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Date :  20061116

Dossier :  IMM-1268-06

Référence :  2006 CF 1375

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2006

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

AMEYO HOUSSOU, KOKOE DAVY FLEUR AMEH,

ZOKUI GUY NOEL AMEH, APELETE PATRICK AMEH

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il existe deux types d’éléments de preuve qui sont utilisés pour déterminer si les demandeurs ont une crainte véritable de persécution. Le premier type est propre à la prétention du revendicateur et vise à corroborer le témoignage des demandeurs. Le deuxième type est de nature générale (documentaire) et est sans rapport précis avec la prétention des requérants, mais traite de manière générale de la situation dans le pays en question. (Iordanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 367 (QL), au paragraphe 11.)

 

[2]               ...La présente Cour, ainsi que la Cour suprême du Canada, a indiqué dans un certain nombre d'arrêts quelles étaient les composantes subjectives et objectives nécessaires pour satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention. L'élément subjectif se rapporte à l'existence de la crainte de persécution dans l'esprit du réfugié. L'élément objectif requiert l'appréciation objective de la crainte du réfugié pour déterminer si elle est fondée. 

 

(Selon la Cour d’appel fédérale dans Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] A.C.F. no 601 (QL), la crainte de persécution arbore un volet subjectif et un volet objectif.)

 

[3]               La jurisprudence est constante à l’effet que le retour volontaire d’un revendicateur dans son pays d’origine est un comportement incompatible avec l’existence d’une crainte subjective de persécution. (Gonzales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1417, [2005] A.C.F. no 1727 (QL), au paragraphe 10; Monteiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1258, [2002] A.C.F. no 1720 (QL), au paragraphe 18; Vaitialingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1459, [2004] A.C.F. no 1760 (QL), aux paragraphes 24-27; Bogus c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1455 (QL).)

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 1 février 2006 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) concluant que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugié au sens de la Convention (article 96 de la Loi) ni de personne à protéger (article 97 de la Loi).

 

FAITS

[5]               La demanderesse principale, madame Ameyo Houssou est née le 19 décembre 1953, dans la ville de Lomé au Togo. Ses trois enfants revendicateurs sont Zokui Guy Noël Ameh, né le 25 décembre 1976, Apelete Patrick Ameh, né le 6 janvier 1983, et Kokoe Davy Fleur Ameh, née le 20 septembre 1985. Un fils aîné habite avec son père à Libreville au Gabon. Madame Houssou a épousé monsieur Toglo Adjeni Ameh, en 1984, lequel a travaillé comme constructeur auprès des autorités gouvernementales du Gabon depuis 1978. Il y habite toujours.

 

[6]               Madame Houssou allègue qu’elle et ses trois enfants ne peuvent retourner dans leur pays d’origine parce qu’ils sont Chrétiens, qu’ils appartiennent au groupe ethnique parlant le Mina et qu’ils sont considérés comme des « Sudistes ». Les gouvernants du Togo sont du groupe ethnique Kabye majoritairement et proviennent du Nord du pays. Les demandeurs prétendent que les « Sudistes » subissent une persécution systématique de la part des « Nordistes » parce qu’ils sont Chrétiens. Selon ces derniers, les « Nordistes » pratiquent le vaudou pour leur infliger des maladies et leur jeter de mauvais sorts.

 

[7]               Ainsi, madame Houssou et ses trois enfants allèguent qu’à titre de Chrétiens et de Sudistes, ils risquent d’être soumis à des voies de faits graves pouvant causer des blessures graves, voire même la mort, s’ils retournent au Togo. En outre, les femmes et jeunes filles risquent constamment les enlèvements, la séquestration et aussi les viols dans ce pays. Par ailleurs, madame Houssou et ses trois enfants ont déjà été victimes de menaces et de harcèlement. De plus, leurs domiciles ont été surveillés et même saccagés.

 

[8]               Madame Houssou indique que la famille a été épargnée de certains malheurs que subit la population togolaise grâce à leurs conditions de vie privilégiée qui leurs ont permis de voyager et de se déplacer fréquemment dans d’autres pays. Cependant, suite aux difficultés financières de l’époux de madame Houssou depuis quelques années au Gabon, cette dernière considère qu’elle et ses trois enfants ne peuvent plus retourner au Togo car leur existence n’est pas sécuritaire par manque de moyens financiers.

 

[9]               Les trois enfants de madame Houssou allèguent qu’en cas de retour au Togo, ils risquent d’être exposés aux même pratiques traditionnelles animistes vaudou que certains membres de leur famille leur ont fait vivre pendant leur enfance et qui les ont fortement marqués et traumatisés.

 

[10]           Madame Houssou et ses trois enfants ont beaucoup voyagé. Ils ont surtout visité le Gabon et la France et sont souvent retournés au Togo.

 

[11]           Les demandeurs sont arrivés au Canada à différentes dates variant de septembre 2001 à septembre 2003 comme visiteurs et étudiants. Ils ont revendiqué le statut de réfugié ensemble le 31 janvier 2005. La demande d’asile a été entendue le 10 janvier 2006 et a été rejetée le 1 février 2006.

 

DEMANDE CONTESTÉE

[12]           En tenant compte de l’ensemble de  la preuve testimoniale et écrite, la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas déchargés, avec satisfaction, de leur fardeau d’établir qu’ils ont la qualité de réfugié au sens de la Convention (le motif de difficultés financières et économiques n’est pas un motif prévu par la Convention). En outre, la Commission a refusé de faire droit à la revendication de madame Houssou et ses trois enfants, jugeant que leurs craintes subjectives de persécution en cas de retour dans leur pays natal n’étaient pas crédibles. 

 

QUESTION EN LITIGE

[13]           La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable qui justifie l’intervention de la Cour ?

 

NORME DE CONTRÔLE

[14]           L’appréciation de la crédibilité du revendicateur relève de la Commission en tant que juge des faits. À ce titre, la Commission a une expertise bien établie pour trancher des questions de fait et, plus particulièrement, pour évaluer la crédibilité et la crainte subjective de persécution des demandeurs d’asiles. (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL), aux paragraphes 3-4; Brar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] A.C.F. no 346 (QL).)

 

[15]           L’intervention de la Cour n’est justifiée que si la conclusion de faits est manifestement déraisonnable eu égard à la preuve produite. Par ailleurs, la Cour doit faire preuve d’une grande retenue puisqu’il appartient à la Commission d’apprécier le témoignage des demandeurs et d’évaluer la crédibilité de leurs affirmations. Si les conclusions de la Commission sont raisonnables, il n’y a pas lieu d’intervenir. Toutefois, la décision de la Commission doit s’appuyer sur la preuve et ne doit pas être tirée de façon abusive, arbitraire ou fondée sur des conclusions de faits erronées ou en ignorant des éléments de preuve présentés. (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, [2005] A.C.S. no 39 (QL), au paragraphe 38; Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),  [1998] A.C.F. no 1425 (QL), au paragraphe 14.)

 

ANALYSE

[16]           La Cour a examiné les représentations écrites et orales des parties et entendues les observations des procureurs.

 

[17]           Madame Houssou et ses trois enfants contestent la conclusion de la Commission et prétendent que celle-ci a erré, essentiellement sur deux points : (1) en tirant une conclusion de faits erronée quant à la crédibilité des demandeurs; et (2) l’appréciation de la preuve déposée par les demandeurs.

 

1)  La crédibilité est une question de faits qui relève de la Commission

[18]           Madame Houssou et ses enfants allèguent que la Commission a mal apprécié la preuve et a tiré une conclusion de faits erronée lorsqu’elle a conclu que de « façon générale, elle n’a pas trouvé les témoignages des demandeurs crédibles ».

 

[19]           La Cour n’est pas convaincue, après avoir examiné l’ensemble de la preuve au dossier, y compris la transcription de l’audience, que la Commission a rendu une décision manifestement déraisonnable, compte tenu que cette dernière s’est appuyée sur des contradictions importantes et des invraisemblances dans la preuve écrite et testimoniale de madame Houssou et ses trois enfants directement reliés au nœud de la revendication :

a) La Commission a conclu que le témoignage d’Apelete Patrick Ameh n’était pas crédible. Ce dernier a vécu auprès de son père au Gabon de 1988 à 2002. Il est venu au Canada en 2003 pour poursuivre ses études collégiales. Celui-ci a admis que lorsqu’il étudiait dans un sanctuaire à Vogan, le village natal de son père, il n’a subi aucun problème. Mais lorsqu’il était en vacances à Lomé, il a subi des agressions parce qu’il était différent. Le demandeur a indiqué que les Sudistes avaient la peau plus foncée. Le demandeur a fourni très peu d’information pour appuyer ces allégations et ces explications étaient très sommaires et insuffisantes. (Motifs de décision, à la page 9; Transcription de l’audition, aux pages 615-616.)

 

b) La Commission a conclu que le témoignage de Kokui Davy Fleur Ameh était incompatible à celui d’une personne dont la vie est en danger et qui craint une véritable persécution. Cette dernière a vécu et étudié à Paris de septembre 1998 à juin 2001. En septembre 2001, elle est venue au Canada pour poursuivre ses études dans le domaine du tourisme et de l’hôtellerie. Lorsque questionnée sur ses craintes de retour au Togo, celle-ci a indiqué craindre tout ce qui était arrivé à ses frères. Invitée à expliquer pourquoi elle y était retourné à quelques reprises, si elle croyait sa sécurité menacée, elle a répondu qu’elle n’y allait que pour peu de temps et seulement parce qu’elle allait visiter sa grand-mère paternelle. Elle a ajouté qu’elle craignait néanmoins qu’il lui arrive quelque chose, car elle sentait que des yeux indiscrets la suivaient tout le temps. (Motifs de décision, à la page 8.)

 

c) La Commission a conclu que le récit de Zokui Guy Noël Ameh n’était pas crédible. Ce dernier dit avoir été arrêté et détenu, vers le mois de juin 1994, par un militaire qui est le père d’une copine qui fréquentait la même école privée Catholique que lui. Selon lui, le militaire pratiquait le vaudou et lorsque ce dernier a apprit qu’il était Chrétien à cause de son nom, il l’aurait arrêté et détenu pendant une dizaine de jours en prison. Il a été libéré après que son père ait payé environ $2,000. La Commission a été surpris que son père qui a envoyé son enfant à une école Catholique persécute l’ami de sa fille qui fréquente la même institution parce qu’il est Catholique. De plus, monsieur Noël n’a pas donné de détails crédibles pour élucider le déroulement de son histoire d’arrestation, de détention et de torture. Par ailleurs, il ne se rappelle pas du nom de sa camarade de classe. Il n’est pas non plus certain de l’âge qu’il avait lors de ce prétendu incident. (Motifs de la décision, à la page 9, Transcription de l’audition, aux pages 592-597, 604 et 606.)

 

 

d) La demanderesse principale, madame Houssou n’a pu expliquer pourquoi elle n’a pas demandé le statut de réfugié en France ou même au Canada à la première occasion possible. La demanderesse a dit qu’auparavant son époux n’éprouvait pas de difficulté financière comme maintenant et qu’il n’en avait pas eu le besoin. De plus, elle a également voyagé, comme en font preuve les nombreux tampons dans son passeport pour visiter ses enfants, son époux et autres membres de sa famille. Invitée à expliquer pourquoi elle et sa famille seraient en danger s’ils devaient retourner dans leur pays d’origine, elle décrit qu’elle craint les pratiques vaudou répandues partout dans le pays et ajoute qu’elle ne se sent pas en sécurité à cause de la criminalité générale dans les rues et le fait que ses enfants seraient exposés aux possibilités d’enlèvement. Ses propos étaient généralement confus et ne reflétaient que des craintes éventuelles de criminalité plutôt que de la persécution proprement dite. (Motifs de la décision, à la page 8 et 9; mise en état de la demande aux pages 6-10).

 

 

[20]           La Commission a raisonnablement conclu que le témoignage des demandeurs n’était pas crédible puisque madame Houssou et ses trois enfants n’ont pas été en mesure de fournir le niveau de détail que l’on est en droit de s’attendre de la part d’un demandeur dans la même position. (Hidri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI  949, [2001] A.C.F. no 1362 (QL), au paragraphe 29; He c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1256, [2001] A.C.F. no 1723 (QL), aux paragraphes 11 et 13.)

 

[21]           Il n’est pas le rôle de la Cour de réévaluer la preuve ni de se substituer à la Commission. Une révision judiciaire n’est pas un appel. Il revient à la Commission d’apprécier et de décider de la crédibilité et de la plausibilité de la preuve présentée. La Commission possède une juridiction comme tribunal spécialisée de première instance et cette Cour ne peut intervenir que si la Commission outrepasse ses fonctions d’une façon déraisonnable, arbitraire, malicieuse ou sans logique inhérente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

2) Le fardeau de preuve

[22]           En l’espèce, contrairement aux allégations des demandeurs, la Cour a raisonnablement conclu que la crainte de persécution n’était pas bien fondée.

 

[23]           Madame Houssou et ses enfants ont le fardeau de démontrer à la Commission qu’ils sont des « réfugiés au sens de la Convention » ou qu’ils sont des « personnes à protéger » en vertu de la Loi.

 

[24]           L’article 96 de la Loi se lit comme suit :

96.      A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96.      A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

[25]           En vertu de l’article 97 :

97.      (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

97.      (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[26]           Afin d’être considérer comme réfugié au sens de la Convention, madame Houssou et ses enfants doivent d’abord convaincre la Commission qu’ils ont une crainte raisonnable de persécution en cas de retour au Togo. Selon la Cour d’appel fédérale dans Rajudeen, ci-dessus, la crainte de persécution arbore un volet subjectif et un volet objectif :

...La présente Cour, ainsi que la Cour suprême du Canada, a indiqué dans un certain nombre d'arrêts quelles étaient les composantes subjectives et objectives nécessaires pour satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention. L'élément subjectif se rapporte à l'existence de la crainte de persécution dans l'esprit du réfugié. L'élément objectif requiert l'appréciation objective de la crainte du réfugié pour déterminer si elle est fondée. 

 

[27]           Dans le présent cas, l’élément subjectif se rapporte à l’existence de la crainte de persécution dans l’esprit de madame Houssou et de ses trois enfants, s’ils retournent au Togo. Or, il appert que, malgré leurs craintes, ces derniers sont retournés au Togo à plusieurs reprises :

a) Zokui Guy Noël Ameh est venu au Canada en juillet 2003 avec un visa étudiant pour poursuivre ses études universitaires. Durant cette période, il a voyagé en France, au Togo et au Gabon.

 

b) Apelete Patrick Ameh a vécu au Gabon de 1988 à décembre 2002. Il est retourné deux fois au Togo pendant une période d’environ un an. Il est arrivé au Canada en janvier 2003 pour poursuivre ses études.

 

c) Kokui Davy Fleur Ameh a étudié à Paris de septembre 1998 à juin 2001. Elle est arrivée au Canada en janvier 2003 pour poursuivre ses études. Elle est retournée au Togo à quelques reprises pour visiter sa grand-mère. Elle n’allègue pas qu’elle ait été sujette à quelque traitement que ce soit.

            d) Madame Houssou a aussi beaucoup voyagé pour visiter sa parenté.

[28]           La jurisprudence est constante à l’effet que le retour volontaire d’un revendicateur dans son pays d’origine est un comportement incompatible avec l’existence d’une crainte subjective de persécution. (Gonzales, ci-dessus; Monteiro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), ci-dessus; Vaitialingam, ci-dessus; Bogus, ci-dessus.)

 

[29]           Par ailleurs, la Commission a raisonnablement tiré une conclusion négative du défaut de madame Houssou et ses enfants de rechercher la protection en France ou au Canada à la première occasion possible. Ces derniers sont arrivés au Canada à différentes dates entre septembre 2001 et septembre 2003. Ils ont demandé l’asile le 31 janvier 2005. Ils n’ont pas adéquatement expliqué la raison de ce délai. À ce titre, madame Houssou a déclaré qu’auparavant, la situation de son époux leur permettait d’éviter des situations éprouvantes et qu’elle et sa famille n’avaient pas eu besoin de réclamer le statut de réfugié.

 

[30]           Sur ce point, la Cour d’appel fédérale a déjà conclu que le retard à présenter une revendication du statut de réfugié est un facteur important dont la Commission peut tenir compte dans son analyse. Par ailleurs, ce délai laisse croire en l’absence de crainte subjective d’être persécuté puisqu’il existe une présomption qu’une personne ayant une crainte véritable de persécution  revendique le statut de réfugié à la première occasion. (Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, [2003] A.C.F. no 1680 (QL), au paragraphe 16.)

 

[31]           Eu égard à l’ensemble de la preuve, une personne raisonnable doit conclure qu’il existe plus qu’une « possibilité minime » ou qu’il y a une « chance raisonnable » que les demandeurs soient persécutés s’ils doivent retourner au Togo. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que c’est à bon droit que la Commission a décidé que la preuve présentée par madame Houssou et ses trois enfants n’établissent pas plus qu’une « possibilité minime » de persécution en cas de retour dans leur pays natal.

 

[32]           À ce titre, la Cour fédérale a déjà jugé qu’une conclusion d’absence de crainte subjective, comme c’est le cas en l’espèce, justifiait à elle seule, le rejet de la demande d’asile puisque les deux aspects de la crainte de persécution alléguée, subjectif et objectif, doivent être démontrés pour rencontrer les définitions de « réfugié » et de « personne à protéger » en vertu de la Loi. (Kamana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1695 (QL); Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 759, [2001] A.C.F. no 1129 (QL), au paragraphe 3.)

 

[33]           Par conséquent, la conclusion de la Commission que les demandeurs ne se sont pas déchargés, avec satisfaction, de leur fardeau d’établir une possibilité sérieuse d’être persécutés en vertu des motifs de la Convention et qu’ils n’ont pas réussi, selon la prépondérance des probabilités, qu’advenant un retour au Togo, ils seraient personnellement exposés à un quelconque risque, est raisonnable.

 

            3) La Commission a considéré l’ensemble de la preuve

[34]           Il existe deux types d’éléments de preuve qui sont utilisés pour déterminer si les demandeurs ont une crainte véritable de persécution. Le premier type est propre à la prétention du revendicateur et vise à corroborer le témoignage des demandeurs. Le deuxième type est de nature générale (documentaire) et est sans rapport précis avec la prétention des requérants, mais traite de manière générale de la situation dans le pays en question. (Iordanov, ci-dessus, au paragraphe 11.)

 

[35]           La Cour estime que, contrairement aux allégations de madame Houssou et ses trois enfants, la Commission a considéré l’ensemble de la preuve.

 

[36]           Tout d’abord, il existe une présomption que la Commission a prise en considération l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée. Dans le présent cas, les demandeurs n’ont pas présenté de preuve réfutant cette présomption. (Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 363, [2002] A.C.F. no 477 (QL).)

 

[37]           La Commission a analysé la preuve documentaire démontrant que les Sudistes sont persécutés au Togo et a raisonnablement conclu que les documents présentés ne révèlent pas l’existence d’une persécution systématique contre les groupes ethniques de religion chrétienne habitant dans le sud du pays :

En effet, la preuve documentaire n’appuie pas les propos des demandeurs. Le tribunal a souligné le fait que des demandes de recherche sur la question des conflits religieux et inter ethniques au Togo entre Chrétiens du Sud et autres groupes des régions du Nord du pays ne révélaient pas qu’il y avait des persécution religieuse comme telle. Les demandeurs se sont limités à dire qu’ils ne savaient que ce qu’ils avaient vu. Le tribunal a considéré également autres sources d’information sur la situation socio politique togolaise qui, malgré un constat évident de manque flagrant de respect de droits de la personne dans plusieurs domaines, ne révèlent pas l’existence d’une persécution systématique contre les groupes ethniques de religion chrétienne habitant le sud du pays. La preuve documentaire indique plutôt que le gouvernement respecte de façon générale la liberté de pratique religieuse tel que prévu dans la Constitution du pays. Les trois croyances principales, le Catholicisme Romain, le Protestantisme et l’Islam y sont officiellement reconnues et pratiquées.

 

(Motifs de la décision, à la page 9.)

 

 

[38]           Par conséquent, il appert que la décision de la Commission s’appuie sur la preuve présentée au dossier et n’est pas déraisonnable.

 

CONCLUSION

[39]           En somme, les conclusions de faits tirées par la Commission sont raisonnables et bien étayés sur la preuve déposée par les parties. Compte tenu de ce qui précède, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1268-06

 

INTITULÉ :                                       AMEYO HOUSSOU, KOKOE DAVY FLEUR AMEH,

ZOKUI GUY NOEL AMEH, APELETE PATRICK AMEH

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 6 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 16 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Nicole Goulet

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Mari-Josée Montreuil

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

NICOLE GOULET

Avocate

Gatineau (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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