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Date : 20061124

Dossier : IMM-374-06

Référence : 2006 CF 1409

Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 24 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

MEHMET UGURLU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), concernant la décision rendue par un agent d’immigration, en date du 20 janvier 2006, de rejeter la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) présentée par le demandeur.

 

[2]               Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent d’immigration et de renvoyer l’affaire pour qu’un autre agent l’examine et rende une nouvelle décision.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur, Mehmet Ugurlu, est citoyen de Turquie. Avant de venir au Canada, il a vécu aux États‑Unis durant deux ans, sans toutefois demander l’asile dans ce pays. Il est arrivé au Canada en août 2003 et a demandé l’asile, alléguant être persécuté du fait de son origine ethnique – il est kurde –, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, à savoir les personnes ciblées par la mafia turque. Le 21 octobre 2003, on a jugé que le demandeur s’était désisté de sa demande d’asile étant donné qu’il n’avait pas rempli un Formulaire de renseignements personnels (FRP) dans les délais. L’autorisation relative au contrôle judiciaire de cette décision a été refusée à deux reprises.

 

[4]               Le 16 décembre 2005, le demandeur a rencontré de son plein gré des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Au cours de cette rencontre, on lui a demandé s’il craignait de retourner en Turquie. Le demandeur a répondu qu’il craignait effectivement de retourner dans ce pays, et on a considéré immédiatement qu’il était susceptible de prendre la fuite. Le demandeur a été détenu du 16 décembre 2005 à la fin de janvier 2006. En janvier 2006, il a présenté une demande d’ERAR dans laquelle il prétendait être personnellement exposé à un risque de persécution en Turquie en raison de son origine ethnique, de ses prétendues opinions politiques, de son statut de demandeur d’asile et du fait qu’il était la cible de la mafia. Il soutenait que sa détention l’avait empêché d’obtenir des documents à l’appui de sa demande.

 

[5]               La demande d’ERAR a été rejetée le 20 janvier 2006 au motif que la protection de l’État pouvait être obtenue en Turquie et que le demandeur ne risquait donc pas d’être persécuté  s’il était expulsé. On a également déterminé qu’il ne risquait pas d’être tué ou torturé ou de faire l’objet de peines cruelles et inusitées s’il retournait en Turquie. Le demandeur a reçu cette décision le 23 janvier 2006. Le 24 janvier 2006, il a appris qu’il serait expulsé le lendemain matin. Le demandeur a présenté une requête d’urgence afin que son renvoi soit reporté, et un sursis temporaire a été accordé. Le 30 janvier 2006, la Cour a ordonné qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur relativement à la décision concernant l’ERAR. C’est cette décision concernant l’ERAR qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

Les motifs de la décision

 

[6]               L’agent a d’abord souligné que le demandeur est d’origine kurde et qu’il a probablement été victime d’une grande discrimination lorsqu’il était enfant. Il a toutefois conclu que la preuve ne démontrait pas que les Kurdes sont actuellement persécutés en Turquie. De plus, la preuve n’indiquait pas que le demandeur était considéré comme une personne hostile à l’État.

 

[7]               L’agent a ensuite conclu que les prétentions du demandeur voulant que les demandeurs d’asile soient placés en détention à leur retour en Turquie n’étaient pas étayées par des sources d’information sur les droits de la personne d’une qualité suffisante. L’agent a souligné que la détention des demandeurs d’asile était un problème dans les années 1980, mais que le demandeur serait maintenant considéré comme un migrant économique par les autorités turques. Au sujet des prétentions du demandeur concernant le risque de torture auquel il serait exposé s’il retournait en Turquie, l’agent a fait remarquer qu’elles reposaient sur des sources datant des années 1997 à 2002. Ces sources indiquaient que la torture était courante en Turquie pendant cette période. Selon l’agent cependant, la situation a changé en Turquie par suite de la fin de la guerre civile et du désir du pays de faire partie de l’Union européenne.

 

[8]               L’agent a ensuite examiné la prétention du demandeur concernant la persécution exercée contre lui par la mafia turque. Le demandeur a commencé à avoir des problèmes avec la mafia en 1999, lorsque son père a emprunté 150 millions de livres turques et a été incapable de les rembourser. Le demandeur a remis un chèque de deux milliards de livres turques aux membres de la mafia embauchés pour recouvrer l’argent. Un taux d’intérêt de dix pour cent par jour a été appliqué au montant original de la dette. Selon l’agent, la dette équivalait à 150 $CAN, et le montant payé pour la rembourser, à 2 000 $CAN. Le demandeur a affirmé qu’il avait communiqué avec la police et que la mafia avait soudoyé les policiers. Il aurait alors été torturé et détenu pendant trois jours par des policiers qui ont fait des allusions à son origine kurde.

 

[9]               Le demandeur a quitté la Turquie à la suite de cet incident et a vécu aux États‑Unis durant deux ans. Il a déclaré que la mafia turque lui avait téléphoné pendant qu’il vivait dans ce pays pour lui faire savoir qu’elle tuerait sa famille s’il ne lui donnait pas plus d’argent. Il serait alors venu au Canada parce qu’il ne pouvait plus demander l’asile aux États‑Unis. Le demandeur affirmait qu’il avait été accusé de ne pas avoir remboursé sa dette et qu’il était recherché par la police turque. L’agent a mentionné avoir pris en considération un document qui indiquait que le demandeur était recherché par la police, ainsi que d’autres documents à l’appui concernant cette question.

 

[10]           L’agent a indiqué que la principale question à trancher était de savoir si l’État turc était tellement miné par la criminalité qu’il ne pouvait pas offrir une protection efficace. Il a passé en revue la preuve du demandeur et a reconnu que la situation qui existait en Turquie au milieu des années 1990 était caractérisée par la corruption du gouvernement et qu’il était probablement impossible d’obtenir une protection efficace de l’État contre la mafia à l’époque. Il était toutefois d’avis que la situation avait changé depuis. Ses recherches révélaient que le crime organisé et la corruption au sein de l’administration publique existaient toujours en Turquie, mais que les criminels n’agissaient plus en toute impunité et ne contrôlaient plus l’État. L’agent a ajouté foi au témoignage du demandeur selon lequel des individus lui avaient extorqué de l’argent et avaient soudoyé la police, mais a conclu que la preuve ne démontrait pas qu’il n’était plus possible d’obtenir une protection efficace de l’État. En fait, il ressortait de la preuve qu’une protection efficace de l’État pouvait être obtenue actuellement en Turquie. L’agent a souligné que la Turquie est un État démocratique qui avait fait des progrès importants dans le domaine des droits de la personne et qui avait réformé ses services de sécurité.

 

[11]           L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas démontré que la Turquie ne pouvait pas le protéger et, en conséquence, qu’il n’était pas visé par la définition de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger contenues aux articles 96 et 97 de la LIPR. Il a affirmé qu’il n’y avait pas une possibilité raisonnable ou sérieuse que le demandeur soit persécuté en Turquie ou qu’il risque d’être tué, d’être torturé ou de faire l’objet d’une peine cruelle ou inusitée.

 

Les questions en litige

 

[12]           Le demandeur a soumis les questions suivantes à la Cour :

1.         L’agent a-t-il commis une erreur de droit en n’accordant aucune valeur à la preuve documentaire qui étayait la demande d’asile tout en ne faisant pas explicitement référence aux documents produits en preuve qui la discréditaient?

            2.         L’agent a-t-il commis une erreur de droit en omettant de prendre en considération des éléments de preuve pertinents qui étayaient la demande d’asile et contredisaient sa décision?

 

Les prétentions du demandeur

 

[13]           Le demandeur prétendait que l’agent avait l’obligation de citer des éléments de preuve à jour après avoir écarté les documents qu’il avait produits en preuve (voir Tekie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 27). Selon lui, l’agent a tiré plusieurs conclusions manifestement déraisonnables en ne tenant pas compte de la preuve documentaire qu’il avait produite ou en n’y accordant que peu de valeur, sans cependant faire référence aux éléments de preuve contradictoires sur lesquels il appuyait son opinion (voir Miral c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 254 (QL)). Plus particulièrement :

1.         l’agent a admis des documents démontrant que des actes de torture étaient souvent commis dans les prisons, mais rien ne lui permettait pas de conclure que la situation avait changé en Turquie. De plus, il n’a pas tenu compte de la preuve démontrant que les prisonniers kurdes étaient traités plus durement;

 

2.         l’agent a discrédité la preuve documentaire concernant le traitement réservé aux personnes qui retournent en Turquie après avoir demandé l’asile dans un autre pays, sans cependant faire référence à des éléments de preuve contradictoires;

 

            3.         l’agent a reconnu que le demandeur avait été pris à partie par la mafia, mais il a tiré une conclusion sans fondement qui contredisait directement la preuve documentaire lorsqu’il a dit que la corruption au sein de l’administration publique et le crime organisé existent mais ne dominent pas l’État;

 

4.         des documents officiels attestaient que le demandeur avait été battu et hospitalisé, qu’il avait porté plainte contre la police, qu’il était recherché par la police et qu’il serait détenu s’il retournait en Turquie. Ces documents contredisaient la conclusion de l’agent, et ce dernier n’a pas expliqué pourquoi il ne leur accordait aucune valeur;

 

            5.         la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur devait demander aux personnes mêmes qu’il craint (les policiers) de le protéger montre qu’il n’a pas bien compris la demande d’asile. Le demandeur prétendait que l’agent devait expliquer pourquoi les documents établissant sa crainte de la police n’étaient pas crédibles ou pourquoi il avait préféré la preuve contraire. L’agent ne semble pas avoir du tout tenu compte de la preuve produite concernant la crainte que la police inspirait au demandeur (voir Madelat c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 179 N.R. 94 (C.A.F.)).

 

[14]           Le demandeur soutenait que l’agent avait commis une erreur en convertissant en dollars canadiens le montant de la dette et du chèque remis à la mafia. En fait, le montant de la dette était de 546,65 $ et celui du chèque, de 7 288,74 $. Selon le demandeur, l’agent a agi de manière négligente en s’appuyant sur de faux renseignements pour rejeter sa demande d’asile et n’aurait peut‑être pas rendu la même décision s’il avait utilisé les bons chiffres.

 

[15]           Le demandeur a mentionné qu’il était en détention lorsque l’ERAR a été effectué et qu’il n’a pas eu la possibilité de récupérer des documents étayant sa demande. Selon lui, l’agent aurait dû, dans l’intérêt de la justice, s’enquérir de cette information et laisser au demandeur du temps pour se la procurer.

 

[16]           Le demandeur prétendait qu’il n’avait pas eu la possibilité de présenter ses demandes d’asile et d’ERAR et que l’agent avait fermé les yeux sur ce fait. Il prétendait également que l’agent aurait dû exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l’alinéa 113b) de la LIPR et tenir une audience. L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), énumère les facteurs qui servent à décider si la tenue d’une audience est requise. Le demandeur soutenait qu’une audience aurait dû avoir lieu si l’agent avait des doutes au sujet de la preuve produite pour démontrer la légitimité de sa crainte. Selon le demandeur, l’agent a commis une erreur de droit manifestement déraisonnable en ne tenant pas compte de cette preuve.

 

[17]           Le demandeur prétendait qu’il serait contraire aux principes d’équité et de justice fondamentale si un agent pouvait tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité d’un demandeur sans qu’il y ait d’audience (voir Kaberuka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 C.F. 252). Il soutenait également que l’agent avait tiré implicitement une conclusion défavorable concernant sa crédibilité.

 

Les prétentions du défendeur

 

[18]           Le défendeur prétendait que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par l’agent relativement à l’ERAR est celle de la décision manifestement déraisonnable. Il faisait valoir que la Cour ne devait pas soupeser de nouveau la preuve qui avait été présentée à l’agent, car elle doit observer une grande retenue à l’égard des conclusions tirées par un agent au sujet de la situation existant dans un pays. Selon lui, le demandeur n’a pas démontré que l’examen du risque auquel il serait exposé qui a été effectué par l’agent ou les conclusions tirées par ce dernier sur la question de la protection de l’État étaient manifestement déraisonnables (voir Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, au paragraphe 19).

 

[19]           Le défendeur affirmait que, lorsqu’un agent examine une demande d’ERAR, sa principale tâche est de soupeser la preuve. Il faisait valoir que l’agent avait passé en revue tous les éléments de preuve présentés par le demandeur et avait expliqué en détail pourquoi il ne leur attribuait pas une grande valeur. Selon le défendeur, la décision ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle et, par ses arguments, le demandeur conteste de manière générale la façon dont l’agent a soupesé la preuve (voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3).

 

[20]           Le défendeur soutenait que l’allégation selon laquelle l’agent n’avait pas fait référence à des éléments de preuve pertinents n’était pas fondée. Il rappelait que l’agent avait résumé les documents et donné des motifs précis pour expliquer pourquoi il leur accordait peu de valeur. Par exemple, l’agent a conclu : (1) que certains documents n’étaient pas étayées par des sources de bonne qualité en matière de droits de la personne, (2) que le demandeur serait considéré comme un migrant économique par les autorités turques et (3) que la preuve relative à la situation en Albanie et au droit des médias n’était pas pertinente.

 

[21]           Le défendeur faisait valoir que l’agent avait effectué ses propres recherches et avait constaté que les organisations criminelles n’agissaient plus avec impunité et ne contrôlaient plus l’État turc. Il soutenait que rien n’indiquait que l’agent n’avait pas tenu compte de toute la preuve. Selon lui, il est bien établi en droit qu’un agent est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir tenu compte de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. L’appréciation de la preuve et le poids à y accorder sont des questions qui relèvent du pouvoir discrétionnaire et de l’expertise de l’agent (voir Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Selon le défendeur, le demandeur n’a pas démontré que l’agent avait refusé de tenir compte de certains éléments de preuve, n’avait pas porté attention à certains éléments de preuve ou avait tiré une conclusion erronée relativement à la preuve.

 

[22]           Le défendeur soutenait que le demandeur avait eu d’autres possibilités que la demande d’ERAR pour demander l’asile au Canada. On avait jugé que le demandeur s’était désisté de sa demande d’asile en octobre 2003, et l’autorisation relative au contrôle judiciaire de cette décision avait été refusée à deux reprises. Le défendeur faisait valoir que le demandeur avait eu amplement la possibilité de présenter sa demande (voir El Jarjouhi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 466 (QL)). Selon le défendeur, il appartenait au demandeur de démontrer le bien‑fondé de sa demande et il ne fallait pas tenir compte de sa déclaration selon laquelle sa détention l’avait empêché de retrouver des éléments de preuve, car ses prétentions concernant l’ERAR avaient été préparées avec l’aide d’un avocat et que rien n’empêchait ce dernier de recueillir et de présenter de nouveaux éléments de preuve pour le compte de son client.

 

[23]           Le défendeur soutenait que l’agent n’avait pas l’obligation de tenir une audience en vertu de l’alinéa 113b) de la LIPR étant donné qu’il n’avait tiré aucune conclusion relative à la crédibilité, que ce soit implicitement ou autrement.

 

Analyse

La norme de contrôle

 

[24]           C’est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui s’applique à la décision, examinée dans sa totalité, que rend un agent d’immigration relativement à une demande d’ERAR, mais c’est celle de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique aux conclusions de fait.

 

[25]           Je traiterai d’abord de la question no 2.

 

[26]           Question no 2

L’agent a-t-il commis une erreur de droit en omettant de prendre en considération des éléments de preuve pertinents qui étayaient la demande d’asile et contredisaient sa décision?

Bien que l’agent ait abordé la question de la protection que l’État pouvait offrir contre la mafia, j’estime qu’il est problématique qu’il n’ait pas tenu compte de la prétention du demandeur selon laquelle il craignait d’être persécuté par des policiers, qui sont des agents de l’État. Le demandeur a produit une preuve démontrant que la police l’avait torturé et avait lancé un mandat d’arrêt contre lui. En fait, le demandeur craint l’État qui, d’après l’agent, pourrait le protéger. Le demandeur a expliqué sa crainte de la police dans le passage suivant de l’exposé circonstancié contenu dans son FRP :

[traduction] Malheureusement, mon père a fait faillite et il n’a pas été en mesure de respecter le certificat. La compagnie à qui l’argent était dû a demandé à la mafia de se lancer à la poursuite de mon père. Pour le protéger, j’ai remis un chèque de deux milliards de livres à la mafia. Ces gens exigeaient aussi des intérêts de dix pour cent par jour.

 

Le même jour, un voisin s’est rendu au poste de police pour faire une dénonciation. Treize membres de la mafia ont été capturés et j’ai participé à une séance d’identification. Je les ai reconnus. Deux membres de mon personnel les ont reconnus aussi.

 

Ces membres de la mafia ont toutefois soudoyé le chef de police. La police a accepté le pot‑de‑vin devant moi. L’argent a été versé pour qu’on me torture. J’ai été détenu durant trois jours et deux nuits. Les policiers ont fait référence à mon origine kurde pendant qu’ils me torturaient. Ils m’ont averti de ne pas porter plainte contre eux. On m’a demandé de signer un document et on m’a dit de ne pas consulter de médecin.

 

J’ai écrit une lettre au ministre de la Justice et au président de la Turquie dans laquelle je relatais les actes commis à mon endroit par la police et la mafia. Depuis ce temps, la police était à ma recherche; la mafia me recherchait également et me demandait de lui donner de l’argent.

 

(Non souligné dans l’original)

 

(Dossier du tribunal, à la page 40)

 

[27]           Le demandeur a aussi remis à l’agent des documents démontrant que, après avoir été battu par les policiers, il avait porté plainte contre eux et consulté un médecin. L’agent a résumé dans les termes suivants la prétention du demandeur concernant ces incidents :

[traduction] Le même jour, un voisin s’est rendu au poste de police pour dénoncer les criminels, qu’il pourrait identifier, à l’instar de M. Ugurlu et de deux de ses employés. La police a organisé une séance d’identification à laquelle 13 des 15 hommes qui s’étaient rendus chez lui ont participé, et le demandeur et ses employés ont pu les identifier. Les criminels ont cependant versé un pot‑de‑vin à la police devant lui, et M. Ugurlu a été détenu durant trois jours et deux nuits, pendant lesquels les policiers l’ont torturé, tout en faisant des allusions à son origine kurde.

 

 

[28]           L’agent a motivé comme suit sa décision de rejeter la crainte de torture du demandeur :

[traduction]

Preuve relative à la torture :

 

REMARQUE : Cette partie de la lettre dans laquelle l’avocat expose ses prétentions est rédigée sous forme d’essai assorti de notes de bas de page. Les documents à l’appui sont joints à la lettre. Je constate cependant que la lettre a été écrite en janvier 2006, mais que les sources utilisées datent de 1998, de 2000 et de 2002. La situation qui existe actuellement en Turquie est très différente, non seulement sur les plans politique et juridique, mais aussi en matière d’application de la loi, probablement à cause de la fin de la guerre civile et du désir de la Turquie de devenir membre du Marché unique de l’U.E.

 

La preuve concernant la torture exercée pendant la période pertinente, de 1997 à 2002, démontrait que les actes de torture étaient très fréquents, que les victimes portaient rarement plainte et que des poursuites étaient intentées seulement dans une petite partie des cas dénoncés.

 

 

[29]           L’agent a analysé de la manière suivante la question de la protection de l’État :

 

[traduction]

Mes propres recherches ont révélé que les criminels de haut niveau ne jouissaient pas de l’impunité, que la guerre dans le sud‑est du pays avait cessé et que les « idéalistes » des Loups gris étaient maintenant considérés comme une menace. Le crime organisé et la corruption au sein de l’administration publique existent manifestement toujours, mais il n’y a plus d’impunité et l’État n’est plus dominé ou menacé. Même Alaattin Cakici a été capturé et emprisonné.

 

Par conséquent, même si je conviens que M. Ugurlu a peut‑être bien été victime d’extorsion par des personnes qui pourraient avoir soudoyé la police locale et qui l’ont fait effectivement, la preuve n’indique pas que l’État n’aurait pas pu le protéger efficacement à l’époque, et des éléments de preuve révèlent qu’il pourrait maintenant obtenir la protection de l’État. Malgré tous ses défauts, la Turquie demeure un État démocratique qui a fait d’immenses progrès en matière de réforme des droits de la personne et de ses services de sécurité.

                       

(Non souligné dans l’original)

 

(Dossier du tribunal, aux pages 26 et 27)

 

 

[30]           Les recherches effectuées par l’agent sur la question de la protection de l’État portent principalement sur le fait que des criminels de haut niveau ont été emprisonnés en Turquie, et non sur la crainte du demandeur d’être persécuté par l’État lui‑même.

 

[31]           L’agent a reproduit le passage suivant du rapport de 2004 du Département d’État américain sur les pratiques de la Turquie en matière de droits de la personne lorsqu’il a décrit ses recherches, sans toutefois s’y référer dans ses motifs (dossier du tribunal, à la page 20) :

[traduction]

C. Torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants

 

La Constitution interdit ces pratiques; cependant, des membres des forces de sécurité ont continué de torturer, de battre et de maltraiter des personnes régulièrement, en particulier dans le sud‑est. Les forces de sécurité ont torturé le plus souvent des tenants de la gauche et des activistes des droits des Kurdes.

 

Selon la FDP (Fondation des droits de la personne), 918 cas crédibles de torture et de mauvais traitements ont été signalés à ses cinq centres de traitement nationaux au cours de l’année. Selon les défenseurs des droits de la personne, des centaines de détenus ont été torturés pendant l’année dans le sud‑est, où le problème était particulièrement grave, mais la torture et les mauvais traitements ont été signalés par une petite proportion seulement des détenus parce que ces derniers craignaient d’être victimes de représailles ou croyaient qu’il était inutile de porter plainte.

 

Au cours de l’année, de hauts responsables de la FDP et de l’ADP ont déclaré qu’il n’y avait pas eu de changement significatif dans la fréquence de la torture par rapport aux années précédentes. Des responsables d’un certain nombre de bureaux locaux de l’ADP, y compris dans le sud‑est, ont toutefois affirmé avoir constaté que la pratique était moins fréquente. Un certain nombre d’avocats du sud‑est et d’autres régions ont aussi mentionné que la torture et les mauvais traitements étaient devenus beaucoup moins fréquents. Des observateurs ont indiqué que les policiers faisaient montre d’une plus grande retenue dans leur traitement des détenus et des manifestants au cours de l’année en raison des réformes juridiques et des directives du gouvernement.

           

[32]           Le juge Evans a déclaré ce qui suit au sujet de la prise en considération de la preuve contradictoire par les organismes administratifs dans Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (1re inst.), aux paragraphes 16 et 17 :

Par ailleurs, les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal (Medina c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C.A.F.)), et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve (voir, par exemple, Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l’organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l’ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l’organisme a analysé l’ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

 

Toutefois, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

 

 

[33]           Je ne suis pas convaincu que l’agent a tenu compte de la preuve contradictoire importante présentée par le demandeur qui démontrait qu’il avait été torturé par la police et craignait de retourner en Turquie pour cette raison. L’agent n’a pas tenu compte non plus des autres documents produits par le demandeur (voir le paragraphe 43 du mémoire des arguments du demandeur). De plus, il n’a pas parlé, dans ses motifs, du rapport de 2004 du Département d’État américain sur les pratiques de la Turquie en matière de droits de la personne. Dans Cepeda‑Gutierrez, le juge Evans a mentionné qu’une preuve de ce genre doit être examinée par la Commission. Cette preuve était pertinente au regard de la crainte de persécution du demandeur et de la possibilité d’obtenir la protection de l’État. L’agent a considéré que [traduction]« la preuve n’indique pas que l’État n’aurait pas pu le protéger efficacement à l’époque, et [que] des éléments de preuve révèlent qu’il pourrait maintenant obtenir la protection de l’État ». Cette déclaration n’apporte pas une réponse adéquate à la prétention du demandeur selon laquelle il avait été torturé par la police et craignait de retourner en Turquie pour cette raison.

 

[34]           Je suis d’avis que l’agent a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » parce que la preuve dont il n’a pas tenu compte était importante pour la demande du demandeur. L’agent a commis une erreur manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, et l’affaire renvoyée à un autre agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

[35]           Vu ma conclusion concernant la question no 2, il n’est pas nécessaire que j’examine l’autre question.

 

[36]           Aucune partie n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale à des fins de certification.

 

JUGEMENT

 

[37]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.


ANNEXE

 

 

Les disposition législatives pertinentes

 

 

            Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, sont pertinentes :

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article  1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

 

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

c) si elle n’a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n’a pas expiré;

 

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

 

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d’asile ou de protection, soit à un prononcé d’irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d’asile.

 

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.

 

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

 

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

 

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

 

114. (1) A decision to allow the application for protection has

 

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

 

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

 

(2) Le ministre peut révoquer le sursis s’il estime, après examen, sur la base de l’alinéa 113d) et conformément aux règlements, des motifs qui l’ont justifié, que les circonstances l’ayant amené ont changé.

 

(2) If the Minister is of the opinion that the circumstances surrounding a stay of the enforcement of a removal order have changed, the Minister may re-examine, in accordance with paragraph 113(d) and the regulations, the grounds on which the application was allowed and may cancel the stay.

 

(3) Le ministre peut annuler la décision ayant accordé la demande de protection s’il estime qu’elle découle de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

(3) If the Minister is of the opinion that a decision to allow an application for protection was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts on a relevant matter, the Minister may vacate the decision.

 

(4) La décision portant annulation emporte nullité de la décision initiale et la demande de protection est réputée avoir été rejetée.

 

 

 

 

 

(4) If a decision is vacated under subsection (3), it is nullified and the application for protection is deemed to have been rejected.

 

 

 

           


Les dispositions pertinentes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, prévoient :

167.  Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

167.  For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-374-06

 

INTITULÉ :                                                       MEHMET UGURLU

                                                                            c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 31 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 24 NOVEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alex Billingsley                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alex Billingsley                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

 

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