Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Federal Court of Canada
T
rial Division

Section de première instance dela Court Fédérale du Canada

 

 

N° du greffe : T-487-79

ENTRE

UTAH MINES LTD.

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

dffenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WALSH

Un exposé conjoint des faits a été produit dans la présente

action et aucun témoin n'a été appe1é, mais les deux parties ont dépose des

observations écrites ainsi que de longs extraits de jurisprudence. Voici les

parties pertinentes de l'alinéa 18(1)m) :

"18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tire d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles

m) Redevances, etc. - toute somme (autre qu'une somme prescrite) payée ou devenue payable au cours de l'année en vertu d'une obligation imposée par une loi ou d'une contractuelle qui remplace une obligation imposée par une loi

(i) à Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province a titre de redevance, de taxe ou a titre de somme, quelle que soit la façon dont elle est désignée --qui peut raisonnablement être considérée comme rattachée

(v) a la production au Canada,

(B) de métaux ou de minerai, jusqu'à un stade ne dépassant pas celui du métal primaire ou de son équivalent,

tirés d'un puits de pétrole ou de gaz ou de ressources minérales situées au Canada sur un bien sur lequel le contribuable avait, A la date de cette production, le droit


2

d’extraire du pétrole, du gaz naturel ou d'autres hydrocarbures apparentes ou le droit d'extraire des métaux ou du minerai;"

Cette disposition a été ajoutée par le paragraphe 7(1) du chapitre 26 des S.C. 1974-1975-1976 a l'égard des montants payes ou devenus payables sur la juste valeur marchande de tout bien pays ou payable après le 6 mai 1974 relativement à une période suivant le 6 mai 1974, sauf dans le cas des paiements faits après cette date pour la période allant du 6 mai 1974 au 18 novembre 1974,

a laquelle le paragraphe 7(5) du chapitre 26 de ladite loi s'applique.

Ledit paragraphe 7(5) porte sur les paiements relatifs a la

période allant du 6 mai 1974 au 18 novembre de la même amide;      les extraits

pertinents se lisent comme suit :

"Toute somme payée ou payable -- au cours de l'année ou la juste valeur marchande de tout bien pays ou payable au cours de l'année

(i) par Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province a titre de redevance ou d'équivalent, de taxe, de loyer, de contribution ou a un autre titre ou A titre de somme, quelle que soit la façon dont elle est désignée, -- qui peut raisonnablement être considéré comme dépendant de la production au Canada

(v) de métaux ou de minerai industriel, jusqu'A un stade ne dépassant pas celui du métal primaire ou son équivalent,

tires d'un puits de pétrole ou de gaz ou de ressources minérales situées au Canada sur un bien sur lequel le contribuable avait, a la date de cette production, le droit d'extraire du pétrole, du gaz naturel ou d'autres hydrocarbures apparentes ou le droit d'extraire des métaux ou du minerai industriel."

Dans l'arrêt Gibraltar Mines, 85 D.T.C. 5085, qui portait sur une situation similaire, il fallait déterminer comment calculer les paiements de

redevances à l'égard desquels la déduction était réclamée.        I1 s'agit, en

l’espèce, d'une question secondaire, étant donné que la question de savoir si ces

déductions pouvaient être faites selon la Convention relative a l'impôt entre le

Canada et les États-Unis n'était pas une question en litige dans l'arrêt

Gibraltar Mines. Le contribuable avait déduit des frais au titre de redevances

calculés comme si la redevance avait été payée ou était devenue payable entre le


3

1er' janvier 1974 et le 6 mai de la même année en fonction du montant de

redevances qui aurait été paye si la production avait cessé a cette date. En

réalité, les prix du cuivre ont baissé considérablement par la suite; en

conséquence, des redevances plus élevées ont été payées plus tôt pendant l'année,

même si la quantité de minerai produite au cours de cette période-là était

inférieure. La Cour a décide qu'il fallait utiliser le prix unitaire moyen pour

l'année multiplie par le nombre d'unités vendues avant le 6 mai 1974, lequel

représentait uniquement 14 % du total de la production pour l'année. Le juge

Muldoon a confirmé la position du ministre, sauf en ce qui a trait a une

correction mineure fondée sur le principe selon lequel l'appariement des coûts

engagés aux revenus produits ne permet pas d'utiliser une valeur nette annuelle

du minerai pour attribuer ces redevances a la période en question et qu'il

faudrait plutôt multiplier le taux de redevances de l'année par le nombre

d'unités de chaque période multiplie par la valeur unitaire nette réalisée au

cours de chaque période.

D'après ce qu'elle allégué dans sa déclaration, la demanderesse

soutient que le montant de redevances a payer a la province de la Colombie

Britannique au 6 mai 1974 conformément aux dispositions de la loi intitulée

Mineral Royalties Act s'élevait à 4 834 349 $ et que le montant en question était

une dépense engagée pour tirer un revenu dune entreprise ou faire produire un

revenu a une entreprise, laquelle dépense a été déduite conformément a l'alinéa

18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans la nouvelle cotisation qu'il

a établie, le ministre a abaisse ce montant a 954 910 $, en déterminant le

montant total de redevances paye par la demanderesse au 31 décembre 1974 en

fonction du nombre d'unités de production vendues avant le 6 mai 1974 par rapport

au nombre total d'unités vendues au cours de l'année civile 1974.

A la suite de la décision rendue dans l'arrêt Gibraltar Mines,

la demanderesse a convenu de ramener a 3 194 114 $ le montant qu'elle réclame aux

fins de la déduction;     la conclusion de la déclaration a été modifiée en

conséquence et la demanderesse ne soutient plus que ce calcul n'est pas conforme

aux principes comptables généralement reconnus.


-4

Cependant, la demanderesse fait valoir, et c'est là principale

allégation, que les dispositions de la Convention relative a l'impôt entre le

Canada et les États-Unis qui s'appliquaient a l'année d'imposition 1974

interdisent au ministre de se fonder sur l'alinéa 18(1)m) de la Loi pour

calculer le revenu.

L'article I de la Convention relative a l'impôt se lit comme

suit :

"Toute entreprise de l'un des États contractants n'est imposable par l'autre État contractant en raison de ses bénéfices industriels et commerciaux que pour la part de ces bénéfices

imputables, aux termes de la présente Convention, a l'établissement stable qu'elle exploite dans ce dernier État."

Voici le libelle de l'article III(1) :

"Si une entreprise de l'un des États contractants possédé un établissement stable dans l'autre État, il sera imputé audit établissement stable le bénéfice industriel et commercial net que celui-ci pourrait s'attendre de retirer s'il formait une entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de

semblables conditions.      Ce bénéfice net sera
détermine en principe d'après les comptes qui

concernent ledit établissement. Dans la détermination des bénéfices nets de source industrielle et commerciale d'un établissement stable, déduction devra être faite de toutes dépenses, en quelque endroit qu'elles aient été effectuées, qui peuvent raisonnablement être imputées a l'établissement stable, y compris les frais de direction et d'administration générale ainsi imputables."

Le sous-alinéa 4 de l'article III se lit en partie comme suit :

"Pour faciliter la fixation des bénéfices industriels et commerciaux imputables l'établissement   stable, les                     autorités
compétentes des États contractants pourront se consulter en vue de l'adoption de règles uniforme d'imputation desdits bénéfices."


5

Voici le texte de l'article 3 de la Loi de 1943 sur la Convention

relative a                   entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, 1943 S.C.,

chap. 21 :

"En cas d'incompatibilité entre les dispositions de la présente loi ou les stipulations de ladite Convention et dudit Protocole et l'application de toute autre loi, les dispositions de la présente loi et les stipulations de la Convention et du Protocole l'emportent, dans la mesure de cette incompatibilité."

La demanderesse soutient que, si l'alinéa 18(1)m) de la Loi

s'appliquait a elle, il aurait pour effet de lui interdire de déduire une somme

déductible selon les principes comptables généralement reconnus, ce qui serait

incompatible avec la Convention et la Loi sur la Convention relative a l'impôt,

étant donne que ni le traite ni d'autres lois du Canada qui s'appliquaient au

cours de l'année d'imposition 1974 n'autorisent le Canada a tenter

unilatéralement de modifier la Convention en apportant au droit interne un

changement qui interdirait l'application des principes comptables généralement

reconnus.

A ce sujet, l'arrêt La Reine c. Melford Developments Inc., 1982,

C.T.C. 330 a été cite. Même si les faits étaient différents, le juge Estey, qui

a rendu le jugement de la Cour suprême du Canada, s'est exprime comme suit a la

page 335 :

"A mon avis, l'expression «législation en vigueur au Canada qu'emploie l'accord ne comprend pas les lois que le Canada a adoptées pour redéfinir les procédures et les mécanismes d'imposition du revenu non assujetti A l'impôt en vertu de l'accord. Une interprétation contraire de cet article donnerait du poids a l'argument de l'appelante, qui a mon avis n'a pas de fondement en droit, que le par. (2) autorise le Canada ou l'Allemagne A modifier unilatéralement le Traite en matière fiscale à l'occasion selon que l'exigent leurs besoins internes."

Il poursuit ensuite en ces termes aux pages 335 et 336 :


Zone de Texte: *	Il s'agissait de l'Accord Canada-Allemagne en mati6re d'impôt6

"L'art. 3 de la Loi d'homologation de 1956* a prévu, du moins en partie, le problème auquel la Cour doit maintenant faire face. Il est certes incontestable que le Parlement est souverain et qu'il ne peut se lier pour l'avenir lorsqu'il exerce la compétence souveraine que lui accorde la constitution. Il s'ensuit évidemment que l'art. 3 ou toute autre partie de la Loi de 1956 peuvent être abroges ou modifies. LA n'est pas la question, mais il s'agit de savoir si les textes législatifs additionnels relatifs a la

Loi de l'impôt sur le revenu ont pour effet de

modifier la Loi de 1956. La suggestion qu'ils ont cet effet est surprenante. En matière fiscale, il existe 26 conventions, traites ou accords déjà conclus et 10 autres sont en négociation entre le Canada et d'autres pays. Si l'argument de l'appelante est le bon, chaque

révision de la Loi de l'impôt sur le revenu

qu'adopte le législateur met ces accords en péril. Pour cette raison d'ordre pratique, on peut difficilement conclure que le législateur a mis en danger avec autant de légèreté son ouvrage de 1956. Cela ne veut pas dire qu'avant de pouvoir modifier en profondeur la Loi de 1956, le législateur doive adopter une loi intitulée Loi portant modification de la loi de 1956». Mais la réciproque n'est pas vraie pour autant, c.-A-d. que chaque loi fiscale, quel que soit le motif de son adoption, puisse avoir pour effet de modifier des conventions fiscales bilatérales ou multilatérales sans un motif ou une intention avoués de le faire.

Je suis convaincu que l'art. 3 a pour effet d'assujettir l'application de toute autre loi du

Parlement, y compris la Loi de l'impôt sur le revenu, aux termes de la Loi de 1956 et de l'accord qu'elle consacre. La seule exception serait que le législateur énonce expressément qu'il modifie la Loi de 1956. Il n'y aurait alors aucun conflit entre la Loi de 1956 et toute autre loi»."

Le litige portait sur une modification qui a été apportée à la

Loi de l'impôt sur le revenu et selon laquelle les droits de garantie payes par

la demanderesse étaient considéré  comme des intérêts. S'exprimant au nom de la

Cour suprême, le juge Estey a déclare qu'il était d'accord avec le jugement qu'a

rendu le juge Mahoney lorsqu'il a examine la Convention relative à l’impôt entre

le Canada et les États-Unis dans Associates Corporation of North America c. La

Reine, 1980, 2 C.F. 377, conf. 1980, 2 C.F. 382. A la page 381, le juge Mahoney

avait dit ce qui suit :


7

"Les droits de garantie verses a la demanderesse ne constituent pas des intérêts au sens de la Convention relative a l'impôt entre le Canada et les g.-U. L'alinéa 214(15)a) de la Loi de

l'impôt sur le revenu, les considérant comme des intérêts, est incompatible avec la Convention. Conformément a l'article 3 de la Loi qui rend cette convention partie intégrante de la loi interne du Canada, cet alinéa 214(15)a) n'est donc pas applicable aux droits de garantie vises par la Convention. Les droits litigieux font  partie des bénéfices industriels et commerciaux  de la demanderesse, lesquels ne sont pas  imposables au Canada, puisque cette dernière est  une   entreprise américaine       n'ayant       pas

d'établissement au Canada."       (C'est moi qui
souligne)

La défenderesse soutient cependant que cette décision ne

s'applique pas, étant donné que, en l'espèce, les frais de redevances que la

demanderesse a engages conformément a la loi intitulée Mineral Royalties Act de

la Colombie-Britannique constituaient une partie de ses profits industriels et

commerciaux imputables a son établissement stable au Canada et étaient donc des

frais entièrement assujettis a la compétence de l'autorité taxatrice canadienne,

ce qui n'était pas le cas dans l'arrêt Associates Corporation of North America,

ou la demanderesse était une société américaine qui n'avait pas d'établissement

stable au Canada. Le juge Estey a fait cette distinction lui-même a la page 512

de l’arrêt Melford, ou  il s'est exprime en ces termes :

"Cependant, le traite ne permet pas d'imposer les bénéfices industriels et commerciaux d'une personne non résidante lorsque ces bénéfices n'ont pas été produits par l'intermédiaire d'un établissement stable situe au Canada."

La défenderesse ajoute que, dans le cas qui nous occupe, les

modifications concernant les déductions des redevances au Canada portaient

uniquement sur la déduction d'un élément des profits industriels et commerciaux

de la demanderesse qui, selon la Convention, étaient attribuables a un

établissement stable de celle-ci au Canada et étaient donc assujettis a un impôt

canadien, alors que, dans l’arrêt Melford, non seulement le mot intérêts

apparaissait dans l'Accord Canada-Allemagne en matière d'impôt mais les intérêts

faisaient l'objet de dispositions précises dans ledit Accord comme forme de

revenu, de sorte qu'un changement apporte au sens du mot dans cet Accord aurait


-8

nécessairement eu pour effet de modifier l'Accord lui-même. En outre, dans

l'affaire Melford, les dispositions visaient a contourner une restriction énoncée

dans un traite fiscal et concernaient uniquement les non-résidents, alors que,

en l'espèce, les modifications apportées a l'alinéa 18(1)m) dont il est question

en l'espèce portaient sur la façon dont les contribuables calculaient le revenu

selon la Loi et touchaient autant les résidents du Canada poursuivant des

activités commerciales similaires selon des conditions identiques ou similaires

que les non-résidents protégés par la Convention.

Le paragraphe 11 du Protocole de la Convention se lit comme

suit :

"Les ressortissants de chacun des États contractants qui résident dans l'autre état contractant ne devront pas supporter une charge fiscale plus lourde que les ressortissants de ce dernier état."

Les modifications susmentionnées qui ont été apportées à la Loi

de l'impôt sur le revenu sont conformes a ce principe, une société

canadienne n'étant pas traitée différemment de l'établissement stable d'une

société américaine qui fait le même travail au Canada.

En ce qui a trait a l'argument de la demanderesse selon lequel

les profits industriels et commerciaux doivent être détermines conformément aux

concepts qui prévalaient lors de l'entrée en vigueur de la Convention relative

a l'impôt et qui, à l'époque, permettaient la déduction complète des redevances

minières payées a une province du Canada, la défenderesse soutient qu'en

l'absence d'une définition de l'expression «profits industriels et commerciaux,

cette notion ne se limite pas indéfiniment au sens qui avait été compris à la

date de la Convention et aucune disposition explicite de celle-ci n'en restreint

ainsi le sens.    Dans le territoire du Canada, la notion de profits, qu'il

s'agisse de profits industriels, commerciaux ou autres, n'a jamais été fixée,

tant sur le plan comptable que sur le plan fiscal; c'est une notion qui a évolue

constamment et qui change encore aujourd'hui.


Zone de Texte: Cependant, le paragraphe 2 du Protocole vient quelque peu
affaiblir cette conclusion :
9

Il est intéressant de souligner que, dans "The International Tax

Treaties Service", Michael Edwardes-Ker cite aux pages 30 a 32 une décision de

juin 1979 qui figure dans "International Tax Treaties 0.E.C.D.", partie 7

(Income), à la page 30, notamment l'extrait suivant de la décision qui apparait

à la page 31 :

[TRADUCTION]

"D'aucuns soutiendront que, étant donné que les parties contractantes ont négocie le traite a la lumière du droit interne existent, elles désiraient que les clauses du traite soient interprétées conformément A ce droit et que, en outre, la modification subséquente de celui-ci offre a l'une des parties signataires la possibilité inhabituelle d'apporter un changement unilatéral qui aura des répercussions sur les dispositions d'une entente bilatérale. En fait, quelques traites renferment une clause stipulant expressément que les lois internes applicables se limitent aux lois en vigueur à la date de la signature (p. ex., traite de l'impôt sur le revenu entre les États-Unis et le Honduras, article XX(6), qui n'est plus en vigueur aujourd'hui). Cependant, nous sommes

plutôt d'avis que, en l'absence d'une disposition restreignant clairement le droit interne aux lois en vigueur a la date de la ratification d'un traite, il faut donner pleinement effet aux changements apportes subséquemment aux lois internes.

Il faut se rappeler que le but d'un traite est différent de celui du Code. Un traite vise A énoncer certains principes généraux sur lesquels les parties contractantes s'entendent, les détails devant nécessairement être définis par les lois internes de cheque partie signataire. Pour sa part, le Code cherche a anticiper certains problèmes et a les régler. A notre avis, les législateurs avaient l'intention de permettre une certaine marge de manoeuvre» dans le droit interne, même si un changement apporte A celui-ci pouvait avoir des répercussions sur une clause d'un traite. Étant donné que le traite et le protocole conclus entre les États -Unis et le Royaume-Uni ressemblent aux autres traites américains relatifs a l'impôt sur le revenu, nous estimons que cette preuve suffit A établir que les rédacteurs de ces documents désiraient que ce concept de la marge de manoeuvre» soit appliqué dans les cas ou il est nécessaire de consulter le droit interne a des fins d'interprétation."


- 10 -

"Advenant le cas ou le droit fiscal de l'un ou de l'autre des États contractants serait modifie d'une façon notable, les Gouvernements des deux États contractants se consulteront."

L'alinéa 18(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu pourrait bien

être considéré comme une modification notables.

Par le chapitre 27 (14 Geo. VI) sanctionne le 30 juin 1950, la

Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États -

Unis d'Amérique et la Loi de 1944 sur une convention fiscale entre le Canada et

les États-Unis d'Amérique ont été modifiées, notamment par l'ajout, à la fin du

paragraphe 1 de l'article III, de la phrase suivante :

"Dans la détermination des bénéfices nets de source industrielle et commerciale d'un établissement stable, déduction devra être faite de toutes dépenses, en quelque endroit qu'elles

aient été effectuées, qui peuvent raisonnablement être imputées a l'établissement stable, y compris les frais de direction et d'administration générale ainsi imputables."

La défenderesse soutient que cette disposition a été ajoutée dans

la Convention afin de confirmer la pratique antérieure qui consistait à autoriser

la déduction, à des fins administratives, des frais du siège social qui étaient

raisonnablement imputables a l'établissement stable, et ne visait pas a autoriser

la déduction de dépenses qui étaient par ailleurs refusées par l'État taxateur.

C'était bien l'intention, comme l'indique l'extrait suivant

du United States Senate Foreign Relations Committee Report on Supplemental Income

Tax Convention (rapport du comite du Senat sur les relations étrangères des

États-Unis au sujet des conventions supplémentaires en matière d'impôt sur le

revenu) qui a été tire de l'ouvrage «Législative History of the United States Tax

Conventions (historique des conventions fiscales américaines), ou l'on peut lire

ce qui suit a la page 607 :


[TRADUCTION]

"L'article Ia) de la Convention prévoit effectivement que, dans le calcul du revenu net d'un établissement stable situe dans le pays taxateur, lequel établissement est une succursale ou une filiale d'une société de

l'autre État contractant, les frais administratifs du siège social qui peuvent raisonnablement être imputes a cet établissement

stable pourront être déduits. Cette entente constitue en réalité une déclaration de la pratique suivie dans les deux pays."

La défenderesse soutient donc que l'intention n'était pas de

permettre la déduction, fondée sur la Convention, de toutes les dépenses,

qu'elles puissent être déduites ou non selon les lois fiscales internes des États

contractants.

La défenderesse cite l'arrêt américain Handfield v. Commissioner

of Internal Revenue, 23 TC (1955) 633, ou il a été décide que le demandeur avait

un établissement stable aux États-Unis au sens de la Convention relative à

l'impôt et.que, étant donne qu'il faisait affaires aux États-Unis au cours de

l'année en question, ses activités étaient assujetties a l'impôt selon le U.S.

Internal Revenue Code, de sorte que la déduction qu'il réclamait à titre de

dépense d'entreprise pour le salaire qu'il s'était verse ainsi que les intérêts

sur les fonds qu'il s'était empruntes n'était pas autorisée par le Code et ne

pouvait donc être réclamée.

La défenderesse invoque un argument subsidiaire fond" sur le

paragraphe 124(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui a été édicté en même

temps que l'alinéa 18(1)m) et qui permettait de déduire de l'impôt sur les

sociétés un abattement de 15 p. 100 de l'impôt fédéral sur les profits tirés des

activités minières et gagnes dans la province. Cette disposition avait pour

effet d'accorder un allégement fiscal aux contribuables qui, en raison de

l'adoption de l'alinéa 18(1)m), n'avaient plus le droit de déduire ces paiements

de redevances a titre de dépense d'entreprise dans le calcul de leur revenu aux

fins de l'impôt canadien.     Selon la défenderesse, si la demanderesse était

autorisée a se prévaloir de l'allégement fiscal prévu par le paragraphe 124(2)

de la Loi et à déduire les redevances, laquelle déduction est interdite selon


- 12-

l'alinéa 18(1)m) de la Loi, elle aurait de ce fait le droit de déduire une

dépense prohibée par une loi tout en bénéficiant d'un abattement de 15 p. 100 qui

a été adopte en remplacement de cette déduction, ce qui serait un résultat

contraire au régime clair que le Parlement a adopte en 1974. On soutient qu'il

faut examiner l'ensemble du régime de la Loi.

À cet égard, voir Highway Sawmills v. M.N.R. 1966, R.C.S. 384,

aux pages 393-394, et Qualico Developments Ltd. v. The Queen, 84 D.T.C. 6119, a

la page 6124, ou le juge en chef Thurlow a cite Parret Highway Sawmills Ltd. et

dit ce qui suit :

"Il faut souligner en dernier lieu, que permettre les déductions ainsi demandées tendrait a fausser le calcul du revenu de l'appelante pour les années en cause, résultat qui, a mon avis, ne devrait pas être déduit du libelle de la Loi et qui devrait être évité dans la mesure ou il est possible d'interpréter ainsi la Loi."

D'autre part, l'argument de la défenderesse selon lequel le fait

de permettre a la demanderesse de continuer a déduire les redevances dont la

déduction est interdite par l'alinéa 18(1)m), pour le motif que cette disposition

va a l'encontre des dispositions de la Convention relative a l'impôt, à moins que

la Cour ne déclare au même moment que le paragraphe 124(2) ne peut s'appliquer

à la demanderesse, et de lui permettre de réclamer la déduction de 15 p. 100 des

profits conformément à cette disposition, irait à l'encontre du but de l'ensemble

des modifications et de la Loi, est considérablement affaibli par une autre

disposition du Protocole modifie et par d'autres décisions. L'article 10 du

Protocole se lit comme suit :

"Les dispositions de ladite Convention ne seront pas interprétées de manière à restreindre en rien les exemptions, les déductions, les défalcations ou autres dégrèvements accordés par la législation de l'un des États contractants dans le calcul de l'impôt perçu par ledit État."


- 13 -

Cela signifierait clairement que, du moins en ce qui a trait à

la Convention, le paragraphe 124(2), qui constitue une déduction, peut être

pleinement appliqué.

Dans l’ arrêt Lor-Wes Contracting Ltd. v. Her Majesty the Queen,

1985, 2 C.T.C. 79, le juge MacGuigan, qui a prononce le jugement de la Cour

d'appel, a cite la décision de la Cour suprême du Canada dans Ville de Winnipeg

c. Morguard Properties Ltd. et al, 1983, 50 N.R. 264, oil le juge Estey, qui

s'exprimait au nom de la Cour, a dit ce qui suit aux pages 282-283 :

"En langage plus moderne, pour porter atteinte aux droits d'un administre, que ce soit à titre de contribuable ou à un autre titre, les tribunaux exigent que le législateur le fasse de façon expresse. La diminution de ces droits peut ne pas avoir été législativement voulue ou même être accidentelle, mais les cours doivent trouver dans la loi des termes exprès pour conclure que ces droits ont été diminues. Ce principe d'interprétation s'impose et s'applique d'autant plus aujourd'hui que les législatures profitent de l'aide et des directives d'un conseil exécutif bien pourvu de personnel et ordinairement très averti. Les moyens disponibles pour rédiger et promulguer les lois sont tels qu'une cour doit être réticente à présumer l'oubli ou des intentions inarticulées lorsque les droits des administres sont en cause. La législature a la maitrise complété du processus législatif et si elle ne s'est pas exprimée clairement pour un motif quelconque, elle possédé tous les moyens de corriger cette déficience d'expression. Cela est encore plus vrai aujourd'hui qu'A toute autre époque de l'histoire de notre régime parlementaire."

Le juge MacGuigan a 8galement cite l'arrêt Stubart Investments

Ltd. c. La Reine, 1984 C.T.C. 294, a la page 314.

De la même façon, dans Canterra Energy Ltd. v. The Queen, 1987,

1 C.T.C. 89, le juge Urie, qui s'exprimait au nom de la Cour d'appel, a formulé

les commentaires suivants aux pages 95-96 :

"Les remarques de lord Reid dans l'arrêt Inland  Revenue Commissioners v. Hinchy, [1960] A.C. 748, sont également pertinentes lorsqu'on considéré ce qui peut sembler être les conséquences   néfastes     que     comporte


- 14 -

l'interprétation du libelle d'une loi dans son sens littéral. Voici ce qu'a déclare le juge, aux pages 767 et 768 :

[TRADUCTION] Des difficultés et des résultats extravagants de ce genre ont amené le juge Diplock de la Cour d'appel à

rechercher une interprétation qui permettrait d'obtenir un résultat plus équitable. Ce qu'il faut rechercher, c'est l'intention du législateur. Je trouve par ailleurs difficile de croire que le

législateur    a   réellement   voulu    les
conséquences qui découlent de l'argument de

l'appelant. Mais nous pouvons déterminer l'intention du Parlement uniquement en nous fondant sur les termes qu'il a employés dans la Loi; par conséquent, il s'agit de savoir si ces termes peuvent avoir un sens plus

restreint. Si la réponse est non, nous devons les appliquer tels quels, quelque déraisonnables ou injustes que soient les conséquences, et quelle que soit la force de nos soupçons que ce n'était pas le l'intention réelle du Parlement.

On peut donc soutenir que si, lors de la rédaction du paragraphe

124(2) des modifications de 1974-75-76 de la Loi de l'impôt sur le revenu du

Canada afin d'alléger les conséquences rigoureuses découlant de l'adoption, à la

même époque, de l'alinéa 18(1)m) (et de l'alinéa 12(1)o), bien que cette

disposition ne s'applique pas en l'espèce), on n'a pas envisage le problème

pouvant survenir si l'alinéa 18(1)m) étais jugé inapplicable en raison de la

Convention relative entre le Canada et les États-Unis et qu'un avantage

non prévu était de ce fait conféré au contribuable et si la loi ne visait pas à

prévenir ce problème, le contribuable a parfaitement le droit de bénéficier de

cet avantage. Pour ce motif, l'argument de la défenderesse selon lequel, si la

déduction des redevances est autorisée, la déduction prévue au paragraphe 124(2)

ne devrait pas 1’être, doit être rejeté. Cependant, cela n'ajoute pas de poids

à l'argument selon lequel l'alinéa 18(1)m) ne s'applique pas a la demanderesse

en raison de la Convention.

Je suis d'avis que l'alinéa 18(1)m) ne va pas a l'encontre des

dispositions de la Convention relative a       entre le Canada et les États -

Unis et du Protocole s'y rapportant, qu'il est valide et qu'il s'applique tant

aux sociétés internes qu'aux établissements stables de sociétés américaines au

Canada.


- 15 -

Par conséquent, l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la cotisation établie pour l’année d’imposition 1974 est rejeté avec dépens. Les dispositions du paragraphe 124(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu en vigueur pour l’année en cause s’appliquent. La cotisation est déférée au ministre, qui devra établir la nouvelle cotisation pouvant s'avérer nécessaire conformément aux présents motifs.

Allison A.M. Walsh

Juge

 

 

Le 28 mars 1991


COUR FEDERALE DU CANADA
SECTION DE PREMIERE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

N° DU GREFFE :              T-487-79


INTITULE DE LA CAUSE :

LIEU DE L'AUDIENCE :

DATE DE L'AUDIENCE :

MOTIFS DU JUGEMENT DE


Utah Mines Ltd.

et

Sa Majesté la Reine

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 5 mars 1991

l'honorable juge Walsh, juge suppléant


EN DATE DU     28 mars 1991

ONT COMPARU :

Me I.H. Pitfield Me J.H.G. Roche

Me J.R. Power, c.r. Me J. Meagher

pour la demanderesse

pour la défenderesse

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Thorsteinsson, Mitchell, Little O'Keefe & Davidson

pour la demanderesse

John C. Tait, c.r. Ministire de la Justice

pour la défenderesse

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.