Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date :  20061116

Dossier :  IMM-2868-06

Référence :  2006 CF 1376

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2006

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

HACÈNE OUKACINE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET D'IMMIGRATION CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Un récit, trempé d’un manque de crédibilité, couche par couche, se fonde dans son propre néant.

[2]               [120]    Tant l'existence d'une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités. Dans l'arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680, la Cour d'appel fédérale a statué que, dans le contexte spécifique de la détermination du statut de réfugié, le demandeur n'est pas tenu d'établir, pour satisfaire à l'élément objectif du critère, qu'il est plus probable qu'il sera persécuté que le contraire. Il doit cependant établir qu'il existe plus qu'une "simple possibilité" qu'il soit persécuté. On a décrit le critère applicable comme étant l'existence d'une "possibilité raisonnable" ou, plus justement à mon avis, d'une "possibilité sérieuse". Voir R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Sivakumaran, [1988] 1 All E.R. 193 (C.L.).

(Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, [1995] A.C.S. no 78 QL.)

[3]               [9]        La présente affaire soulève le problème troublant des personnes qui comparent les pays en vue de trouver celui où elle vont réclamer l'asile. Si le moyen invoqué par l'avocat des requérants au sujet du domicile était bien fondé, les requérants pourraient, de leur propre gré, rejeter la protection d'un pays en l'abandonnant unilatéralement pour un autre. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit en l'espèce. L'objet de la Convention de Genève est d'aider les personnes qui ont besoin de protection et non de venir en aide aux personnes qui préfèrent tout simplement demander asile dans un pays de préférence à un autre. La Convention et la Loi sur l'immigration devraient être interprétées en tenant compte de leur objectif véritable.

(Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 400 (QL).)

[4]               [20]      Cependant, la Commission avait le droit de rejeter les explications du demandeur pour avoir quitté la France, un pays qui "est signataire de la Convention, [...] a une réputation internationale enviable en matière de protection des droits de la personne et [...] a un système bien établi pour traiter les demandes d'asile", alors que sa demande d'asile était en instance.

[21]      À mon avis, il n'était pas déraisonnable que la Commission conclue que les explications et le comportement du demandeur étaient incompatibles avec le comportement d'une personne qui craint pour sa vie.

[22]      Comme mon collègue le juge Max M. Teitelbaum l'a soutenu dans l'affaire Saleem c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 FC 1412, au paragraphe 28 :

Cette affirmation ne peut pas suffire pour permettre à un demandeur d'asile de passer dans deux pays, soit l'Angleterre et les États-Unis et revendiquer le statut de réfugié au Canada plus d'un mois après avoir quitté le Pakistan. On ne peut pas permettre le forum shopping, c'est-à-dire on ne peut pas permettre au demandeur le luxe de déterminer quel pays sera, pour quelque raison que ce soit, le plus convenable pour revendiquer le statut de réfugié.

(Samseen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 542, [2006] A.C.F. no 727 (QL).)

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[5]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, introduite en vertu du paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27 (Loi), à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 16 février 2006, annulant la décision par laquelle le demandeur s’est vu accorder le statut de « réfugié au sens de la Convention ».

 

FAITS

[6]               Le demandeur, M. Hacène Oukacine allègue les faits suivants :

 

[7]               Monsieur Oukacine est né le 24 février 1966. Il est un berbère de citoyenneté algérienne.  M. Oukacine étudie à l’institut National d’Agronomie en Algérie de 1986 jusqu’en 1991. En 1991, il obtient une exemption comme étudiant afin d’éviter le service militaire obligatoire (SMO). En septembre 1991, M. Oukacine est à la fois étudiant et professeur.

 

[8]               Les temps sont difficiles en Algérie à la fin des années quatre-vingt et début des années quatre-vingt dix. Plusieurs civils sont tués et massacrés durant la guerre civile. Les berbères sont un groupe discriminé par l’État. Les fondamentalistes islamiques s’en prennent particulièrement aux intellectuels en Algérie puisque ces derniers sont perçus comme des gens occidentalisés.

 

[9]               Monsieur Oukacine quitte l’Algérie en 1992 en direction de la France aux fins de poursuivre ses études. Lors de son séjour en France, il obtient un visa d’étudiant et effectue les études suivantes : (1) 1992-1994 : Baccalauréat en science; (2) 1994-1996 : Diplôme en parasitologie; (3) 1996-1998 : nutrition des athlètes (non terminé). En 1996, M. Oukacine épouse une citoyenne française en France.

 

[10]           Pendant ce temps, il reçoit des avis provenant des autorités algériennes lui indiquant de se rapporter à l’armée afin de faire son SMO. Ces avis sont acheminés à la maison de ses parents en Algérie. Le frère de M. Oukacine lui apporte une copie de ses avis lors de ses visites en France.

 

[11]           En 1998, M. Oukacine et son épouse se séparent. En mai 1998, à la suite de cette séparation,  et puisqu’il est sur le point de terminer ses études, M.Oukacine quitte la France pour les États-Unis. Il demeure à New York pendant cinq mois. En octobre 1998, M. Oukacine entre au Canada et fait une demande d’asile. Il reçoit une réponse affirmative à sa demande le 20 mai 1999.

 

[12]           En 2000, lors d’une entrevue avec le ministère de la citoyenneté et de l’immigration (CIC) et du service canadien du renseignement de sécurité, tout comme avec sa rencontre avec la GRC en 2003, M. Oukacine avoue qu’il a faussement reproduit certains faits dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) lors de son entrée en Colombie-Britannique en octobre 1998 et  lors de son audience sur la revendication de son statut de réfugié en avril 1999.

 

[13]           Son histoire n’est pas véridique, notamment sur les points suivants :

a.       Il ne quitte pas l’Algérie pour la Tunisie en 1998;

b.      Il ne quitte pas par navire de la Tunisie à Montréal en 1998;

c.       Il ne voyage pas de Montréal à Vancouver en 1998;

d.      Antérieurement à son audition portant sur sa demande d’asile en 1999, M. Oukacine voyage de Vancouver à Montréal pour se renseigner sur le système de port et sur le trajet en navire de l’Algérie à Montréal pour être en mesure de répondre à toutes questions à ce sujet à l’audience;

e.       Lors de son séjour en France, M. Oukacine voyage en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas;

f.        Contrairement aux allégations dans son FRP, M. Oukacine est un homme marié lorsqu’il fait sa demande d’asile au Canada;

g.       Contrairement aux allégations de M. Oukacine, il entre au Canada avec un passeport algérien valide qu’il obtient en France.

 

[14]           Le 3 avril 2004, M. Oukacine, de sa propre initiative, demande pardon, au gouvernement canadien pour ses mensonges. Le 16 février 2006, la Commission annule la décision par laquelle M. Oukacine s’est vu accorder le statut de « réfugié au sens de la Convention ».

 

DEMANDE CONTESTÉE

[15]           La Commission a annulé le statut de réfugié de M. Oukacine en vertu de l’article 109(3) de la Loi. Ce dernier a faussement reproduit certains faits dans son FRP en 1998 et lors de son audience sur sa revendication de statut de réfugié, en avril 1999. La Commission a décidé qu’il ne restait pas suffisamment de preuve afin de justifier la demande d’asile de M. Oukacine.

 

 

 

QUESTION EN LITIGE

[16]           En l’espèce, il y a cinq questions en litige :

1)         La Commission a-t-elle erré lorsqu’elle a déterminé que toutes les déclarations que M. Oukacine a effectuées se devaient être fausses, puisqu’il a menti le 30 septembre 1998 dans son FRP et lors de son audience concernant sa revendication du statut de réfugié en avril 1999?

2)         La Commission a-t-elle erré en concluant que M. Oukacine n’est pas une personne crédible, étant donné qu’il a menti dans ce qu’il a déclaré dans son FRP en 1998 ?

3)         La Commission a-t-elle erré en concluant que M. Oukacine n’est pas un intellectuel, puisqu’il venait de terminer l’école en Algérie et qu’il ne serait pas ciblé par les islamistes ?

4)         La Commission a-t-elle erré en décidant que M. Oukacine n’aurait pas dû enseigner si cet emploi posait un risque pour sa santé et sa sécurité ?

5)         La Commission a-t-elle respecté les droits linguistiques de M. Oukacine lors de l’audience du 9 décembre 2005 ?

 

NORME DE CONTRÔLE

[17]            La norme de contrôle applicable en ce qui a trait aux questions purement factuelles et de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable. (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 4; Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 25, [2004] A.C.F. no 17 (QL), au paragraphe 31; N’Sungani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1759, [2004] A.C.F. no 2142 (QL), aux paragraphes 6 ; Kathirgamu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 300, [2005] A.C.F. no 370 (QL), au paragraphe 41; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 38; Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 139, [2006] A.C.F. no 187 (QL), au paragraphe 12.)

 

[18]           En ce qui a trait à la décision de la  Commission émise en vertu du paragraphe 109 de la Loi, il est établi que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter (Bortey c. Canada, 2006 CF 190, [2006] A.C.F. no 246 (QL), au paragraphe 13). En outre, les décisions mixtes de fait et de droit de la Commission ne peuvent être annulées que si elles sont déraisonnables. (Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL), au paragraphe 14; Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, [2002] A.C.S. no 78, aux paragraphes 41-42, 44; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, [2003] A.C.S. no 18, au paragraphe 43; Starson c. Swayze, [2003] 1 R.C.S. 722, [2003] A.C.S. no 33, aux paragraphes 83-84.)

 

 

ANALYSE

1) La Commission a-t-elle erré lorsqu’elle a déclaré que toutes les  déclarations que M. Oukacine a effectuées se devaient être fausses, puisqu’il a menti le 30 septembre 1998 dans son FRP et lors de son audience concernant sa revendication du statut de réfugié en avril 1999?

 

[19]           La demande d’annulation du statut de réfugié de M. Oukacine a été déposée en vertu de l’article 109 de la Loi, lequel se lit comme suit :

109.      (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

109.      (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

 

[20]           M. Oukacine allègue que l’accueil de sa demande d’asile résulte « directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait ». En outre, ce dernier conteste la décision de la Commission en vertu du paragraphe 109(1) de la Loi, selon laquelle il ne reste pas « suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile ».

 

 

a) La Commission n’a pas écarté toute la preuve

[21]            Contrairement à ce que prétend M. Oukacine, la Commission n’a pas conclu que toutes les déclarations de celui-ci dans le cadre de sa demande de statut de réfugié doivent être écartées, parce que non crédibles. Voici plutôt ce que la Commission a écrit à ce sujet :

The relevant information that remains to be considered at the time of the original determination after the misrepresentations are removed is that the respondent is an Algerian Berber, age 32 at the time of the hearing in 1999, who left Algeria in 1992, who said he was opposed to the military service, and who received a military call up notice in 1994. The issue is whether that is sufficient to justify refugee protection. I find this information must be considered in the context of knowing the claimant lied about his country of residence from 1992 to 1998 and his travel to Canada.

 

(Décision de la Commission, à la page 5.)

 

[22]           La Commission n’a jamais mis en doute la véracité des faits suivants: M. Oukacine est un algérien berbère, âgé de 32 ans au moment de son audience devant la Commission en 1999, qui a quitté l’Algérie en 1992.

 

b) La revendication de M. Oukacine fondée sur le fait qu’il risque d’être persécuté en tant que berbère dans l’armée algérienne

 

[23]           M. Oukacine prétend que la Commission a erré en concluant, lorsqu’il a fait sa demande, que le fait d’être berbère dans le cadre du SMO est insuffisant pour justifier un statut d’asile.

 

[24]           M. Oukacine allègue une crainte réelle d’être persécuté en raison de son appartenance au groupe ethnique berbère. Selon lui, les berbères ont été discriminés, attaqués et mis au front sur le champ de bataille; et également, selon lui, la Commission a donc erré en concluant qu’il n’y a peu de preuve documentaire objective justifiant la prétention de M. Oukacine, selon laquelle les berbères ont été maltraités, même brutalisés, lors de leur service militaire.

 

[25]           La Commission a écrit ce qui suit à ce sujet :

Regarding his status as an Algerian Berber, the documentation from that time indicates that, while Berbers faced discrimination, the government of Algeria did not engage in systemic targeting of Berbers nor were their official programs against Berbers. In fact, the Berber language was taught in schools and Berber culture was practiced. I am satisfied that being a Berber in Algeria was not sufficient for a determination of refugee protection at the time of the original determination. Further, while the respondent says Berbers were mistreated in the military, there is little objective documentation to confirm that. As the respondent has lied about other material matters, I am not satisfied that his allegations on this point and the country documentation from the time are reliable and sufficient enough to justify refugee protection on that point.

 

(Décision de la Commission, à la page 5.)

 

[26]           À ce titre, dans le document intitulé Algeria-Profile of Asylum Claims and Country Conditions, Bureau of Democracy, United States Department of State, Human Rights and Labour, (juin 1996, reproduite au D.D. vol. 2, 5B) III- Claims and Relevant Information. A. Berbers, il est dit:

While there may be some discrimination and harassment of Berbers in the capital city of Algiers and other large towns, but there is no pattern of action by the Algerian authorities against Algerians simply because they are of Berber origin. As noted in the Country Report for 1995, the Berbers were the original inhabitants of Algeria, and many citizens claim to be of mixed Berber and Arab ancestry. The Berbers, therefore, are an important indigenous minority group who participate freely and actively in the political process. They hold influential positions in the Government and in the army.

 

[27]           M. Oukacine renvoie, dans son affidavit, à deux documents qui attestent de la persécution dont ont été victimes les berbères en Algérie à l’époque pertinente. Par contre, il appert que ces deux documents ne traitent pas de la discrimination ou de la persécution des Berbères et n’appuient pas la thèse de M. Oukacine. Le premier article intitulé Assassination of Lounes Matoub : Algeria Loses one of its most Respected Singers, The North Africa Journal, no 34, du 27 juin 1998, traite de la persécution des chanteurs et artistes par des islamistes algériens. Le deuxième article intitulé Skepticism in Algeria, John F. Burns, New York Times, 18 avril 1999, dénonce le fait que les islamistes demeurent, à cette époque, une menace à la paix civile en Algérie.

 

[28]           En somme, les documents n’appuient pas la prétention de M. Oukacine, selon laquelle les berbères ont été victimes de persécution par l’armée algérienne lorsqu’ils ont fait leurs services militaires en son sein. Par conséquent, la décision de la Commission, selon laquelle le fait d’être un berbère dans le cadre du SMO en Algérie est insuffisant pour accorder la demande d’asile à M. Oukacine lorsqu’il en a fait demande, n’est pas déraisonnable.

 

c) Le SMO et le statut d’objecteur de conscience de M. Oukacine

 

[29]           M. Oukacine prétend, en outre, que la Commission a erré en refusant de croire que ce dernier est un objecteur de conscience à l’égard du SMO en Algérie.

 

[30]           La Commission a écrit ce qui suit, à ce sujet :

Next is the issue of the respondent’s opposition to military service. There was an ongoing civil war in Algeria and reports of gross violations of human rights by the Algerian military at that time. The previous panel considered all of that information. The issue is whether that information justifies refugee protection. To my mind, that depends on the credibility of the respondent’s allegation that he left Algeria in 1992 because he was opposed to military service. The respondent says that is the truth, but the respondent told significant lies in the past to try to obtain refugee protection. His only reason for lying earlier was he thought Canada would send him back to the USA, even though he had heard Canada was accepting Algerian claims. In fact he chose Canada over France, Britain, Germany and the USA. I find he has provided a weak explanation for his significant misrepresentations and omission in 1998 and 1999. He lived in France for six years, traveled in Europe, got married, had marital problems, went to the USA for six months, and then decided he preferred Canada. It seems possible he was someone who would rather not fight in a war and preferred to live in other countries. That does not make him a conscientious objector – either to military service generally or to the particular conflict at that time.

 

[…] The respondent provided reasons to the original panel for not wanting to serve – he said he was not a conscientious objector generally but did not want to fight in this particular civil war because the army was killing civilians. He also said it was very dangerous to serve in the military.

 

The difficulty is to assess the credibility of the respondent’s alleged motives now that he has admitted he lied about other key aspects of his story. If his lies were not significant, they might not undermine his credibility generally, especially given the conduct of the Algeria military at the time. However, I find the respondent’s misrepresentations and omissions were very significant and sufficient to undermine his credibility generally. He provided no other evidence at that time to confirm his story that he objected to fighting in this particular war as a true matter of conscience – rather than just having an aversion to military service and preferring to live in France or Canada. There is no independent evidence from that time that indicates the respondent engaged in public opposition to the war or did anything to make his views known to others. I find his explanation for lying is very weak. There is no evidence from that time as to why he did not claim refugee protection in the other countries he visited between 1992 and 1998 if, as a matter of conscience, he was opposed to serving in the Algerian military.

 

I find there is not sufficient other reliable evidence to show, on a balance of probabilities, that the respondent left Algeria because, as a true matter of conscience, he did not want to serve in the Algerian military because he opposed the civil war at that time. He left Algeria in 1992 and studied in France, and when he was called for military service in 1994 he did not want to return. He had freedom to move about in France and attend school there. He did not want to give up that freedom. He says he was a conscientious objector on the civil war at that time, but in light of his serious lack of credibility on key aspects of his claim, I find there is not sufficient reliable or credible evidence to show, on a balance of probabilities, that was his motivation for leaving Algeria or for not wanting to return to Algeria in 1999. If he had told the truth about other important matters in 1999, the panel might have believed him on that part of his story as well. However, by making such significant misrepresentations and omissions, he has lost the opportunity to have his alleged motive examined in the context of being considered a credible person.

 

(Décision de la Commission, aux pages 6 et 7.)

[31]           Tel que l’a énoncé la Cour fédérale dans l’arrêt Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238, [1990] A.C.F. no 604 (QL), la conclusion d’absence de crédibilité du témoignage du revendicateur peut s’étendre à tous les éléments de preuve liés à ce témoignage :

 

…la perception du tribunal que le demandeur n’est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu’il n’existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second pallier d’audience pour faire droit à la demande.

 

Bien que cette décision repose sur l’ancienne Loi de l’immigration, elle est toujours valide. En effet, dans le cadre législatif de la présente loi, « la perception par un tribunal qu’un revendicateur n’est pas crédible sur un point important de sa revendication peut équivaloir à la conclusion qu’il n’y a pas de preuve crédible qui pourrait supporter la revendication. » (Chavez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 962, [2005] A.C.F. no 1211 (QL), au paragraphe 7; Touré c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 964, [2005] A.C.F no 1213 (QL), au paragraphe 10; Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89,  [2002] A.C.F. no 302 (QL), aux paragraphes 29-30.)

 

[32]           Certes, il appartient à la Commission de juger de la crédibilité des éléments de preuve résiduels. Par conséquent, il n’est pas manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure que le manque de crédibilité de M. Oukacine affecte la valeur des autres éléments de preuve déposés, puisque ceux-ci reposent en grande partie sur la fiabilité du témoignage de ce dernier. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée sur ce point.

 

 

2) La Commission a-t-elle erré en concluant que M. Oukacine n’est pas une personne

crédible, étant donné qu’il a menti dans ce qu’il a déclaré dans son FRP en 1998 ?

 

[33]           Le paragraphe 109(2) de la Loi mentionne que la Commission « peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile. » Il est sous-entendu que la preuve doit être crédible.

 

[34]           Or, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rahaman, ci-dessus, mentionne ce qui suit :

[29]...comme le juge MacGuigan l'a reconnu dans l'arrêt Sheikh, précité, le témoignage du revendicateur sera souvent le seul élément de preuve reliant ce dernier à la persécution qu'il allègue. Dans de tels cas, si la Commission ne considère pas que le revendicateur est crédible, il n'y aura aucun élément de preuve crédible ou digne de foi pour étayer la revendication...

 

 

[35]           En outre, sur ce point, la Commission est en droit de déterminer que puisque M. Oukacine n’est pas crédible, il n’y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi pour étayer sa revendication. Cette conclusion est conforme aux principes de droits applicables.

 

[36]           La Commission est un tribunal indépendant, à qui il revient d’apprécier et de décider de la crédibilité de la preuve présentée. La juridiction de la Commission comme tribunal spécialisé de première instance doit être respectée sauf si la Commission outrepasse ses fonctions d’une façon arbitraire, malicieuse ou sans logique inhérente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

3) La Commission a-t-elle erré en concluant que M. Oukacine n’est pas un intellectuel,

puisqu’il venait de terminer l’école en Algérie et qu’il ne serait pas ciblé par les islamistes ?

 

4) La Commission a-t-elle erré en décidant que M. Oukacine n’aurait pas dû enseigner si cet

emploi posait un risque pour sa santé et sa sécurité ?

 

[37]           M. Oukacine allègue que la Commission a erré en déterminant que celui-ci n’était pas ciblé par les islamistes. M. Oukacine soutient que la preuve indiquait plutôt que ce dernier risquait de subir de la persécution de la part des islamistes à l’époque puisqu’il venait de terminer ses études universitaires en génie agricole en Algérie pour devenir professeur et que les islamistes visaient surtout ceux qui détenaient un diplôme universitaire, peu importe leur domaine d’étude, car ils étaient vu comme des Occidentaux. 

 

 

[38]           En outre, il est important de noter que de 1991 à 1992, M. Oukacine a été professeur à l’Institut de biologie à l’Université de Tizi Ouzou, sans être importuné par les groupes islamistes.

 

[39]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la Commission n’a pas erré. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée sur ces points.

 

5. La Commission a-t-elle respecté les droits linguistiques de M. Oukacine lors de l’audience du 9 décembre 2005 ?

 

[40]           M. Oukacine prétend qu’il n’a pu formuler adéquatement ses réponses aux questions qu’il a été posées, ni exprimer ses sentiments et opinions convenablement, ce qui est fondamental dans les circonstances, parce qu’il aurait pu convaincre la Commission de ne pas annuler son statut de réfugié.

[41]           Le commissaire qui a entendu la demande d’annulation a demandé directement à M. Oukacine au tout début de l’audience s’il pouvait procéder en anglais sans interprète et ce dernier a répondu par l’affirmatif.

 

[42]           Tel qu’il appert de la transcription à l’audience, M. Oukacine a bien compris les questions qui lui ont été posées et ses réponses ont été formulées dans un anglais compréhensible. En outre, M. Oukacine n’a pas parlé ou agi comme s’il ne comprenait pas la langue et n’a jamais fait état de difficultés linguistiques. Comme ce dernier comprend l’anglais et le parle assez bien, cette Cour ne peut à bon droit conclure qu’il a eu besoin d’un interprète pour que son droit d’être entendu soit respecté. Il n’y a eu aucunes raisons pour le commissaire de soupçonner que M. Oukacine a eu besoin d’un service de traduction surtout qu’il lui a demandé directement et que ce dernier a renoncé à son droit d’être assisté d’un interprète.

 

[43]           Le principe s’appliquant au droit à l’assistance d’un interprète a été établi dans R c. Tsang, [1985] B.C.J. no 1762 (QL), au paragraphe 20, et se lit comme suit :

If a person is free to exercise his right, but chooses not to do so, he cannot be heard to a say afterwards that his right was infringed.

 

 

[44]           En outre, dans l’affaire Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 742, [2005] A.C.F. no 924 (QL), aux paragraphes 18-19, le juge Danièle Tremblay-Lamer a écrit ce qui suit :

Le demandeur soutient aussi qu'il y a eu violation du principe audi alteram partem, soit le droit à un procès équitable. Il affirme avoir demandé que l'audience se déroule en anglais mais que, en fait, elle s'est déroulée en français…

 

De plus, le requérant a déclaré qu'il parlait un peu l'anglais, mais il ne s'est pas opposé à ce que l'audience se déroule en français. Il lui incombait, directement ou par l'intermédiaire de son conseil, de s'opposer au choix de la langue de l'audience dès qu'il en a eu l'occasion. Puisqu'aucune objection n'a été présentée à cet égard, on doit supposer que le demandeur a accepté la situation. Il est trop tard pour présenter une telle objection à ce stade-ci (voir Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 4 C.F. 85, par. 19 (C.A.)).

 

 

[45]           Le juge Richard Mosley s’est prononcé dans le même sens dans l’affaire Bilal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1692, [2005] F.C.J. no. 2104 (QL), au paragraphe 24 :

In her written submissions, the applicant also alleged that the Board breached its duty of fairness by failing to provide an interpreter. This was not pressed in oral argument as it is apparent from the transcript that the opportunity to have an interpreter present was expressly waived by the applicant and her counsel. The applicant chose to proceed and to provide her evidence in English. It was not open to her now to claim a denial of natural justice: Mohammadian v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2001] 4 F.C. 85 at para. 19, 2001 FCA 191.

 

 

[46]           Pour tous ces motifs, la Cour estime qu’il n’y a pas eu, en l’occurrence, violation à la règle audi alteram partem.

 

CONCLUSION

[47]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour affirme que : (1) les conclusions factuelles de la Commission ne sont pas manifestement déraisonnables; (2) la décision de la Commission d’annuler le statut de réfugié de M. Oukacine n’est pas déraisonnable; et (3) la décision de la Commission n’est pas entachée d’une erreur de droit, ni d’une violation d’une règle de justice naturelle ou d’équité procédurale. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

 

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2868-06

 

INTITULÉ :                                       HACÈENE OUKACINE c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 16 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Yavar Hameed

Me Nicolas St-Pierre

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Normand Lemyre

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

YAVAR HAMEED

Equity Chambers

Ottawa, Ontario

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.