Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20061108

Dossier : IMM-1951-06

Référence : 2006 CF 1352

Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 novembre 2006

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

JOGINDER SINGH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de Joginder Singh au motif qu’il avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) en Inde. M. Singh demande le contrôle judiciaire de la décision de la Commission parce qu’elle aurait commis un certain nombre d’erreurs.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis les erreurs alléguées et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de M. Singh sera rejetée.

Les difficultés d’interprétation

[3]               M. Singh soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que le travail de l’interprète fourni par la Commission était inadéquat. À l’appui de son argument, M. Singh a présenté un affidavit de son ancien avocat qui attestait qu’à la fin de l’audience, M. Singh lui avait dit que l’interprète ne lui avait pas permis de terminer son témoignage et qu’il [traduction] « n’était pas intéressé à l’écouter ».

 

[4]               L’ancien avocat de M. Singh soutient aussi que, lorsque la commissaire est revenue dans la salle d’audience pour rendre sa décision, il a levé la main deux fois pour essayer de transmettre le message de son client. Pourtant, la commissaire a continué à prononcer sa décision.

 

[5]               M. Singh n’a pas présenté lui-même d’affidavit à l’appui de sa demande et, par conséquent, il n’y a aucune preuve directe de sa part que l’interprétation posait effectivement des problèmes. Aucune preuve de M. Singh ne permet non plus de savoir à quel moment au cours de l’audience on aurait limité son témoignage ou on l’aurait empêché de témoigner complètement.

 

[6]               Il ne fait aucun doute qu’un demandeur d’asile a droit à une interprétation continue, fidèle, compétente, impartiale et concomitante lors de son audience : voir Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 191.

 

[7]               Le demandeur n'est pas tenu de démontrer qu'il a réellement subi un préjudice du fait d'erreurs d'interprétation. Il doit cependant, règle générale, se plaindre de la qualité de l'interprétation dès qu'il peut le faire : voir Mohammadian, au paragraphe 27.

[8]               J’ai examiné l’affaire attentivement et je suis convaincue que, s’il y a bel et bien eu des problèmes d’interprétation à l’audience, M. Singh a renoncé à son droit de soulever une objection. Il était représenté par un avocat à l’audience. Cet avocat a déclaré que M. Singh l’a informé du problème d’interprétation avant que la commissaire rende sa décision. Il a expliqué qu’il avait essayé de soulever la question en levant la main. Comme ce type d’effort n’apparaît pas dans la transcription, et il n’y a donc aucune confirmation que c’est bien ce qui s’est passé.

 

[9]               De plus, même si j’accepte tel quel l’argument selon lequel cet avocat a tenté de soulever la question du problème d’interprétation en levant sa main, je ne suis pas convaincue qu’il ait pris les mesures nécessaires pour communiquer ses préoccupations. Je ne relève rien dans l’affidavit de cet avocat qui permette d’affirmer que la commissaire a vu qu’il avait levé sa main avant qu’elle rende sa décision. Lorsqu’il a vu que la commissaire ne réagissait pas au fait que sa main était levée, il aurait sûrement pu s’adresser verbalement à la Commission pour expliquer ses préoccupations quant à la qualité de l’interprétation.

 

[10]           Par conséquent, je conclus que l’avocat de M. Singh n’a pas agi raisonnablement parce qu’il n’a pas soulevé une objection claire au sujet de la qualité de l’interprétation aussitôt que possible au cours de l’audience. M. Singh est lié par les actions de son avocat, il est donc présumé avoir renoncé à son droit de soulever une objection.

 

La possibilité de refuge intérieur

[11]           M. Singh allègue craindre d’être persécuté par des militants sikhs qui l’avaient menacé et extorqué alors qu’il habitait dans la région du Penjab en Inde. Bien que la Commission eût accepté que les faits que M. Singh avait cités à l’appui de sa demande avaient bien eu lieu, sa décision était fondée sur l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) en Uttar Pradesh ou au Tamil Nadu.

 

[12]           M. Singh soutient que la Commission a commis une erreur en tirant cette conclusion parce qu’elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents. En particulier, M. Singh mentionne des éléments de preuve portant sur les tensions entre les ethnies et sur la corruption de la police au Penjab.

 

[13]           Je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une telle erreur. La preuve citée par M. Singh porte sur la situation dans la région du Penjab et n’est donc pas pertinente quant à la question de savoir s’il peut raisonnablement vivre en sécurité ailleurs en Inde.

 

[14]           De plus, le témoignage de M. Singh donne effectivement à penser qu’il a habité sans problème en Uttar Pradesh pendant quelques années. Par conséquent, je ne relève aucune erreur dans la conclusion de la Commission selon laquelle il était raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur habite à cet endroit à l’avenir.

 

[15]           Finalement, le témoignage de M. Singh confirme que sa réticence à déménager en Uttar Pradesh ou au Tamil Nadu vient d’une préférence personnelle et non d’une crainte pour sa sécurité, ce que montre l’échange suivant qui a eu lieu au cours de l’audition de la demande d’asile de M. Singh :

            [traduction]

 

            Q :       Si vous retournez en Inde, est-ce que quelque chose vous empêche d’habiter ailleurs qu’au Penjab?

            R :        Je ne connais personne. Où irais-je? Je veux rester ici.

            Q :       Le fait de connaître quelqu’un n’entre pas en ligne de compte lorsqu’il est question de votre sécurité. Je vous demande s’il y a des raisons juridiques qui vous empêcheraient de déménager ailleurs en Inde?

            R :        Le premier problème est que nous parlons punjabi alors qu’en dehors du Penjab, les gens parlent hindi et d’autres langues. Mais nous n’avons aucun parent là-bas, pas de membres de la famille ailleurs. J’habite ici parce que je pense que c’est un pays paisible et que mon frère et ma sœur sont ici. Je me sens soulagé et en sécurité ici.

            Q :       Nous parlons de l’Inde, pas de la possibilité de rester ici. Qu’en est-il de retourner en [Uttar Pradesh] où vous semblez avoir habité en sécurité pendant quelques années? Pourquoi ne pouvez-vous pas y retourner?

            R :        Ce n’est pas facile d’habiter là-bas parce que nous étions impuissants, nous étions pris pour y vivre.

            Q :       Donc rien ne vous empêcherait d’y retourner? Vous avez de la famille là-bas, vous connaissez déjà l’endroit.

            R :        Je ne veux pas y aller. [Non souligné dans l’original.]

 

[16]           Pour ces motifs, je suis convaincue que la conclusion de la Commission selon laquelle il existait une PRI sûre pour M. Singh en Inde était entièrement raisonnable.

 

Conclusion

[17]           La conclusion de la Commission selon laquelle il existe une PRI sûre pour M. Singh est déterminante en l’espèce. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres questions soulevées par M. Singh.

 

[18]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Certification

[19]           Ni l’une ni l’autre partie n’a soulevé de question pour la certification et aucune ne sera certifiée.

 

 

JUGEMENT

            LA COUR STATUE QUE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

            2.         Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1951-06

 

 

INTITULÉ :                                       JOGINDER SINGH c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 novembre 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Baldev S. Sandhu

 

POUR LE DEMANDEUR

Peter Bell

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sandhu Law Office

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.