sur l’affaire.

 

[22]           On n’a suggéré la certification d’aucune question, de sorte qu’aucune ne sera certifiée.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est par conséquent renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section d’appel de l’immigration de la Commission pour que celui‑ci statue à nouveau sur l’affaire.

On n’a suggéré la certification d’aucune question, de sorte qu’aucune ne sera certifiée.

 

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                               IMM-1811-06

 

INTITULÉ :                                             PALWINDER SINGH KHELLA

                                                                  c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 31 OCTOBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT:                              LE 10 NOVEMBRE 2006

 

 

               

COMPARUTIONS :

 

Baldev S. Sandhu

 

POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sandhu Law Office

Avocats

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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