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Date: 20061124

Dossier : IMM-7440-05

Référence : 2006 CF 1407

Halifax (Nouvelle-Écosse) le 24 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

ABDUL MUMUNI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire suivant  le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), qui vise une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 30 septembre 2005, que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]               Le demandeur demande l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire pour nouvel examen devant un tribunal différemment constitué. 

 

Contexte

[3]               Le demandeur, Abdul Mumuni, est citoyen de la Côte d’Ivoire et a longtemps résidé au Ghana.  Il allègue craindre avec raison d’être persécuté pour deux raisons. Premièrement, il prétend que des individus non identifiés le persécutent en Côte d’Ivoire du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir les étrangers.  Le demandeur allègue également craindre avec raison d’être persécuté par les gens du Chonbulu au Ghana du fait de son appartenance à la tribu Hausa.

 

[4]               Le père du demandeur était un citoyen de la Côte d’Ivoire et sa mère était ghanéenne.  Le demandeur et sa famille ont vécu dans la zone de Napie, en Côte d’Ivoire jusqu’à ce que les parents du demandeur divorcent en 1983.  À l’âge de sept ans, le demandeur est allé vivre avec sa mère au Gnana.  Son père est demeuré à Napie et s’est remarié plus tard.

 

[5]               Dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur déclare qu’en 2000 il est allé rendre visite à son père en Côte d’Ivoire pour quelques jours pour ensuite retourner au Ghana.  En octobre 2004, le demandeur s’est rendu en Côte d’Ivoire pour y vivre avec son père.  En novembre 2004, des individus non identifiés ont assassiné le père du demandeur alors âgé de 90 ans ainsi que son épouse. Le demandeur déclare que son père a été tué parce que les gens de l’endroit le percevaient comme un étranger.  Il soutient  qu’il a immédiatement quitté la Côte d’Ivoire car il était aussi perçu comme un étranger et a craint pour sa vie.

[6]               Après être retourné à Kwame Danso au Ghana , il déclare avoir eu des problèmes avec les gens du Chonbulu. Il a expliqué qu’il était membre de la tribu Hausa et que le peuple Chonbulu constituait la majorité de la population dans le village de Kwame Danso.  Il a indiqué que le peuple Chonbulu faisait subir des mauvais traitements au peuple Hausa et qu’il craignait d’être tué par l’un d’eux en raison de l’activisme de son frère. Il a révélé que des gens du Chonbulu se sont présentés chez lui à la recherche de sa famille pour les éliminer mais que ceux-ci s’étaient enfuis.  Il a indiqué que la police ghanéenne soutenait les Chonbulu et n’était pas donc pas en mesure de le protéger.

 

[7]               Le demandeur a présenté une demande d’asile à son arrivée à Toronto le 19 décembre 2004.  Cette demande a été entendue le 5 août 2005.  Le 30 septembre 2005, la Commission a rejeté la demande au motif que la preuve documentaire ne démontrait aucun fondement objectif  pour appuyer la thèse d’une crainte bien fondée de persécution chez le demandeur.  La Commission a également conclu qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve établissant que le demandeur pouvait être exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner en Côte d’Ivoire.

La Commission a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

Motifs de décision de la Commission

 

[8]               La Commission s’est d’abord penchée sur les antécédents familiaux du demandeur.  Elle s’est déclarée satisfaite de l’identité du demandeur, a conclu qu’il était un citoyen de la Côte d’Ivoire et qu’il avait sa résidence habituelle au Ghana.  La Commission a déterminé que la première question à trancher était le fondement objectif de la crainte du demandeur advenant un retour en Côte d’Ivoire et les préoccupations connexes liées à sa crédibilité.

 

[9]                La Commission n’a pas trouvé crédible que le père du demandeur a pu être perçu comme un étranger par ses concitoyens et persécuté pour cette raison.  Elle a remarqué qu’il était peu vraisemblable que le père du demandeur soit vu comme un étranger car il a pris pour épouse une citoyenne du Ghana alors que lui-même et son épouse ont vécu en Côte d’Ivoire pendant huit ans sans problème. Le père du demandeur s’est remarié avec une femme ivoirienne et la Commission a donc supposé que leur communauté ne les percevraient pas comme des étrangers. La Commission a conclu que puisque les gens de l’endroit n’ont pas fait subir de préjudice au père du demandeur pendant toute sa vie, ils ne l’auraient pas tué à 90 ans.  Le tribunal n’a pas contesté le fait que le père du demandeur soit mort en novembre 2004 mais il a estimé que la cause de sa mort n’était pas crédible.

 

[10]           La Commission a noté que le demandeur n’a pas soumis d’éléments de preuve objectifs pour établir que des personnes qui sont dans une situation semblable à celle de son père étaient maltraitées car perçus comme des étrangers.  La Commission souligne que le demandeur aurait pu obtenir des informations en provenance de Baba, un ami de son père qui réside toujours à Napie, sur le traitement réservé à son père. La Commission présume qu’il était raisonnable que Baba soit au courant de tout traitement discriminatoire subi par le père du demandeur.

 

[11]           Le demandeur a passé quelques jours en Côte d’Ivoire avec son père en 2000. Par contre, son témoignage ne fait état d’aucun problème qu’il aurait pu rencontrer là-bas à part le fait qu’il se sentait visé en tant qu’étranger en raison de sa capacité limitée à s’exprimer dans les principales langues du pays. La Commission a supposé que le retour au Ghana du demandeur avait été un choix personnel motivé par la possibilité d’exercer un contrôle plus important sur la situation.  La Commission a conclu que suite à son retour en Côte d’Ivoire en octobre 2004, le demandeur n’a pas subi de traitement discriminatoire de la part de la communauté qui donnerait à entendre qu’on le percevait comme un étranger.  La preuve a démontré que Baba a aidé le demandeur à ouvrir son atelier d’habillement et que le demandeur possédait une carte professionnelle qui le décrivait comme un tailleur résidant à Napie.

 

[12]           La Commission a noté qu’il était déraisonnable que le demandeur n’ait pas indiqué qui avait tué son père et conséquemment, elle n’a pas admis en preuve cet élément pour absence de crédibilité. La Commission a indiqué que l’incapacité du demandeur à identifier les agents persécuteurs était compatible avec l’absence de rapports documentaires portant sur le fait que les étrangers sont des personnes persécutées en Côte d’Ivoire. La Commission a tiré une conclusion défavorable sur la crédibilité du demandeur parce qu’il a été incapable d’identifier les agents persécuteurs.  De plus, la Commission a conclu à l’absence d’éléments de preuve objectifs appuyant la crainte du demandeur d’être maltraité en tant qu’étranger.

 

[13]           La Commission a également examiné la preuve documentaire concernant le traitement des demandeurs d’asiles retournés.  La Commission a conclu à l’insuffisance d’éléments de preuve crédibles pour appuyer une conclusion selon laquelle le demandeur serait exposé à un risque de préjudice grave s’il était renvoyé en Côte d’Ivoire. La Commission a également conclu à l’insuffisance d’éléments de preuve établissant que le demandeur serait exposé à un risque de torture, à un risque pour sa vie ou à un risque de traitements cruels et inusités advenant son retour en Côte d’Ivoire et a conséquemment décidé qu’il n’était pas une personne à protéger. Puisqu’elle a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger et qu’il pouvait donc être renvoyé dans son pays d’origine, la Commission a jugé inutile d’examiner la crainte du demandeur de retourner au Ghana.

 

Les points en litige

[14]           Les parties ont soumis les points suivants pour examen :

 1.        La Commission a-t-elle appliqué la mauvais norme de preuve dans l’appréciation de la demande du demandeur quant aux motifs prévus à l’article 96 et à l’alinéa 97(1)b) de la Loi?

2.         La Commission a-t-elle omis de prendre en considération les éléments de preuve établissant que les étrangers étaient persécutés en Côte d’Ivoire?

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en tenant compte de considérations non pertinentes?

 

Observations du demandeur

 

[15]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur relativement à la norme de preuve exigée pour apprécier le risque suivant les définitions données à l’article 96 de la LIPR. Le demandeur invoque de plus que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu’il ne serait pas exposé à un risque important d’être persécuté. Le demandeur a cité Krishnapillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 244, au paragraphe 10, qui énonce que le critère approprié pour être reconnu réfugié au sens de la Convention est l’existence d’un risque raisonnable ou de motifs probables que le demandeur sera persécuté (voir également  Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.)).  Le demandeur soutient qu’une erreur dans l’application de ce critère est fatale à la validité de la décision de la Commission (voir Chichmanov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 832 (C.A.) (QL)). Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur de droit en exigeant que sa demande fasse état de motifs sérieux aux termes de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR.

 

[16]           Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en décidant qu’il n’existait aucun élément de preuve qui indique que les étrangers vivant en Côte d’Ivoire étaient exposés à un risque. Le demandeur a fait référence à une preuve documentaire qui révèle que les forces de sécurité, les groupes ethniques de la région et les forces progouvernementales se rendent coupables d’actes de violence contre les immigrants. Il soutient que cet élément de la preuve décrit les problèmes auxquels sont exposés les individus perçus comme non ivoiriens au pays.  Le demandeur souligne également que  le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est prononcé contre le retour des citoyens de la Côte d’Ivoire.

 

[17]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en tenant compte de considérations non pertinentes lorsqu’elle a procédé à l’analyse du dossier du demandeur du point de vue des circonstances particulières à son père. Le demandeur a indiqué qu’il ne parlait pas français et qu’il n’avait vécu que de courtes périodes de temps en Côte d’Ivoire depuis l’âge de sept ans alors que son père avait vécu toute sa vie à Napie.  À la conclusion de la Commission suivant laquelle le demandeur n’avait eu aucun problème en Côte d’Ivoire, celui-ci n’a pu que répondre que son père avait été tué durant le dernier séjour du demandeur.

 

Observations du défendeur

 

[18]           Le défendeur soutient que la Commission a appliqué correctement le fardeau de preuve dans l’appréciation de la demande du demandeur aux termes de l’article 96 de la LIPR. Il a été allégué que le critère, tel que mentionné dans la phrase « serait possiblement exposé à un préjudice grave », oblige uniquement le demandeur à établir qu’il existe un véritable risque qu’il serait victime de persécution s’il devait retourner en Côte d’Ivoire.  Le défendeur reconnaît que la Cour, dans l’arrêt Adjei, précité, a rejeté la phrase «  serait, selon des motifs sérieux » comme un seuil au-delà duquel pourraient naître des ambiguïtés sur la norme de contrôle à appliquer. Le défendeur a cependant fait valoir qu’il n’y avait aucune ambiguïté en l’espèce et que  l’expression « possibilité de préjudice grave » exige que la Commission se prononce à savoir si la possibilité de persécution est tellement forte qu’elle devient une possibilité réelle de persécution selon la définition de réfugié au sens de la Convention. Le défendeur a cité Ponniah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 359 (C.A.), où il a été statué que la norme d’appréciation du risque de persécution applicable aux réfugiés au sens de la Convention exige plus qu’une simple possibilité mais ne devrait pas excéder cinquante pour cent.  Le défendeur plaide que la Commission a appliqué correctement la norme de preuve telle qu’énoncée dans Adjei.

 

[19]           Le défendeur soutient que le demandeur ne peut pas invoquer  Krishnapillai ou Chichmanov afin d’établir qu’une erreur susceptible de contrôle a été commise lors de l’application de la norme de preuve correcte. Dans Krishnapillii, l’agent des visas a exigé du demandeur qu’il démontre qu’il « serait » victime de persécution au Sri Lanka, alors que dans la présente affaire, la Commission a exigé du demandeur qu’il décrive qu’il était exposé à une possibilité sérieuse (ou motifs raisonnables) d’être persécuté. Dans Chichmanov, la Commission a commis une erreur en imposant au demandeur la charge de « convaincre » le tribunal qu’il était exposé à une possibilité raisonnable de persécution alors qu’en l’espèce, la Commission a exigé du demandeur qu’il établisse une possibilité sérieuse (possibilité raisonnable) qu’il pourrait être exposé à la persécution s’il retournait en Côte d’Ivoire.

 

[20]           Le défendeur soutient que dans Adjei, le juge MacGuigan n’a pas dit que le terme « motifs de fond » ne pouvait jamais être utilisé pour l’application de la norme de la probabilité la plus forte. Le défendeur soutient qu’il y a une distinction à faire entre « motifs de fond », utilisé dans Adjei, et « possibilité sérieuse », terminologie utilisée par la Commission dans la présente affaire. Le demandeur fait valoir que l’effet combiné des expressions « sérieux » et « possibilité » indique un examen des probabilités inhérentes à la norme selon la prépondérance de la preuve .  Le demandeur prétend de plus qu’il est bien établi que la norme de preuve requise aux alinéas 97(1)a) et 97(1)b) de la LIPR est celle de la prépondérance de la preuve. Le défendeur soutient que dans la mesure où le seuil de la « possibilité sérieuse » tient compte de la norme de la prépondérance de la preuve, ce critère peut être utilisé dans l’appréciation que commandent ces deux alinéas.

 

[21]           Le défendeur soutient que la Commission n’a pas négligé de tenir compte des éléments de la preuve portant sur les étrangers en Côte d’Ivoire.  À titre subsidiaire, le défendeur prétend que même si la Commission avait négligé de prendre cette preuve en compte, aucune erreur susceptible de contrôle n’aurait été commise.  Le défendeur plaide que l’évaluation du risque auquel étaient exposés les étrangers par la Commission était secondaire par rapport aux conclusions selon lesquelles le père du demandeur n’était pas un étranger.  Il est allégué que la Commission n’aurait pu conclure à la persécution des étrangers uniquement si le demandeur et son père avaient eux‑mêmes été considérés comme des étrangers.  Puisqu’aucune conclusion n’a été tirée à cet égard, le défendeur fait valoir que l’erreur invoquée par le demandeur n’est pas importante. Le défendeur soutient qu’il était loisible à la Commission de conclure qu’il n’existait aucun élément de preuve démontrant la persécution des étrangers.  Il a été plaidé que la preuve documentaire citée par le demandeur qui conteste cette conclusion n’ayant jamais été produite à la Commission, celle-ci n’a pas commis d’erreur en n’en tenant pas compte.  Le défendeur soutient également qu’il n’existe aucun élément de preuve démontrant que les citoyens ivoiriens de naissance étaient perçus comme des étrangers.

 

[22]           Le défendeur fait valoir que la Commission n’a pas commis d’erreur en examinant le risque encouru par le demandeur du point de vue des circonstances particulières à son père. Le demandeur fait remarquer qu’il était exposé à un risque car il était  perçu comme un étranger, tout comme son père. Le défendeur indique que l’exposé circonstancié du FRP du demandeur et les arguments à l’audience indiquent qu’il était dans la même situation que son père.  Conséquemment, le défendeur soumet qu’il était loisible à la Commission d’apprécier la crainte de persécution du demandeur du fait de son appartenance ethnique à la lumière des conclusions selon lesquelles son père n’était pas perçu comme un étranger.

 

 

L’analyse et la  décision

 

La norme de contrôle applicable

[23]                       Les conclusions de la Commission selon laquelle le demandeur ne risquait pas d’être persécuté s’il retournait en Côte d’Ivoire est une conclusion de fait et est par conséquent susceptible d’être révisée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (C.A.), 173 F.T.R. 280, au paragraphe 15.

 

[24]           Question 1

La Commission a-t-elle appliqué la mauvais norme de preuve lors dans l’appréciation de la demande du demandeur quant aux motifs prévus à l’articles 96 et à l’alinéa 97(1)b) de la Loi?

Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur relativement à la norme de preuve exigée pour apprécier le risque suivant les définitions données à l’article 96 de la LIPR en lui imposant la charge d’établir l’existence de motifs sérieux de croire qu’il serait persécuté.  Le défendeur soutient que les commentaires de la Commission rendent compte de la nécessité d’établir l’existence d’un risque réel que le demandeur soit persécuté.

 

[25]           Pour être reconnu réfugié au sens de la Convention, un demandeur doit convaincre la Commission qu’il existe une possibilité raisonnable ou plus qu’une simple possibilité ou qu’il ou elle fera l’objet de poursuites advenant un retour dans son pays d’origine. Diverses expressions de la norme de preuve sont acceptables dans la mesure où les motifs de la Commission, dans leur ensemble, indiquent que le fardeau de preuve imposé au demandeur n'est pas excessif  (voir I.F. c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration), 2005 CF 1472).

 

[26]           Dans la présente affaire, à la page 7 de la décision, le tribunal a appliqué la norme de preuve suivante : 

[TRADUCTION]

. . . Il est impossible pour le tribunal de conclure que le demandeur serait exposé à un grand risque de persécution, compte tenu des conclusions et en l’absence d’éléments de preuve crédibles qui indiqueraient une possibilité de menace si le demandeur devait retourner dans la région où il est né et où il a pour le moins séjourné pour de courtes périodes. Le tribunal n’est pas convaincu qu’il existe des éléments de preuve crédibles ou dignes de foi qui le mèneraient à conclure que s’il retournait en Côte d’Ivoire, le demandeur serait possiblement exposé à un préjudice grave.

 

 

[27]           Dans le paragraphe cité, essentiellement, le tribunal a énoncé deux différentes normes de preuve, à savoir « une possibilité de préjudice grave » et « serait exposé à un grand risque de persécution ».

 

[28]           Par ces motifs, le tribunal a commis une erreur susceptible de révision.  La revue du témoignage du demandeur et de la preuve documentaire indique que l’erreur n’est pas sans  importance.

 

[29]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l’affaire est renvoyée pour un nouvel examen devant un tribunal différemment constitué.

 

[30]           Vu ma conclusion quant à cette question, je n’ai pas à me prononcer sur les autres questions soulevées par le demandeur.

 

[31]           Ni l'une ni l'autre partie n'a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale pour qu'elle soit certifiée.

 

ORDONNANCE

 

[32]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen

 

 

“John A. O’Keefe”

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                  

Dany Brouillette, LL.B.


ANNEXE

 

 

Dispositions pertinentes

 

            Les dispositions pertinentes de la  Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27, sont les suivantes:

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of

Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7440-05

 

INTITULÉ :                                       ABDUL MUMUNI

 

                                                            c.

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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