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Date: 20061117

Dossier: T-360-05

Référence: 2006 CF 1386

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2006

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

JACQUES ROY

Demandeur

et

 

LAWRENCE A. POITRAS

Défendeur

et

SYLVIE LAPERRIÈRE

Défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de M. Jacques Roy, syndic de faillite (« le syndic »), à l’encontre de décisions disciplinaires complémentaires et continues, rendues les 3 décembre 2004 (en ce qui concerne le bien-fondé ou non des infractions) et 31 janvier 2005 (la détermination de la sanction) par Me Lawrence A. Poitras, agissant en qualité de délégué du surintendant des faillites (« le délégué » ou « le délégué Poitras ») en vertu de l’article 14.01 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3 (« la loi »).  Il y a aussi une autre demande de contrôle judiciaire de la décision du délégué en date du 3 décembre 2004 impliquant certaines des  mêmes parties initiée par le Procureur général du Canada (cette fois voir P.G. Canada c. Jacques Roy, es-qualité de syndic – T-402-05).

 

[2]               Le délégué a conclu dans ces décisions que le syndic avait commis quatre (4) des quinze (15) infractions disciplinaires auxquelles il faisait face, dont certaines ont été retirées pendant l’audience. Par ailleurs, le délégué concluait que sept (7) autres manquements disciplinaires n’étaient pas fondés.  En conséquence, une suspension de la licence du syndic d’une (1) semaine était appropriée.  Pour les fins de la présente décision, j’utiliserai le mot « manquement », plutôt que le mot « infraction», un terme plus approprié selon les faits du présent dossier. 

 

[3]               Le syndic, par sa demande de contrôle judiciaire, questionne le bien-fondé de la détermination faite au sujet de chacun des quatre (4) manquements disciplinaires ainsi que celle faite concernant la sanction imposée.

 

I.  Les Faits

 

[4]               Depuis 1986, le syndic est détenteur d’une licence de syndic émise en vertu de la loi et il n’a aucun antécédent disciplinaire. 

 

[5]               Dans le cadre de l’administration des actifs de la faillite de Distribution Sunliner (1985) Inc. (« faillite Sunliner ») par le syndic, un de ses actionnaires, M. Paris,  demande par lettre en date du 7 décembre 1995, qu’une enquête soit réalisée « sur les agissements du syndic de faillite Jacques Roy » au bureau du surintendant des faillites (« B.S.F. »).

 

[6]               Mme Josée Plourde (« Mme Plourde ») du B.S.F. se voit confier le mandat de faire suite à la demande d’enquête et elle produit un rapport factuel relatant certaines situations de faits touchant certains dossiers particuliers de la faillite Sunliner.  Dans une lettre envoyée au syndic le 9 mai 1997, Mme Plourde émet l’opinion suivante:

-          l’administration de ce dossier semble être de façon générale conforme aux dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, aux Règles régissant la faillite et aux directives émises par le surintendant.

 

-          … que les frais judiciaires ont été approuvés par les inspecteurs et taxés par le Tribunal.  Quant aux honoraires et déboursés du syndic, nous nous en remettons au Tribunal qui vous accordera une rémunération juste et raisonnable selon les circonstances

 

(Dossier conjoint des parties, volume XI, onglet B-15, lettre de Josée Plourde à Jacques Roy datée du 9 mai 1997)

 

[7]               Le 23 juillet 1997, un jugement libérant le syndic de l’administration de la faillite Sunliner est signé par la Registraire adjointe.  Dans les documents accompagnant la demande de libération, on y retrouve un état définitif des recettes et des débours signé par le syndic en date du 19 novembre 1996.

 

[8]               Le 8 juin 1999, Mme Plourde participe à une nouvelle rencontre en compagnie de M. Paris, M. Gallant et un représentant de la Gendarmerie Royale du Canada.  Pendant cette rencontre, on discute de l’administration de la faillite Sunliner, de l’implication de M. Yves Lemaire (« M. Lemaire ») dans l’administration de la faillite, des montants reçus par la Banque Nationale et de l’encaissement de chèques émis par la compagnie BCL, certains desdits chèques ayant été encaissés par M. Lemaire. 

 

 

 

 

 

[9]               Le 10 juin 1999, étant donné ces nouveaux faits, le B.S.F. confie le dossier à M. Nolet de la section vérification.  Un rapport est signé par ce dernier le 21 octobre 1999.

 

[10]           Le 2 mars 2000, la directrice nationale intérimaire – Conformité et enquête –, Mme L. MacDonald, recommande au B.S.F. du district Québec de soumettre le syndic à un comité de discipline suite aux plaintes déposées par M. Paris considérant les « … éléments nouveaux … » découlant de la réunion du 8 juin 1999, la réponse du syndic et le rapport de vérification de M. Nolet.

 

[11]           Dans le dossier de la faillite de Pierre-André Jacob (« faillite Jacob »), une plainte à l’endroit du syndic fut déposée le 24 novembre 1999 par un créancier impliqué dans cette faillite (Dossier conjoint, volume XI, onglet 1, lettre de la Corporation Crédit Trans-Canada au séquestre officiel datée du 24 novembre 1999).  Ce dossier soulève la question d’une substitution de syndic et de la diligence à agir.  Les faits seront discutés plus amplement lors de l’analyse.

 

[12]           Le 23 mars 2000, le B.S.F. confie à Mme Sylvie Laperrière, analyste principale de la conduite professionnelle (« l’analyste Laperrière »), le mandat d’enquêter sur la conduite professionnelle du syndic dans le cadre des dossiers des faillites Jacob et Sunliner.

 

 

 

 

[13]           Le 17 avril 2001, Mme Laperrière signe son rapport.  Il fut amendé le 2 novembre 2001.  Dans son rapport, Mme Laperrière conclut que la conduite du syndic dans le cadre de l’administration des faillites Jacob et Sunliner justifiait le dépôt de quinze (15) manquements à la loi et/ou aux Règles sur la faillite et l’insolvabilité, C.R. 1978, ch. 368, (« les Règles ») ainsi qu’aux instructions émises par le surintendant de la faillite.  Ledit rapport fut remis au surintendant afin qu’une audience ait lieu selon les articles 14.01 et 14.02 de la loi.  Ce dernier déléguait ses attributions suivant les articles 14.01, 14.02 et 14.03 de la loi au délégué Poitras (le premier choix du surintendant décéda et par la suite le délégué Poitras fut choisi), le tout conformément au paragraphe 14.01(2).

 

[14]           À l’automne 2004, le délégué Poitras présida l’audition disciplinaire des quinze (15) manquements disciplinaires reprochés dont certains furent retirés et n’en a retenu que quatre (4) qui se lisent ainsi:

Dossier Pierre-André Jacob

2)         « Le syndic ne s’est pas acquitté de ses fonctions dans les meilleurs délais et n’a pas exercé ses fonctions avec diligence en n’acceptant pas la demande de substitution des représentants de Crédit Trans-Canada et en tardant à préparer le procès-verbal de l’assemblée des créanciers du 18 novembre 1999, contrevenant à l’article 13.5 de la Loi et à la règle 36. »

 

 

 

 

Dossier de Distribution Sunliner (1985) Inc.

1)         « Le syndic a omis d’obtenir une déclaration d’un fonctionnaire de Distribution Sunliner (1985) Inc., permettant de confirmer l’exactitude au moment de la faillite de l’inventaire daté du 8 mars 1994 contrevenant ainsi au paragraphe 5(5) de la Loi et aux paragraphes 6 et 7 de la directive no 31 sur la prise d’inventaire des biens du failli, émise par le surintendant des faillites le 18 août 1989. »

5)         « Le syndic n’a pas documenté son dossier :

 

-      Sur la rétrocession au syndic par Isomur du compte à recevoir de 6 031,43$ de Bay Distributors;

 

-      Sur les résultats obtenus relativement à la perception dudit compte à recevoir par le syndic et du solde de 9 000$ payable par Isomur;

 

-      Et sur la décision de reporter sine die ces démarches de recouvrement auprès de messiers Georges Rivard et Jean-Yves Genest, du montant dû en vertu du jugement rendu le 4 janvier 1995;

 

Contrevenant ainsi au paragraphe 5(5) de la Loi et au paragraphe 5 de la

directive no 22 sur la réalisation des biens de l’actif émise par le

surintendant des faillites le 22 décembre 1988. »

 

7)         « Le syndic n’a pas exercé ses fonctions avec prudence :

 

-      En ne documentant pas son dossier sur le mandat accordé par le syndic à M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie, de faire le suivi pour le syndic relativement à la récupération de sommes d’argent de BCL et ne documentant pas son dossier sur le changement de statut de M. Lemer (sic) qui, selon les dires du syndic, agissait pour la Banque Nationale du Canada pour le recouvrement de ces sommes;

 

-      En n’avisant pas BCL de faire parvenir les chèques à M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie après appris (sic) le mandat obtenu de la Banque Nationale du Canada par ce dernier;

 

-      Et en autorisant ledit M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie à ouvrir le courrier du syndic;

 

Contrevenant ainsi à l’article 13.5 et au paragraphe 5(5) de la Loi, au paragraphe 5 de la directive no. 22 sur la réalisation des biens de l’actif émise par le surintendant des faillites le 22 décembre 1988 ainsi qu’aux règles 36 et 52. »

 

 

Il est à noter que la numérotation des manquements suit celle utilisée par le délégué dans sa décision du 3 décembre 2004.

 

 

[15]           Ces déterminations du délégué sont contestées par le syndic ainsi que la sanction ordonnant la suspension d’une semaine de la licence du syndic.

 

II.  Les questions en litige

 

[16]           Tenant compte de ce qui est mentionné précédemment, les questions en litige à aborder sont les suivantes :

1)      Quelle est la norme de contrôle applicable pour chacune des questions en litige?

2)      Est-ce que les manquements concernant la faillite Sunliner devraient être rejetés en raison  de la satisfaction de Mme Plourde du B.S.F. relativement aux agissements du syndic dans ce dossier?

3)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic ne s’était pas acquitté de ses fonctions dans les meilleurs délais et avec diligence dans le dossier de la faillite Jacob, le tout en contravention de la Règle 36?

4)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic avait, dans le cadre du dossier de faillite Sunliner, enfreint l’instruction 31 du surintendant des faillites qui oblige la production d’une déclaration pour attester de l’exactitude de l’inventaire des biens du failli?

5)      Le délégué a-t-il commis une erreur de faits en concluant que le syndic avait, dans le cadre du dossier de faillite de Sunliner, enfreint l’instruction 22 du surintendant énoncée au paragraphe 5 qui demande que le syndic documente son dossier?

6)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic n’avait pas exercé ses fonctions avec prudence dans le cadre du dossier de faillite Sunliner?

7)      La décision du délégué de suspendre pour une semaine la licence de syndic était-elle légale et adéquate compte tenu des circonstances du dossier?

 

III.  Analyse

 

1)      Quelle est la norme de contrôle applicable pour chacune des questions en litige?

 

[17]           Le surintendant a la charge législative d’assurer la supervision de l’administration des actifs des faillites au Canada.  À ce titre, la loi lui accorde de nombreux pouvoirs pour contrôler l’administration de l’actif de la faillite et ce, dans l’intérêt des créanciers, des débiteurs, des faillis et de toutes autres personnes pouvant y avoir un intérêt.  L’un des mécanismes de contrôle est l’octroi de licence de syndic ainsi que la surveillance de leurs activités en tenant compte de la loi, des règlements et des obligations créés par les instructions émises par le surintendant.  À cet effet, je reproduis certains articles pertinents pour l’issu de cette première question en l’instance :

 

 

 

5. (3) Le surintendant, sans que soit limitée l’autorité que lui confère le paragraphe (2) :

[…]

 

e) effectue ou fait effectuer les investigations ou les enquêtes, au sujet des actifs et autres affaires régies par la présente loi, et notamment la conduite des syndics agissant à ce titre ou comme séquestres ou séquestres intérimaires, qu’il peut juger opportunes et, aux fins de celles-ci, lui-même ou la personne qu’il nomme à cet effet a accès, outre aux données sur support électronique ou autre, à tous livres, registres, documents ou papiers se rattachant ou se rapportant à un actif ou à toute autre affaire régie par la présente loi, et a droit de les examiner et d’en tirer des copies;

 

f) reçoit et note toutes les plaintes émanant d’un créancier ou d’une autre personne intéressée dans un actif, et effectue, au sujet de ces plaintes, les investigations précises qu’il peut déterminer;

[…]

 

 

5. (4) Le surintendant peut :

[…]

 

b) donner aux séquestres officiels, aux syndics, aux administrateurs au sens de la section II de la partie III et aux personnes chargées de donner des consultations au titre de la présente loi des instructions relatives à l’exercice de leurs fonctions, et notamment leur enjoindre de conserver certains dossiers et de lui fournir certains renseignements;

 

 

 

 

 

c) donner les instructions nécessaires à l’exécution de toute décision qu’il prend en vertu de la présente loi ou susceptibles de faciliter l’application de la présente loi et des Règles générales, et notamment en ce qui touche les attributions des syndics et des séquestres et celles des administrateurs au sens de l’article 66.11;

 

 

 

 

 

d) donner des instructions régissant les critères relatifs à la délivrance des licences de syndic, les qualités requises pour agir à titre de syndic et les activités des syndics;

 

[…]

 

5. (6) Les instructions données par le surintendant ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

5. (3) The Superintendent shall, without limiting the authority conferred by subsection (2),

[…]

 

 (e) from time to time make or cause to be made such inspection or investigation of estates or other matters to which this Act applies, including the conduct of a trustee or a trustee acting as a receiver or interim receiver, as the Superintendent may deem expedient and for the purpose of the inspection or investigation the Superintendent or any person appointed by the Superintendent for the purpose shall have access to and the right to examine and make copies of all books, records, data, including data in electronic form, documents and papers pertaining or relating to any estate or other matter to which this Act applies;

 

(f) receive and keep a record of all complaints from any creditor or other person interested in any estate and make such specific investigations with regard to such complaints as the Superintendent may determine; and

[…]

 

5.  (4) The Superintendent may

[…]

 

 (b) issue, to official receivers, trustees, administrators of consumer proposals made under Division II of Part III and persons who provide counselling pursuant to this Act, directives with respect to the administration of this Act and, without restricting the generality of the foregoing, directives requiring them

(i) to keep such records as the Superintendent may require, and

(ii) to provide the Superintendent with such information as the Superintendent may require;

 

(c) issue such directives as may be necessary to give effect to any decision made by the Superintendent pursuant to this Act or to facilitate the carrying out of the purposes and provisions of this Act and the General Rules, including, without limiting the generality of the foregoing, directives relating to the powers, duties and functions of trustees, of receivers and of administrators as defined in section 66.11;

 

 

 

 

(d) issue directives governing the criteria to be applied by the Superintendent in determining whether a trustee licence is to be issued to a person and governing the qualifications and activities of trustees; and

[…]

 

 5.  (6) A directive issued by the Superintendent under this section shall be deemed not to be a statutory instrument within the meaning and for the purposes of the Statutory Instruments Act.

 

[18]           Les dispositions pertinentes des articles 14.01 et 14.02 de la loi qui intéresse cette Cour se lisent comme suit :

14.01 (1) Après avoir tenu ou fait tenir une enquête sur la conduite du syndic, le surintendant peut prendre l’une ou plusieurs des mesures énumérées ci-après, soit lorsque le syndic ne remplit pas adéquatement ses fonctions ou a été reconnu coupable de mauvaise administration de l’actif, soit lorsqu’il n’a pas observé la présente loi, les Règles générales, les instructions du surintendant ou toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l’actif, soit lorsqu’il est dans l’intérêt public de le faire :

 

a) annuler ou suspendre la licence du syndic;

 

b) soumettre sa licence aux conditions ou restrictions qu’il estime indiquées, et notamment l’obligation de se soumettre à des examens et de les réussir ou de suivre des cours de formation;

c) ordonner au syndic de rembourser à l’actif toute somme qui y a été soustraite en raison de sa conduite.

 

 

 

 

 

 

 

(2) Le surintendant peut, par écrit et aux conditions qu’il précise dans cet écrit, déléguer tout ou partie des attributions que lui confèrent respectivement le paragraphe (1), les paragraphes 13.2(5), (6) et (7) et les articles 14.02 et 14.03.

 

14.01 (1) Where, after making or causing to be made an investigation into the conduct of a trustee, it appears to the Superintendent that

 

 

 

 

(a) a trustee has not properly performed the duties of a trustee or has been guilty of any improper management of an estate,

(b) a trustee has not fully complied with this Act, the General Rules, directives of the Superintendent or any law with regard to the proper administration of any estate, or

(c) it is in the public interest to do so,

 

the Superintendent may do one or more of the following:

(d) cancel or suspend the licence of the trustee;

(e) place such conditions or limitations on the licence as the Superintendent considers appropriate including a requirement that the trustee successfully take an exam or enrol in a proficiency course, and

(f) require the trustee to make restitution to the estate of such amount of money as the estate has been deprived of as a result of the trustee’s conduct.

(2) The Superintendent may delegate by written instrument, on such terms and conditions as are therein specified, any or all of the Superintendent’s powers, duties and functions under subsection (1), subsection 13.2(5), (6) or (7) or section 14.02 or 14.03.

 

14.02 (1) Lorsqu’il se propose de prendre l’une des mesures visées au paragraphe 14.01(1), le surintendant envoie au syndic un avis écrit et motivé de la mesure qu’il entend prendre et lui donne la possibilité de se faire entendre.

 

14.02 (1) Where the Superintendent intends to exercise any of the powers referred to in subsection 14.01(1), the Superintendent shall send the trustee written notice of the powers that the Superintendent intends to exercise and the reasons therefor and afford the trustee a reasonable opportunity for a hearing.

 

 

[19]           Le droit de la faillite est un droit spécialisé qui a sa propre administration par l’entremise de catégories créées par la loi : le surintendant, le séquestre officiel, le syndic et la Cour supérieure du Québec (Chambre de faillite) (voir à ce sujet, Sam Lévy & Associés Inc. c. Mayrand, 2005 CF 702 au para. 135).

 

[20]           De cette spécialisation, les gens qui sont appelés à assumer des responsabilités développent par leur formation et par leur expérience une connaissance certaine de la matière, du milieu et de ses pratiques et coutumes.  Ainsi, la déontologie, ses normes exprimées par la législation et les instructions font partie du quotidien du milieu.

 

 

 

 

[21]           Selon l’approche pragmatique et fonctionnelle mise de l’avant dans l’arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons, [2003] 1 R.C.S. 226 aux paragraphes 21 et 22, (l’absence de clause préventive ou d’un droit d’appel, l’expertise du décideur en comparaison avec la Cour de révision, l’objet de la loi et de la disposition en jeu, la nature de la question – droit, mixte de droit et faits), il me semble que le surintendant a la qualification nécessaire pour être reconnu comme expert en semblable matière.  Dans la loi, il n’y a pas de clause préventive, mais par ailleurs, il n’y a pas un droit d’appel (voir paragraphe 14.02(5) de la loi), sauf pour la reconnaissance expresse d’un pouvoir d’examen et d’annulation prévue à la Loi de la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7.  Suivant l’objet de la loi et l’articulation des articles 14.01 et suivants, tel que référés précédemment, il m’appert que la norme de révision applicable à un rapport disciplinaire et à la décision sur la sanction est celle du raisonnable simpliciter.  La Cour de révision doit faire preuve d’une certaine déférence.  À ce sujet, je note que le juge MacKay dans l’affaire Sheriff c. Canada (Surintendant des faillites), 2005 CF 305, aux paragraphes 30 et 31 en est arrivé à la même conclusion :

 

30      Dans le contexte de l'approche pragmatique et fonctionnelle à la norme de contrôle, telle que confirmée par la Cour suprême dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 20, 26 et 27, et dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, aux paragraphes 21 et 22, les décisions relatives au contenu du rapport et aux pénalités sont toutes les deux des décisions auxquelles s'applique la décision raisonnable. C'est la norme qui s'applique vu mon examen comparatif de l'expertise du surintendant par rapport à la Cour pour ce qui est de la surveillance des syndics et des actifs, de mon examen de l'objectif de la Loi en général et de celui des articles 14.01 et 14.02 en particulier, qui consistent à veiller à ce que les responsabilités fiduciaires relatives à l'administration des actifs soient exercées de façon appropriée, et de mon examen de la nature des questions que soulève chacune des décisions, qui sont des questions mixtes de droit et de fait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

31      Lorsque la Cour examine ces décisions, elle doit faire preuve de retenue à l'égard des conclusions formulées par le surintendant. À moins qu'elles soient manifestement déraisonnables, compte tenu des preuves prises en compte par le surintendant, la Cour s'abstiendra de modifier ses décisions relatives au contenu du rapport et aux pénalités. Cela est particulièrement le cas, puisqu'au cours de l'audience, le surintendant "n'est lié par aucune règle juridique ou procédurale en matière de preuve" (la Loi, alinéa 14.02(2)b)).

 

Pour les fins de la présente décision, je m’en remets aux motifs élaborés par le juge MacKay en ce qui a trait à la question de la norme de contrôle applicable, mais je me permettrais quelques ajouts ici et là dans les paragraphes à venir. 

 

[22]           Ceci dit, je note que l’une des questions à l’étude, notamment celle de savoir si le syndic s’est acquitté de ses fonctions dans le meilleur délai et avec diligence dans le dossier de la faillite Jacob (question en litige 3), soulève des questions de faits relevant de la preuve présentée.  Dans ce cas, la norme applicable sera celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Marchand Syndics Inc. c. Laperrière, 2004 CF 1584, au paragraphe 60).

 

[23]           En résumé, pour les fins du présent dossier, j’entends utiliser la norme de contrôle de la décision raisonnable pour les questions mixtes de faits et celle de la décision manifestement déraisonnable pour les questions de faits.  Lors de l’étude de chacune des questions en litige alléguées, j’entends énoncer de façon préliminaire la norme de contrôle applicable pour plus de précision et pour une meilleure compréhension.

 

 

 

[24]           Avant de conclure sur cette première question, le procureur du syndic plaida que la déférence à l’égard du surintendant ne devrait pas être la même pour le délégué Poitras, car il n’a pas la même expertise que Me Marc Mayrand, le surintendant.  L’objectif d’un tel argument est d’en arriver à l’application de la norme de contrôle de la décision correcte.  Aucun affidavit étayant de la preuve à ce sujet n’a été présenté.  Il est de connaissance publique que le délégué choisi fut juge et juge en Chef de la Cour supérieure du Québec et qu’à ce titre, il fut appelé à siéger dans le cadre de procédures multiples et très variées y incluant la Chambre de la faillite.  Dans le cadre de son rôle comme délégué, on lui a demandé d’appliquer la loi, les règlements et les instructions à des faits mis en preuve, de se prononcer et ultimement, de sanctionner.  Ce qu’il a fait durant une bonne partie de sa vie.  Je vois difficilement comment je pourrais choisir une différente norme de contrôle que celles déjà indiquées ci-haut.  Je ne peux pas, selon les circonstances du présent dossier, retenir un tel argument.

 

2)      Est-ce que les manquements concernant la faillite Sunliner devraient être rejetés en raison  de la satisfaction de Mme Plourde du B.S.F. relativement aux agissements du syndic dans ce dossier?

 

[25]           Je tiens à souligner que cet argument n’a pas été développé de façon significative dans le mémoire du syndic.  Ceci dit, le procureur du syndic prétend que l’enquête de Mme Plourde, débutant en 1995 et se terminant en 1997 dans le dossier Sunliner, a aboutie à la conclusion que l’administration de l’actif de la faillite Sunliner était conforme à la loi, aux règles et aux instructions et que par conséquent, cette détermination par Mme Plourde devrait être prise en considération au niveau de l’enquête disciplinaire à un point tel que les manquements retenus devraient être rejetés.

 

[26]           Le procureur n’a déposé aucune doctrine ou jurisprudence à l’appui de cet argument.  Il s’est limité à plaider que l’enquête de Mme Plourde du B.S.F. et le jugement de libération du syndic suffisent en soi à démontrer qu’il n’y a pas lieu de conclure différemment au niveau des manquements disciplinaires.

 

[27]           Pour répondre à cet argument, je mets en lumière que la preuve révèle qu’il y avait des nouveaux faits découlant des plaintes déposées par M. Paris à l’été 1999.  (De façon non limitative: le rôle de M. Yves Lemaire avec la Banque Nationale, l’encaissement de deux (2) chèques de la compagnie BCL par celui-ci ainsi que le suivi découlant d’un jugement contre la compagnie Isomur et deux autres défendeurs).  Ces nouveaux faits expliquent l’intervention du B.S.F. à partir de l’été 1999.  Ceux-ci se distinguent en partie des faits qui ont été le sujet d’attention de l’enquête de Mme Plourde jusqu’en 1997.

 

[28]           En ce qui concerne l’argument que le dossier Sunliner a suivi toutes les procédures légales jusqu’à la libération du syndic et qu’en aucun temps, on a commenté négativement l’administration des actifs et qu’en conséquence les manquements reprochés devraient-être rejetés, il y a une différence à faire entre une supervision de l’administration de l’actif par le surintendant prévue par la loi et une enquête disciplinaire.  L’un ne se fait pas nécessairement à l’exclusion de l’autre.  À ce sujet, le juge Martineau dans la décision Sam Levy et Associés et al., précitée, y allait du commentaire suivant :

[195]  Bien que le paragraphe 41(8) de la Loi libère le syndic de tout acte ou manquement dans l’administration des biens du failli et en ce qui concerne sa conduite à titre de syndic, cette disposition ne doit pas viser la totalité des pouvoirs de surveillance du surintendant en vertu des articles 14.01 et suivants de la Loi. C’est en effet le surintendant qui détient le pouvoir exclusif de délivrer des licences de syndic et d’assujettir l’obtention de ces licences à certaines conditions.

 

[196]  Par ailleurs, l’ordonnance de libération rendue par la Cour de faillite ne touche la conduite du syndic qu’à l’égard des tiers et de toute personne qui a un intérêt dans la faillite. À cet effet, la procédure de libération ne constitue pas une instance visant à examiner la conduite professionnelle d’un syndic et au terme de laquelle un syndic peut être condamné à une sanction disciplinaire. En effet, conclure autrement équivaudrait, en définitive, à reconnaître à la Cour de faillite le pouvoir de mettre les syndics de faillite à l’abri de toute sanction disciplinaire, ce qui serait une usurpation de la compétence exclusive du surintendant. Il serait contraire à l’intérêt public de permettre à un syndic fautif d’échapper aux sanctions disciplinaires dès le moment où la Cour de faillite prononce sa libération à l’égard des tiers et de toute personne ayant un intérêt dans la faillite.

 

[197]  De plus, je considère que le paragraphe 41(8.1) de la Loi reflète bien la réalité qui existait avant son adoption. Cette disposition n’est venue que confirmer l’état du droit en énonçant expressément une règle qui se dégageait déjà de l’économie générale de la Loi. Par conséquent, malgré le fait que le paragraphe 41(8.1) de la Loi ne soit pas applicable en l’espèce, puisqu’il n’est pas d’application rétroactive, je considère que l’ordonnance de libération rendue par la Cour de faillite ne constitue pas un obstacle juridique à la poursuite des procédures disciplinaires entamées contre le demandeur Roy.

 

Je suis entièrement d’accord avec ces motifs.

 

[29]           Je note que cet argument ne touche d’aucune façon le dossier de la faillite Jacob.

 

3)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic ne s’était pas acquitté de ses fonctions dans les meilleurs délais et avec diligence dans le dossier de la faillite Jacob, le tout en contravention de la Règle 36?

 

[30]           La norme de révision applicable pour la présente question en litige est celle de la décision manifestement déraisonnable.  Il s’agit d’une demande du syndic à savoir si le délégué a

«… correctement interprété la preuve recueillie lors de l’audition…?», soulevant une question de faits.

 

 

 

 

 

[31]           Le délégué a conclu:

 … que le syndic ne s’est pas acquitté de ses fonctions dans les meilleurs délais et n’a pas exercé ses fonctions avec diligence en n’acceptant pas la demande de substitution [de syndic] des représentants de Crédit Trans-Canada au moment de l’assemblée, soit le 18 novembre 1999, et en tardant à dresser et transmettre le procès-verbal de l’assemblée des créanciers du 18 novembre 1999 contrairement à l’article 13.5 de la Loi et à la Règle 36. 

 

(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 3 décembre 2004 à la page 19)

 

[32]           La conclusion du délégué a deux volets.  Premièrement, le syndic n’a pas accepté la demande de substitution de syndic lors de la réunion du 18 novembre 1999, et deuxièmement, le syndic a tardé à préparer et transmettre le procès-verbal de la réunion du 18 novembre 1999.

 

[33]           La Règle 36 des Règles prévoit :

 

36. Le syndic s’acquitte de ses obligations dans les meilleurs délais et exerce ses fonctions avec compétence, honnêteté, intégrité, prudence et diligence.

[Je souligne]

36. Trustees shall perform their duties in a timely manner and carry out their functions with competence, honesty, integrity and due care.

[Emphasis added]

 

[34]           Le délégué a déterminé que le point de départ de la communication de la demande de substitution de syndic par le créancier était le 18 novembre 1999.  Le syndic prétend qu’à cette date il devait s’entretenir avec M. Sévigny, supérieur en titre du créancier, pour discuter des motifs à la base de la demande de substitution.  Lors de l’entretien, aucune instruction ne fut communiquée à l’effet de procéder à la substitution de syndic, c’est du moins ce que prétend le syndic.

 

 

 

[35]           De plus, le syndic ajoute que ce n’est qu’à la mi-décembre 1999 qu’il a conclu qu’il y avait bel et bien substitution de syndic, et cela, suite à la réception d’une lettre du séquestre officiel informant que le créancier avait déposé une plainte et une conversation téléphonique mettant en cause M. Sévigny.  Le 28 décembre 1999, le procès-verbal de l’assemblée du 18 novembre 1999 mentionnant la substitution de syndic fut acheminée.  Donc, selon lui, il y a eu diligence, car dès qu’il a reçu la communication du séquestre officiel, il a agi.

 

[36]           Tel que mentionné précédemment, le délégué a déterminé que le point de départ pour le syndic était le 18 novembre et non la mi-décembre 1999 pour agir concernant la demande de substitution.  Le délégué a évalué la preuve telle que présentée.  La preuve de l’analyste à ce sujet (témoignages de M. Sévigny, M. Pitt et son affidavit etc…) a permis au délégué de conclure ainsi.

 

[37]           La Règle 36 demande au syndic d’acquitter ses obligations « dans les meilleurs délais » et d’exercer ses fonctions avec « diligence ».  Plus de 39 jours se sont écoulés avant que le syndic n’agisse.  Ceci n’est pas agir « dans les meilleurs délais » ou encore avec « diligence » même en tenant compte de la période des Fêtes.  Il n’y a pas lieu d’interpréter légalement l’obligation d’agir « dans les meilleurs délais » et avec « diligence » car la période de temps écoulée parle d’elle-même et il y a aucune raison de conclure qu’il s’agit d’une décision manifestement déraisonnable.

 

4)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic avait, dans le cadre du dossier de faillite Sunliner, enfreint l’instruction 31 du surintendant des faillites qui oblige la production d’une déclaration pour attester de l’exactitude de l’inventaire des biens du failli?

 

[38]           La norme de révision applicable pour la présente question en litige est celle de la décision raisonnable car elle soulève une question mixte de faits et de droit.

 

[39]           Le délégué a conclu:

Nous concluons que celui-ci a omis d’obtenir une déclaration d’un fonctionnaire de Distribution Sunliner (1985) Inc. permettant de confirmer l’exactitude, au moment de la faillite, de l’inventaire daté du 8 mars 1994, contrevenant ainsi au paragraphe 5(5) de la Loi et aux paragraphes 6 et 7 de la directive no 31 sur la prise d’inventaire des biens du failli, émise par le surintendant des faillites le 18 août 1989.

 

(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 3 décembre 2004 à la page 19)

 

[40]           Le paragraphe 16(3) de la loi demande:

16(3)   Le plus tôt possible, le syndic prend possession des titres, livres, dossiers et documents, ainsi que de tous les biens du failli, et dresse un inventaire; pour lui permettre de préparer un inventaire, il a le droit, sous réserve du paragraphe (3.1), de pénétrer en tout lieu où peuvent se trouver les titres, livres, dossiers, documents ou biens du failli, quoiqu’ils puissent être en la possession d’un huissier-exécutant, d’un créancier garanti ou d’une autre personne qui les réclame.

[Je souligne]

16(3)   The trustee shall, as soon as possible, take possession of the deeds, books, records and documents and all property of the bankrupt and make an inventory, and for the purpose of making an inventory the trustee is entitled to enter, subject to subsection (3.1), on any premises on which the deeds, books, records, documents or property of the bankrupt may be, even if they are in the possession of an executing officer, a secured creditor or other claimant to them.

[Emphasis added]

 

[41]           Les alinéas 5(4)c) d) et e) de la loi autorisent le surintendant à émettre des instructions pour faciliter l’application de la loi et des règles. Le paragraphe 5(5) de la loi ajoute :

5(5) Les personnes visées par les instructions du surintendant sont tenues de s’y conformer.

[Je souligne]

5(5) Every person to whom a directive is issued by the Superintendent under paragraph (4)(b) or (c) shall comply with the directive in the manner and within the time specified therein.

[Emphasis added]

 

[42]           L’instruction 31, aujourd’hui remplacée par l’instruction 7, spécifie le contenu de la liste d’inventaire (voir paragraphe 4 de l’instruction 31 et ses sous paragraphes) et requiert le failli ou son représentant de signer une déclaration (voir annexe de l’instruction) attestant :

… qu’au meilleur de ma connaissance et de ma croyance, le présent inventaire final reproduit fidèlement les quantités et la description (et l’évaluation s’il y a lieu) de tous les biens et marchandises …

 

Si une telle déclaration n’a pas été obtenue, le syndic doit constater son absence (voir paragraphe 7 de l’instruction 31).

 

[43]           Il est admis par le syndic que la déclaration requise par l’instruction 31 n’a pas été obtenue et le délégué l’a constaté dans sa décision.

 

[44]           Le syndic plaide que la déclaration n’était pas obligatoire parce que le bilan de faillite, avec déclaration assermentée, avait été fourni et que cela était suffisant pour attester de la véracité du rapport relative à la prise d’inventaire faite quelques jours avant la faillite et qu’en conséquence,  l’objectif visé par les alinéas 158d) et e) de la loi avait été respecté.

 

[45]           Une simple lecture du bilan de faillite permet de constater qu’il ne contient pas les mentions telles que requises par l’instruction 31 au paragraphe 4.  Tout ce qu’on retrouve à l’item inventaire du bilan de faillite est un montant de 120 000,00$ à l’item « c » et une référence à la liste sous le vocable « inventaire » où on y retrouve une valeur aux livres de 442 914,00$ et une valeur réalisable estimée à 120 000,00$.  On n’y retrouve pas de liste des biens. 

 

[46]           Quant au rapport de la prise d’inventaire prise quelques jours avant la faillite, on n’y retrouve pas la déclaration requise par l’instruction 31 au paragraphe 7.  Seule la signature du préposé à l’inventaire apparaît.

 

[47]           De plus, le procureur du syndic plaida que le délégué avait commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur l’importance des exigences du paragraphe 5(5) de la loi et des paragraphes 6 et 7 de l’instruction 31, la raison étant que l’interrelation du bilan de la faillite dûment assermenté avec l’inventaire confectionné quelques jours avant la faillite permettait au syndic de plaider qu’il:

 …s’est en tous points conformé à la loi, et tout reproche fondé à cet égard découle d’une lecture purement légaliste et technique de la loi et/ou de la Directive no. 31. 

 

(Mémoire du demandeur à la page 10, paragraphe 39)

 

[48]           Le syndic considère que l’objectif visé par l’instruction 31 a été rencontré tel que le démontre la preuve présentée.  Le délégué en arriva à une autre constatation, notamment que le non-respect de l’instruction, en ne déposant pas de déclaration à l’appui de l’inventaire, n’avait pas été démontré par la preuve au dossier.

 

[49]           Sans entrer en détail dans le contenu des alinéas 158d) et e) de la loi et de l’instruction 31, il me semble qu’il y a une différence notable entre un bilan de faillite et un inventaire d’actif.  Un document ne peut se substituer à l’autre et vice-versa.  Le bilan de la faillite ne contient pas nécessairement un inventaire de biens tel que le paragraphe 4 de l’instruction 31 l’exige.  La déclaration assermentée du bilan de la faillite n’atteste pas du contenu de l’inventaire.  En conséquence, le délégué n’avait pas à se préoccuper des exigences du paragraphe 5(5) et des paragraphes 6 et 7 de l’instruction 31, car la preuve du syndic ne suffisait pas à contrecarrer les exigences de l’instruction 31.

 

[50]           Avec ces constatations, j’en arrive à la même conclusion que la décision du délégué à l’effet que la déclaration du failli ou de son représentant exigée par l’instruction 31 n’avait pas été respectée, et que par conséquent, la décision du délégué est raisonnable et nécessite aucunement l’intervention de la Cour.

 

5)      Le délégué a-t-il commis une erreur de faits en concluant que le syndic avait, dans le cadre du dossier de faillite de Sunliner, enfreint l’instruction 22 du surintendant énoncée au paragraphe 5 qui demande que le syndic documente son dossier?

 

[51]           Étant donné qu’il s’agit d’une question de faits et de droit, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

 

[52]           Le délégué a conclu que le dossier du syndic n’était pas documenté à l’égard des situations suivantes :

-                     rétrocession au syndic par Isomur du compte à recevoir de 6 031,43$ de Bay Distributors;

-                     les résultats obtenus relativement à la perception dudit compte à recevoir par le syndic et du solde de 9 000,00$ payable par Isomur;

-                     la décision de reporter sine die ses démarches de recouvrement auprès de Messieurs Georges Rivard et Jean-Yves Genest, du montant dû en vertu du jugement rendu le 4 janvier 1995;

 

[53]           Le délégué s’expliquait de la façon suivante:

Cette directive [la directive 22 au paragraphe 5] confirme l’obligation qu’a le syndic de réaliser tous les biens de l’actif.  Il lui incombe de prouver qu’il lui était impossible de documenter tout ce qui s’est transigé dans son bureau quant aux recettes, déboursés et actions prises.  La réponse du syndic que « ça va créer une montagne de papier » est nettement insuffisante.

 

(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 3 décembre 2004 à la page 19) 

 

[54]           On se rappelle que le paragraphe 5(5) de la loi crée à l’égard des syndics l’obligation de se conformer aux instructions énumérées par le surintendant.

 

[55]           L’instruction 22 au paragraphe 5 se lit ainsi :

5.  Étant donné que le syndic a l’obligation statutaire de réaliser tous les biens de l’actif pour le bénéfice des créanciers, il importe donc que le syndic justifie, autant que possible, toutes ses transactions quand (sic) aux recettes, déboursés et actions prises.  Le séquestre officiel, lorsqu’il le juge à propos, peut demander au syndic de lui fournir une copie de ces documents

[Je souligne]

5.  As it is a statutory obligation on the part of a trustee to realize on all assets for the benefit of the estate, it is therefore expected that a trustee will document his files as much as possible in support of the receipts, disbursements and actions taken on all the transactions.  The Official Receiver may, at his discretion, request from the trustee a copy of that documentation. 

[Emphasis added]

 

[56]           En plus de l’argument à l’effet que le délégué n’a pas motivé sa détermination car il n’a pas indiqué expressément les documents qui auraient dû apparaître au dossier, le procureur du syndic plaide que :

 … la responsabilité du demandeur est retenue non pas en raison de son incompétence ou de sa négligence, mais parce que celui-ci a fourni des détails et des précisions aux représentants du surintendant des faillites sous forme de réponse verbale, plutôt que d’avoir consigné des mémos écrits dans son dossier. 

 

[57]           La preuve révèle que le dossier du syndic n’avait pas les documents expliquant sommairement ou autrement les situations suivantes :

-                     suite à la vente des comptes recevables à Isomur, l’engagement de certains débiteurs de payer 9 000,00$ au syndic plutôt que 15 000,00$;

-                     la responsabilité pour le syndic de récupérer un montant de 6 031,00$;

-                     le fait que le 9 000,00$ mentionné ci-haut n’a pas pu être récupéré et qu’une décision fut prise de ne pas poursuivre les démarches de recouvrement à cause de l’insolvabilité des personnes et corporations impliquées;

 

[58]           Ce n’est que plus tard, en août 1999, suite à des questions du vérificateur Nolet du B.S.F. que les explications furent données par le syndic ainsi que par l’avocat impliqué dans le dossier de la faillite (voir Dossier conjoint, volume X, onglet 49, lettre du syndic à Industrie Canada datée du 20 août 1999 et Dossier conjoint, volume X, onglet 49-D, lettre de l’avocat du syndic au syndic datée du 18 août 1999).  Il est évident que les explications données dans ces lettres n’étaient pas documentées dans le dossier du syndic de façon contemporaine aux événements en l’espèce.

 

[59]           Une simple lecture du paragraphe 5 de l’instruction 22 permet de constater qu’on ne parle pas d’explications verbales mais plutôt de documents s’intéressant à toutes les transactions relatives aux recettes, déboursés et actions prises.  Il revient au syndic, en de telles circonstances, d’expliquer en quoi il n’était pas possible de documenter toutes les transactions pertinentes.  La défense du syndic à l’effet qu’il a fourni des explications verbales et écrites par la suite ne rencontre pas les exigences de l’instruction 22 énoncées au paragraphe 5.  Le contenu de ce dernier oblige les syndics à documenter leur administration et non pas à expliquer celle-ci par la suite.  La réponse du syndic voulant que « ça va créer une montagne de papier » n’est pas justifiée.

 

 

 

 

 

[60]           Quant à l’argument que le délégué n’a pas motivé sa décision en n’indiquant pas expressément les documents qui auraient dû être dans le dossier, je ne peux que constater que la preuve est évidente à l’effet qu’il n’y avait aucun document pouvant expliquer de près ou de loin le suivi du jugement de 15 000,00$ en faveur du syndic, l’engagement des défendeurs de payer 9 000,00$, le chèque sans fond, la décision de ne pas continuer de recouvrir le montant auprès des défendeurs  ainsi que l’accord du syndic de récupérer 6 031,43$ d’un autre débiteur.  En conséquence, vouloir reprocher au délégué de ne pas avoir précisé les documents qui auraient dû faire partie de son dossier m’apparaît académique, car a priori, les lettres d’explications envoyées postérieurement aux événements auraient suffi ou a fortiori, encore une correspondance continue selon l’évolution du dossier aurait été amplement suffisante.  Il n’y avait aucune obligation d’aller plus en détail.  La décision du délégué concernant la quatrième question en litige est raisonnable compte tenu de l’ensemble du dossier, de la preuve et du droit applicable.

 

6)      Le délégué a-t-il commis une erreur en concluant que le syndic n’avait pas exercé ses fonctions avec prudence dans le cadre du dossier de faillite Sunliner?

 

[61]           J’entends utiliser la même norme de contrôle que celle utilisée pour la quatrième question en litige, soit la décision raisonnable.

 

 

 

 

[62]           Le délégué a conclu que le syndic n’avait pas exercé ses fonctions avec prudence :

-                     en ne documentant pas son dossier pour informer du mandat qu’il avait accordé à M. Yves Lemaire, de Gérance Mauricie, de faire le suivi relatif à la récupération de sommes d’argent de BCL et sur le changement de statut de M. Lemaire selon les dires du syndic alors qu’il agissait pour la Banque Nationale du Canada pour le recouvrement de ces sommes;

-                     en n’avisant pas BCL de faire parvenir les chèques à M. Yves Lemaire après avoir appris le mandat obtenu de la Banque Nationale du Canada par ce dernier;

-                     et en autorisant ledit M. Yves Lemaire à ouvrir le courrier du syndic;

Allant ainsi à l’encontre du paragraphe 5(5) et de l’article 13.5 de la loi, des Règles 36 et 52 des règlements et de l’instruction 22, paragraphe 5.

 

[63]           On a déjà cité auparavant le paragraphe 5(5) de la loi quant à l’obligation des syndics de se conformer aux instructions du surintendant ainsi que l’obligation de documenter le dossier tel que requise par le paragraphe 5 de l’instruction 22 et la Règle 36 obligeant le syndic à s’acquitter de ses tâches dans les meilleurs délais et d’exercer ses fonctions avec diligence.

 

[64]           Pour les fins de la présente question en litige, l’article 13.5 de la loi énonce que :

 

13.5 Les syndics sont tenus de se conformer aux codes de déontologie régissant leur conduite qui peuvent être prescrits.

13.5 A trustee shall comply with such code of ethics respecting the conduct of trustees as may be prescribed.

 

 

 

 

Et la Règle 52 précise :

52. Dans toute activité professionnelle, le syndic veille avec prudence et diligence à ce que les actes accomplis par ses mandataires, ses employés ou toute personne engagée par lui à contrat respectent les mêmes normes professionnelles qu’il aurait lui-même à appliquer relativement à cette activité.

52. Trustees, in the course of their professional engagements, shall apply due care to ensure that the actions carried out by their agents, employees or any persons hired by the trustees on a contract basis are carried out in accordance with the same professional standards that those trustees themselves are required to follow in relation to that professional engagement.

 

[65]           La preuve est à l’effet que l’implication de M. Lemaire dans le dossier de faillite Sunliner n’était pas documentée pour informer du rôle de ce dernier à l’égard de la récupération des sommes de BCL, du nouveau rôle de celui-ci en récupérant ces argents pour la Banque Nationale et du rôle de M. Lemaire en ouvrant le courrier du syndic.

 

[66]           Le fait que le rôle de M. Lemaire n’était pas documenté dans le dossier de faillite Sunliner, a été expliqué quelque temps plus tard par le syndic.  Dans le cadre de sa vérification, M. Nolet, vérificateur du Bureau du surintendant dans une lettre faisant suite à une réunion du 23 juillet 1999, a obtenu l’information au sujet du rôle joué par M. Lemaire auprès du syndic.  Le syndic répondait en donnant des explications dans les lettres en date du 20 août et du 19 novembre 1999, y incluant une lettre de M. Lemaire en date du 10 août 1999 à l’égard de son rôle avec les créances impliquant la compagnie BCL.  De plus, son témoignage lors de l’audition devant le délégué complétait les explications.

 

 

 

 

 

 

[67]           La preuve révèle qu’en 1997, M. Lemaire, ayant accès au courrier du syndic à son autre bureau de Trois-Rivières, a encaissé selon le mandat confié, deux (2) chèques de BCL pour la Banque Nationale, lesdits chèques ayant été faits au nom du syndic.  Un troisième chèque provenant de BCL a été encaissé en 2000 par le syndic après que celui-ci fut libéré de l’administration de la faillite Sunliner, soit le 23 juillet 1997.

 

[68]           Lors de l’analyse des questions en litige précédentes, j’ai déjà fait état des obligations du syndic de documenter le dossier de faillite en conformité avec le paragraphe 5 de l’instruction 22.  La preuve est non équivoque quant à la non-documentation du dossier de faillite Sunliner concernant l’implication de M. Lemaire et le mandat non-documenté dont il faisait l’objet.  Il aurait été prudent de documenter le rôle de M. Lemaire, ce qui n’a pas été fait.

 

[69]           Ayant étudié la preuve en relation avec les normes déontologiques créées par législation et les instructions, et après avoir étudié les motifs et la conclusion à laquelle est arrivée le délégué, je conclus que la décision de ce dernier est raisonnable.

 

7)      La décision du délégué de suspendre pour une semaine la licence de syndic était-elle légale et adéquate compte tenu des circonstances du dossier?

 

 

 

 

 

[70]           La présente question en litige soulève deux questions de droit, soit l’interprétation à donner à une disposition législative, telle que le paragraphe 14.01(1) de la loi concernant les options de sanctions à envisager, et la question à savoir si la décision du délégué est adéquatement motivée.  En ce qui a trait à la norme de contrôle applicable à de telles questions, il s’agit de celle de la décision correcte.   Par ailleurs, dans l’hypothèse où la décision du délégué reflète les options de sanction prévues au paragraphe 14.01(1) et est dûment motivée, on me demande d’évaluer en tenant compte de la preuve et la sanction de suspension d’une (1) semaine.  Dans une telle situation, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (voir paragraphe 21 de la présente décision et la décision Sheriff, précitée au para. 30).

 

[71]           Pour les fins de la présente analyse, il est important de reproduire à nouveau au complet le paragraphe 14.01(1) de la loi :

14.01 (1) Après avoir tenu ou fait tenir une enquête sur la conduite du syndic, le surintendant peut prendre l’une ou plusieurs des mesures énumérées ci-après, soit lorsque le syndic ne remplit pas adéquatement ses fonctions ou a été reconnu coupable de mauvaise administration de l’actif, soit lorsqu’il n’a pas observé la présente loi, les Règles générales, les instructions du surintendant ou toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l’actif, soit lorsqu’il est dans l’intérêt public de le faire :

a) annuler ou suspendre la licence du syndic;

 

b) soumettre sa licence aux conditions ou restrictions qu’il estime indiquées, et notamment l’obligation de se soumettre à des examens et de les réussir ou de suivre des cours de formation;

c) ordonner au syndic de rembourser à l’actif toute somme qui y a été soustraite en raison de sa conduite.

 

14.01 (1) Where, after making or causing to be made an investigation into the conduct of a trustee, it appears to the Superintendent that

 

 

 

(a) a trustee has not properly performed the duties of a trustee or has been guilty of any improper management of an estate,

(b) a trustee has not fully complied with this Act, the General Rules, directives of the Superintendent or any law with regard to the proper administration of any estate, or

      (c) it is in the public interest to do so,

 

the Superintendent may do one or more of the following:

(d) cancel or suspend the licence of the trustee;

(e) place such conditions or limitations on the licence as the Superintendent considers appropriate including a requirement that the trustee successfully take an exam or enrol in a proficiency course, and

(f) require the trustee to make restitution to the estate of such amount of money as the estate has been deprived of as a result of the trustee’s conduct.

 

[72]           Le délégué dans sa décision sur la sanction en date du 31 janvier 2005, après avoir éliminé l’option C, option qui n’est pas pertinente en l’instance, s’exprimait ainsi au sujet du paragraphe 14.01(1) de la loi:

Ayant pratiqué comme syndic depuis quelque vingt-cinq (25) ans et ayant siégé comme membre du Conseil d’administration puis vice-président de l’AQPRI (l’Association québécoise des professionnels en restructuration et en insolvabilité), il n’est pas question non plus de l’obliger à se soumettre à des examens et à les réussir ou a suivre des cours de formation.  Il ne nous reste donc que l’annulation ou la suspension de sa licence de syndic.

 

[Je souligne]

 

(Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 31 janvier 2005 à la page 36)

 

[73]           Avec tout le respect que je dois au délégué Poitras, je ne crois pas qu’après avoir éliminé certaines options, celle de remboursement à l’actif non applicable au présent dossier et celle de suivre des cours de formation, il n’en restait que deux, soit celle de l’annulation de la licence ou de la suspension de celle-ci.

 

 

 

 

[74]           Ma lecture du paragraphe 14.01(1) de la loi me permet de constater que le législateur utilise le verbe pouvoir (« peut » en français, « may do one or more of the following » en anglais) et non le verbe devoir (« doit » en français, « must » en anglais).  Ainsi, le législateur offrait au surintendant ou à son délégué la discrétion de l’option additionnelle de ne pas imposer de sanction si les circonstances du dossier le justifiaient.  Une telle interprétation du mot « pouvoir » dans la loi est clairement énoncée à l’article 11 de la Loi d’Interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, qui se lit ainsi:

11. L’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal et, à l’occasion, par des verbes ou expressions comportant cette notion. L’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés s’exprime essentiellement par le verbe « pouvoir » et, à l’occasion, par des expressions comportant ces notions.

[Je souligne]

11. The expression “shall” is to be construed as imperative and the expression “may” as permissive.

 

[Emphasis added]

 

De plus, le juge Phelan dans Khadr c. Canada (Procureur Général), 2006 CF 727, aux paragraphes 107 et 108, résume bien la jurisprudence portant sur l’interprétation à donner au mot « pouvoir »:

 

107     Dire de l'emploi du mot "peut" qu'il dénote une faculté donne à entendre qu'un pouvoir discrétionnaire est conféré à l'autorité à qui l'on accorde cette faculté. Bien que ce soit vrai, cela n'a toutefois pas un caractère déterminant. Dans R. c. S.(S.), [1990] 2 R.C.S. 254, aux pages 273 et 274, le juge en chef Dickson dit à cet égard que, bien que le mot "may" ("peut") laisse entendre un pouvoir discrétionnaire, il peut néanmoins dénoter plutôt une obligation. Dans R. c. S.(S.), le juge en chef Dickson renvoie aux motifs de lord Cairns, dans la décision de la Chambre des lords Julius c. Lord Bishop of Oxford (1880), 5 App. Cas. 214, qui a établi une distinction entre un pouvoir assorti d'un devoir et un pouvoir discrétionnaire absolu. Voici l'extrait pertinent de ce jugement :

 

[TRADUCTION]

 

[Les mots "shall be lawful" ("il est licite")] confèrent une faculté ou un pouvoir, mais ils ne font en eux-mêmes rien de plus. Il peut toutefois y avoir un élément dans la nature de la chose qu'on autorise à faire, dans l'objet visé, dans les conditions dans lesquelles la chose doit être faite ou dans le titre de la ou des personnes à l'avantage desquelles le pouvoir doit être exercé qui assortisse le pouvoir d'un devoir, et qui confère le devoir au destinataire du pouvoir de l'exercer lorsqu'il lui est demandé de le faire.

 

[...]

 

 

 

 

 

 

 

[L]orsqu'un pouvoir est conféré à un agent public pour être exercé à l'avantage de personnes expressément désignées, une définition étant énoncée par le législateur qui vient préciser les conditions devant être réunies pour que ces personnes en demandent l'exercice, ce pouvoir devrait être exercé et la Cour exigera qu'il le soit.

 

108     Dans Brown c. Metropolitan Authority (1996), 150 N.S.R. (2d) 43 (C.A.), la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a pleinement souscrit au raisonnement suivi dans Julius, statuant qu'une fois les conditions réunies (les conditions prévues dans la loi concernée imposant à la Metropolitan Authority le devoir de verser compensation pour les dommages occasionnés par ses actions), le devoir s'imposait d'exercer ce pouvoir bien que les mots conférant celui-ci à la Metropolitan Authority avaient été "may pay" ("peut verser").

 

 

[75]           À mon avis, en tenant compte de la Loi d’Interprétation, de la loi et de la jurisprudence, il est erroné de donner au verbe « pouvoir » au sens de la loi, l’obligation d’imposer une sanction d’annulation ou de suspension de la licence.  Je ne retrouve pas dans le vocabulaire utilisé par le législateur une obligation de faire s’inférant du verbe pouvoir (« peut prendre » - « may do one or more of the following ») et tel qu’utilisé au paragraphe 14-01(1) de la loi.

 

[76]           Les procureurs de l’analyste Laperrière me suggèrent que la lecture de la décision du délégué est à l’effet que le verbe « peut » doit être entendu dans le sens de toute la discrétion qui lui revient, ce qui inclurait l’option de tenir compte de l’ensemble de la preuve et de ne pas accorder de sanction spécifique.

 

[77]           Lecture faite de la décision du 31 janvier 2005, il m’est impossible d’aller dans ce sens et d’y constater une compréhension implicite.  Le délégué affirme de façon claire et précise qu’il « …nous reste donc que l’annulation ou la suspension de sa licence de syndic. » (Dossier conjoint, volume I, onglet 2, Décision du délégué datée du 31 janvier 2005 à la page 36).  Il est difficile d’y voir une compréhension implicite du pouvoir discrétionnaire lorsque le délégué lui-même démontre une compréhension aussi explicite.

 

[78]           Ma lecture de l’ensemble de la décision ne me permet pas d’atténuer la compréhension explicite du délégué.  En effet, le libellé de la décision suit la logique découlant de la compréhension du délégué au paragraphe 14.01(1) de la loi.

 

[79]           Lors de l’audience, et plus particulièrement lors de la plaidoirie des procureurs, j’ai demandé  si le délégué avait exprimé verbalement sa compréhension du paragraphe 14.01(1) de la loi et des options qui s’offraient à lui, y incluant celle de la non sanction tenant compte de l’ensemble du dossier, et on m’informa qu’il n’avait rien dit à ce sujet.

 

[80]           La compréhension du délégué du paragraphe 14.01(1) de la loi est une erreur de droit qui remet en question la décision du 31 janvier 2005 dans son ensemble.  Il se devait d’avoir à l’esprit une compréhension incluant toutes les options à envisager et d’avoir clairement à l’esprit qu’il s’agissait d’un pouvoir discrétionnaire qui lui était confié.  Ceci m’apparaît comme étant primordial pour un décideur de sanctions disciplinaires lorsqu’il doit évaluer la justesse d’une sanction en fonction de la preuve du dossier.

 

[81]           Ayant conclu que la décision du 31 janvier 2005 est erronée pour la raison mentionnée ci-haut, le dossier doit donc retourner au délégué pour qu’il prenne les mesures nécessaires pour qu’une nouvelle décision soit prise sur la sanction en tenant compte du pouvoir discrétionnaire et de toutes les options offertes au paragraphe 14.01(1) de la loi.  Il n’y a donc pas lieu d’aborder les deux (2) autres arguments du syndic, soit la non-motivation de la décision sur sanction et le bien-fondé de la suspension de la licence du syndic pour une période d’une (1) semaine.

 

IV.  Les Frais

 

[82]           Les frais ont été abordés lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire.  Étant donné le résultat de la présente instance et selon le pouvoir discrétionnaire qui m’est confié selon la règle 400 et ses paragraphes des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106,  les dépens sont en faveur du syndic.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

-                     La demande de contrôle judiciaire est accordée en partie, la décision du 31 janvier 2005 est annulée et le dossier est retourné au délégué pour fin d’adjudication sur sanction;

-                     Les dépens sont en faveur du syndic.

 

« Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                       T-360-05

 

INTITULÉ :                                      JACQUES ROY c. LAWRENCE POITRAS ET AUTRES

                                                          

 

LIEU DE L'AUDIENCE :               MONTREAL

 

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 26 et 27 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT:            L’Honorable Juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS :                    Le 17 novembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Jean-Philippe Gervais

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Bernard Letarte

Me Vincent Veilleux

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

GERVAIS & GERVAIS S.E.N.C.

500 Place d’Armes

Bureau 2100

Montréal (Québec)   H2Y 2W2

 

Téléphone: (514) 288-4241

Télécopie : (514) 849-9984

 

POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Bureau régional du Québec

284, Wellington

Pièce T-6060

Ottawa (Ontario)   K1A oH8

 

Téléphone: (613) 946-2776

Télécopie : (613) 952-6006

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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