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Date : 20061220

Dossier : IMM-2907-06

Référence : 2006 CF 1518

ENTRE :

Abdelkader ZIDOUR

Mohamed Rafik ZIDOUR

Mokhtar ZIDOUR

 

Demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

Le juge Pinard

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) rendue par Bana Barazi, le 4 mai 2006, rejetant l’appel du demandeur à l’encontre des mesures de renvoi émises contre lui le 28 avril 2004.

* * * * * * * *

[2]          Abdelkader Zidour (le demandeur) est un citoyen algérien. Il a été admis au Canada comme entrepreneur le 18 février 1999 avec ses trois enfants, Rafik, Mokhtar et Samia. Le demandeur et la mère de ses trois enfants sont divorcés.

 

[3]          Le demandeur prétend avoir investi de 115 000 à 125 000 dollars canadiens dans une entreprise qu’il a créée une semaine après son arrivée au Canada.

 

[4]          Le demandeur a installé sa famille à Montréal et est reparti pour l’Algérie un mois plus tard.

 

[5]          Entre février 1999 et janvier 2005, le demandeur est allé en Algérie plusieurs fois, principalement, soi-disant, pour s’occuper de problèmes de famille. Durant cette période de presque six ans, il a été en Algérie pour environ trois ans.

 

[6]          En 2001, le demandeur a amené sa deuxième épouse au Canada où elle a donné naissance à deux filles, la première en 2001 et la seconde en 2004.

 

[7]          Le demandeur avait obtenu son droit d'établissement au Canada à titre d'entrepreneur suite à son acceptation des conditions prévues aux alinéas 23.1(1)a), b), c) et d) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

 

[8]          Le 29 avril 2004, la Section d'immigration (la SI) a décidé que le demandeur et ses deux fils, Rafik et Mokhtar, étaient des personnes visées par l'article 41 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, (la Loi) puisque le demandeur n'avait pas respecté les conditions imposées à titre d'entrepreneur lors de l'obtention de son droit d'établissement le 18 février 1999.

 

[9]          Le demandeur et ses fils ont interjeté appel en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi à l'encontre des mesures de renvoi prises contre eux par la SI.

 

[10]      Le 24 janvier 2006, la SAI a accueilli l’appel des deux fils du demandeur, Rafik et Mokhtar, mais a rejeté l’appel du demandeur.

 

[11]      Le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire, contestant la décision de la SAI voulant qu’il n’existe aucun motif humanitaire pour empêcher l’exécution de la mesure de renvoi. Le demandeur ne conteste pas la mesure de renvoi elle-même.

 

* * * * * * * *

 

[12]      Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit :

  66. Il est statué sur l’appel comme il suit :

a) il y fait droit conformément à l’article 67;

b) il est sursis à la mesure de renvoi conformément à l’article 68;

c) il est rejeté conformément à l’article 69.

 

 

 

 

  67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

[…]

 

 

 

  68. (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

[…]

 

 

 

  66. After considering the appeal of a decision, the Immigration Appeal Division shall

(a) allow the appeal in accordance with section 67;

(b) stay the removal order in accordance with section 68; or

(c) dismiss the appeal in accordance with section 69.

 

  67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[…]

 

  68. (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

[…]

 

* * * * * * * *

 

 

 

[13]      Le demandeur soutient que la SAI a erré parce qu’elle a rendu sa décision sans prendre en considération l’intérêt supérieur des enfants.

 

[14]      Il plaide que la Cour devrait prendre en considération le paragraphe 7(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, comme l’a fait la juge Simpson dans l’affaire Martinez c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 1341, où elle a conclu que la séparation d'un parent et d'un enfant par l'État, qui ne tient pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, constituerait une violation continue des droits de l'enfant.

 

[15]      Selon le défendeur, la présence d’enfants au Canada n’implique pas automatiquement la reconnaissance de motifs humanitaires justifiant la prise de mesures spéciales. Le défendeur s’appuie sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Legault c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358, voulant que l'agent d'immigration doive se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » et qu’une fois qu'il a bien identifié et défini cet intérêt, il appartient à cet agent de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce.

 

[16]      Dans l’affaire Legault, la Cour d’appel fédérale a aussi précisé qu’il n’est pas suffisant de simplement faire mention des enfants et que l’intérêt de ceux-ci est un facteur qui doit être examiné avec soin et soupesé avec d’autres facteurs.

 

[17]      À mon avis, c’est le droit ainsi expliqué dans l’affaire Legault qui doit être appliqué en l’espèce.

 

[18]      Dans le présent cas, la SAI devait considérer les intérêts supérieurs des enfants du demandeur qui sont venus avec lui d’Algérie et les intérêts supérieurs de ses autres enfants nés au Canada.

 

[19]      La SAI a pris en considération les rapports que le demandeur avait avec ses enfants qui sont venus avec lui d’Algérie. La SAI a noté que la fille du demandeur a accusé son père de voies de fait et de menaces et qu’elle ne lui a pas donné de ses nouvelles depuis septembre 2000. En ce qui concerne les rapports du demandeur avec ses deux fils, la SAI a noté que le fils aîné a témoigné avoir de sérieux problèmes avec son père et que le fils cadet avait lui aussi eu des difficultés avec le demandeur. Sur cette preuve, la SAI a déterminé que le demandeur n’avait pas de bons rapports avec ses enfants et que ces derniers ne le manqueraient pas s’il était renvoyé en Algérie.

 

[20]      La SAI a aussi considéré les intérêts des enfants canadiens du demandeur. La SAI a trouvé que les deux filles étaient trop jeunes pour avoir créé des attaches au Canada. Le tribunal a conclu que si leurs parents allaient vivre avec elles en Algérie, pays où ils étaient des professionnels, ils pourraient bien travailler dans ce pays et prendre soin d’elles. Et si la mère décidait de demeurer au Canada avec ses deux filles, l’intérêt de celles-ci n’en serait pas davantage sérieusement affecté, considérant que de toute façon, selon la preuve, leur père n’est pas leur soutien financier et qu’il s’est fréquemment absenté pour passer de longues périodes de temps en Algérie.

 

[21]      À mon avis, la SAI a été « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants du demandeur. À cet égard, je trouve que la SAI a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et sa décision m’apparaît tout à fait raisonnable. L’intervention de cette Cour n’est donc pas justifiée.

 

 

 

 

[22]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 20 décembre 2006

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2907-06

 

INTITULÉ :                                       Abdelkader ZIDOUR, Mohamed Rafik ZIDOUR, Mokhtar ZIDOUR c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT :             Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 décembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar                            POUR LES DEMANDEURS

 

Me Patricia Deslauriers                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Karkar                                                           POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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