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Date : 20061123

Dossier : IMM-658-06

Référence : 2006 CF 1401

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2006

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

GEORGE ANTHONY BETTON

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. George Betton a reçu l’ordre de quitter le Canada en décembre 2005. Il a demandé à un agent d’exécution de reporter son renvoi au motif que sa femme était enceinte et qu’elle souffrait de problèmes de santé qui seraient aggravés par le stress de son départ. Il a déclaré que leurs enfants subiraient un préjudice, parce qu’il leur assurait un soutien financier et affectif et que sa femme aurait de la difficulté à s’occuper d’eux en raison de son état de santé actuel. Il a demandé que son renvoi soit reporté en attendant que sa femme accouche ou qu’une décision soit rendue au sujet de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a refusé.

[2]               M. Betton a obtenu un sursis à la mesure de renvoi en attendant l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire. Il soutient que l’agent n’a pas tenu compte d’un rapport médical qui décrivait les répercussions que son départ aurait sur l’état de santé de sa femme. Il soutient aussi que l’agent n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de ses enfants. Il me demande d’ordonner le réexamen de sa demande de report par un autre agent.

 

[3]               Je conviens que l’agent n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants de M. Betton et, par conséquent, je devrai accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

I.  Les questions en litige

 

  1. L’agent a-t-il omis de tenir compte de la preuve médicale?
  2. L’agent a-t-il omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants de M. Betton?

 

II.  Analyse

[4]               Avant d’examiner les questions mêmes soulevées par M. Betton, je fais remarquer que les agents d’exécution ont un pouvoir discrétionnaire limité en matière de report d’une mesure de renvoi. Quant à elle, la Cour n’interviendra que si l’agent a négligé un facteur important ou qu’il a vraiment mal évalué la situation entourant le renvoi : Ramada c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1112, [2005] A.C.F. no 1384 (1re inst.) (QL).

 

1.  L’agent a-t-il omis de tenir compte de la preuve médicale?

[5]               Dans les observations présentées à l’agent d’exécution, M. Betton a inclus un affidavit signé par son épouse. Elle y explique ses inquiétudes au sujet du départ imminent de son mari, y compris les répercussions que cela aura sur sa santé. Elle y a inclus un avis de son médecin qui corrobore ses inquiétudes.

 

[6]               Dans ses motifs, l’agent a tenu compte du fait que l’épouse de M. Betton était enceinte, du stress qu’elle éprouvait et de la fluctuation de sa numération globulaire, mais n’a pas expressément mentionné le rapport médical. Cependant, il a bien mentionné qu’il avait tenu compte de l’affidavit et des pièces jointes. M. Betton soutient que l’agent avait l’obligation de tenir compte du rapport médical et qu’il devait en faire expressément mention, puisque le rapport présentait une corroboration professionnelle des inquiétudes de son épouse. Compte tenu des circonstances, je ne suis pas d’accord avec le demandeur. Le rapport médical présentait très peu de renseignements, sinon aucun, qui ne faisaient pas déjà partie de l’affidavit ou des autres observations présentées à l’agent. Il a clairement tenu compte des inquiétudes principales. Je ne relève rien dans l’approche de l’agent envers la preuve qui justifie l’intervention de la Cour.

 

            2.  L’agent a-t-il omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants de M. Betton?

[7]               Même s’ils ont un pouvoir discrétionnaire limité, les agents d’exécution doivent tenir compte des répercussions immédiates que le renvoi pourrait avoir sur les enfants de la personne faisant l’objet de la mesure de renvoi : Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, [2005] A.C.F. no 1448 (1re inst.) (QL). En l’espèce, M. Betton a soutenu que son renvoi nuirait sérieusement à ses enfants parce qu’ils souffriraient de l’absence de soutien financier et affectif. De plus, il a déclaré que sa femme aurait de la difficulté à s’occuper seule des enfants compte tenu de son état actuel.

 

[8]               L’agent a tenu compte de la famille de M. Betton mais a déclaré qu’il n’était [traduction] « pas qualifié » pour examiner l’intérêt supérieur d’un enfant. Le défendeur soutient que cette réponse était appropriée dans les circonstances, compte tenu du rôle limité des agents d’exécution et de la nature générale des observations au sujet des enfants de M. Betton. Le défendeur est d’avis que les difficultés pour les enfants n’étaient pas immédiates. Il s’agissait de difficultés à long terme qui seraient traitées de façon plus appropriée dans la demande de M. Betton fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Par conséquent, on ne pouvait pas attendre de l’agent qu’il traite ces questions.

 

[9]               À mon avis, certaines des préoccupations au sujet des enfants de M. Betton étaient immédiates – particulièrement en ce qui a trait aux soins et au soutient financier dont ils auraient besoin à court terme. L’agent aurait dû examiner si le report de l’exécution de la mesure de renvoi contre M. Betton était nécessaire pour lui permettre de faire les arrangements nécessaires pour les enfants.

 

[10]           Comme l’agent n’a pas tenu compte d’un facteur important, je dois accueillir la demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent examine la demande de report de la mesure de renvoi de M. Betton. Ni l’une ni l’autre partie n’a présenté de question de portée générale pour la certification et aucune ne sera énoncée.

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La demande de report du demandeur doit être réexaminée par un autre agent.

3.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-658-06

 

INTITULÉ :                                       BETTON c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Korman

POUR LE DEMANDEUR

David Cranton

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OTIS & KORMAN

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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