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Date : 20061031

Dossier : T-1686-04

Référence : 2006 CF 1318

ENTRE

Le GRAND CHEF HERB NORWEGIAN

les PREMIÈRES NATIONS DU DEH CHO

la PREMIÈRE NATION LLIIDLI KOE

FORT SIMPSON METIS NATION LOCAL 59

la PREMIÈRE NATION PEHDZEH KI

la PREMIÈRE NATION T’THEK’EHDELI KI

la PREMIÈRE NATION KA’A’GEE TU

la BANDE DÉNÉE SAMBE K’E

 

demandeurs

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA représentée par

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

IMPERIAL OIL RESOURCES VENTURES LIMITED

L'INUVIALUIT REGIONAL COUNCIL

L'INUVIALUIT GAME COUNCIL

le SAHTU SECRETARIAT INCORPORATED

et le CONSEIL TRIBAL DES GWICH’IN

 

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               Les demandeurs ont présenté une demande (déposée le 16 septembre 2004) en vue du contrôle judiciaire de la décision du ministre de l’Environnement de constituer un comité chargé de procéder à une évaluation environnementale concernant un projet de gazoduc dans la vallée du Mackenzie. Initialement, les défendeurs, le Sahtu Secretariat Incorporated et le Conseil tribal des Gwich’in (le défendeur Sahtu et le défendeur Gwich’in respectivement et, le cas échéant, les défendeurs) n’étaient pas désignés à titre de défendeurs, mais la Cour les a par la suite joints (par une ordonnance datée du 6 décembre 2004) comme parties intéressées ou directement touchées par le présent contrôle judiciaire. La même ordonnance a également joint comme défendeurs l’Inuvialuit Regional Council et l’Inuvialuit Game Council (les défendeurs Inuvialuit) et Imperial Oil Resources Ventures Limited. À la suite de l’audition (le 11 mars 2005) de la requête des demandeurs visant la production de documents, la Cour a ordonné aux défendeurs du gouvernement fédéral (le 15 mars 2005) de produire certains documents. La Cour a ordonné (le 24 juin 2005) que l’affaire soit tenue en suspens jusqu’au 3 octobre 2005 en attendant un règlement final ou un désistement. Les demandeurs ont déposé un avis de désistement le 21 octobre 2005. J’ai fixé un calendrier pour que la taxation des mémoires de dépens des défendeurs soit effectuée sur dossier, conformément aux articles 402 et 412 des Règles.

 

I.          La position des défendeurs

[2]               Les défendeurs ont soutenu que le paragraphe [4] de la décision du 15 mars 2005, mentionnant les nombreuses évaluations environnementales et désignant les parties intéressées à l’égard du projet de pipeline, indique la complexité et la charge de travail nécessaire dans le présent litige comme facteurs justifiant l'octroi du maximum des dépens, conformément à l’article 409 ainsi qu’aux alinéas 400(3)c) et g) respectivement des Règles. Le défendeur Sahtu et le défendeur Gwich’in ont chacun donné des instructions distinctes à leur avocat commun étant donné que leurs positions ou leurs intérêts n’étaient pas les mêmes. L’ordonnance du 6 décembre 2004 n’exigeait pas la jonction de leurs actions. Le fait que les défendeurs avaient l’intention de déposer un affidavit conjoint avec les défendeurs Inuvialuit ne limitait pas leurs positions ou intérêts individuels respectifs.

 

[3]               Les défendeurs ont fait remarquer que les montants restreints autorisés par le tarif pour les services des avocats sont de beaucoup inférieurs aux coûts réels. Selon des précédents tels que Van Deale c. Van Deale (1983), 45 C.P.C. 166 (C.A.C.‑B.) les frais ne devraient pas être taxés après coup, mais plutôt en fonction des circonstances existant au moment où ils ont été engagés. Les frais, tels que ceux se rapportant à la requête du 11 mars 2005 qui a fait l’objet d’une téléconférence, ont été répartis à parts égales entre les mémoires de dépens respectifs des défendeurs.

 

[4]               Les défendeurs ont soutenu que, compte tenu des circonstances dans lesquelles le travail de préparation d’un affidavit conjoint a été effectué, il n’était pas nécessaire de déposer l’affidavit pour qu’il soit admissible au titre des frais en vertu de l’article 2 : voir Most Wanted Entertainment Co. c. Duff, [2006] A.C.F. no 1211 (O.T.), paragraphe [9] et National Steel Car Ltd. c. Trenton Works Inc., [1996] A.C.F. no 678 (O.T.) paragraphe [9]. La coordination des intérêts des défendeurs et de ceux des défendeurs Inuvialuit exigeait que l'on se prépare à un stade peu avancé de l’affaire, les frais y afférents étant recouvrables et ne devant pas être limités par les circonstances survenues après coup. Les demandeurs se trompent en invoquant Ruggles c. Fording Coal Ltd. et al. (1999), 168 F.T.R. 106 (1re inst.) pour faire valoir que les parties représentées par un seul avocat devraient partager un seul mémoire de dépens. En effet, les circonstances mentionnées dans la décision Ruggles, précitée, où des frais distincts ont été refusés parce que les parties représentaient deux services de la même société, ce qui donnait lieu à des situations factuelles et juridiques identiques dans les deux cas, sont différentes de celles qui sont ici présentes. Le défendeur Sahtu et le défendeur Gwich’in, en leur qualité de représentants respectifs de deux premières nations indépendantes occupant des territoires distincts, ne sont pas une seule partie avançant un seul point de vue : voir Southern Property Rentals Ltd. c. Deloitte & Touche Inc. et al., [1999] 231 A.R. 184 (B.R. Alb.).

 

[5]               L’ordonnance du 15 mars 2005 portait sur une requête visant l’obtention d’une réparation susceptible d’influer sur l’étendue de la production de documents de la part de toutes les parties. L’ordonnance ne traitait pas expressément des défendeurs, mais ceux‑ci devaient comparaître en vue de protéger leurs intérêts et ils ont donc droit aux frais prévus à l’article 6.

 

II.         La position des demandeurs

[6]               Les demandeurs ont fait remarquer qu’entre le 16 décembre 2004 (soit la date du dépôt d’avis de comparution distincts du défendeur Sahtu et du défendeur Gwich’in respectivement par un avocat commun inscrit au dossier et d’un avis de comparution des défendeurs Inuvialuit par un avocat différent inscrit au dossier) et le 11 mars 2005, aucun dépôt n’a été effectué en attendant le règlement du litige concernant la production de documents opposant les demandeurs et les parties représentant le gouvernement fédéral. L’avocat des défendeurs a assisté par téléconférence à titre d’observateur à l’audience du 11 mars en vue de traiter du litige en question, mais il n’a pas pris position sur le dossier, et il n’a pas présenté d’observations ni déposé de documents. Les demandeurs ont eu gain de cause dans cette requête et les dépens ont été adjugés en leur faveur. Les discussions en vue d’un règlement ont suivi et aucun autre dépôt n’a été effectué jusqu’à ce que soit rendue l’ordonnance du 24 juin 2005 suspendant le présent litige. Selon l’article 409 et les alinéas 400(3)a) (le résultat), h) (l’intérêt public), i) (la conduite qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement l’instance) et l) (la question de savoir si des parties représentées par un seul avocat ont inutilement engagé des instances distinctes), les dépens demandés devraient être réduits parce que les positions et intérêts des défendeurs étaient identiques et parce que les défendeurs avaient un avocat commun et qu’ils n’avaient pas à faire valoir des positions factuelles ou juridiques distinctes : voir Ruggles, précité. Les demandeurs ont reconnu l’exactitude des débours demandés, qui avaient été partagés également (114,43 $ dans chaque mémoire), mais ils ont généralement affirmé que les dépens demandés étaient excessifs.

 

[7]               Les demandeurs ont demandé le rejet des montants demandés en vertu de l’article 2 (dossier des défendeurs) parce qu’ils se rapportaient à un affidavit, jamais complété ou déposé, devant être préparé conjointement par les défendeurs et par les défendeurs Inuvialuit. De plus, il était prématuré et inutile de préparer cet affidavit parce que le délai de prescription applicable à son dépôt n’avait pas encore commencé à courir. Subsidiairement, les frais admissibles devraient refléter la division des montants prévus à l’article 2 parce qu’un affidavit conjoint est un seul document incompatible avec l’assertion des défendeurs selon laquelle il ne limitait aucunement leurs positions ou intérêts respectifs.

 

[8]               Les demandeurs ont soutenu que les montants prévus à l’article 6 (comparution) et à l’alinéa 13a) (préparation) se rapportant à l’audience du 11 mars 2005 devraient être rejetés parce que la Cour a adjugé les dépens en leur faveur plutôt qu’en faveur des défendeurs. Quoi qu’il en soit, les défendeurs n’ont pas participé à l’audience, si ce n’est comme observateurs. Autrement, ils devraient être tenus de contribuer au paiement des dépens des demandeurs. S’ils ont participé à l’audience sur quelque autre base, les défendeurs du gouvernement fédéral sont tenus de payer leurs frais. Les montants prévus à l’article 6 et à l’alinéa 13a) devraient être limités à une unité au plus, ou ils devraient être éliminés. Subsidiairement, ils devraient compenser les frais que les demandeurs ont engagés pour l’audience en question et pour la présente taxation des dépens. Si ces taxations entraînent une réduction des montants maximaux demandés, le montant prévu à l’article 26 (taxation des frais) devrait être accordé aux demandeurs plutôt qu’aux défendeurs.

 

III.       Taxation

[9]               Dans la décision Bow Valley Naturalists Society et al. c. Ministre du Patrimoine canadien et al., [2002] A.C.F. no 1795 (O.T.), je me suis demandé si l’intérêt public était pertinent aux fins de la taxation des dépens et j’ai conclu que l’application des facteurs dont il est fait mention à l’article 409 et au paragraphe 400(3) des Règles au détriment de l’intérêt des plaideurs qui ont eu gain de cause exigerait l’exercice minutieux d’un pouvoir discrétionnaire. Le fait qu’un jugement portant sur les dépens ne comporte, quant aux dépens, aucune considération spéciale fondée sur l'intérêt public en faveur du plaideur perdant ne m’empêche pas d’appliquer l’article 409 et l’alinéa 400(3)h) des Règles en vue de réduire au minimum les dépens taxés. Étant donné que l’affaire a été réglée à la suite d’un désistement, je ne dispose d’aucuns motifs de la Cour portant sur les questions de fond soulevées dans le présent litige. Cela ne m’oblige pas pour autant à omettre de tenir compte de la position prise par les demandeurs. Toutefois, je ne crois tout simplement pas, dans ces conditions, que l’intérêt public, en tant que facteur influant sur la taxation des dépens, doive s’appliquer au détriment des intérêts de deux premières nations qui ont été jointes à titre de parties par une ordonnance rendue après l’introduction de l’instance, indépendamment du fait que d’autres premières nations demandaient instamment le contrôle judiciaire. L’alinéa 400(3)a) des Règles (le résultat) n’avance pas les demandeurs dans la position qu’ils ont prise; ils se sont désistés et ils sont tenus de payer les dépens. La décision que je prends ci‑dessous au sujet de l’article 2 subsume mon examen des autres facteurs susmentionnés énoncés au paragraphe 400(3) des Règles.

 

[10]           Au paragraphe [7] des motifs de la décision Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), j’ai conclu qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le même point des barèmes figurant dans le tarif, puisque chaque article se rapportant aux services des avocats est distinct et doit être examiné selon les circonstances qui lui sont propres. De plus, il peut être nécessaire de faire d’importantes distinctions entre l’octroi d’un montant se situant à l’extrémité supérieure du barème par opposition à un montant qui se situe à l’extrémité inférieure. Le travail de l’avocat associé à l’article 2 pour la préparation du dossier d’un défendeur s’échelonne généralement sur une certaine période plutôt que d’être là uniquement au moment qui précède le dépôt. Il peut survenir des circonstances, une fois le travail effectué, qui empêchent en fin de compte le dépôt. Rien ne montrait que la soi-disant indépendance des positions respectives ici prises par les défendeurs eût occasionné des conflits dans les instructions qu’ils ont chacun données à leur avocat commun. Les frais additionnels découlant de tels conflits ne seraient pas imputables aux demandeurs. Le dossier mis à ma disposition n’indique pas si le travail effectué pour l’un des défendeurs a profité à l’autre ou a dans une certaine mesure entraîné une réduction du travail général de l’avocat. Étant donné que je crois qu’il est peu probable que cela ne se soit pas produit, mais qu’en fait l’avocat a effectué un travail taxable qui a abouti à un produit incomplet à cause du désistement survenu dans l’intervalle, j’accorde uniquement le minimum de 4 unités (à 120 $ l’unité) dans chaque mémoire de dépens.

 

[11]           Dans la décision du 15 mars 2005, les dépens étaient adjugés aux demandeurs, ce qui avait pour effet d’empêcher les défendeurs de réclamer les honoraires d’avocats et débours associés prévus à l’article 6. Les défendeurs de la Couronne ont présenté une requête en vue d'en appeler de cette décision. L’ordonnance de suspension prévoyait un ajournement général de cette requête. Par analogie avec les circonstances présentes dans les affaires Balisky c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), [2004] A.C.F. no 536 (O.T.) paragraphe [6] et Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2005] A.C.F. no 1426 (O.T.), paragraphe [10], les articles 402 et 412 des Règles, prévoyant que lorsqu’une instance fait l’objet d’un désistement les dépens sont adjugés à la partie contre laquelle l’instance a été engagée, ne peuvent pas s’appliquer pour annuler ou modifier l’adjudication interlocutoire des dépens ou pour influer sur l’indépendance ou sur le caractère définitif de l’adjudication. En d’autres termes, l’ordonnance du 15 mars 2005 n’autorise pas les défendeurs à se voir adjuger les dépens. Le dossier indique qu’une partie des débours, mais pas tous, étaient associés à cette décision. Je ramène le montant des débours admissibles à 100 $ dans chaque mémoire de dépens.

 

[12]           Je considère la demande relative à l’alinéa 13a) comme se rapportant à la préparation de l’audience finale portant sur les questions de fond soulevées dans le cadre du contrôle judiciaire, par opposition à l’article 5 (préparation d’une requête) habituellement associé à la comparution prévue à l’article 6, comme la comparution du 11 mars 2005. Il est possible que cette préparation ait eu lieu à un stade peu avancé de l’instance, par exemple, avant que le dossier des défendeurs ait été préparé selon les paramètres de l’article 2. Compte tenu du dossier mis à ma disposition, je ne suis pas disposé à accepter les dépens pour l’alinéa 13a). En l’absence d’arguments sur ce point, je crois que l’expression « tenues de payer des dépens » figurant au paragraphe 408(2) des Règles envisage probablement le cas où l’officier taxateur dispose d’abord de montants précis, au moyen d’une somme globale ou d’une taxation des dépens, avant d’exercer sa compétence en vue de procéder à la compensation. Étant donné qu’en l’espèce, les demandeurs n’ont pas soumis de mémoire de dépens, je refuse de procéder à la compensation.

 

[13]           Ces taxations de dépens étaient simples. Les défendeurs n’ont pas eu particulièrement gain de cause, mais leurs documents et observations indiquent un travail minutieux qui a abouti à un certain succès. J’accepte le montant prévu à l’article 26 qui a été présenté, 3 unités étant accordées dans chaque mémoire de dépens. Les mémoires de dépens respectifs du défendeur Sahtu et du défendeur Gwich’in, s’élevant dans chaque cas à 2 425,66 $, sont chacun taxés et acceptés au montant de 998,80 $.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-1686-04

 

INTITULÉ :                                                   Le GRAND CHEF HERB NORWEGIAN et al.

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE et al.

 

 

TAXATION DES DÉPENS EFFECTUÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION

DES DÉPENS :                                              CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 31 OCTOBRE 2006

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Gregory J. McDade, c.r.                                   POUR LES DEMANDEURS

 

Graham S. Ragan                                             POUR LES DÉFENDEURS-

le SAHTU SECRETARIAT INCORPORATED et le CONSEIL TRIBAL DES GWICH’IN

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ratcliff & Company LLP                                  POUR LES DEMANDEURS

North Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LES DÉFENDEURS –

Sous-procureur général du Canada                   SA MAJESTÉ LA REINE et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Macleod Dixon LLP                                         POUR LA DÉFENDERESSE –

Calgary (Alberta)                                              IMPERIAL OIL RESOURCES VENTURES LTD.

 


Gowling, Lafleur, Henderson LLP                     POUR LES DÉFENDEURS –

Ottawa (Ontario)                                              le SAHTU SECRETARIAT INCORPORATED et le CONSEIL TRIBAL DES GWICH’IN

 

Miller Thompson                                              POUR LES DÉFENDEURS –

Edmonton (Alberta)                                          L’INUVIALUIT REGIONAL COUNCIL et l’INUVIALUIT GAME COUNCIL

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