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Date : 20061208

Dossier : T-1261-01

Référence : 2006 CF 1469

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

DELVIN STEWART POTSKIN,

KEVIN ALBERT LAWRENCE POTSKIN

et ROCHELLE MARIE POTSKIN

 

demandeurs

(défendeurs)

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

défenderesse

(demanderesse)

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une requête en jugement sommaire présentée par la défenderesse dans l'action, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (la demanderesse), conformément au paragraphe 213(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

 

LES FAITS PERTINENTS

[2]               Delvin Stewart Potskin, Kevin Albert Lawrence Potskin et Rochelle Marie Potskin (les défendeurs et demandeurs dans l'action principale) sont nés respectivement les 7 février 1979, 27 mars 1980 et 14 avril 1981. Lorsqu'ils sont nés, leur mère, Harriet Eliza May Morin (née Potskin) (Mme Potskin) n'était pas mariée. Ils étaient tous membres de la bande de Sawridge.

 

[3]               Le père des trois défendeurs était Neil Morin, membre de la bande d'Enoch. Le 27 novembre 1981, Hariet Potskin a épousé Neil Morin. Par suite de ce mariage, Mme  Potskin a cessé d'appartenir à la bande de Sawridge et elle est devenue membre de la bande d'Enoch. Conformément au paragraphe 16(3) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6 (la Loi), Mme Potskin a reçu la différence entre la valeur de sa part per capita des fonds de capital et de revenu de la bande de Sawridge et celle de sa part per capita des fonds de capital et de revenu de la bande d'Enoch.

 

[4]               Le 29 mars 1983, le registraire a reçu une lettre de l'avocat de la bande de Sawridge lui demandant d'inscrire les défendeurs sur la liste de la bande d'Enoch. Le transfert était fondé sur des déclarations solennelles signées par Harriet Potskin et par Neil Morin le 15 avril 1982, dans lesquelles il était déclaré que Neil Morin était le père naturel des défendeurs. Par conséquent, le 27 avril 1983, le registraire a informé par lettre le Conseil indien régional de Petit lac des Esclaves, dont la bande de Sawridge est membre, que les défendeurs seraient inscrits sur la liste de la bande d'Enoch. Aucune opposition n'a été déposée au sujet du transfert.

 

[5]               Lors de l'interrogatoire préalable, Mme Potskin a déclaré que le chef de la bande de Sawridge, Walter Twinn, et l'avocat de la bande de Sawridge, Dave Fennell, lui avaient assuré à maintes reprises que la part per capita de ses enfants des fonds de capital et de revenu de la bande de Sawridge serait détenue en fiducie par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le ministère) tant que ceux‑ci n'auraient pas atteint l'âge de la majorité. Mme Potskin allègue également pour la première fois dans son affidavit avoir reçu le même avis du ministère, mais elle ne se rappelle pas qui lui a donné cet avis; toutefois, elle déclare clairement que M. Twinn et M. Fennell lui ont tous deux à maintes reprises donné cet avis.

 

[6]               Néanmoins, en 1993 et en 1994, le ministère a informé Mme Potskin que ses enfants n'avaient pas le droit de recevoir une part per capita des fonds de capital et de revenu de la bande de Sawridge.

 

[7]               Le dernier des défendeurs a eu 18 ans le 14 avril 1999, et l'action a été intentée le 10 juillet 2001.

 

LES POINTS LITIGIEUX

[8]               Dans cette demande, il s'agit essentiellement de savoir s'il a été satisfait au critère applicable aux jugements sommaires. Plus précisément, la Cour doit examiner les questions suivantes que la demanderesse a soulevées :

a)                  La demanderesse a-t-elle envers les demandeurs une obligation fiduciaire ou une obligation issue d'un traité?

b)                  Le ministère a‑t‑il omis d'appliquer les dispositions légales pertinentes lorsqu’il a déterminé si les défendeurs avaient droit à une part per capita des fonds de capital et de revenu de la bande de Sawridge?

c)                  La demande des défendeurs est‑elle prescrite, compte tenu du délai de prescription applicable?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

[9]               Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑16 :

 

15. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un Indien qui devient émancipé ou qui, d’autre manière, cesse d’être membre d’une bande a droit de recevoir de Sa Majesté

15. (1) Subject to subsection (2), an Indian who becomes enfranchised or who otherwise ceases to be a member of a band is entitled to receive from Her Majesty

a) une part per capita des fond de capital et de revenu détenus par Sa Majesté au nom de la bande, et

(a) one per capita share of the capital and revenue moneys held by Her Majesty on behalf of the band, and

b) un montant égal à la somme que, de l’avis du Ministre, il aurait reçue durant les vingt années suivantes aux termes de tout traité alors en vigueur entre la bande et Sa Majesté s’il était demeuré membre de la bande.

 

(b) an amount equal to the amount that in the opinion of the Minister he would have received during the next succeeding twenty years under any treaty then in existence between the band and Her Majesty if he had continued to be a member of the band.

 

[…]

 

[…]

 

(3) Lorsqu’en vertu du présent article, des deniers sont payables à une personne de moins de vingt et un ans, le Ministre peut

(3) Where by virtue of this section money are payable to a person who is under the age of twenty-one, the Minister may

a) payer les deniers au père, ou à la mère, au tuteur ou à l’autre personne ayant la garde de cette personne, ou au curateur public ou administrateur public ou autre semblable fonctionnaire de la province ou réside ladite personne, ou

(a) pay the moneys to the parent, guardian or other person having the custody of that person or to the public trustee, public administrator or other like official for the province in which that person resides, or

b) faire suspendre le paiement des deniers jusqu’à ce que la personne ait atteint l’âge de vingt et un an.

 

(b) cause payment of the money to be withheld until that person reaches the age of twenty-one.

 

16. (1) L’article 15 ne s’applique pas à une personne qui cesse d’appartenir à une bande du fait qu’elle devient membre d’une autre bande, mais, sous réserve du paragraphe (3), le montant auquel cette personne aurait eu droit en vertu de l’article 15, sans le présent article, doit être transféré au crédit de la bande en dernier lieu mentionné.

 

16. (1) Section 15 does not apply to a person who ceases to be a member of one band by reason of his becoming a member of another band, but, subject to subsection (3), there shall be transferred to the credit of the latter band the amount to which that person would, but for this section, have been entitled under section 15.

 

[…]

 

[…]

 

(3) Lorsqu’une femme qui fait partie d’une bande devient membre d’une autre bande du fait de son mariage et que la part per capita des fonds de capital et de revenu détenus par Sa Majesté au nom de la bande en premier lieu mentionné, est plus élevée que la part per capita des fonds ainsi détenus pour la bande en deuxième lieu mentionnée, il doit être transféré au crédit de la bande en deuxième lieu mentionné un montant égal à la part per capita détenue pour cette bande, et le solde des deniers auxquels cette femme aurait eu droit aux termes de l’article 15, sans le présent article, doit lui être versé de la manière et aux époques que le Ministre détermine.

(3) Where a woman who is a member of one band becomes a member of another band by reason of marriage, and the per capita share of the capital and revenue moneys held by Her Majesty on behalf of the first-mentioned band is greater than the per capita share of such moneys so held for the second-mentioned band, there shall be transferred to the credit of the second-mentioned band an amount equal to the per capita share held for that band, and the remainder of the money to which the woman would, but for this section, have been entitled under section 15 shall be paid to her in such manner and at such times as the Minister may determine.

 

 

LE CRITÈRE APPLICABLE AUX JUGEMENTS SOMMAIRES

[10]           Le critère permettant d'établir si tous les éléments sont présents pour qu'un jugement sommaire puisse être accordé a été énoncé dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Line Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), paragraphe 8. Les sept principes généraux sont les suivants :

1. ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.);

2. il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3. chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso);

4. les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso et Collie);

5. saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick);

6. le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears);

7. lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit "se pencher de près" sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes).

 

[Notes de bas de page omises.]

 

[11]           L'article 215 des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

215. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse.

215. A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

 

 

[12]           De plus, dans la décision Paszkowski c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 248, 2006 CF 198, paragraphe 38, le juge Richard Mosley a statué ce qui suit :

Les parties qui sont visées par une requête en jugement sommaire ne sont pas tenues de prouver tous les faits de leur cause. Elles doivent plutôt démontrer qu’il existe une véritable question litigieuse. Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui dépose la requête, mais toutes les parties doivent présenter leur cause sous son meilleur jour : Succession MacNeil c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) (2004), 316 N.R. 349, 2004 CAF 50.

 

[13]           Pour les motifs ci‑après énoncés, j'estime qu'il n'a pas été satisfait au critère applicable aux jugements sommaires et que l'affaire doit faire l'objet d'une instruction.

 

ANALYSE

a) La demanderesse avait‑elle envers les demandeurs une obligation fiduciaire ou une obligation issue d'un traité?

[14]           En ce qui concerne l'obligation fiduciaire de la demanderesse, Sa Majesté la Reine, la demanderesse reconnaît l'existence d'une relation fiduciaire sui generis avec les peuples autochtones, laquelle peut dans certains contextes donner lieu à des obligations fiduciaires précises. Ceci dit, dans ce cas particulier, la demanderesse maintient que la Couronne, par l'entremise de son représentant, le registraire, n'a aucune obligation fiduciaire en ce qui concerne les droits des défendeurs; de plus, aucun élément de preuve n'a été présenté à l'appui de l'assertion selon laquelle il existe une obligation issue d'un traité. Toute obligation de verser de l'argent aux défendeurs découlerait uniquement d'une disposition de la Loi.

 

[15]           De leur côté, les défendeurs font valoir, et je suis d'accord avec eux, que le registraire est souvent considéré comme le gardien de la Loi sur les Indiens. Le registraire décide si une personne a le droit d'être inscrite à titre d'Indien ou de membre d'une bande particulière, ce qui est une condition préalable pour avoir droit à l'argent des Indiens. De plus, selon l'article 61 de la Loi, l'argent des Indiens ne peut être dépensé qu'au bénéfice des Indiens ou des bandes à l'usage et au profit desquels il est détenu, et c'est le gouverneur en conseil qui peut décider si les fins auxquelles l'argent des Indiens est employé est à l'usage et au profit de la bande.

 

[16]           À mon avis, la portée de l'obligation fiduciaire existant envers les bandes indiennes, en particulier dans ce cas‑ci, n'est pas aussi restreinte que l'affirme l'avocat de la Couronne. Cela étant, cette question particulière demeure une question sérieuse devant être tranchée dans le cadre d'une instruction.

 

b) Le ministère a‑t‑il omis d'appliquer la disposition légale pertinente lorsqu’il a déterminé si les défendeurs avaient droit à une part per capita des fonds de capital et de revenu de la bande de Sawridge?

 

[17]           Les défendeurs se fondent sur l'article 15 de la Loi pour alléguer qu'en atteignant l'âge de la majorité ils avaient le droit de recevoir une part per capita des fonds de capital et de revenu détenus par la bande de Sawridge.

 

[18]           Lorsque Mme Potskin a épousé M. Morin, elle devait passer de la bande de Sawridge à la bande d'Enoch, conformément au règlement en vigueur. Les deux bandes, à savoir la bande de Sawridge et la bande d'Enoch, ont décidé de demander à Mme Potskin et à M. Morin de faire savoir si les enfants désignés comme étant Delvin Stewart Potskin, Kevin Albert Lawrence Potskin et Rochelle Marie Potskin étaient leurs enfants. Mme Potskin a décidé de laisser les deux bandes examiner le statut des trois enfants, et ces dernières ont décidé de transférer les enfants de la bande de Sawridge à la bande d'Enoch.

 

[19]           On ne sait pas trop sur quelle base ce transfert a été effectué, ni la mesure dans laquelle la famille a participé au processus et si elle était au courant des conséquences de la décision des bandes. Il semble également que les intérêts particuliers des enfants n'aient pas été défendus d'une façon indépendante à ce moment‑là.

 

[20]           La Cour a obtenu un affidavit de Mme Potskin, ainsi que la transcription d'un interrogatoire préalable, dans lesquels il est allégué que Mme Potskin a consenti au transfert uniquement après qu'on lui eut assuré que les intérêts des enfants seraient protégés, qu'ils ne renonceraient pas à leur part per capita de la bande de Sawridge et qu'ils auraient accès à leurs parts lorsqu'ils deviendraient majeurs.

 

[21]           On a également soumis une preuve au sujet de la soeur de Mme Potskin, Judy Potskin, qui s'est trouvée dans une situation similaire à l'égard du transfert de ses enfants sur preuve de légitimation, et qui a été informée par le registraire, en 1984, qu'en pareil cas une partie appropriée de la part per capita de la bande de Sawridge serait transférable à la bande dont les enfants devenaient membres. Les défendeurs soutiennent que, compte tenu de la position prise par le registraire au début de l'année 1984, Mme  Potskin aurait probablement obtenu les mêmes renseignements du ministère.

 

[22]           La position prise par la demanderesse sur ce point est que l'article 16 s'applique aux faits de l'espèce et que, cela étant, il n'existe absolument aucun droit sur lequel les défendeurs peuvent fonder leur demande, étant donné que l'article 16 exempte de l'application de l'article 15 les personnes qui cessent d'appartenir à une bande en devenant membres d'une autre bande. En pareil cas, conformément au paragraphe 16(1), une part per capita est transférée des fonds de capital et de revenus de l'ancienne bande aux fonds de capital et de revenu de la nouvelle bande. La seule exception prévue à l'article 16 est celle qui a été appliquée à Mme Potskin lorsqu'elle est passée d'une bande à l'autre par suite de son mariage.

 

[23]           J'ai examiné les observations écrites des deux parties et je ne suis pas convaincu que les articles 15 et 16 de la Loi s'appliquent aux droits des défendeurs d'une façon aussi claire que l'affirme la demanderesse. À mon avis, l'application particulière des articles 15 et 16 de la Loi, en ce qui concerne les droits résiduels des enfants et des parents après le transfert d'une bande à une autre, demeure une question sérieuse à trancher dans le cadre d'une instruction.

 

c) La demande des défendeurs est‑elle prescrite, compte tenu du délai de prescription applicable?

[24]           En ce qui concerne le délai de prescription, la position prise par la demanderesse est que la demande des défendeurs est prescrite, selon l'article 3 de la Limitations Act de l'Alberta, R.S.A. 2000, ch. L‑12, qui est une loi incorporée par la législation fédérale quant au délai de prescription applicable. L'article 3 est rédigé comme suit :

 

[traduction]  3(1) Sous réserve de l'article 11, si la demande d'ordonnance remédiatrice n'est pas présentée :

 

a)    dans les deux années suivant la date à laquelle le demandeur a appris ou, eu égard aux circonstances, aurait dû apprendre :

(i)       que le préjudice visé par la demande a été subi,

(ii)     que le préjudice est attribuable à la conduite du défendeur, et

(iii)    que le préjudice, à supposer que le défendeur en soit responsable, justifie l'introduction d'une instance,

 

ou

 

b)    dans les dix années suivant la date à laquelle la cause d'action a pris naissance,

 

selon l'événement qui se produit en premier lieu, le défendeur, en invoquant la présente loi comme moyen de défense, est exonéré de toute responsabilité à l'égard de la demande.

 

 

[25]           L'application de l'article 3 est assujettie à l'exception concernant les personnes frappées d'une incapacité, figurant à l'article 5 de la Limitations Act, qui suspend les délais de prescription pour la durée de l'incapacité, laquelle prend fin, dans le cas des enfants, lorsque ceux‑ci atteignent l'âge de la majorité.

 

[26]           La demanderesse fait valoir que les défendeurs ne peuvent donc pas présenter leur demande contre la Couronne puisque l'« enfant » le plus jeune a eu 20 ans avant que les poursuites soient engagées et que, cela étant, le délai de prescription de deux ans était expiré.

 

[27]           De leur côté, les défendeurs se fondent sur le paragraphe 15(3) de la Loi et maintiennent que l'obligation fiduciaire de Sa Majesté la Reine peut durer tant que la personne pour laquelle sa Majesté la Reine a détenu certaines sommes en fiducie n'a pas atteint l'âge de 21 ans, de sorte que la demande n'est pas prescrite.

 

[28]           Étant donné que le règlement de ce point particulier repose sur la détermination de la question de savoir s'il existe une obligation fiduciaire, il convient de le trancher dans le cadre d'une instruction.

 

Conclusion

[29]           En l'espèce, il n'a pas été facile d'apprécier les observations écrites soumises par les parties puisqu'il reste de nombreux éléments à clarifier avant que le dossier soit prêt aux fins d'une audition sur le fond. Cela étant, je crois que de nombreuses questions devraient être tranchées à l'instruction, de sorte qu'il serait de toute évidence prématuré de décider, à ce stade, si la demande présentée contre Sa Majesté la Reine est fondée.

 

[30]           Il est également prématuré, à ce stade, de décider si la demande des demandeurs est prescrite par suite d'une interprétation stricte des articles 15 et 16 de la Loi, étant donné que la preuve et les documents soumis renferment de nombreuses contradictions quant au délai de prescription.

 

[31]           Enfin, selon la jurisprudence, la portée de l'obligation fiduciaire de la demanderesse, Sa Majesté la Reine, peut justifier une interprétation plus large que celle qui a été donnée par l'avocat de la demanderesse. À mon avis, cette question doit être examinée plus à fond par le juge qui présidera l'audience.

 

[32]           Nous avons devant nous un cas dans lequel trois enfants par suite de l'application de différentes dispositions de la Loi, de l'écoulement du temps, du mariage de leurs parents et d'une décision par laquelle ces parents les ont reconnus comme leurs enfants lorsque ces derniers étaient peu âgés ont subi un préjudice financier réel. Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis que ces décisions cruciales ont été prises pour leur compte, je conclus qu'il n'y a pas lieu, à ce stade, d'accueillir la demande de jugement sommaire.

 

[33]           La demande de jugement sommaire sera donc rejetée avec dépens.

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

-                     La demande de jugement sommaire est rejetée.

-                     Les dépens sont adjugés en faveur des demandeurs (défendeurs).

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1261-01

 

INTITULÉ :                                                   DELVIN STEWART POTSKIN,

                                                                        KEVIN ALBERT LAWRENCE POTSKIN et ROCHELLE MARIE POTSKIN

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 5 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 8 DÉCEMBRE 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Terence P. Glancy

POUR LES DEMANDEURS

 

Kevin Kimmis

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Ackroyd Piasta Roth & Day LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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