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Date : 20061109

Dossier : IMM-2053-06

Référence : 2006 CF 1361

Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

HUI LIN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Hui Lin est un citoyen de la Chine qui a demandé l'asile au Canada au motif qu'il est prétendument adepte du mouvement spirituel du Falun Gong. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande parce qu'elle a conclu que son récit n'était pas crédible.

 

[2]               Monsieur Lin demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision. Il soutient qu'un grand nombre des conclusions de la Commission au sujet de la crédibilité et de la vraisemblance sont manifestement déraisonnables.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que la décision de la Commission, lue en toute impartialité et dans sa totalité, est raisonnable et ne devrait pas être modifiée.

 

La façon dont M. Lin a découvert le Falun Gong

[4]               L'explication donnée par M. Lin quant à la façon dont il est devenu adepte du Falun Gong est la principale raison pour laquelle la Commission a conclu que son affirmation qu'il est membre de ce mouvement n'était pas crédible.

 

[5]               Monsieur Lin a déclaré que pendant l'été 2001, il a fait la connaissance d'un dénommé Quiang Chen dans une discothèque. Les deux hommes se sont immédiatement bien entendus et se sont revus quelques fois au cours des dix jours suivants.

 

[6]               Monsieur Lin a dit qu'il avait ensuite rendu visite à M. Chen à sa résidence. À son arrivée, M. Lin a regardé par la fenêtre de la maison et a vu M. Chen effectuant un certain exercice. Lorsque M. Lin a demandé à M. Chen ce qu'il faisait, il lui a répondu qu'il s'agissait d'un exercice du Falun Gong. Monsieur Chen a ensuite prêté à M. Lin un exemplaire du livre Zhuan Falun.

 

[7]               La Commission a conclu que ce récit était complètement dénué de crédibilité pour de nombreuses raisons. Premièrement, la Commission a conclu que, compte tenu de la situation en Chine à l'époque, il était improbable que M. Chen fasse un exercice du Falun Gong devant une fenêtre dont les rideaux n'étaient que partiellement tirés.

 

[8]               De plus, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que M. Chen discute de sa participation au mouvement du Falun Gong avec une simple connaissance, alors que le gouvernement de la Chine punissait sévèrement les adeptes du Falun Gong.

 

[9]               La Commission a aussi conclu qu'il était improbable que M. Chen ait donné un exemplaire d'un livre interdit à son nouvel ami, la première fois que M. Lin lui a rendu visite à son domicile.

 

[10]           Je ne relève rien de déraisonnable dans ces conclusions. Un examen des renseignements sur la situation dans le pays révèle que bien que le Falun Gong ait été interdit en Chine depuis un certain temps, l'immolation de plusieurs adeptes sur la place Tian'anmen en janvier 2001 a poussé le gouvernement de la Chine à augmenter ses efforts de répression de ce mouvement. À cette fin, le gouvernement a ordonné la détention des adeptes du Falun Gong.

 

[11]           De plus, les renseignements sur la situation dans le pays mentionnent que ces efforts se sont poursuivis tout au long de l'année 2001, si bien qu'au début de l'année 2002, les autorités de la Chine avaient réussi à réduire de façon importante le nombre d'adeptes du Falun Gong. Ceux qui le pratiquaient encore étaient forcés de le faire clandestinement.

 

[12]           C'est dans ce contexte qu'il faut examiner le récit de M. Lin selon lequel, alors que les mesures de répression du gouvernement étaient appliquées avec le plus de sévérité, une de ses connaissances effectuait des exercices du Falun Gong devant une fenêtre alors qu'il attendait de la visite.

 

[13]           Il faut aussi examiner la déclaration de M. Lin selon laquelle M. Chen aurait avoué à une personne qu'il connaissait à peine sa participation à une organisation illégale.

 

[14]           Finalement, M. Lin nous demande de croire qu'à une époque où la diffusion de matériel portant sur le Falun Gong était punissable de la peine de mort, M. Chen aurait donné à son nouvel ami un exemplaire d'un livre interdit.

 

[15]           À mon avis, il était tout à fait raisonnable que la Commission conclue que le récit entier était invraisemblable.

 

Le comportement de M. Lin après être devenu adepte du Falun Gong

[16]           La Commission a aussi conclu que la description faite par M. Lin de son propre comportement après qu'il est devenu adepte du Falun Gong n'était pas plausible. À ce sujet, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que M. Lin ait pratiqué le Falun Gong au domicile de M. Chen, où M. Chen habitait avec sa femme et ses enfants.

 

[17]           Compte tenu de la preuve présentée à la Commission au sujet des efforts du gouvernement de la Chine, à l'époque, pour inciter les gens à dénoncer les membres de leur famille adeptes du Falun Gong, je suis d'avis que la conclusion de la Commission au sujet du comportement de M. Lin n'est pas déraisonnable.

 

La vente de livres sur le Falun Gong dans la librairie

[18]           Monsieur Lin a déclaré que M. Chen et lui se sont lancés en affaires ensemble et ont ouvert une librairie. D'après M. Lin, ils conservaient dans la librairie un petit nombre de livres sur le Falun Gong qu'ils vendaient à des adeptes.

 

[19]           Compte tenu du témoignage de M. Lin dans lequel il décrivait avec quel soin il gardait son exemplaire personnel du Zhuan Falun sous clé à son domicile, la Commission a conclu que l'attitude plutôt nonchalante de M. Lin au sujet de la vente de livres sur le Falun Gong dans sa librairie était plutôt surprenante. J'ai examiné le témoignage de M. Lin à ce sujet et je suis convaincue que la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion.

 

Autres conclusions sur la crédibilité et la vraisemblance

[20]           L'avocate de M. Lin a présenté à la Cour une analyse laborieuse de la décision de la Commission et a relevé d'autres conclusions qui, à son avis, sont déraisonnables.

 

[21]           J'ai examiné les arguments de l'avocate sur chacun de ces points. Je conviens qu'à certains moments, la Commission a exagéré et qu'elle a cherché des invraisemblances là où il n'en existait pas. Cependant, lorsque la décision est lue en toute impartialité et dans sa totalité, il est clair qu'elle était fondée sur une conclusion préliminaire : l'explication de M. Lin sur la façon dont il est devenu adepte du Falun Gong n'était pas crédible, conclusion qui, à mon avis, est inattaquable.

 

Le défaut de tenir compte de certains éléments de preuve documentaires

[22]           Monsieur Lin soutient finalement que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas mentionné certains éléments de preuve documentaires importants. Il s'agit de deux lettres, dont l'une a été écrite par le père de M. Lin en Chine. Il déclare dans cette lettre que des représentants du Bureau de la sécurité publique se sont récemment présentés à son domicile, à la recherche de M. Lin.

 

[23]           La deuxième lettre a été écrite par un adepte du Falun Gong à Vancouver et confirme que M. Lin pratiquait bien le Falun Gong dans le parc Queen Elizabeth depuis mars 2005.

 

[24]           Il est bien établi qu'en règle générale, la Commission n'a pas l'obligation de mentionner chaque élément de preuve et qu'on présume qu'elle a examiné toute la preuve qui lui a été présentée avant de rendre sa décision : voir Woolaston c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1973] R.C.S. 102, et Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), no A‑831‑90, 22 octobre 1992, [1992] A.C.F. no 946 (QL), 147 N.R. 317.

 

[25]           Cela dit, dans certains cas, un élément de preuve non mentionné est d'une telle importance que le défaut de la Commission d'en faire mention peut donner à penser qu'elle ne l'a pas examiné : voir, par exemple, Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), no IMM‑596‑98, 6 octobre 1998, [1998] A.C.F. no 1425 (QL), 157 F.T.R. 35, aux paragraphes 14 à 17.

 

[26]           Pour ce qui est de la lettre de l'adepte canadien du Falun Gong, je ne suis pas convaincue que cette preuve était si probante que le défaut d'y faire précisément référence donne à penser que la Commission ne l'a pas examinée. La question que la Commission devait trancher était de savoir si M. Lin risquait d'être persécuté en Chine du fait de sa participation au Falun Gong alors qu'il se trouvait dans ce pays. La lettre n'élucide aucunement cette question.

 

[27]           Il faut aussi noter que, bien que l'auteur de la lettre soutienne que M. Lin pratiquait le Falun Gong dans le parc Queen Elizabeth, le demandeur a déclaré devant la Commission qu'il pratiquait le Falun Gong dans le parc « Keary » à Vancouver.

 

[28]           La lettre qui aurait été envoyée par le père de M. Lin pose cependant un problème, puisqu'elle mentionne bien que le Bureau de la sécurité publique recherchait toujours M. Lin. Il aurait été préférable que la Commission mentionne cette lettre dans sa décision.

 

[29]           Cela dit, un examen de la lettre, du moment où elle a été rédigée et de sa source donne à penser qu'elle a vraisemblablement été envoyée en vue de consolider la demande d'asile de M. Lin. Elle a donc une valeur probante si limitée que le défaut de la Commission d'en faire mention dans sa décision ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

 

Conclusion

[30]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Certification

[31]           Ni l'une ni l'autre partie n'a proposé de question aux fins de la certification, et aucune question ne sera certifiée.

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

            2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2053-06

 

 

INTITULÉ :                                                   HUI LIN c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 8 novembre 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nora Ng

 

POUR LE DEMANDEUR

Marjan Double

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN CANNON & ASSOCIATES

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice (Vancouver)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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