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Date : 20061016

Dossier : DES‑04‑01

Référence : 2006 CF 1230

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat délivré en vertu de
l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2,
maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

ET le renvoi de ce certificat à la
Cour fédérale du Canada;

 

ET Mahmoud JABALLAH

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET DÉCISIONS

 

LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY

 

1.         Introduction

 

[1]               Les présents motifs se rapportent à une ordonnance maintenant rendue à la suite de mon examen d’un certificat de sécurité daté du 13 août 2001, portant que le défendeur, Mahmoud Es Sayyid Jaballah, un étranger, est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité. Ce certificat faisait état de l’opinion conjointe du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le MCI) et du Solliciteur général du Canada de l’époque selon laquelle M. Jaballah est interdit de territoire.

 

[2]               L’ordonnance maintenant rendue énonce mes décisions. La première est que le certificat de sécurité des ministres est raisonnable aux termes du paragraphe 80(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, dans sa forme modifiée (la LIPR). Les motifs de cette décision sont énoncés aux parties 2 à 9. La seconde décision, pour des motifs énoncés à la partie 10, est que le pouvoir discrétionnaire qu’a le MCI de renvoyer M. Jaballah du Canada, en se fondant sur le certificat de sécurité en tant que mesure de renvoi, est restreint, et qu’il ne peut pas être expulsé vers un pays quelconque où il serait exposé à une grave menace à sa vie ou à un risque sérieux de torture ou de traitement cruel et inusité.

 

[3]               Les rubriques suivantes, accompagnées des numéros de paragraphe à partir desquels chacune est analysée, peuvent aider à donner un aperçu des présents motifs :

                                                                                           Paragraphe

 

1.         Introduction                                                                            1

2.         Le régime législatif applicable et les préoccupations des ministres           7

3.         La situation de M. Jaballah au point de vue de l’immigration   16

4.         Les caractéristiques particulières de la présente instance        21

5.         Les renseignements et les éléments de preuve présentés à la Cour, et les efforts faits pour en assurer la communication                        24

6.         L’acceptation ou la modification de certaines conclusions tirées par la Cour dans sa décision de 2003                                                      31

7.         L’examen des éléments de preuve et des renseignements sur lesquels sont fondées les préoccupations des ministres                               37

8.         Les raisons de sécurité prévues par la loi pour l’interdiction de territoire 64

9.         Le caractère raisonnable du certificat de sécurité                   71

10.       L’obligation et le pouvoir discrétionnaire de renvoyer M. Jaballah du Canada                                                                                72

 

[4]               La chronologie la plus récente des faits survenus et des décisions rendues dans la présente instance figure à l’annexe A de la décision Re Jaballah, 2006 CF 346, [2006] A.C.F. no 404 (QL) (16 mars 2006), et s’y ajoutent les éléments indiqués aux numéros 18 à 23 de l’annexe A jointe aux présents motifs. Cette annexe énumère les décisions ou les autres procédures, en l’espèce et dans les affaires connexes, qui se rapportent aux deux certificats de sécurité relatifs à M. Jaballah et à sa détention en vertu de ces derniers. L’annexe donne un aperçu des procédures, dont je n’examine pas les détails dans les présents motifs à moins qu’ils ne soient importants pour la question du caractère raisonnable du certificat des ministres.

 

[5]               Les présentes procédures durent depuis longtemps et, depuis la délivrance du certificat, M. Jaballah est gardé en détention en application de l’alinéa 40.1(7)b) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, dans sa forme modifiée (la Loi de 1985), ainsi que des paragraphes 82(2) et 83(3) de la LIPR.

 

[6]               Pendant toute la durée des procédures, les avocats et la Cour ont traité de questions de base concernant les relations entre un étranger, M. Jaballah, et l’État, le Canada, dans le contexte des principes fondamentaux de justice et de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces questions doivent être réglées, tout en reconnaissant les rôles que jouent le Parlement, le pouvoir exécutif et les tribunaux au sein de notre démocratie, en tant que questions relevant du droit de l’immigration, et ce, en mettant en balance les demandes de M. Jaballah pour rester au Canada et le droit et la responsabilité qu’a le gouvernement du Canada de décider qui parmi les étrangers peut être admis dans ce pays.

 

2.         Le régime législatif applicable et les préoccupations des ministres

 

[7]               Le certificat, délivré en vertu de l’article 40.1 de la Loi de 1985, qui régissait à l’époque la présente instance, a été renvoyé à la Cour afin de décider s’il est raisonnable aux termes de l’alinéa 40.1(4)d) de la Loi de 1985, que remplacent aujourd’hui les paragraphes 77(1) et 80(1) de la LIPR. Depuis lors, le Solliciteur général du Canada a été remplacé par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ce dernier et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration sont appelés dans les présentes « les ministres ». Depuis lors aussi, la Loi de 1985 a été abrogée et remplacée le 28 juin 2002 par la LIPR, qui, à l’article 190, prescrit ce qui suit :

190. La présente loi s’applique, dès l’entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu’aux autres questions soulevées, dans le cadre de l’ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n’a été prise.

190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.

 

[8]               Les dispositions de la LIPR qui s’appliquent en l’espèce sont reproduites à l’annexe B, et s’accompagnent, là où il semble approprié de le faire, de renvois aux dispositions comparables de la Loi de 1985. Le rôle que confie la LIPR à la Cour pour ce qui est de l’examen du certificat des ministres est énoncé à la Section 9 de cette loi, aux articles 76 à 87. L’article 80 indique quelle est la fonction première du juge désigné pour l’examen du certificat :

80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.

 

80. (1) The judge shall, on the basis of the information and evidence available, determine whether the certificate is reasonable and whether the decision on the application for protection, if any, is lawfully made.

 

(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu’il est raisonnable; si l’annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l’affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle‑ci.

 

(2) The judge shall quash a certificate if the judge is of the opinion that it is not reasonable. If the judge does not quash the certificate but determines that the decision on the application for protection is not lawfully made, the judge shall quash the decision and suspend the proceeding to allow the Minister to make a decision on the application for protection.

 

(3) La décision du juge est définitive et n’est pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire.

 

(3) The determination of the judge is final and may not be appealed or judicially reviewed.

 

 

[9]               Au cours de la présente instance, j’ai déjà statué que la décision, prise le 23 septembre 2005 pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l’immigration, de refuser la demande de protection en vertu de la LIPR de M. Jaballah, était légale aux termes du paragraphe 80(1) (voir : Re Jaballah, 2006 CF 346, 16 mars 2006). Les présents motifs se rapportent à l’autre question à trancher aux termes du paragraphe 80(1) de la LIPR, soit celle du caractère raisonnable du certificat des ministres.

 

[10]           Le certificat déposé à la Cour est le second que délivrent les ministres à l’endroit de M. Jaballah pour des motifs similaires. Le premier, daté du 31 mars 1999, a été renvoyé à la Cour et examiné par mon collègue, le juge Cullen. Ce dernier a décidé, le 2 novembre 1999, que le certificat en question était déraisonnable et il l’a annulé (voir : (Canada) Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Jaballah, [1999] A.C.F. no 1681 (1re inst.) (QL) (décision appelée ci‑après « Jaballah no 1 »). M. Jaballah, qui se trouvait en détention depuis la délivrance du certificat, a donc été mis en liberté.

 

[11]           Moins de deux ans plus tard, soit le 13 août 2001, le second certificat, dont la Cour est maintenant saisie, a été délivré. Ce dernier énonce la conclusion des ministres que M. Jaballah est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, en tant que personne décrite aux dispositions suivantes de la Loi de 1985 : le sous‑alinéa 19(1)e)(ii), les divisions 19(1)e)(iv)(B) et (C), le sous‑alinéa 19(1)f)(ii) et la division 19(1)f)(iii)(B). L’énoncé sommaire de renseignements daté du 14 août 2001 qui lui a été communiqué le 22 août suivant indique que les motifs de cette conclusion, décrite comme étant la croyance du [traduction] « Service » (c’est‑à‑dire le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS), sont que Mahmoud Jaballah :

[traduction]

                  1.      sera, au Canada, l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement de l’Égypte (voir l’alinéa 34(1)b) de la LIRP);

 

                  2.      est membre de l’Al Jihad (AJ), une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle sera l’instigatrice ou l’auteure d’actes visant au renversement du gouvernement de l’Égypte et qu’elle se livrera au terrorisme (voir l’alinéa 34(1)f) de la LIPR);

 

                  3.      est membre de l’AJ, une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée au terrorisme (voir l’alinéa 34(1)f) de la LIPR);

 

                  4.      s’est livré au terrorisme (voir l’alinéa 34(1)c) de la LIPR).

 

Les références faites ici à des alinéas du paragraphe 34(1) se rapportent à des dispositions de la LIPR, comparables à celles qui figurent dans la Loi de 1985 et dans lesquelles, selon moi, les motifs précisés sont inclus comme des raisons de sécurité pour déterminer l’interdiction de territoire au Canada.

 

[12]           Les fondements factuels allégués par les ministres au sujet de M. Jaballah, d’après les déclarations sommaires, ainsi que des renseignements et des éléments de preuve détaillés, peuvent, selon moi, être décrits comme suit :

                  1.      M. Jaballah est soupçonné d’être membre d’une organisation terroriste, le groupe terroriste égyptien Al Jihad, une organisation :

a)                  ayant des antécédents d’activités violentes en Égypte, visant à renverser le gouvernement de ce pays, et se livrant à des activités terroristes à l’étranger;

b)                  entretenant des liens étroits avec le groupe Al Qaïda au sein du réseau d’Ousama ben Laden, qui vise à débarrasser les pays du Proche‑Orient de l’influence occidentale et à attaquer les sociétés occidentales.

c)                  Par ricochet, les activités d’Al Qaïda, y compris les attaques terroristes menées au Pakistan, en Afrique de l’Est, au Yémen, à New York et à Bali, ainsi que les attaques reproduisant ces opérations lorsqu’elles ont été perpétrées par d’autres à Madrid et à Londres et fait récemment l’objet d’une enquête à Toronto et à Londres, laissent peu de doute que le terrorisme international, qu’il soit directement engendré par Al Qaïda ou qu’il en soit la reproduction, pose une menace sérieuse pour la société, notamment dans les pays occidentaux. Selon au moins deux déclarations de dirigeants du groupe Al Qaïda, le Canada est un pays susceptible d’être la cible d’une attaque terroriste.

d)                  Tant le groupe égyptien Al Jihad que le groupe Al Qaïda ont été désignés, par le décret C.P. DORS/2002‑284 du 23 juillet 2002 délivré par le gouverneur en conseil aux termes du paragraphe 83.05(1) du Code criminel, tel que modifié par L.C. 2001, ch. 41, art. 4, comme des entités au sujet desquelles « il existe des motifs raisonnables de croire que, sciemment, [elles se sont livrées ou ont] tenté de se livrer à une activité terroriste, y [ont] participé ou l’[ont] facilitée... ».

 

                  2.      Il est soupçonné de s’être livré au terrorisme, en Égypte, et par la suite, y compris le fait d’avoir relayé des communications entre des cellules d’AJ, notamment celles qui ont pris part, le 7 août 1998, aux attentats à la bombe contre les ambassades des États‑Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar‑es‑salaam (Tanzanie). Des numéros de téléphone associés à M. Jaballah au Canada sont soupçonnés d’avoir été liés à des extrémistes islamiques, tant au pays qu’à l’étranger.

 

                  3.      Il est soupçonné d’avoir fait montre [traduction] « dans ses voyages de tendances qui concordent avec le profil d’un extrémiste moudjahiddine islamique – qui a quitté l’Égypte pour se battre en Afghanistan, a suivi un entraînement au Yémen et a peut‑être combattu en Tchétchénie ». Dans les années 1990, le Yémen et l’Azerbaïdjan étaient reconnus pour être des refuges et des bases d’entraînement pour les terroristes islamiques. En outre, on le soupçonne d’avoir passé un certain temps en Afghanistan. Il ne peut retourner sans difficulté en Égypte sans s’exposer au risque de poursuites additionnelles, de détention ou de pires traitements.

 

                  4.      Il a été associé à de nombreux membres de haut rang et notoires du groupe AJ ainsi qu’à d’autres terroristes ou activités d’Al Qaïda, dont des personnes au Canada et à l’étranger.

 

[13]           Nul ne conteste les activités d’AJ et d’Al Qaïda. Aucune des allégations qui précèdent ne se rapporte directement aux points clés dont il est question en l’espèce. Au cours du plaidoyer concernant le bien‑fondé du certificat, l’avocat des ministres, répondant à une question de l’avocat de la partie adverse, a précisé qu’en l’espèce, ses clients n’invoquaient pas [traduction] « la subversion » ou ne tentaient pas de l’établir. Cela signifie, selon moi, que le ministère public ne tente pas d’établir les allégations selon lesquelles M. Jaballah [traduction] « sera l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement de l’Égypte par la force » (la première des croyances présumées du Service) ou que l’Al Jihad (AJ) [traduction] « sera l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement de l’Égypte par la force » (une partie de la seconde des croyances présumées du Service).

 

[14]           Cette modification étant faite, les préoccupations d’ordre législatif des ministres se résument comme qui :

A.        que M. Jaballah est et a été membre d’Al Jihad (AJ), une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes de terrorisme, des questions qui tombent sous le coup de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR;

 

B.         que M. Jaballah s’est livré au terrorisme, une question qui tombe sous le coup de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR.

 

[15]           Je reviendrai plus tard dans les présents motifs à ces allégations ainsi qu’aux raisons de sécurité prévues par la loi qui sont suggérées pour justifier l’interdiction de territoire, avant de traiter du caractère raisonnable du certificat.

 

3.         La situation de M. Jaballah au point de vue de l’immigration

 

[16]           M. Jaballah et sa famille sont arrivés au Canada en mai 1996. La famille provenait de l’Égypte, dont M. Jaballah, son épouse et ses trois premiers enfants sont citoyens. Ils ont quitté ce pays en juillet 1991 à destination de l’Arabie saoudite, pour un pèlerinage religieux. Ils ne sont pas retournés chez eux à cause de leur inquiétude au sujet de la manière dont les autorités égyptiennes traitaient M. Jaballah, qui prétend avoir été arrêté et gardé en détention à sept reprises, juste parce qu’il est un fondamentaliste musulman fervent. Il a été torturé à quelques occasions, de même que son épouse, qui a elle aussi été gardée en détention à quelques‑unes de ces occasions et, à l’une de ces dernières, maltraitée au point de faire une fausse couche. Après trois mois en Arabie saoudite, la famille a déménagé à Peshawar (Pakistan) en 1991. Là, M. Jaballah et son épouse ont tous deux obtenu un poste d’enseignant, elle dans une école relevant de l’ambassade saoudienne et où M. Jaballah a plus tard enseigné pendant un an après avoir travaillé d’abord comme enseignant et ensuite comme directeur dans une école de Peshawar dirigée par l’International Islamic Relief Organization.

 

[17]           En août 1994, craignant que l’on renvoie du Pakistan des Égyptiens et d’autres ressortissants arabes vers leur pays d’origine, M. Jaballah dit s’être rendu seul, sous un faux passeport irakien, au Yémen, où il est resté un an. Incapable d’obtenir un emploi régulier dans sa profession d’enseignant, M. Jaballah dit être allé en Azerbaïdjan, en utilisant le même passeport. Il est resté là environ huit mois, sans trouver d’emploi régulier. Il soutient avoir subvenu à ses besoins au Yémen et en Azerbaïdjan principalement grâce aux économies réalisées pendant ses trois années d’enseignement au Pakistan.

 

[18]           Pendant ce temps, sa famille, dont un quatrième enfant né sur place, est restée à Peshawar. Son épouse a continué d’enseigner et de subvenir aux besoins de la famille grâce à son salaire. En mars 1996, M. Jaballah est retourné au Pakistan et, avec sa famille, il a déménagé en Azerbaïdjan, en utilisant un faux passeport de l’Arabie saoudite; de là, sa famille et lui se sont rendus en Turquie, en Allemagne et, finalement, au Canada. Après son arrivée à Toronto, en mai 1996, il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention pour lui‑même, son épouse et leurs quatre enfants. Depuis l’arrivée de la famille au Canada, M. Jaballah et son épouse ont eu deux autres enfants.

 

[19]           Le 4 mars 1999, la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SSR) a statué que M. Jaballah et les membres de sa famille nés à l’étranger n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Cette décision a ensuite été l’objet d’une demande fructueuse d’autorisation et de contrôle judiciaire, qui a mené à l’annulation de la décision défavorable de la SSR le 28 septembre 2000, après que le premier certificat de sécurité eut été délivré et annulé. La revendication du statut de réfugié a été renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué (voir : Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 A.C.F. no 1577, (2000) 196 F.T.R. 175).

 

[20]           La nouvelle audition de la revendication du statut de réfugié de M. Jaballah devait avoir lieu le 16 août 2001, soit le lendemain de l’arrestation de M. Jaballah en vertu du second certificat de sécurité. Cette audition a été ajournée. La revendication a par la suite été refusée au sujet de M. Jaballah, mais, le 9 avril 2003, elle a été accueillie au sujet de son épouse et des quatre enfants nés à l’étranger. Cela signifie donc que M. Jaballah demeure un étranger, mais que son épouse et quatre enfants (nés à l’étranger) sont des réfugiés au sens de la Convention, et que les deux enfants les plus jeunes sont Canadiens.

 

4.         Les caractéristiques particulières de la présente instance

 

[21]           Avant la décision portant sur la revendication du statut de réfugié, lorsque le second certificat de sécurité a été délivré au milieu d’août 2001 et renvoyé à la Cour, j’ai été désigné pour instruire l’affaire, en vertu du paragraphe 40.1(4) de la Loi de 1985, aujourd’hui les articles 76 et 77 de la LIPR. Comme je l’ai mentionné plus tôt, depuis le 15 août 2001, M. Jaballah est gardé en détention, d’abord pour une période d’environ six semaines à Millhaven, un établissement pénitentiaire fédéral, et ensuite jusqu’au 24 avril 2006 au Centre de détention de Toronto‑Ouest, une installation de détention provisoire provinciale à sécurité maximale; depuis la fin d’avril 2006, il se trouve à Kingston, dans un Centre de détention de l’immigration nouvellement établi.

 

[22]           À l’époque où il se trouvait au Centre de Toronto, et par la suite quand il a témoigné, M. Jaballah a été présent à toutes les audiences de la Cour. À deux reprises, le 28 juin et du 11 au 14 septembre 2006, il a assisté aux audiences à titre d’observateur, à son choix, par liaison audiovisuelle, entre la salle d’audience à Toronto et le Centre de détention de l’immigration à Kingston. Ces audiences ont eu lieu sans témoins, dans le but de recevoir des observations des avocats des parties.

 

[23]           Les procédures faisant suite au certificat de 2001 se sont déroulées en trois étapes, qui se sont quelque peu chevauchées dans le temps mais qui visaient des fins différentes. Entre les mois d’août 2001 et mai 2003, la première phase a porté sur le caractère raisonnable du certificat. Ensuite, après que M. Jaballah eut refusé de répondre aux renseignements mis à la disposition des ministres, le certificat a été jugé raisonnable, une décision que la Cour d’appel a infirmée en juillet 2004. La deuxième phase, qui a duré du mois d’octobre 2003 au mois de mars 2006, a porté principalement sur des demandes de M. Jaballah concernant sa mise en liberté, ainsi que sur des examens de diverses décisions rendues au nom du MCI et refusant sa demande de protection. La troisième phase, de février à septembre 2006, a eu pour but de compléter les dépositions et les plaidoyers concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité des ministres, et d’examiner un certain nombre de requêtes interlocutoires préliminaires présentées au nom de M. Jaballah, lesquelles ont été instruites entre les mois de février et de juin 2006.

 

5.         Les renseignements et les éléments de preuve présentés à la Cour, et les efforts faits pour en assurer la communication

 

[24]           L’opinion certifiée par les ministres repose en partie sur des « renseignements » qui, d’après l’article 76 de la LIPR, signifient « les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de sources canadiennes ou du gouvernement d’un État étranger, d’une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l’un de leurs organismes », et en partie sur des éléments de preuve ou d’autres types de renseignements dans le sens ordinaire du terme, dont des témoignages et des documents déposés par M. Jaballah ou les ministres, ou en leur nom. Pour les besoins des présents motifs, le mot « renseignements » désigne ceux qui sont définis dans la Loi, et le mot « preuve » se rapporte aux documents et aux témoignages soumis par les parties dans le dossier public de l’espèce. La majeure partie, sinon la totalité, des renseignements en matière de sécurité ou de criminalité sont restés entre les mains de la Cour sous la forme d’un dossier confidentiel, et n’ont pas été communiqués à M. Jaballah ou à ses avocats. Je signale qu’à la suite d’une directive datée du 13 février 2002, le dossier relatif à l’affaire Jaballah no 1, qui porte sur le premier certificat de sécurité, a été admis en preuve dans la présente instance, mais que tous les renseignements qui étaient à ce moment‑là protégés par le sceau du secret le sont restés. Par ailleurs, les documents découlant des demandes de statut de réfugié et de protection de M. Jaballah ont été présentés à la Cour afin que celle‑ci puisse exercer sa responsabilité en matière d’examen.

 

[25]           Six volumes de preuve étayant l’opinion des ministres ont été déposés dans le dossier public et communiqués à M. Jaballah en août 2001, de pair avec un résumé de la preuve visé à l’alinéa 78h) de la LIRP et destiné à lui permettre d’être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat. Ni les renseignements communiqués ni le résumé de la preuve ne comportaient un élément quelconque qui, selon moi, s’il était communiqué, porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (comme le prescrit l’alinéa 78h) de la LIPR).

 

[26]           Le résumé de la preuve fourni en août 2001 a été complété et modifié de diverses façons. Par une directive datée du 5 février 2002, la Cour a fait part d’éléments de preuve « nouveaux » dont les ministres ne disposaient pas avant le 2 novembre 1999 quand l’affaire Jaballah no 1 a été tranchée, et qui avaient été communiqués à M. Jaballah en août 2001. Un énoncé comparant les résumés qui lui avaient été communiqués dans le cadre de l’affaire relative au certificat de 1999, ainsi qu’en l’espèce, lui a aussi été fourni à cette occasion. Cela faisait suite à un témoignage concernant la question de savoir quels renseignements étaient « nouveaux », et cette question a été le principal sujet d’interrogatoire et de contre‑interrogatoire de « Mike », un agent du SCRS, lors d’audiences publiques tenues en décembre 2001. Plus tard, un résumé supplémentaire, daté du 18 novembre 2003, a été délivré, avec l’accord de la Cour, relativement à la première demande de M. Jaballah concernant sa mise en liberté.

 

[27]           Au cours des audiences relatives à la seconde demande de mise en liberté, en septembre 2005, M. Jaballah a témoigné pour la première fois dans le cadre de procédures découlant du second certificat. Dans son contre‑interrogatoire, des documents produits en tant que pièces par les avocats des ministres, notamment certains relevés d’appels téléphoniques interurbains et de frais connexes, ont été ajoutés au dossier public. En outre, à diverses audiences, les avocats de M. Jaballah et des ministres ont déposé des documents additionnels qui ont été consignés dans le dossier public. Un second agent du SCRS a témoigné pour le compte des ministres en septembre 2005, lors d’audiences portant sur la seconde demande de mise en liberté de M. Jaballah et, à ce moment‑là, comme cela avait été le cas quand « Mike » avait témoigné en décembre 2001, un certain nombre de documents ont aussi été introduits dans le cadre de son interrogatoire.

 

[28]           On m’a soumis en preuve le témoignage de M. Jaballah et de son épouse en septembre 2005, relativement à la demande de mise en liberté de ce dernier, ainsi que les affidavits et les témoignages de personnes appuyant M. Jaballah lors d’audiences publiques concernant ses deux demandes de mise en liberté en 2003 et en 2005, y compris des personnes disposées à verser un cautionnement s’il était mis en liberté. M. Jaballah et son épouse ont tous deux témoigné en réponse au certificat et aux résumés des ministres, après avoir obtenu, à sa demande, l’autorisation de le faire, et leur témoignage a été entendu en mai et en juillet 2006.

 

[29]           Enfin, le résumé de la preuve d’août 2001 et celui de novembre 2003 ont été modifiés à deux reprises, soit en novembre 2005 et en juin 2006, après que la Cour eut procédé à des examens distincts des renseignements confidentiels qui n’avaient pas été communiqués à M. Jaballah. Les modifications introduites, de peu d’ampleur, garantissaient toutefois qu’au fil du temps, tous les renseignements pouvant être communiqués l’étaient. Seuls les renseignements qui, s’ils étaient communiqués, porteraient selon moi, aux termes de l’alinéa 78h) de la LIPR, préjudice à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui malgré le temps écoulé, sont restés dans le dossier confidentiel de la Cour.

 

[30]           C’est donc dire que la Cour a en main une quantité considérable de renseignements et d’éléments de preuve. Une bonne part des renseignements et des éléments de preuve ajoutés depuis août 2001 ont trait à des mises à jour ou à des perspectives concernant les renseignements et les éléments de preuve dont disposaient les ministres à l’époque où ils ont certifié leur opinion. Les renseignements et les éléments de preuve figurant dans le dossier ne sont pas tous pertinents pour déterminer le caractère raisonnable du certificat de sécurité. L’essentiel de cette opinion est exposé dans le résumé de la preuve d’août 2001, lequel a été modifié par le résumé de novembre 2003 et de nouveau par la voie d’une ordonnance rendue le 8 juin 2006. Les modifications comprennent des mises à jour des renseignements, principalement sur des personnes nommées dans le premier résumé de la preuve, ainsi que sur leurs allées et venues et leurs activités après août 2001. Depuis que le certificat a été délivré en août 2001, la situation mondiale a changé. Après les tragédies survenues à New York et à Washington le 11 septembre 2001, une grande partie du monde occidental s’inquiète davantage du terrorisme international. Certains événements contextuels, ne concernant pas directement M. Jaballah, sont l’objet de documents, de témoignages et d’arguments que les parties ont présentés à la Cour, et cette dernière admet d’office des faits nouveaux notoires, mais pas à l’égard de questions qui se rapportent directement à M. Jaballah.

 

6.         L’acceptation ou la modification de certaines conclusions tirées par la Cour dans sa décision de 2003

 

[31]           Certaines des décisions que la Cour a rendues dans sa décision de 2003 : Re Jaballah, 2003 CFPI 240, [2003] 4 C.F. 345, [2003] A.C.F. no 822 (1re inst.) (QL), méritent un bref commentaire avant que je traite des éléments de preuve et des plaidoyers relatifs aux préoccupations qui sous‑tendent le certificat de sécurité des ministres. La Cour d’appel a infirmé la décision de 2003 selon laquelle le certificat était raisonnable (Re Jaballah, 2004 CAF 257, [2004] A.C.F. no 1199 (C.A.) (QL), mais d’autres décisions secondaires prises dans le cadre de la décision de 2003 et revêtant une certaine importance pour la présente espèce, ont été acceptées par les parties et la Cour. Je les énumère ici brièvement, en signalant si la décision secondaire en question a été acceptée par les parties, ou acceptée après modification par la Cour, et ce, en faisant référence aux paragraphes applicables de la décision de 2003, ou aux directives applicables de la Cour.

 

[32]           Les décisions secondaires en question sont les suivantes :

1)         La Cour accepte que, dans une instance relative à un certificat de sécurité, les principes de l’autorité de la chose jugée ou de l’abus de procédure empêcheraient de confirmer un second certificat de sécurité délivré à l’égard d’une personne, lorsqu’un premier certificat a été jugé déraisonnable et qu’il est annulé, à moins que le second certificat soit fondé sur de nouveaux renseignements et de nouveaux éléments de preuve, connus seulement après que la décision a été rendue sur le premier. (Décision de 2003, paragraphes 72 à 74) (Accepté par les parties.) La principale répercussion de cette décision secondaire pour la présente espèce est que les questions traitées dans l’affaire Jaballah no 1 ne sont susceptibles de contrôle ou de réexamen que s’il existe de nouveaux éléments de preuve. Dans l’affaire Jaballah no 1 qui a été tranchée en 1999, le juge Cullen a conclu que M. Jaballah était un témoin digne de foi; il s’agit là d’une conclusion générale que je ne mets pas en doute, mais cela ne m’empêche pas de conclure, sur la foi de renseignements et éléments de preuve nouveaux, que son témoignage à propos de certaines questions n’est pas digne de foi.

2)         La Cour énonce le critère permettant d’évaluer si les renseignements et les éléments de preuve qui sous‑tendent le second certificat sont nouveaux. (Décision de 2003, paragraphes 75 à 80) (Accepté par les parties.)

3)         Des renseignements nouveaux et partiellement nouveaux, disponibles après le 2 novembre 1999, date de l’annulation du premier certificat de sécurité concernant M. Jaballah, sont relevés. (Décision 2003, paragraphes 81 à 89) (Accepté par les parties.) Par la suite, des renseignements et des éléments de preuve nouveaux, y compris le témoignage et des documents de M. Jaballah, de son épouse et de personnes les soutenant, ainsi qu’au nom des ministres, ont été reçus dans le cadre de demandes concernant sa mise en liberté ainsi que des observations qu’il a fournies en 2006 contre les préoccupations des ministres et leur certificat.

4)         Une variation par rapport aux facteurs énoncés dans la décision de 2003 est une référence erronée, dans les motifs rendus en 2003, au témoignage d’un agent du SCRS en tant que source de la découverte à l’étranger d’une adresse pour le casier postal de M. Jaballah à Toronto. Cette variation a été rectifiée par une ordonnance datée du 14 juillet 2006. (Accepté, après modification, par la Cour.)

5)         Une autre variation, contenue dans le résumé de la preuve daté du 14 août 2001, est une modification, entérinée par l’ordonnance datée du 22 novembre 2005 de la Cour, qui indique clairement la croyance que [traduction] « M. Jaballah a servi de lien de communication entre des cellules d’AJ le 7 août 1998, date d’un attentat à la bombe contre les ambassades des États‑Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar‑es‑salaam (Tanzanie) ». Cette croyance est demeurée en litige, mais la modification est manifestement une variation par rapport aux commentaires que j’ai faits en 2003, au paragraphe 49 : « Il n’y a aucune référence à ces liens de communication allégués dans le résumé de la thèse des ministres... » [c’est‑à‑dire des liens entre des cellules d’Al Jihad et d’Al Qaïda, particulièrement au courant du mois d’août 1998, ou aux environs de cette date, quand les ambassades des États‑Unis en Afrique de l’Est ont été la cible le même jour de voitures piégées mortelles]. Dans cette décision, j’ai ajouté que les schémas illustrant les liens entre M. Jaballah à Toronto et certains agents ou centres connus d’Al Qaïda n’avaient aucun poids dans la preuve. Cela a été accepté par les avocats des ministres dans leurs observations finales, et ces derniers ont reconnu que les schémas, introduits en preuve dans le cadre du témoignage de « Mike », un agent du SCRS, n’ont été utilisés que pour illustrer sa preuve orale. J’ajoute que le statut des schémas n’a aucune incidence sur la question de savoir si M. Jaballah a servi de lien de communication entre des cellules d’AJ.

6)         La décision d’un agent d’ERAR, datée du 15 août 2002 et prise à la suite d’un examen préliminaire de la demande de protection de M. Jaballah, à savoir qu’il y avait des motifs sérieux de croire que s’il était renvoyé du Canada vers son Égypte natale, M. Jaballah s’exposerait à un risque de torture, ainsi qu’à une menace à sa vie ou à un risque de peine ou de traitement cruel et inusité, a été réputée par la décision de 2003 (aux paragraphes 20 et 22) constituer le rapport du ministre (MCI) concernant le risque auquel s’exposerait M. Jaballah advenant son renvoi en Égypte. Cette décision secondaire n’a pas été infirmée par la Cour d’appel dans sa décision de 2004 (précitée, au paragraphe 23). Par l’ordonnance que la Cour a rendue le 7 juillet 2005, cette décision secondaire (de 2003) est restée en vigueur aux fins du réexamen, par le MCI, de la demande de protection en tant qu’étape de l’examen du caractère raisonnable du certificat. (Accepté par les parties même si, au départ, les avocats des ministres ont fait valoir que tous les aspects de la décision de 2003 de la Cour ont été annulés à toutes fins pratiques par la décision de 2004 de la Cour d’appel, une observation à laquelle la Cour n’a pas souscrit.)

7)         La possibilité donnée à M. Jaballah d’être entendu sur l’interdiction de territoire le visant, ce que garantit l’alinéa 78i) de la LIPR, mais dont il a refusé de se prévaloir en 2003, a été donnée dans la présente instance en 2006, au moment de réexaminer le certificat des ministres. M. Jaballah s’en est prévalu, après que l’on eut demandé et obtenu l’autorisation qu’il témoigne ou produise des éléments de preuve. Son épouse et lui ont témoigné en mai et en juillet 2006, et le plaidoyer en sa faveur concernant le caractère raisonnable du certificat a été entendu en septembre 2006. À mon avis, M. Jaballah a eu amplement la possibilité, comme le prévoit l’alinéa 78i) de la LIPR, de répondre à la décision des ministres qu’il est interdit de territoire au Canada. Je crois que les avocats des parties souscrivent à cette opinion.

 

[33]           La dernière variation qui est survenue depuis la décision de 2003 a trait au rôle de la Cour quant aux questions de nature constitutionnelle qui se posent en l’espèce. Certaines questions de cette nature ont été soulevées par l’avocat qui représentait à l’époque M. Jaballah, lors de la phase initiale en 2001. Dans la décision de 2003 (au paragraphe 44), j’ai écrit ce qui suit :

[...] J’ai indiqué que les questions constitutionnelles soulevées, dans la mesure où elles étaient semblables à celles qui ont été soulevées devant le juge Nadon dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, (2001), 199 F.T.R. 190, 13 Imm. L.R. (3d) 33, si elles étaient débattues en l’espèce, le seraient de la même façon dont elles l’ont été par le juge Nadon, à moins que la présente Cour ne soit convaincue qu’il était manifestement dans l’erreur. Cela incluait sa décision selon laquelle un juge qui examine une attestation rendue en vertu de l’article 40.1 de la Loi de 1985 n’a pas le pouvoir d’entendre les arguments concernant la constitutionnalité de cette disposition législative, à l’égard de laquelle on a conclu qu’elle ne contrevenait pas aux articles 7 et 9, ou à l’alinéa 10c) de la Charte canadienne des droits et libertés ni à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits (voir : Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669, appel rejeté (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.), et autorisation d’appel refusée [1997] 2 R.C.S. p. v.). Bien qu’il n’y ait pas eu d’autres arguments concernant les questions constitutionnelles dont je suis saisi, je note pour le dossier qu’elles ont été soulevées.

 

 

[34]           Le droit applicable en cette matière a été réexaminé par mon collègue le juge Simon Noël, dans la décision Re Charkaoui, [2004] 3 R.C.F. 32, 2003 CF 1419, appel rejeté, 2004 CAF 421, 247 D.L.R. (4th) 405, [2004] A.C.F. no 2060 (C.F.A.) (QL). Dans cette affaire, le juge a rejeté une demande de déclaration portant que les articles 77 à 83 de la LIPR étaient inconstitutionnels. Il a décrété - et la Cour d’appel l’a par la suite confirmé - qu’à titre de juge désigné, il était habilité à trancher les questions, constitutionnelles ou autres, qui se posaient dans le contexte d’une demande d’examen des motifs de détention d’un résident permanent détenu en vertu d’un mandat ministériel délivré dans le cadre de procédures relatives à un certificat de sécurité, et, de plus, que les dispositions de la LIPR qui étaient mises en doute n’étaient pas inconstitutionnelles.

 

[35]           Les décisions que la Cour d’appel a rendues dans Charkaoui, Almrei et Harkat, lesquelles portent toutes sur des questions constitutionnelles soulevées dans des affaires de certificat de sécurité, ont été portées en appel devant la Cour suprême du Canada et instruites au milieu du mois de juin 2006. Les appels n’ont pas encore été tranchés et, en l’espèce, les avocats de M. Jaballah ont mis de côté certaines questions constitutionnelles, qui, disent‑ils, se posent en l’espèce. en vue d’un règlement ultérieur possible suivant les décisions que rendra la Cour suprême du Canada. Les avocats des ministres et la Cour ont jugé que cette mesure était acceptable.

 

[36]           Les questions constitutionnelles évoquées par les avocats de M. Jaballah, et considérées comme mises de côté en l’espèce, selon la lettre des avocats datée du 20 septembre 2006, sont les suivantes :

[traduction]

A.        Le régime législatif qui s’applique à la délivrance d’un certificat de sécurité ainsi qu’à la détermination de son caractère raisonnable, soit les articles 77 à 81 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ne respecte pas les principes de justice fondamentale, conformément à l’article 7 de la Charte des droits et libertés, notamment parce que :

(i)         le fond de la cause contre la personne est présenté par les ministres ex parte et à huis clos et cela enfreint l’exigence selon laquelle une personne a le droit de connaître ce qui lui est reproché et a droit à une occasion équitable d’y répondre, notamment dans une situation où l’on viole la liberté à la demande de l’État et où la personne s’expose au risque d’être renvoyée et ensuite torturée;

(ii)        l’absence d’un avocat pour la personne concernée, voire d’un amicus indépendant, lors de la partie secrète de l’audition compromet l’indépendance et l’impartialité du juge désigné, ce qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale;

(iii)       le critère des « motifs raisonnables » constitue un seuil si faible qu’il rend presque illusoire toute défense contre les allégations qui sont connues.

 

B.         Le régime législatif qui s’applique à la délivrance d’un certificat de sécurité ainsi qu’à la détermination de son caractère raisonnable, de pair avec la détention obligatoire et indéfinie, soit les articles 77 à 85 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, viole les droits à l’égalité que garantit au demandeur l’article 15 de la Charte, en ce sens qu’il vise uniquement les non‑citoyens et que le demandeur a été assujetti à celui‑ci du fait de l’établissement d’un profil religieux racial.

 

Je signale pour le dossier mon opinion selon laquelle il n’y a en l’espèce aucun élément de preuve ou aucun renseignement, hormis un commentaire critique sur les causes relatives aux certificats en général, selon lequel M. Jaballah est soumis à l’application des articles 77 à 85 de la LIPR « du fait de l’établissement d’un profil religieux racial ».

 

7.         Examen des éléments de preuve et des renseignements sur lesquels sont fondées les préoccupations des ministres

 

[37]           Les activités terroristes du groupe égyptien Al‑Jihad (AJ) ou d’Al Qaïda, d’après les sources publiques largement disponibles qui ont été présentées à la Cour, ne font aucun doute. Par ailleurs, les relations entre ces deux organisations sont devenues plus étroites, à l’échelon international du moins, et, ces dernières années, le leadership du groupe AJ joue un rôle de premier plan au sein du réseau d’Al Qaïda. Ayman Al Zawaheri, ainsi que d’autres hauts dirigeants d’AJ, jouent des rôles de chef de file au sein d’Al Qaïda. Al Zawaheri, par exemple, est depuis quelques années le principal porte‑parole d’Oussama ben Laden et, semble‑t‑il, son commandant en second.

 

[38]           Les avocats de M. Jaballah ont laissé entendre qu’il n’y a actuellement pas de preuve que le groupe AJ existe toujours, mais cela importe peu car il est prouvé que ce groupe existait bel et bien dans les années 1980 et 1990, soit celles pendant lesquelles M. Jaballah était actif. Quoi qu’il en soit, les deux organisations continuent d’être désignées au Canada, par le décret C.P. DORS/2002‑284 daté du 23 juillet 2002 et prononcé en vertu du paragraphe 83.05(1) du Code criminel, tel que modifié par L.C. 2001, ch. 41, art. 4, en tant qu’entités dont il existe des motifs de croire que, sciemment, elles se sont livrées ou ont tenté de se livrer à une activité terroriste, y ont participé ou l’ont facilitée.

 

[39]           La seule question soumise à la Cour, au sujet d’AJ ou d’Al Qaïda, consiste à savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que M. Jaballah appartient ou a appartenu à l’un ou l’autre de ces deux groupes, ou à n’importe quelle organisation terroriste. Ce dernier l’a constamment nié. Il existe pourtant des éléments de preuve et des renseignements à partir desquels, selon moi, un observateur raisonnable trouverait des motifs de croire qu’il a appartenu ou appartient à un groupe terroriste, et à AJ.

 

[40]           Le premier élément de preuve de cette nature, qui est nouveau pour les ministres depuis que la décision Jaballah no 1 a été rendue au début de novembre 1999, est un avis d’Interpol concernant un fugitif recherché pour cause de poursuites en Égypte. L’individu nommé est Mahmoud Said, également connu sous le nom de Mahoumoud Al Sayed Gaballah Said, et l’avis comporte une photographie et des empreintes digitales datant de 1989. Dans la décision de 2003, j’ai décrit l’avis en ces termes :

Un avis d’Interpol, publié le 13 juillet 1999, qui est parvenu au SCRS, agissant pour le compte du solliciteur général, le 29 novembre 1999 seulement, au sujet d’une personne identifiée comme étant Mahmoud Said, également connue sous le nom de Mahoumoud Al Sayed Gaballah Said, qui était recherchée par le gouvernement égyptien en vertu d’un mandat alléguant qu’il était membre d’une organisation terroriste responsable de la planification et de la logistique, de la fourniture d’armes et d’explosifs et de l’évasion de terroristes actifs. En août 2000, le SCRS a reçu une comparaison certifiée par un expert de la GRC des empreintes digitales prises en 1996 par Immigration Canada à son arrivée au Canada, de Mahmoud Es‑Sayyid Jaballah, le défendeur, et des empreintes fournies par le gouvernement égyptien à Interpol pour son avis de juillet 1999. Cette comparaison certifiée indique que les deux séries d’empreintes digitales appartiennent à la même personne. En l’absence de toute explication, il s’ensuit manifestement que M. Jaballah est la personne dont les empreintes digitales ont été communiquées en même temps que l’avis d’Interpol et en outre que M. Jaballah est la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrestation en Égypte.

 

[41]           La description qui est faite du fugitif dans l’avis ne correspond pas à certains égards à M. Jaballah. La date de naissance est différente de celle qu’a déclarée M. Jaballah, la faculté dont le fugitif a obtenu son diplôme à l’université de Zagazig serait celle des arts, tandis que M. Jaballah dit avoir obtenu son diplôme de la faculté de biologie, mais la profession indiquée pour le fugitif est celle d’« enseignant », la même que pour M. Jaballah. Il y a aussi une anomalie inexpliquée dans les numéros de passeport indiqués dans l’avis.

 

[42]           Malgré ces différences, je conclus que la personne visée par l’avis d’Interpol est le défendeur, Mahmoud Jaballah. Dans un témoignage fait en 2006, celui‑ci a reconnu que la photographie apparaissant sur l’avis est la sienne, mais il nie avoir pris part à des activités terroristes alléguées, et il n’a aucune explication pour le certificat de l’expert en empreintes digitales de la GRC selon lequel les empreintes contenues dans l’avis sont les mêmes que celles que l’on a obtenues de M. Jaballah à son arrivée au Canada en 1996.

 

[43]           Pour les besoins de l’espèce, cet avis est important à deux autres égards. Le fugitif (M. Jaballah) est recherché en Égypte parce qu’il est accusé d’appartenir à une organisation terroriste en vertu de la loi criminelle égyptienne portant le numéro 58/1937. Pour cette infraction, sur déclaration de culpabilité, la peine maximale serait la peine de mort. Par un autre avis d’Interpol daté du 24 mars 2003, et reçu au Canada plus tard en 2003, les autorités égyptiennes ont reconnu qu’il s’agit là de la peine maximale, mais que [traduction] « la peine maximale probable est une peine de travaux forcés à perpétuité ».

 

[44]           Les avocats de M. Jaballah ont fait valoir avec insistance que la Cour ne devrait accorder aucun poids à l’avis d’Interpol, ou sinon, qu’elle devrait considérer cet avis uniquement comme une confirmation que le gouvernement égyptien continue de harceler le défendeur. En outre, vu la réputation qu’ont les autorités égyptiennes de recourir à la torture pour obtenir des informations, la Cour devrait ignorer l’avis à moins d’être convaincue qu’elle a en main la preuve sur laquelle repose l’accusation égyptienne et que cette preuve n’a pas été obtenue par la torture d’un témoin réticent. Cela, me semble‑t‑il, se rapproche de la norme de preuve au‑delà de tout doute raisonnable, laquelle est plus stricte que la norme des motifs raisonnables, qui s’applique en l’espèce.

 

[45]           La preuve présentée aux ministres inclut l’avis d’Interpol. On ne peut en faire abstraction. À mon avis, il s’agit là d’une preuve qui étaye, comme étant raisonnable, la conclusion selon laquelle M. Jaballah est recherché pour avoir appartenu, naguère, à une organisation terroriste. Il me semble clair qu’aux yeux des autorités de son propre pays, il est considéré comme un terroriste, membre d’une organisation terroriste.

 

[46]           Le second aspect des éléments de preuve et des renseignements qui étayent le caractère raisonnable de la décision des ministres est le tableau qui ressort des contacts qu’a eus M. Jaballah avec un certain nombre de personnes au Canada et à l’étranger que l’on sait ou que l’on soupçonne être ou avoir été associées à des activités ou à des organisations terroristes. Ces contacts renforcent l’opinion des ministres selon laquelle M. Jaballah était en communication avec des figures importantes du réseau d’AJ‑Al Qaïda, et ce, d’une manière réservée seulement à une personne ayant un rang plutôt élevé au sein de ce réseau.

 

[47]           Je résume ci‑après ces contacts. Je reconnais tout d’abord, comme l’ont allégué les avocats de M. Jaballah, qu’il se peut qu’il y ait peu de choses en commun entre les personnes en question, sauf, à mon avis, leur conviction commune et leur participation, relatée dans la preuve publique et étayée par des renseignements non divulgués, à des activités terroristes visant à atteindre des objectifs politiques et religieux. Je reconnais que le fait de porter attention aux liens entretenus avec ces personnes peut mener à une perspective étroite à propos de M. Jaballah, car les personnes nommées ne sont pas les seules avec lesquelles ce dernier a été associé. Pourtant, les ministres trouvent louches les contacts qu’il a eus avec cette série de personnes à cause de la participation perçue de ces dernières à des activités terroristes.

 

[48]           Le fait de croire que M. Jaballah a eu des contacts avec d’autres personnes connues pour avoir pris part à des activités terroristes est raisonnablement étayé, à défaut d’une explication satisfaisante, par les nombreux appels qui ont été faits à partir du téléphone de M. Jaballah et dont les frais ont été imputés à ce dernier. Quant aux éléments de preuve produits en contre‑interrogatoire, au moment d’examiner la demande de mise en liberté présentée par M. Jaballah en 2005, la Cour a fait le commentaire suivant (voir Re Jaballah, 2006 CF 115, aux paragraphes 54 à 56) :

[54]      Je ne doute nullement du profond désir de M. Jaballah d’être auprès de sa famille et de subvenir à ses besoins. Toutefois, sa crédibilité sous d’autres aspects laisse beaucoup à désirer. En contre‑interrogatoire, il a d’abord dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir communiqué avec quiconque au Pakistan après être arrivé au Canada, qu’il n’avait communiqué avec personne au Yémen après avoir quitté ce pays où il ne connaissait qu’une personne avec laquelle il avait travaillé, et que, plus tard, après avoir quitté l’Azerbaïdjan en 1995, il n’y avait pas laissé d’amis et n’avait pas communiqué avec quiconque dans l’un ou l’autre de ces pays, une fois arrivé au Canada. Plus tard, il a été interrogé sur des relevés de téléphone, produits à ce moment‑là, qui indiquaient plusieurs appels vers ces trois pays, notamment 72 appels au Yémen et 47 appels en Azerbaïdjan depuis son téléphone au Canada, principalement en 1996 et 1997. Il a alors reconnu que certains des appels indiqués avaient été faits par lui, ou peut‑être par son épouse. Certains des appels indiqués étaient si brefs, une minute environ, qu’il avait pu s’agir, comme il l’a donné à entendre, d’appels impossibles à exécuter, mais de nombreux appels d’une durée plus longue, qu’il a semblé reconnaître comme siens, n’ont pas été expliqués d’une manière satisfaisante.

[55]      Les relevés de téléphone indiquent aussi qu’il a fait depuis son téléphone quelque 75 appels à Londres, en Angleterre, principalement au International Office for Defence of the Egyptian People, organisme dont on croit qu’il constitue un lien opérationnel pour Al‑Qaeda. Ces appels, il a reconnu les avoir faits quand il était en quête de conseils ou d’une aide pour sa demande d’asile, afin d’appuyer sa demande de révision à l’encontre du rejet de sa demande d’asile. Il reste que de nombreux appels consignés en 1996 et au début de 1997 ont été faits avant que la demande d’asile de M. Jaballah soit entendue et, à mon avis, ces appels n’ont pas été expliqués d’une manière satisfaisante. Il n’y a pas eu non plus d’explication satisfaisante pour plus de 20 appels facturés par Bell Canada au numéro de téléphone de M. Jaballah pour la période allant du 4 au 6 juin 1996, peu après son arrivée au Canada, appels qui étaient dirigés vers le Royaume‑Uni, le Yémen, l’Azerbaïdjan et le Pakistan.

[56]      Un autre témoignage de M. Jaballah au cours duquel il a dit qu’il n’avait pas communiqué avec d’autres au Canada après son arrivée ici a été mis en doute en raison de relevés indiquant des appels faits depuis son téléphone vers Montréal, Winnipeg et Edmonton, dans chaque cas vers des numéros de téléphone de personnes suspectées par le SCRS d’avoir des liens avec le terrorisme international. Quant à ses déplacements à l’intérieur du Canada, il a d’abord dit qu’il n’avait visité que Montréal (afin d’obtenir une assurance automobile moyennant une prime inférieure à celle qu’il pouvait obtenir à Toronto), Niagara Falls et London. Prié plus tard de préciser les autres endroits qu’il avait visités, il a reconnu qu’il s’était rendu en voiture à St. Catherine’s et aussi à Winnipeg pour visiter une personne en particulier, dont il a dit qu’elle n’était pas véritablement un ami, mais qui l’avait aidé, lui et sa famille, à leur arrivée au Canada. Il a dit que sa relation avec une autre personne, qui vivait alors en Alberta et qui a depuis été accusée par des procureurs aux États‑Unis d’activités de financement du terrorisme, avait été accidentelle et s’était produite à l’initiative de la personne en Alberta dont M. Jaballah a dit qu’il ne la connaissait pas vraiment. Or, d’après les relevés, M. Jaballah a fait, depuis son numéro de téléphone de Toronto, de nombreux appels téléphoniques à Edmonton et à Leduc, où sa relation résidait alors. Ces appels n’ont pas été expliqués d’une manière satisfaisante.

 

[49]           Voici maintenant un sommaire de mes conclusions à propos des contacts que M. Jaballah a eus avec des personnes jugées louches par les ministres et soupçonnées d’avoir participé à des activités terroristes, ainsi que du rôle que ce dernier aurait joué en tant que lien de communication entre diverses cellules et des dirigeants d’opérations liées à AJ et à Al Qaïda.

 

[50]           Premièrement, il s’agit de contacts présumés avec des personnes se trouvant au Canada et jugées louches par les ministres en raison de leurs liens avec des activités et des organisations terroristes. M. Jaballah a reconnu avoir eu des contacts avec chacune de ces personnes, mais sans être au courant de leurs activités terroristes, et uniquement à des fins innocentes. Voici la liste des personnes jugées louchées au Canada :

Ahmed Said Khadr, un Canadien, actif en Afghanistan et au Pakistan, de même qu’au Canada, avec son organisme de secours établi au Canada, Human Concern International. Depuis que la présente affaire a débuté en 2001, M. Khadr est soupçonné d’avoir accédé à un rang élevé au sein du groupe de ben Laden et il a été tué dans un combat avec les forces d’Al Qaïda en Afghanistan ou au Pakistan. M. Jaballah a reconnu avoir rencontré Khadr, un membre bien connu de la communauté musulmane, dans une mosquée à Toronto, mais seulement après son arrivée au Canada, mais des renseignements ont été fournis aux ministres au sujet des contacts que les deux hommes ont eus avant cela, à Peshawar, où les deux travaillaient pour des organismes de secours différents.

 

Hassan Farhat, que l’on soupçonne d’avoir occupé un poste clé au sein d’Ansar‑al‑Islam, à la tête d’une unité combattante de quelques 80 membres et d’une cellule de six personnes prêtes à se livrer à des attentats‑suicides. L’organisation fait partie de celles qui sont énumérées, comme AJ et Al Qaïda, dans le décret C.P. DORS/2002‑284, tel que modifié, comme étant l’une de celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles se livrent au terrorisme. M. Jaballah soutient avoir rencontré Farhat dans une mosquée à Toronto, peu après son arrivée en mai 1996, à l’époque où il cherchait de l’aide pour aider sa famille à s’établir. Farhat l’a présenté à une personne qui a agi comme interprète et a aidé à préparer sa revendication de statut de réfugié. Farhat l’a également aidé à trouver un logement pour sa famille. Farhat a quitté Toronto environ 4 mois après l’arrivée de M. Jaballah dans cette ville et, plus tard cet automne‑là ou au début de l’hiver, même s’il dit ne pas avoir vraiment d’amis, M. Jaballah s’est rendu en automobile, en compagnie de son jeune fils et de deux autres hommes, jusqu’à Winnipeg pour y rencontrer Farhat, qui était souffrant. Plus tard, après que Farhat eut déménagé à Montréal, M. Jaballah et son épouse lui ont rendu visite.

 

Mohammed Zeki Mahjoub (alias Mahmoud Shaker), un résident permanent au Canada et une figure dominante de la faction « Avant‑garde de la conquête » d’AJ, une autre entité énumérée dans le décret DORS/2002‑284, tel que modifié, et qui a été l’objet d’un certificat de sécurité délivré par les ministres et confirmé comme raisonnable en 2000. M. Jaballah reconnaît avoir rencontré Mahjoub à une seule reprise avant que les deux soient mis en détention ensemble en 2001. Cette première rencontre, de nature sociale, a été brève et s’est déroulée au domicile de la belle‑mère de M. Khadr, à Toronto, où les épouses respectives de MM. Jaballah et Mahjoub s’étaient rendues pour une visite sociale. Quand il a été arrêté en 2000, M. Mahjoub avait sur lui un papier sur lequel était inscrit le nom « Ahmed Jaballah » et le numéro de téléphone à Toronto du défendeur, Mahmoud Jaballah, père d’un fils Ahmed, qui, à l’époque, était adolescent. M. Jaballah s’identifiait souvent sous le nom d’« Abu Ahmed » (traduction : le père d’Ahmed) suivant la coutume égyptienne, comme il l’a décrite. Rien n’explique pourquoi M. Mahjoub aurait pris note du numéro de téléphone d’Ahmed, alors adolescent; l’explication vraisemblable est que le numéro était censé être, ce qui était le cas, celui de Mahmoud Jaballah.

 

Kassem Daher, un citoyen canadien, originaire du Liban, qui, au milieu des années 1990, était un homme d’affaires prospère en Alberta, où l’on soupçonne qu’il a recueilli des fonds et acheté des armes pour une faction terroriste libanaise liée à Al Qaïda. Il a été inculpé, en tant qu’agent de financement du terrorisme international, aux États‑Unis et il a été, pendant un certain temps du moins, gardé en détention au Liban après avoir quitté l’Alberta. De nombreux appels téléphoniques faits depuis le téléphone de Jaballah à Toronto aux numéros de Daher en Alberta n’ont pas été expliqués, sauf que M. Jaballah a soutenu qu’il est à la recherche d’informations au sujet d’un déménagement éventuel en Alberta. Les ministres disposent de renseignements confirmant des contacts que M. Jaballah a eus avec Daher peu après son arrivée au Canada, et M. Jaballah reconnaît l’avoir rencontré à Toronto un mois ou deux après son arrivée au pays.

 

Mustafa Mohammed Krer, un Canadien, soupçonné d’être un ancien dirigeant du Groupe islamique combattant libyen au Canada. M. Jaballah reconnaît l’avoir rencontré à Toronto et lui avoir rendu visite à Montréal, où ce dernier l’a aidé à obtenir une assurance‑automobile. Les ministres disposent de renseignements concernant des contacts que les deux hommes ont eus un certain nombre de fois.

 

[51]           Il y a eu aussi des contacts présumés avec des personnes louches à l’étranger, dont les suivantes :

Thirwat Salah Shehata, un Égyptien, l’un des dirigeants d’AJ, étroitement lié à Ayman Al‑Zawaheri dans diverses opérations, non seulement d’AJ mais aussi d’Al Qaïda. M. Jaballah reconnaît avoir retenu les services de Shehata, un avocat, pour le représenter dans ses démêlés avec les autorités égyptiennes dans les années 1980 et jusqu’à son départ pour l’Arabie saoudite à la fin du printemps de 1991. M. Jaballah dit ne pas être courant des liens de Shehata avec AJ ou Al Qaïda, ou de sa participation à des activités terroristes, mais il n’est pas surpris que Shehata soit peut‑être recherché par les autorités égyptiennes pour ses activités antérieures à titre d’avocat représentant des opposants au régime. Les ministres disposent de renseignements qui étayent la conclusion que les contacts entre MM. Jaballah et Shehata étaient plus fréquents et plus récents que ceux que M. Jaballah a reconnus.

 

Ahmed Sulamah Mabruk, soupçonné d’avoir été le numéro trois d’AJ, et avec lequel on croit que M. Jaballah a eu des contacts réguliers avant que Mabruk soit jeté en prison à Baku (Azerbaïdjan) en septembre 1998. Les ministres disposent de renseignements qui étayent la croyance que Mabruk était un contact régulier de M. Jaballah.

 

Adel Abdel Al Bari et Ibrahim Eidarous, Égyptiens, dirigeants de la cellule d’AJ à Londres (Angleterre) dans les années 1990; depuis lors, gardés en détention, mis en liberté et gardés de nouveau en détention dans le cadre de procédures d’extradition engagées aux États‑Unis pour avoir participé à la communication d’avertissements et de revendications subséquentes au sujet d’attentats à la bombe contre les ambassades des États‑Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar‑Es‑Salaam (Tanzanie) en août 1998, et dans lesquels des centaines de personnes ont perdu la vie. Tous deux ont été inculpés aux États‑Unis et sont recherchés en Égypte pour leurs activités terroristes. Tous deux opéraient à partir du International Office for the Defence of Egyptian People (IODEP) à Londres, organisme soupçonné d’être une façade pour AJ, et d’entretenir des liens avec Al Qaïda, et l’on soupçonne que ce réseau est l’auteur des attentats à la bombe commis aux ambassades situées en Afrique de l’Est. Il semblerait qu’Eidarous se trouvait à Baku (Azerbaïdjan) pour établir des opérations d’AJ à cet endroit à l’époque où Jaballah s’y trouvait, et il a ensuite été envoyé à Londres pour diriger les opérations d’AJ en Angleterre. Al Bari était responsable du bureau de Londres (IODEP). M. Jaballah admet avoir eu des contacts avec Al Bari au téléphone à partir de mars 1997, à l’époque où il cherchait à obtenir des informations à l’appui de sa revendication du statut de réfugié au Canada, et d’avoir eu aussi des contacts avec Eidarous, au sujet d’un projet destiné à lancer au Canada une entreprise de vente de vêtements et d’autres produits en provenance du Proche‑Orient.

 

M. Jaballah ne reconnaît pas avoir eu des contacts avec Al Bari à l’IODEP à Londres en juin 1996, c’est‑à‑dire peu après son arrivée au Canada, pas plus qu’il ne reconnaît avoir eu des contacts au téléphone avec l’Azerbaïdjan et le Yémen à cette époque, ou avec ces endroits et Londres vers le 7 août 1998, jour des attentats à la bombe contre les ambassades américaines en Afrique de l’Est. Les ministres disposent de renseignements qui étayent la conclusion selon laquelle M. Jaballah, peu après son arrivée à Toronto, a communiqué avec de hauts représentants d’AJ à Londres.

 

[52]           Il est en outre allégué, dans le résumé de la preuve des ministres daté du 14 août 2001, tel que modifié, que M. Jaballah est soupçonné d’avoir servi de lien de communication entre diverses cellules d’AJ le 7 août 1998, soit le jour où des ambassades des États‑Unis situées en Afrique de l’Est ont été la cible d’attentats à la bombe. Il est fait écho à cette allégation dans la décision, datée du 23 septembre 2005 (page 6), où le délégué du ministre rejette la demande de protection de M. Jaballah en ces termes :

[traduction

[...] dans les motifs de la décision rendue le 30 décembre 1993 au sujet de la demande de protection [c’est‑à‑dire la première décision concernant cette demande], E.A. Arnott fait référence à des preuves de la participation active de M. Jaballah, depuis le Canada, aux attentats à la bombe commis en 1998 contre les ambassades des États‑Unis au Kenya et en Tanzanie. J’ai examiné cette preuve de façon indépendante et je la trouve convaincante.

 

[53]           Les ministres disposent de renseignements faisant état de communications entre M. Jaballah et divers contacts téléphoniques, soupçonnés d’être des cellules ou des membres d’AJ, en Azerbaïdjan, au Yémen et à Londres le 7 août 1998 ou aux environs de cette date. Les ministres disposent aussi de renseignements sur les mêmes contacts, faits avant et après cette date‑là.

 

[54]           La preuve publique, qui se compose de documents produits et du témoignage de « Mike » en décembre 2001, fait notamment état des techniques et des procédures d’opération d’AJ, par des méthodes clandestines, en prenant bien garde à la sécurité interne et au moyen de cellules d’une taille relativement petite opérant surtout de façon indépendante, et dans lesquelles seules quelques personnes savaient comme le contact devait se faire. Les observateurs croient que relativement peu de hauts dirigeants d’AJ ou d’Al Qaïda communiqueraient avec diverses cellules d’AJ ou d’autres agents engagés dans des complots et des activités terroristes.

 

[55]           À défaut d’une explication satisfaisante quelconque pour les appels téléphoniques, consignés dans le dossier public et reflétés dans les renseignements mis à la disposition des ministres, l’inférence que l’on tire des contacts que M. Jaballah a eus avec des cellules et des hauts dirigeants d’AJ à Londres, en Azerbaïdjan et au Yémen est qu’il était un agent de communication supérieur au sein du réseau d’AJ, et cela inclut les communications faites le 7 août 1998 ou aux environs de cette date, soit le jour où les ambassades des États‑Unis ont été la cible d’attentats à la bombe en Afrique de l’Est et où des centaines de civils ont perdu la vie à Nairobi et à Dar‑Es‑Salaam.

 

[56]           Je passe finalement à quelques questions de nature générale qui ont été soulevées à l’égard des éléments de preuve et des renseignements présentés à la Cour.

 

[57]           Pour le compte des ministres, il est allégué qu’après l’examen de la preuve de M. Jaballah, lors d’entretiens avec des agents du SCRS avant la délivrance du premier certificat, devant la CISR, devant la Cour en 1999 de même que dans le cadre de la présente instance, M. Jaballah a fait preuve d’incohérence et n’est pas digne de foi. Cela contraste directement avec la conclusion tirée par le juge Cullen au moment où le premier certificat de sécurité a été annulé, à savoir que lors des procédures de 1999, M. Jaballah a été généralement digne de foi. Je ne mets pas en doute cette décision et je ne suis pas disposé à conclure que sa preuve en général n’est pas digne de foi. En fait, une bonne part de ce que la Cour sait de ses antécédents et de ses activités est tirée de sa preuve. Cependant, je ne souscris pas à cette dernière à certains égards.

 

[58]           M. Jaballah a témoigné sur certains points de manière évasive. Ses réponses aux questions n’étaient pas toujours directes et, quant on le confrontait à une preuve contradictoire, il modifiait son récit. Le fait d’avoir dit qu’il ne connaissait personne à qui téléphoner au Pakistan, au Yémen ou en Azerbaïdjan, après son arrivée au Canada, a été modifié, mais sans donner d’explication raisonnable lorsqu’on l’a confronté à des relevés d’appels téléphoniques faits à partir de son téléphone à de nombreuses occasions. Dans le même ordre d’idées, il a dit que les voyages qu’il avait faits sur le territoire canadien étaient limités, mais il a changé d’avis quand on lui a posé des questions sur ses voyages à Winnipeg et à Montréal. Au sujet d’une autre question, il a d’abord dit qu’il avait emprunté un téléphone cellulaire après son arrivée au Canada pour que son épouse puisse le joindre en cas d’urgence. Après une question plus précise, il a reconnu avoir gardé le téléphone cellulaire pendant un certain temps et s’en être servi gratuitement et avoir donné le numéro comme étant le sien à un certain nombre de personnes.

 

[59]           Il y a eu des aspects pour lesquels son témoignage, selon moi, a été tout simplement indigne de foi. Par exemple, il a dit ignorer ce qui s’était passé en Afghanistan, ou au sujet de ce pays, pendant les années où il avait vécu à Peshawar, mais cela ne pouvait être que faux, car il s’agit là d’une ville importante du Pakistan, sise près de la frontière afghane, et le travail qu’il accomplissait là consistait censément à enseigner à des orphelins et à d’autres enfants, vraisemblablement d’origine arabe. Son témoignage selon lequel il n’a pas utilisé un casier postal qu’il avait loué à Toronto ne peut être accepté au vu du témoignage fait par « Mike », pour le compte du SCRS, et étayé par des renseignements dont disposaient les ministres, à savoir que du courrier destiné à M. Jaballah y avait été déposé. Un aspect plus important encore pour l’opinion des ministres est le défaut de son témoignage d’expliquer convenablement les nombreux appels téléphoniques faits au Yémen et en Azerbaïdjan après son arrivée au Canada. Le fait qu’il ne se souvienne de personne dans ces pays, sauf d’un ancien collègue de travail au Yémen à qui des appels ont été faits, est indigne de foi. Dans le même ordre d’idées, le fait qu’il n’ait pas expliqué des appels faits à Londres, en Azerbaïdjan et au Yémen peu après son arrivée à Toronto en 1996 dément l’explication qu’il a donnée pour les appels faits à Londres du moins, c’est‑à‑dire qu’ils ont été faits au moment de la première audition de sa revendication du statut de réfugié en 1997, ou par la suite, et son explication selon laquelle c’est via Internet, après son arrivée au Canada, qu’il appris l’existence du bureau de l’International Office for the Defence of Egyptian People à Londres est elle aussi indigne de foi.

 

[60]           Compte tenu de mes conclusions, je juge à un autre égard qu’il n’a pas témoigné de bonne foi, c’est‑à‑dire qu’il nie avoir participé de quelque manière à des activités terroristes ou avoir été membre d’une organisation terroriste.

 

[61]           Outre les préoccupations relatives à la crédibilité, il est allégué aussi pour le compte des ministres que leurs conclusions au sujet de M. Jaballah sont étayées par des inférences tirées des voyages qu’il a faits avant son arrivée au Canada. Dans le résumé de la preuve daté du 14 août 2001, qui a plus tard été modifié, on peut lire ce qui suit (alinéa 5a)) :

[traduction]

Le Service croit que les voyages faits par JABALLAH sont compatibles avec le profil d’un extrémiste moudjahiddine islamique, qui a quitté l’Égypte pour combattre en Afghanistan, a suivi un entraînement au Yémen, a peut‑être combattu en Tchétchénie et ne peut retourner en Égypte.

 

 

[62]           Je refuse d’admettre que cela étaye de quelque manière la position des ministres. Ce que certaines personnes, ou de nombreuses autres, peuvent avoir fait lors de voyages au Proche‑Orient au début des années 1990 n’étaye pas les opinions des ministres sur les antécédents terroristes de M. Jaballah et sa participation à une organisation terroriste. Il n’y a aucun renseignement sur une participation quelconque de M. Jaballah en Tchétchénie. Il a constamment nié la croyance selon laquelle il a séjourné en Afghanistan, un déni que le juge Cullen a accepté en 1999. Le seul nouveau renseignement depuis cette décision est de nature générale, sans détail aucun sur son possible séjour en Afghanistan (où, quand, avec qui ou pour quel motif). Selon moi, la qualité des nouveaux renseignements est moins que souhaitable. Quoi qu’il en soit, à défaut d’une preuve quelconque sur le moment où l’on soupçonne que M. Jaballah a séjourné en Afghanistan, et sur ce qu’il peut avoir fait à cette époque, rien n’étaye l’allégation voulant qu’il y soit peut‑être allé.

 

[63]           À un autre égard, des différences manifestes dans le récit que M. Jaballah a fait à des moments différents, et les différences par rapport au témoignage de son épouse, au sujet du moment où il est revenu au Pakistan depuis le Yémen ou l’Azerbaïdjan au cours des années 1994 à 1996 ne sont pas importantes, ou n’étayent pas les conclusions des ministres. Ces différences m’amènent toutefois à conclure que M. Jaballah n’était pas digne de foi quand il a dit qu’il n’était retourné au Pakistan qu’en mars 1996, peu avant de partir avec sa famille pour le Canada. Toutefois, le fait de ne pas avoir été digne de foi à cet égard n’étaye pas, sans plus, l’opinion des ministres. Des différences dans son témoignage et par rapport à celui de son épouse au sujet de son voyage à Winnipeg depuis Toronto en 1996, et à l’égard de certains autres aspects, ne confortent pas, selon moi, la thèse des ministres.

 

8.         Les raisons de sécurité prévues par la loi pour l’interdiction de territoire

 

[64]           Au cours de l’analyse du régime législatif applicable en l’espèce (voir les paragraphes 11 et 14 qui précèdent), j’ai fait brièvement mention de certaines dispositions du paragraphe 34(1) de la LIPR concernant l’interdiction de territoire au Canada d’un résident permanent ou d’un étranger pour raison de sécurité. La loi prescrit aussi, à l’article 33, que les articles 34 à 37 doivent être interprétés de façon à ce que « les faits – actes ou omissions – [...] sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir ».

 

[65]           Les mots « motifs raisonnables de croire » sont employés aussi à l’alinéa 34(1)f) et à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR en ce qui a trait au fait d’être membre d’une organisation que l’on soupçonne de se livrer à des actes d’espionnage, des actes de subversion ou des actes de terrorisme [34 (1)f)] ou à des activités de criminalité organisée [37 (1)a)]. Il est bien établi que ces mots, bien qu’ils créent un seuil de preuve relativement faible, nécessitent plus qu’un simple soupçon ou une croyance subjective. Le seuil n’exige pas une preuve selon la prépondérance des probabilités; il dénote plutôt un degré de probabilité, c’est‑à‑dire une croyance véritable en une possibilité sérieuse, fondée sur une preuve digne de foi. (Voir Re Harkat, 2005 CF 393, [2005] A.C.F. no 481 (QL); Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.F.); Thanaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 122, 45 Imm. L.R. (3d) 1 (C.A.F.).

 

[66]           Pour ce qui est des documents dont la Cour est saisie, l’alinéa 78j) de la LIPR dispose que le juge désigné, pour déterminer si le certificat est raisonnable, peut recevoir en preuve tout élément qu’il estime utile - même inadmissible en justice – et peut fonder sa décision sur celui‑ci.

 

[67]           Voici d’autres principes établis concernant les motifs énoncés au paragraphe 34(1), relativement à l’interdiction de territoire pour raison de sécurité :

                                                1.      Lorsque plus d’un motif d’interdiction de territoire est certifié, chacun doit être évalué séparément et si l’existence d’un seul est établie, le certificat sera jugé raisonnable. (Voir Harkat, précité, au paragraphe 43, Zundel (Re), 2005 CF 295, [2005] A.C.F. no 314 (QL), aux paragraphes 16 et 17).

                                                2.      Le « terrorisme » inclut tout acte destiné à tuer ou à blesser grièvement un civil ou un non‑combattant dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 98.)

                                                3.      Le mot « membre » d’une organisation à laquelle il est fait référence en ce qui concerne les raisons de sécurité doit être interprété de manière large et non limitative (voir Harkat, précité, au paragraphe 45). Comme l’a déclaré le juge Rothstein dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Singh, [1998] A.C.F. no 1147 (1er inst.) (QL), au paragraphe 52, relativement aux motifs d’interdiction de territoire et en parlant du fait d’être membre d’une organisation terroriste aux termes de l’article 19 de la Loi sur l’immigration qui était en vigueur à l’époque, un commentaire auquel je souscris par analogie avec les mêmes mots employés à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR :

Les dispositions en cause traitent de la subversion et du terrorisme. Le contexte, en ce qui concerne la législation en matière d’immigration, est la sécurité publique et la sécurité nationale, soit les principales préoccupations du gouvernement. Il va sans dire que les organisations terroristes ne donnent pas de cartes de membres. Il n’existe aucun critère formel pour avoir qualité de membre et les membres ne sont donc pas facilement identifiables. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut, si cela n’est pas préjudiciable à l’intérêt national, exclure un individu de l’application de la division 19(1)f)(iii)(B). Je crois qu’il est évident que le législateur voulait que le mot « membre » soit interprété d’une façon libérale, sans restriction aucune.

 

 

[68]           Bien que le seuil qui permet d’établir des faits en prenant pour base un motif raisonnable de croire soit inférieur aux normes de preuve acceptées en matière criminelle ou civile, les avocats de M. Jaballah m’ont convaincu que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co. revêt une certaine importance en l’espèce. La question de savoir si des faits allégués et établis selon le seuil d’un « motif raisonnable de croire » tombent sous le coup des dispositions législatives du paragraphe 34(1) est donc susceptible de dépendre de la qualité et de la force de la preuve. La question consiste, pour la Cour, à évaluer si cette preuve, et le poids qui lui est accordé, mèneront à la conclusion que la norme de preuve requise est satisfaite pour soutenir une conclusion que les faits correspondent à la conduite que prescrit la loi, tout en tenant compte des conséquences sérieuses que M. Jaballah pourrait subir. Ces conséquences ont directement trait à la question de savoir si ce dernier peut être admis ou non au Canada, et si la réponse est non, les perspectives auxquelles il pourrait être confronté si le MCI exige son renvoi.

 

[69]           Après examen des éléments de preuve et des renseignements dont disposaient les ministres à l’époque où leur opinion a été certifiée, ainsi que des éléments de preuve pertinents d’origine ultérieure, et déposés par la suite dans le cadre de la présente instance après le milieu d’août 2001, je conclus qu’il existe un fondement raisonnable à l’opinion des ministres selon laquelle M. Jaballah est interdit de territoire au Canada, relativement aux motifs particuliers du paragraphe 34(1) de la LIPR qui demeurent en litige, c’est‑à‑dire :

que M. Jaballah s’est livré à des activités terroristes en Égypte dans les années 1980 et, après son départ de ce pays en 1991, à des activités terroristes internationales d’AJ et d’Al Qaïda, notamment en tant qu’élément de communication entre diverses cellules terroristes après son arrivée au Canada; de plus

 

que M. Jaballah, par déduction de la position qu’il occupait au sein d’AJ et d’autres réseaux terroristes de personnes avec lesquelles il a eu des contacts après son arrivée au Canada, était membre du réseau d’AJ et d’Al‑Qaïda, au sein duquel il occupait un rang supérieur en tant qu’élément de communication entre diverses cellules terroristes et personnes faisant partie de ce réseau.

 

Ces faits sont raisonnablement étayés par la preuve figurant dans le dossier public ainsi que par les renseignements figurant dans le dossier confidentiel dont disposaient les ministres, dossiers que la Cour a tous deux pris en considération. À mon avis, les renseignements et les éléments de preuve constituent des motifs raisonnables de croire les fondements factuels de l’opinion des ministres, et ces faits correspondent à la conduite qui exclut l’entrée et le séjour d’un étranger au Canada. Les éléments de preuve et les renseignements situent manifestement M. Jaballah dans les catégories de personnes interdites de territoire qu’énoncent les alinéas 34(1)c) et f) de la LIPR.

 

[70]           En dernier lieu, je signale un autre fait : les avocats des ministres ont expressément souligné que ces derniers n’ont jamais laissé entendre qu’il existe une preuve quelconque, publique ou confidentielle, que M. Jaballah ait personnellement commis un acte de violence. [traduction] « Nous sommes d’avis qu’il a participé en tant que lien de communication en ce qui a trait aux attentats à la bombe commis en Afrique de l’Est, et l’on pourrait donc dire que, dans cette mesure, il a bel et bien joué un rôle dans des incidents violents. » Je suis d’accord qu’il n’existe aucune preuve ou aucun renseignement qui étaye la conclusion que M. Jaballah a lui‑même commis à un moment quelconque un acte de violence.

 

            9.         Le caractère raisonnable du certificat de sécurité

 

[71]           Compte tenu des conclusions que j’ai tirées sur la foi de la preuve figurant dans le dossier public et des renseignements figurant dans le dossier confidentiel, ainsi qu’à la lumière des nouveaux renseignements et éléments de preuve dont la Cour ne disposait pas à l’époque où elle a rendu la décision Jaballah no 1, soit en 1999, une ordonnance, contenant ma décision que le certificat de sécurité des ministres daté du 13 août 2001 est raisonnable, sera rendue. L’opinion certifiée des ministres, maintenant jugée raisonnable, est que M. Jaballah est interdit de territoire au Canada en tant que personne visée par les alinéas 34(1)c) et 34(1)f) de la LIPR.

 

10.       L’obligation et le pouvoir discrétionnaire de renvoyer M. Jaballah du Canada

 

[72]           Lorsque je statue par ordonnance que le certificat de sécurité des ministres est raisonnable, cette décision n’est pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire (paragraphe 80(3) de la LIPR), sauf, conformément à la jurisprudence, pour des raisons de compétence ou de nature constitutionnelle. Cette décision est une preuve concluante que M. Jaballah est interdit de territoire au Canada, et l’ordonnance exposant la décision est une mesure de renvoi qui n’est pas susceptible d’appel et qui est en vigueur sans qu’il soit nécessaire de procéder à un contrôle ou à une enquête (article 81 de la LIPR). Comme il s’agit d’une mesure de renvoi, elle entre en vigueur le jour où est rendue l’ordonnance accompagnant les présents motifs (paragraphe 49(1) de la LIPR). À moins de faire l’objet d’un sursis, la mesure de renvoi est exécutoire, et M. Jaballah est tenu de quitter le Canada, ou alors le MCI doit faire appliquer la mesure dès que les circonstances le permettent (paragraphes 48(1) et (2) de la LIPR).

 

[73]           Compte tenu de ces circonstances et de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, [2002] A.C.S. no 3 (QL), 2002 CSC 1, les avocats des ministres, dans leurs observations finales, ont demandé que si la Cour venait à décider que le certificat de sécurité était raisonnable en l’espèce, il lui fallait aussi décider s’il existait une limite juridique quelconque à l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’ont les ministres de renvoyer M. Jaballah. En général, on pourrait s’attendre à ce que ce dernier soit renvoyé en Égypte dès que l’on puisse prendre les dispositions de voyage nécessaires. Cependant, d’après les faits de l’espèce, tels que conclus en 2002 par un agent d’évaluation des risques avant le renvoi (ERAR) au nom du MCI et acceptés par la Cour, si M. Jaballah était renvoyé en Égypte, il y aurait un risque sérieux qu’il soit exposé à la torture, à la mort ou à un traitement inhumain. Même si l’on a indiqué plus tôt que cette évaluation pourrait faire l’objet d’un contrôle et que certaines mesures ont, semble‑t‑il, été prises pour obtenir du gouvernement égyptien des garanties qu’un tel risque ne se concrétiserait pas (voir les commentaires du juge Rothstein, de la Cour d’appel, dans la décision Jaballah (Re), [2004] A.C.F. no 1199 (QL), au paragraphe 13), aucune autre décision ou évaluation ultérieures de la part du ministre au sujet du risque auquel s’exposerait M. Jaballah s’il était expulsé vers l’Égypte n’a été portée à l’attention de la Cour.

 

[74]           Dans leurs observations finales, les avocats de M. Jaballah ont fait valoir que si la Cour décrétait que le certificat était raisonnable, elle serait dessaisie, privée du pouvoir d’examiner la question, ayant refusé de le faire quand les avocats le lui ont demandé avec insistance à un stade antérieur, lors de l’examen de la décision prise au nom du MCI au sujet de la demande de protection de M. Jaballah. Il est vrai que j’ai refusé à ce moment‑là d’accepter les observations de l’avocat de M. Jaballah selon lesquelles il ne fallait pas expulser son client car il serait torturé, mais à mon avis, je n’étais pas saisi, à ce moment‑là, de la question de savoir si M. Jaballah serait renvoyé en Égypte. Il était plutôt question de savoir si la décision de refuser sa demande de protection sur la base de l’évaluation du délégué, en application du sous‑alinéa 113d)(ii) de la LIPR, selon laquelle le danger qu’il constituait pour la sécurité du Canada s’il restait au pays l’emportait sur le risque de torture ou d’autre préjudice qu’il pourrait subir s’il était renvoyé en Égypte, était raisonnable. J’avais à ce moment‑là à me prononcer sur la légalité de la décision portant sur la demande de protection. À mon avis, le fait que la Cour décide que la décision relative à la protection était raisonnable ou non ne constituait pas une décision de renvoyer ou non M. Jaballah du Canada.

 

[75]           À la suite de la conclusion des audiences le 14 septembre 2006, la Cour a demandé d’autres observations écrites aux avocats des parties afin qu’ils lui fassent savoir si elle devait procéder comme l’avaient demandé l’avocat des ministres, en vue de régler la question présentée. Cette question a été décrite par cet avocat comme la [traduction] « question Suresh », qui, d’après ce que j’ai compris, et je l’ai clairement indiqué aux parties au moment de demander des observations, concernait la possibilité d’imposer des limites à l’exercice du pouvoir discrétionnaire des ministres à l’égard du renvoi de M. Jaballah du Canada s’il était décidé que le certificat était raisonnable.

 

[76]           Selon moi, puisqu’il a été décidé que le certificat est raisonnable, sachant que l’ordonnance énonçant cette décision devient une mesure de renvoi, et étant conscient des répercussions de l’arrêt Suresh et de la conclusion que M. Jaballah s’expose à un risque sérieux de torture, ou pire, s’il est renvoyé en Égypte, je suis d’avis que les circonstances militent maintenant en faveur du règlement de la question de savoir si, en l’espèce, le ministre peut renvoyer M. Jaballah du Canada vers l’Égypte, ou à tout autre endroit où il s’expose à un risque de torture, voire de mort ou d’une peine cruelle et inusitée. Cette question a été abondamment plaidée devant la Cour, car la première décision du délégué du ministre au sujet de la demande de protection a été examinée en 2004 et en 2005, de nouveau en 2005 dans le cadre de l’examen de la seconde décision du délégué du ministre, de même que dans diverses procédures engagées depuis lors. Il s’agit d’une question qui se pose dans la quasi‑totalité des causes relatives à un certificat de sécurité. On affirme que la Cour d’appel est maintenant saisie du défaut de trancher cette question plus tôt, mais si c’est effectivement le cas, cela a trait à la décision prise à la suite de l’examen de la décision rejetant la demande de protection de M. Jaballah.

 

[77]           Je crois que les circonstances découlant de la conclusion selon laquelle le certificat de sécurité est raisonnable, dans la présente espèce, constituent un fondement factuel suffisant, à la lumière des conséquences que prévoit la LIPR, pour que la Cour traite de la question soulevée.

 

[78]           Les avocats des deux parties ont laissé entendre que la Cour pourrait ordonner un sursis au renvoi de M. Jaballah en attendant que l’on tranche la question qui m’est maintenant présentée. Cela ne ferait que reporter une décision judiciaire. Le fait de rendre une décision maintenant, même si celle‑ci peut être portée en appel, pourrait servir de guide au MCI et constituer en fin de compte une réponse législative ou judiciaire définie. Je me propose d’examiner dès à présent cette question.

 

[79]           Dans l’arrêt Suresh, la question a été bien analysée par la Cour suprême du Canada. Entre autres commentaires, la Cour a déclaré ce qui suit (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, [2002] A.C.S. no 3 (QL), 2002 CSC 1, 208 D.L.R. (4th), 1 R.C.S., aux paragraphes 76, 77 et 78) :

[76]  Le fait que le Canada rejette le recours à la torture ressort des conventions internationales auxquelles il est partie. Les contextes canadien et international inspirent chacun nos normes constitutionnelles. Le rejet de la prise par l’État de mesures générales susceptibles d’aboutir à la torture — et en particulier de mesures d’expulsion susceptibles d’avoir cet effet — est virtuellement catégorique. De fait, l’examen de la jurisprudence, tant nationale qu’internationale, tend à indiquer que la torture est une pratique si répugnante qu’elle supplantera dans pratiquement tous les cas les autres considérations qui sont mises en balance, même les considérations de sécurité. Cette constatation suggère que, sauf circonstances extraordinaires, une expulsion impliquant un risque de torture violera généralement les principes de justice fondamentale protégés par l’art. 7 de la Charte. [...]

 

[77]  La ministre a l’obligation d’exercer conformément à la Constitution le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur l’immigration. À cette fin, elle doit mettre en balance les facteurs pertinents de l’affaire dont elle est saisie. [...]

 

Au Canada, le résultat de la mise en balance des diverses considérations par la ministre doit être conforme aux principes de justice fondamentale garantis à l’art. 7 de la Charte. Il s’ensuit que, dans la mesure où la Loi sur l’immigration n’écarte pas la possibilité d’expulser une personne vers un pays où elle risque la torture, la ministre doit généralement refuser d’expulser le réfugié lorsque la preuve révèle l’existence d’un risque sérieux de torture.

 

[78]  Nous n’excluons pas la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, une expulsion impliquant un risque de torture puisse être justifiée, soit au terme du processus de pondération requis par l’art. 7 de la Charte soit au regard de l’article premier de celle‑ci. [...] Dans la mesure où le Canada ne peut expulser une personne lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle sera torturée dans le pays de destination, ce n’est pas parce que l’art. 3 de la CCT limite directement les actions du gouvernement canadien, mais plutôt parce que la prise en compte, dans chaque cas, des principes de justice fondamentale garantis à l’art. 7 de la Charte fera généralement obstacle à une expulsion impliquant un risque de torture. Nous pouvons prédire que le résultat du processus de pondération sera rarement favorable à l’expulsion lorsqu’il existe un risque sérieux de torture. Toutefois, comme tout est affaire d’importance relative, il est difficile de prédire avec précision quel sera le résultat. L’étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d’expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe, sera définie dans des affaires ultérieures.

 

[80]           L’arrêt Suresh suscite, jusqu’ici, un débat : le MCI a‑t‑il le pouvoir discrétionnaire d’expulser une personne interdite de territoire vers un pays où il y a un risque sérieux de torture. Le juge Dennis O’Connor, à titre de commissaire, dans son rapport sur les événements concernant Maher Arar – Analyse et recommandations, (2006) (Vol. 3) partie II, à la page 55, a écrit que le droit de ne pas être soumis à la torture est un droit absolu. Selon lui, « [p]eu importe la raison pour laquelle on l’inflige, la torture constitue une atteinte si fondamentale à la dignité humaine qu’elle ne saurait jamais être justifiable juridiquement ». Il fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à de nombreuses ententes internationales, y compris la Convention contre la torture, dont le Canada est partie, ainsi qu’à la Charte canadienne des droits et libertés et au Code criminel du Canada, qui confirment tous le rejet absolu de la torture. L’article 3 de la Convention contre la torture interdit à un État partie d’expulser, de refouler ou d’extrader une personne vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire que cette personne risque d’être soumise à la torture.

 

[81]           Cette interdiction est aujourd’hui largement reconnue et admise dans de nombreux pays du monde, dont ceux faisant partie de l’Union européenne. Elle se reflète dans l’arrêt Suresh de la Cour suprême du Canada. La référence qui y est faite aux causes exceptionnelles que l’on pourrait trancher plus tard ne saurait vouloir dire que les causes que l’on qualifierait de telles seraient nombreuses. Le principe général, selon mon interprétation de l’arrêt Suresh, est plutôt que le fait d’expulser une personne vers un pays où il y a un risque sérieux de torture violerait les droits de cette personne, en l’occurrence ceux de M. Jaballah, que garantit l’article 7 de la Charte et, à mon sens, cette violation exigerait en général que la cause exceptionnelle soit justifiée au regard de l’article premier.

 

[82]           En l’espèce, il n’a pas été allégué que la situation de M. Jaballah est exceptionnelle ou qu’elle pourrait être qualifiée de telle au regard de l’article premier de la Charte. J’ai conclu que l’opinion certifiée des ministres est raisonnable. Par déduction, cette opinion signifie que sa présence continue au Canada, sans restrictions, constituerait un danger pour la sécurité du pays. Il n’a toutefois pas été allégué qu’il avait participé lui‑même à des actes de violence.

 

[83]           Je conclus que les faits de l’espèce ne créent pas de circonstance exceptionnelle qui justifierait que M. Jaballah soit expulsé et qu’il risque d’être torturé à l’étranger.

 

[84]           Cela ne veut pas dire qu’il est impossible de l’expulser. Il incombe au MCI de l’expulser, dès que cela peut être raisonnablement fait, s’il ne quitte pas le Canada de son plein gré (paragraphe 48(2) de la LIPR). Cependant, son expulsion vers l’Égypte ou n’importe quel autre pays, tant et aussi longtemps qu’il y a un risque sérieux qu’il soit torturé, ou pire, violerait ses droits en tant qu’être humain, comme le garantit l’article 7 de la Charte. Le MCI ne peut pas exercer son pouvoir discrétionnaire d’une manière qui violerait les droits que la Charte garantit à M. Jaballah. La LIPR confère au ministre un pouvoir discrétionnaire considérable, et si cela ne suffit pas, il est possible de le modifier par voie réglementaire ou législative. En vertu de la Loi actuelle, le ministre peut s’acquitter de sa responsabilité en expulsant M. Jaballah vers un pays où il ne risque pas d’être torturé. Si cela s’avère impossible dans un délai raisonnable, et si la situation vient à changer, de sorte que l’on puisse juger que le risque sérieux de torture auquel il s’exposerait s’il était renvoyé dans son propre pays a essentiellement disparu, il pourrait dans ce cas être expulsé vers son propre pays ou un autre qui, perçoit‑on, l’expose aujourd’hui à un risque sérieux de torture, ou pire.

 

[85]           Je conclus que, dans les circonstances de l’espèce, le ministre, se fiant au certificat de sécurité, maintenant jugé raisonnable, en tant que mesure de renvoi, ne peut exercer le pouvoir discrétionnaire de renvoyer M. Jaballah vers un pays quelconque où il s’expose à un risque sérieux de torture ou de mort ou de peine cruelle et inusitée.

 

[86]           À mon avis, cette limite est compatible non seulement avec la décision rendue dans Suresh, mais aussi avec les obligations internationales du Canada, avec la jurisprudence du Canada en matière d’extradition vers un pays où la peine de mort est encore imposée, de même qu’avec les valeurs canadiennes que reflètent les dispositions du Code criminel au sujet de la torture et la Charte des droits, notamment les articles 7 et 12.

 


[87]           L’ordonnance maintenant rendue énonce mes décisions :

 

                  1.      que le certificat de sécurité des ministres, daté du 13 août 2001 et portant que M. Jaballah, un étranger, est interdit de territoire au Canada, est raisonnable au sens du paragraphe 80(1) de la LIPR;

                  2.      que si M. Jaballah ne quitte pas de son plein gré le Canada, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, en exerçant sa responsabilité et son pouvoir discrétionnaire de procéder à son renvoi sur la base du certificat de sécurité, maintenant jugé raisonnable, ne peut le renvoyer vers un pays où il s’exposerait à un risque sérieux de torture, de mort ou de traitement cruel et inusité.

 

 

 

« W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

 

Ottawa (Ontario)

Le 16 octobre 2006

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        DES‑04‑01

 

 

INTITULÉ :                                       AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat délivré en vertu de l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27;

 

                                                            ET le renvoi de ce certificat à la Cour fédérale du Canada;

 

                                                ET Mahmoud Jaballah

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATES D’AUDIENCE :                   DU 11 AU 14 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 OCTOBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald MacIntosh

David Tyndale

Mielka Visnic

Robert Batt

Marthe Beaulieu

 

POUR LE DEMANDEUR

Barbara Jackman

John Norris

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

Ruby, Edwardh

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 


 

(La chronologie la plus récente des faits marquants qui sont survenus dans la présente instance figure à l’annexe A de la décision mentionnée vis‑à‑vis du numéro 17, dans la liste suivante)

#

La présente affaire (dossier DES‑04‑01)

(« Jaballah no 2 »)

Décision du juge MacKay

Affaires et faits connexes

1

 

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Jaballah (DES‑6‑99), [1999] A.C.F. no 1681 (1er inst.) (QL), (2 novembre 1999) (juge Cullen), (« Jaballah no 1 »).

 

La Cour annule le certificat de sécurité délivré le 31 mars 1999.

2

 

Jaballah c. Canada (M.C.I.) (IMM‑1828‑99), 2000 CFPI 1577, [2000] A.C.F. no 1577, (2000) 196 F.T.R. 175 (6 octobre 2001) (juge Hansen)

 

Contrôle judiciaire – La Cour annule la décision défavorable de la SSR sur la revendication du statut de réfugié (juge Hansen).

3

 

Délivrance du certificat de sécurité du 13 août 2001.

 

Jaballah mis en détention, et début de l’instance.

4

Re Jaballah, 2001 CFPI 1287, [2001] a.C.F. no 1748 (1er inst.) (QL) (23 novembre 2001)

La Cour rejette la demande de M. Jaballah de suspendre l’instance et annule les citations signifiées aux ministres.

5

 

M. Jaballah demande au MCI de conclure qu’il est une personne à protéger, art. 112, LIPR (1er juillet 2002).

 

La Cour ordonne la suspension de l’affaire (par. 79(1) LIPR (juillet 2002).

6

Re Jaballah, 2002 CFPI 1046, [2002] A.C.F. no 1385 (1er inst.), [2003] 3 C.F. 85, (2002) 224 F.T.R. 20 (QL) (8 octobre 2002)

La Cour rejette la requête de M. Jaballah, notamment en vue de sa mise en liberté.

7

 

Décision de la SSR (9 avril 2003)

 

Après réexamen de la demande de statut de réfugié, la SSR rejette la demande de Jaballah mais fait droit à celle qui se rapporte à son épouse et aux quatre enfants nés à l’étranger et ayant accompagné les parents au Canada.

8

Re Jaballah, 2003 CFPI 640, [2003 A.C.F. no 822 (QL), [2003] 4 C.F. 345, (23 mai 2003)

La Cour conclut à un abus de procédure pour défaut de trancher la demande de protection de M. Jaballah; la Cour reprend l’instance et conclut que le certificat de sécurité est raisonnable en l’absence de toute réponse de M. Jaballah au certificat et aux renseignements des ministres. (Décision portée en appel.)

9

 

Décision rendue au nom du MCI (30 décembre 2003)

 

Rejet de la demande de protection.

10

Re Jaballah, 2004 CFPI 299, [2004] A.C.F. no 420, (2004) 247 F.T.R. 68 (QL) (27 février 2004).

La Cour rejette la demande de mise en liberté de M. Jaballah en vertu du par. 84(2) de la LIPR. (Décision portée en appel.)

11

 

Re Jaballah, 2004 CAF 257, [2004] A.C.F. no 1199 (C.A.), [2005] 1 R.C.F. 560, (2004) 242 D.L.R. (4th) 490 (QL) (13 juillet 2004) (c’est‑à‑dire, appel de la décision no 8, précité)

 

La Cour d’appel confirme la conclusion d’abus, mais fait droit à l’appel, annule la conclusion que le certificat de sécurité est raisonnable et renvoie l’affaire pour réexamen par un juge désigné (juge Rothstein).

12

Re Jaballah, 2005 CF 399, [2005] A.C.F. no 500, [2005] 4 R.C.F. 359, (2005) 261 F.T.R. 35 (22 mars 2005)

La décision rendue au nom du MCI de refuser la demande de protection de M. Jaballah est infirmée pour cause d’illégalité et la demande est renvoyée pour réexamen. Nouvelle suspension de l’instance.

13

 

Jaballah c. P.G. Canada, P.G. Ontario et al., M‑77‑05, 2005,08,22 (C.S.J. Ont.), (2005) 258 D.L.R. (4th) 161, [2005] O.J. no 3681 (22 août 2005)

 

La Cour suprême de l’Ontario suspend l’affaire à la suite d’une demande de bref d’habeas corpus de M. Jaballah, en attendant que la Cour fédérale examine la possibilité de le mettre en liberté. Ensuite, demande présentée à la Cour.

14

 

Décision rendue au nom du MCI (23 septembre 2005).

 

Nouveau rejet de la demande de protection.

15

Re Jaballah, 2006 CF 115, [2006] A.C.F. no 110 (QL) (1er février 2006)

La Cour rejette la demande de mise en liberté, après avoir reconnu l’existence de circonstances spéciales en l’espèce, un recours constitutionnel en vertu des par. 15(1) et 24(1) de la Charte des droits, pour solliciter une libération, mais la Cour rejette la demande en vertu du par. 83(3) de la LIPR.

16

Re Jaballah, 2006 CF 180, [2006] A.C.F. no 227 (QL) (10 février 2006)

La Cour rejette la demande de récusation du juge désigné présentée par M. Jaballah.

17

Re Jaballah, 2006 CF 346, [2006] A.C.F. no 404 (QL) (16 mars 2006)

La Cour, après avoir repris les procédures au sujet du certificat, conclut après examen que la seconde décision, rendue au nom du MCI (le 23 septembre 2005), de rejeter la demande de protection de M. Jaballah, est légale (par. 80(1) LIPR). (Décision portée en appel.)

18

Re Jaballah, 2006 CF 1058. Certificat joint à la transcription des motifs (ordonnance du 2 mai 2006, motifs du 8 mai 2006)

La Cour rejette la requête en report d’audiences (témoignage et plaidoyer) au sujet du caractère raisonnable du certificat de sécurité d’août 2001 en attendant que la Cour suprême du Canada se prononce sur d’autres causes relatives à un certificat de sécurité, qui seront entendues au milieu de juin 2006. (Décision portée en appel.)

19

 

Jaballah c. Canada (MCI), 2006 CAF 179, [2006] A.C.F. no 747 (C.A.)(QL) (12 mai 2006) (c’est‑à‑dire, appel de la décision no 18, précitée).

 

Demande présentée à la Cour d’appel en vue de suspendre la procédure concernant le certificat de sécurité en attendant que l’appel soit tranché, rejetée pour le compte de cette cour (juge Linden)

20

Re Jaballah (18 août 2006)

Ordonnance limitant l’utilisation ou l’utilisation dérivée de tout témoignage de M. Jaballah en ce qui concerne le caractère raisonnable du certificat de sécurité en mai et en juillet 2006.

21

Re Jaballah, 2006 CF 1010 (23 août 2006)

Motifs de rejet, par une ordonnance datée du 30 juin 2006, de la requête de M. Jaballah en vue d’un réexamen de décisions : ne pas reporter les audiences concernant le certificat de sécurité, et ne pas désigner d’avocat spécial ou d’amicus curiae représentant les intérêts de M. Jaballah en mettant en question les renseignements confidentiels fournis à la Cour, même à huis clos en l’absence de M. Jaballah ou de son avocat.

22

Re Jaballah, 2006 CF ____ (__ octobre 2006)

La Cour décide que le certificat des ministres est raisonnable (par. 80(1) de la LIPR) et, en outre, que le pouvoir discrétionnaire de renvoyer M. Jaballah du Canada est restreint.

23

Re Jaballah, 2006 CF ___. Le 18 septembre 2006, la Cour (juge Layden‑Stevenson) a commencé à instruire une demande de M. Jaballah en vue d’obtenir sa mise en liberté.

 

NOTA : Les intitulés de cause concernant les décisions rendues dans le dossier Jaballah no 2 sont cités dans le présent tableau sous la forme suivante : Re Jaballah

 


Motifs de l’ordonnance et décision

Date : 20061013

Dossier : DES‑04‑01

 

Extraits de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27, dans sa forme modifiée.

 

 

 

 

SECTION 9

 

EXAMEN DE RENSEIGNEMENTS À PROTÉGER

 

 

 

DIVISION 9

 

PROTECTION OF INFORMATION

 

Disposition comparable de 1985

Loi

Examen à la demande du ministre et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

 

76. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

« juge » Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de cette juridiction désigné par celui‑ci.

« renseignements » Les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d’un État étranger, d’une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l’un de leurs organismes.

2001, ch. 27, art. 76; 2002, ch. 8, art. 194.

 

77. (1) Le ministre et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile déposent à la Cour fédérale le certificat attestant qu’un résident permanent ou qu’un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu’il en soit disposé au titre de l’article 80.

 

(2) Il ne peut être procédé à aucune instance visant le résident permanent ou l’étranger au titre de la présente loi tant qu’il n’a pas été statué sur le certificat; n’est pas visée la demande de protection prévue au paragraphe 112(1).

2001, ch. 27, art. 77; 2002, ch. 8, art. 194; 2005, ch. 10, art. 34.

 

78. Les règles suivantes s’appliquent à l’affaire :

 

a) le juge entend l’affaire;

 

b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

 

e) à chaque demande d’un ministre, il examine, en l’absence du résident permanent ou de l’étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

 

 

 

f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l’affaire soit si le juge décide qu’ils ne sont pas pertinents ou, l’étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;

 

 

 

 

 

 

g) si le juge décide qu’ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l’affaire;

 

 

 

 

 

h) le juge fournit au résident permanent ou à l’étranger, afin de lui permettre d’être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

 

i) il donne au résident permanent ou à l’étranger la possibilité d’être entendu sur l’interdiction de territoire le visant;

 

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime utile — même inadmissible en justice — et peut fonder sa décision sur celui‑ci.

 

2001, ch. 27, art. 78; 2005, ch. 10, art. 34(A).

 

79. (1) Le juge suspend l’affaire, à la demande du résident permanent, de l’étranger ou du ministre, pour permettre à ce dernier de disposer d’une demande de protection visée au paragraphe 112(1).

 

(2) Le ministre notifie sa décision sur la demande de protection au résident permanent ou à l’étranger et au juge, lequel reprend l’affaire et contrôle la légalité de la décision, compte tenu des motifs visés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

2001, ch. 27, art. 79; 2002, ch. 8, art. 194.

 

 

 

 

 

 

80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.

(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu’il est raisonnable; si l’annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l’affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle‑ci.

 

 

 

 

 

 

(3) La décision du juge est définitive et n’est pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire.

 

81. Le certificat jugé raisonnable fait foi de l’interdiction de territoire et constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel, sans qu’il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l’enquête; la personne visée ne peut dès lors demander la protection au titre du paragraphe 112(1).

 

 

 

 

 

 

Détention

 

82. (1) ...

 

(2) L’étranger nommé au certificat est mis en détention sans nécessité de mandat.

 

2001, ch. 27, art. 82; 2005, ch. 10, art. 34.

 

 

83. (1) ...

 

 

(2) Tant qu’il n’est pas statué sur le certificat, l’intéressé comparaît au moins une fois dans les six mois suivant chaque contrôle, ou sur autorisation du juge.

 

 

 

 

(3) L’intéressé est maintenu en détention sur preuve qu’il constitue toujours un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’il se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi....

 

 

84. (1) ...

 

(2) Sur demande de l’étranger dont la mesure de renvoi n’a pas été exécutée dans les cent vingt jours suivant la décision sur le certificat, le juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, le mettre en liberté sur preuve que la mesure ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que la mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

Examination on Request by the Minister and the Solicitor General of Canada

 

 

76. The definitions in this section apply in this Division.

“information” means security or criminal intelligence information and information that is obtained in confidence from a source in Canada, from the government of a foreign state, from an international organization of states or from an institution of either of them.

“judge” means the Chief Justice of the Federal Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice.

2001, c. 27, s. 76; 2002, c. 8, s. 194.

 

77. (1) The Minister and the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness shall sign a certificate stating that a permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality and refer it to the Federal Court, which shall make a determination under section 80.

 

(2) When the certificate is referred, a proceeding under this Act respecting the person named in the certificate, other than an application under subsection 112(1), may not be commenced and, if commenced, must be adjourned, until the judge makes the determination.

2001, c. 27, s. 77; 2002, c. 8, s. 194; 2005, c. 10, s. 34.

 

78. The following provisions govern the determination:

 

(a) the judge shall hear the matter;

(b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

 

(c) the judge shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness and natural justice permit;

(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the certificate for determination;

(e) on each request of the Minister or the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

(f) the information or evidence described in paragraph (e) shall be returned to the Minister and the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness and shall not be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if either the matter is withdrawn or if the judge determines that the information or evidence is not relevant or, if it is relevant, that it should be part of the summary;

(g) the information or evidence described in paragraph (e) shall not be included in the summary but may be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if the judge determines that the information or evidence is relevant but that its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

(h) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with a summary of the information or evidence that enables them to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the certificate, but that does not include anything that in the opinion of the judge would be injurious to national security or to the safety of any person if disclosed;

(i) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with an opportunity to be heard regarding their inadmissibility; and

(j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence.

2001, c. 27, s. 78; 2005, c. 10, s. 34(E).

 

79. (1) On the request of the Minister, the permanent resident or the foreign national, a judge shall suspend a proceeding with respect to a certificate in order for the Minister to decide an application for protection made under subsection 112(1).

(2) If a proceeding is suspended under subsection (1) and the application for protection is decided, the Minister shall give notice of the decision to the permanent resident or the foreign national and to the judge, the judge shall resume the proceeding and the judge shall review the lawfulness of the decision of the Minister, taking into account the grounds referred to in subsection 18.1(4) of the Federal Courts Act.

2001, c. 27, s. 79; 2002, c. 8, s. 194.

 

80. (1) The judge shall, on the basis of the information and evidence available, determine whether the certificate is reasonable and whether the decision on the application for protection, if any, is lawfully made.

(2) The judge shall quash a certificate if the judge is of the opinion that it is not reasonable. If the judge does not quash the certificate but determines that the decision on the application for protection is not lawfully made, the judge shall quash the decision and suspend the proceeding to allow the Minister to make a decision on the application for protection

(3) The determination of the judge is final and may not be appealed or judicially reviewed.

 

81. If a certificate is determined to be reasonable under subsection 80(1),

(a) it is conclusive proof that the permanent resident or the foreign national named in it is inadmissible;

(b) it is a removal order that may not be appealed against and that is in force without the necessity of holding or continuing an examination or an admissibility hearing; and

(c) the person named in it may not apply for protection under subsection 112(1).

 

Detention

 

82. (1) ...

 

(2) A foreign national who is named in a certificate described in subsection 77(1) shall be detained without the issue of a warrant.

2001, c. 27, s. 82; 2005, c. 10, s. 34.

 

83. (1) ...

 

 

(2) The permanent resident must, until a determination is made under subsection 80(1), be brought back before a judge at least once in the six‑month period following each preceding review and at any other times that the judge may authorize.

 

(3) A judge shall order the detention to be continued if satisfied that the permanent resident continues to be a danger to national security or to the safety of any person, or is unlikely to appear at a proceeding or for removal....

 

84. (1) ...

 

(2) A judge may, on application by a foreign national who has not been removed from Canada within 120 days after the Federal Court determines a certificate to be reasonable, order the foreign national’s release from detention, under terms and conditions that the judge considers appropriate, if satisfied that the foreign national will not be removed from Canada within a reasonable time and that the release will not pose a danger to national security or to the safety of any person.

 

 

 

 

 

 

 

Aucune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(4)

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(2)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(4), 40.1(5)

 

par. 40.1(4)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(4)

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(4)

 

 

 

 

 

Aucune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(5.1)c)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(5.1)d)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(4)b)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

art. 40.1

 

 

 

 

 

par. 40.1(5)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(4)d)

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(4)d)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucune

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(7)

 

 

 

art. 40

 

 

 

 

 

 

art. 40

 

 

 

 

 

 

 

 

alinéa 40.1(7)b)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

par. 40.1(8), (9)

 

 

Fondements de l’opinion concernant l’interdiction de territoire

 

  1. Cités dans le certificat des ministres, 13 août 2001

 

Loi sur l’immigration, 1985, dans sa forme modifiée

 

Personnes non admissibles

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

 

a) ...

b) ...

c) ...

d) ...

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

  (i) ...

  (ii) soit, pendant leur séjour au Canada, travailleront ou inciteront au renversement

d’un gouvernement par la force,

 

  (iii) ...

  (iv) soit sont membres d’une organisation dont il y a des

motifs raisonnables de croire qu’elle :

    (A) ...

    (B) soit travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force,

    (C) soit commettra des actes de terrorisme;

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

 

  (i) ...

  (ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme,

  (iii) soit sont ou ont été membres d’une organisation dont il y a des motifs

raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée :

    (A) soit à des actes d’espionnage ou de subversion contre des institutions

démocratiques, au sens où cette expression s’entend au Canada,

  

 (B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que

leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

 

Inadmissible persons

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following

classes:

(a) ...

(b) ...

(c) ...

(d) ...

(e) persons who there are reasonable grounds to believe

  (i) ...

  (ii) will, while in Canada, engage in or instigate the subversion by force of any

government,

 

  (iii) ...

  (iv) are members of an organization that there are reasonable grounds to believe

will

    (A) ...

    (B) engage in or instigate the subversion by force of any government, or

    (C) engage in terrorism;

 

(f) persons who there are reasonable grounds to believe

 

  (i) ...

  (ii) have engaged in terrorism, or

  (iii) are or were members of an organization that there are reasonable grounds to

believe is or was engaged in

 

    (A) acts of espionage or subversion against democratic government, institutions

or processes, as they are understood in Canada, or

 

    (B) terrorism,

except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be

detrimental to the national interest;

 

 

 

B. Raisons de sécurité selon la LIPR, art. 33 et par. 34(1)

 

 

 

33. Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

 

 

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

  a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

 

  b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

 

  c) se livrer au terrorisme;

 

  d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

 

  e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

 

 

  f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

 

 

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

 

  (a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

 

  (b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

 

  (c) engaging in terrorism;

 

  (d) being a danger to the security of Canada;

 

  (e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

 

 

  (f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

 

LE PRINCIPE DE NON‑REFOULEMENT

 

115.(1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

 

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

...

b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

...

115.(1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

 

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

...

 

 

(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada.

...

 


 

 

 

Date : 20061016

Dossier : DES‑04‑01

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ANDREW MACKAY

 

ENTRE :

 

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat délivré en vertu de

l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L. R. C. 1985,

ch. I‑2, maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L. C. 2001, ch. 27 :

 

ET le renvoi de ce certificat

à la Cour fédérale du Canada;

 

ET Mahmoud JABALLAH

 

 

ORDONNANCE ET DÉCISIONS

 

            VU le renvoi par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et du Solliciteur général du Canada de l’époque, lequel a été remplacé par le ministre de la Sécurité publique et de la Planification civile (les ministres), de leur certificat conjoint daté du 13 août 2001 et déclarant que le défendeur, Mahmoud Jaballah, un étranger, est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, conformément au paragraphe 77(1) présentement en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, dans sa forme modifiée (la LIPR), après quoi l’affaire a été confiée au soussigné à titre de juge désigné en vertu de la LIPR;

            VU que la Cour a pris en considération diverses questions, constitutionnelles et autres, soulevées dans les procédures relatives au certificat des ministres et concernant la détention continue du défendeur en application de la LIPR,

            VU que la Cour a finalement entendu le témoignage et les arguments de M. Jaballah au sujet du caractère raisonnable du certificat;

            ET VU l’examen des éléments de preuve figurant dans le dossier public ainsi que les renseignements figurant dans le dossier confidentiel et non communiqués à M. Jaballah ou à son avocat parce que, selon moi, la communication de ces renseignements serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

            LA COUR STATUE que :

  1. le certificat de sécurité des ministres, daté du 13 août 2001 et décidant que Mahmoud Jaballah est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, est raisonnable aux termes du paragraphe 80(1) de la LIPR;
  2. si M. Jaballah ne quitte pas de son plein gré le Canada, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, dans l’exercice de sa responsabilité et de son pouvoir discrétionnaire de le renvoyer du Canada en se fondant sur le certificat de sécurité, maintenant jugé raisonnable, ne peut le renvoyer vers un pays dans lequel et à un moment auquel il s’exposerait à un sérieux risque de torture, de mort ou de traitement cruel et inusité.

 

« W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

 

 

Date : 20061016

 

Dossier : DES‑04‑01

Ottawa (Ontario) le 16 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ANDREW MACKAY

 

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat délivré en vertu de

l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration, L. R. C. 1985,

ch. I‑2, maintenant réputé délivré en vertu du paragraphe 77(1) de la

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L. C. 2001, ch. 27 :

 

ET le renvoi de ce certificat

à la Cour fédérale du Canada;

 

ET Mahmoud JABALLAH

 

 

ORDONNANCE ET DÉCISIONS

 

            VU que la Cour a déposé avec la présente une seconde ordonnance et décision par laquelle elle a conclu au caractère raisonnable, aux termes du paragraphe 80(1) de la Loi sur l’immigration et de la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, d’un certificat de sécurité daté du 13 août 2001 et délivré par les ministres concernés, indiquant que le défendeur, Mahmoud Jaballah, est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité; et que la Cour a souscrit à une décision d’un agent d’ERAR selon laquelle le défendeur s’exposerait à un risque sérieux de torture ou de mort s’il était expulsé dans son Égypte natale,

 

            LA COUR STATUE QUE si M. Jaballah ne  quitte pas de son plein gré le Canada, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, dans l’exercice de sa responsabilité et de son pouvoir discrétionnaire de le renvoyer du Canada en se fondant sur le certificat de sécurité, maintenant jugé raisonnable, ne peut le renvoyer vers un pays dans lequel et à un moment auquel il s’exposerait à un risque sérieux de torture, de mort ou de traitement cruel et inusité.

 

« W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 

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