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Date : 20061123

Dossier : IMM-773-06

Référence : 2006 CF 1417

Toronto (Ontario), le 23 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE Campbell

 

ENTRE :

ALEMTSEHY TESEMA

HANOKH IZHAK

DANIEL TESMA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la présente demande, la demanderesse et ses deux jeunes enfants, tous des citoyens d’Israël, contestent la décision du 20 janvier 2006 de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a rejeté leur demande de d’asile.

 

[2]               La demanderesse fonde sa demande sur une crainte de violence de la part de son ex‑conjoint de fait si elle retournait en Israël. Lors de l’audience à la SPR, la demanderesse a donné le récit de souffrances de violence extrême de la part de son ex‑conjoint de fait, y compris de récentes menaces de mort. Un élément fondamental de sa crainte est le fait que son ex‑conjoint de fait sorte de prison en Israël dans un an, après avoir purgé la peine à laquelle il a été condamné pour meurtre.

 

[3]               À l’appui de sa demande à la SPR, la demanderesse a présenté un rapport psychologique pour prouver qu’elle souffre du syndrome de stress post-traumatique par suite des mauvais traitements qu’elle a subis. Il est entendu que la preuve psychologique est pertinente relativement à la volonté de la demanderesse de rechercher la protection de l’État en Israël, si elle devait y retourner.

 

[4]               L’expertise qui suit est l’aspect le plus convaincant du rapport psychologique :

[traduction] En ce qui a trait à l’état psychologique [de la demanderesse], Mme Tesema présente, en ce moment, les symptômes du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Son état correspond aux critères d’un traumatisme consécutif à des mauvais traitements subis pendant des années qui ont mis sa vie en danger et porté atteinte au bien‑être de ses enfants. En ce moment, son traumatisme est revécu de façon récurrente lors de souvenirs bouleversants et envahissants ainsi que par des rêves récurrents et bouleversants (par exemple être poignardée). Il arrive également des que des images saisissantes s’emparent d’elle.

 

(Dossier de la demanderesse, page 47)

 

Toutefois, suivant la déclaration ci‑après, en fait la SPR a refusé d’admettre l’avis de l’expert en preuve :

La seconde lettre du Dr Bodenstein contient pour l’essentiel les mêmes renseignements que la première, souvent exprimés de la même façon. Toutefois, dans la deuxième lettre, le Dr Bodenstein pose un diagnostic, à savoir que la demandeure d’asile souffre d’un syndrome de stress post-traumatique. Il déclare qu’elle satisfait aux critères du trauma, ayant subi des années de mauvais traitements où sa vie était en danger, de même que le bien-être de ses enfants. Il ne donne aucune preuve quant aux critères types qu’il a retenus pour établir ce diagnostic. En outre, la demandeure d’asile n’a pas subi de mauvais traitements depuis que son époux a été emprisonné en 1998, il y a presque huit ans. Elle n’a présenté aucune preuve selon laquelle elle avait demandé de l’aide psychologique ou psychiatrique pour guérir de son traumatisme lorsqu’elle vivait en Israël. Je conclus que le rapport du psychologue repose sur le témoignage que lui a fait la demandeure d’asile, dont certaines parties ont été jugées peu crédibles au cours de l’audience.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier de la demanderesse, page 21)

 

 

[5]               La question à trancher est de savoir si, lorsqu’elle a rejeté l’avis du psychologue, la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle. Dans la décision Gina Curry c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, du 21 décembre 2005, IMM-10078-04, la juge Gauthier a clairement précisé le pouvoir discrétionnaire d’un agent d’immigration lorsqu’il évalue la preuve psychiatrique ou psychologique :

Comme la Cour l’a mentionné à maintes reprises, les agents d’immigration ne sont pas des spécialistes de la psychologie ou de la psychiatrie. Ils ne sauraient tout simplement rejeter des avis d’experts sans à tout le moins donner un motif qui résiste à un examen serré.

 

 

Lorsque j’applique cette opinion à la présente affaire, je suis d’accord avec l’avocat de la demanderesse que le refus d’accepter l’avis psychologique ne répond pas aux normes établies.

 

[6]               Selon moi, la déclaration de la SPR ne donne aucun motif légitime de ne pas accepter l’avis professionnel. Ce qui ressort des termes employés par la SPR, c’est sa conviction que l’avis n’est pas motivé et qu’il est contraire à son propre avis sur l’état mental de la demanderesse. Je conclus qu’il n’était pas loisible à la SPR de rejeter un avis professionnel sur ce fondement et agir ainsi revient à tirer une conclusion arbitraire. Par conséquent, la SPR a rendu une décision qui comporte une erreur susceptible de contrôle.


ORDONNANCE

 

Par conséquent, la décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-773-06

 

INTITULÉ :                                                                ALEMTSEHY TESEMA,

                                                                                        HANOKH IZHAK,

                                                                                        DANIEL TESMA

                         c.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                          TORONTO

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 21 NOVEMBRE 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                                               LE 23 NOVEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Michael Crane

 

POUR LES DEMANDEURS

John Provart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Bureaux du droit de l’immigration et du droit de la famille

Toronto

 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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