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Date : 20061129

Dossier : T-1548-06

Référence : 2006 CF 1443

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

ENTRE :

 

LES LABORATOIRES SERVIER,

ADIR, ORIL INDUSTRIES,

SERVIER CANADA INC.,

SERVIER LABORATORIES (AUSTRALIA) PTY LTD

et SERVIER LABORATORIES LIMITED

 

demanderesses

et

 

APOTEX INC.

et

APOTEX PHARMACHEM INC.

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une requête présentée par les demanderesses (collectivement Servier) en vue de l'obtention d'une injonction provisoire à l'encontre des défenderesses (collectivement Apotex) visant à empêcher celles‑ci d'utiliser, de fabriquer, de vendre, de distribuer, d'exporter et de fournir le composé périndopril et tout sel y afférent acceptable sur le plan pharmaceutique et d'en faire de quelque façon que ce soit le commerce au Royaume‑Uni, en France, au Canada et en Australie, pour le motif que ces activités constituent censément une contrefaçon du brevet canadien 1 341 196 (le brevet 196). Depuis le dépôt de la requête, la portée de l'injonction provisoire a été restreinte aux activités touchant les marchés canadien et australien, sauf pour l'un des deux engagements pris par Apotex auprès de la Cour se rapportant au Royaume‑Uni, à la France et à l'Australie.

 

I.  Étapes procédurales

 

[2]               Le 25 août 2006, les demanderesses ont intenté contre les défenderesses une action fondée sur la contrefaçon du brevet 196. Dans la déclaration, il était plaidé qu'Apotex fabriquait du périndopril au Canada en vue de le fournir au Royaume‑Uni, ce qui constitue une contrefaçon du brevet 196.

 

[3]               Le 12 septembre 2006, les autorités réglementaires françaises ont obtenu un document intitulé « Perindopril Erbumine Summary of Physico‑chemical Analyses », daté de l'année 2004, après avoir procédé à une « saisie contrefaçon ». Ce document disait que le périndopril générique qui devait arriver sur le marché français était fabriqué par Apotex Pharmachem Inc. à Brantford (Ontario) (dossier de requête des demanderesses, affidavit d'Yves Langourieux, onglet 8, page 178). Étant donné les renseignements obtenus en France, une déclaration modifiée datée du 3 novembre 2006 a été déposée afin d'ajouter Servier Canada, Servier Australia et Servier UK à titre de codemanderesses. Dans la déclaration modifiée, on plaidait de nouveaux faits, notamment qu'Apotex contrefaisait le brevet 196 en fournissant sur divers marchés du périndopril fabriqué au Canada.

 

[4]               Le 26 octobre 2006, Servier a obtenu une copie du tableau australien des prestations pharmaceutiques (le TPP), le formulaire de remboursement australien pour les médicaments, prenant effet le 1er décembre 2006, dans lequel le périndopril générique figurait pour la première fois. Il importe de remarquer que dans le TPP du 1er décembre 2006, trois marques génériques de périndopril étaient mentionnées. Ces trois marques génériques étaient associées au périndopril fourni par GenRx Ltd Pty, une société australienne, qui vend exclusivement du périndopril fabriqué par Apotex (dossier de requête des défenderesses, affidavit de Roger Millichamp, page 9, paragraphe 41).

 

[5]               Le 8 novembre 2006, les demanderesses ont déposé un avis de requête en vue d'obtenir une injonction interlocutoire empêchant les défenderesses d'utiliser, de fabriquer, de vendre, de distribuer, d'exporter et de fournir le composé périndopril et d'en faire de quelque façon que ce soit le commerce, et elles ont demandé qu'un jugement soit prononcé au plus tard le 1er décembre 2006 à l'égard de la requête. Les demanderesses demandaient à la Cour de rendre une injonction provisoire si la requête visant l'injonction interlocutoire ne pouvait pas être entendue et si un jugement ne pouvait pas être prononcé avant le 1er décembre 2006.

 

[6]               Les 20 et 21 novembre 2006, la Cour a tenu deux conférences téléphoniques avec les parties afin de discuter des questions pertinentes dans l'instance. Le 21 novembre 2006, une ordonnance a été rendue en vue de fixer la date de l'audition de la requête visant l'injonction provisoire des demanderesses ainsi que la date de l'audition de la requête visant l'injonction interlocutoire des demanderesses.

 

[7]               La requête visant l'injonction provisoire a été entendue le 24 novembre 2006, à Ottawa. La requête visant l'injonction interlocutoire devait être entendue les 6 et 7 décembre, initialement à Vancouver, mais elle sera maintenant entendue à Ottawa.

 

II. Historique et faits

 

 

[8]               Les demanderesses sont des sociétés affiliées. ADIR est propriétaire du brevet 196. Oril Industries est le fabricant du périndopril, un inhibiteur utilisé pour traiter l'hypertension et les maladies cardiovasculaires connexes; ce produit est vendu partout au monde sous la marque de commerce COVERSYL. COVERSYL est le produit le plus important de Servier à l'échelle mondiale; il est enregistré dans plus de 120 pays et plus de 500 autorisations de mise en marché ont été accordées.

 

[9]               Le brevet 196, intitulé « Procédé de Préparation d’Imino Diacides Substitués » a été accordé le 6 mars 2001 et doit expirer le 6 mars 2018.

 

[10]           Les défenderesses sont toutes deux établies en Ontario; ce sont des sociétés affiliées qui font partie du groupe de sociétés Apotex. Apotex fabrique, dans ses installations en Ontario, des comprimés de périndopril et, selon certains éléments de preuve, le produit est en partie exporté.

 

[11]           En Australie, GenRx Pty Ltd, un distributeur et vendeur de produits pharmaceutiques génériques, a obtenu une autorisation de mise en marché des autorités de réglementation australiennes en vue de commercialiser et de vendre le périndopril erbumine générique, en comprimés de 2, 4 et 8 mg, à compter du 1er décembre 2006. Tous les comprimés de périndopril qui seront vendus par GenRx sont fabriqués par Apotex, censément en violation du brevet canadien 196 des demanderesses. Jusqu'à maintenant, GenRx a reçu d'Apotex trois chargements de périndopril et a déjà expédié plus de 1,6 million de comprimés de périndopril aux deux autres étiquettes privées désignées comme vendant du périndopril dans le TPP du 1er décembre 2006 (dossier de requête des défenderesses, affidavit de Roger Millichamp, page 10, paragraphe 43). En outre, le 12 novembre 2006, GenRX a informé ses [traduction] « clients privilégiés » qu'elle assurera une rotation de 45 p. 100 sur toutes les commandes de périndopril jusqu'au 22 décembre 2006, et une réduction de 45 p. 100 sur toutes les commandes de périndopril après cette date (dossier de requête des demanderesses, affidavit supplémentaire d'Yves Langourieux, page 1403). De plus, selon GenRx, les comprimés de périndopril ont été distribués à plus de 39 entrepôts partout en Australie et seront par la suite distribués à plus de 5 000 pharmacies dans le pays (dossier de requête des défenderesses, affidavit de Roger Millichamp, page 10, paragraphe 44). Cela dit, la Cour a noté les problèmes qui pourraient se poser si la Cour ordonne que les comprimés de périndopril qui font déjà partie de la chaîne des ventes ne soient pas vendus le 1er décembre 2006 à des clients australiens.

 

[12]           Au Canada, Apotex sollicite une autorisation réglementaire en vue de commercialiser et de vendre le périndopril générique en comprimés de 2, 4 et 8 mg. Selon la liste de brevets que Servier Canada a soumise à Santé Canada conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), le brevet 196 est mentionné à l'égard des comprimés de 2 et de 4 mg de COVERSYL, mais non des comprimés de 8 mg (dossier de requête des demanderesses, affidavit de Michael Sumpter, page 1218, paragraphe 35). Donc, en ce qui concerne les comprimés de 8 mg, Santé Canada a apparemment pris la position selon laquelle le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, ne s'applique pas. Par conséquent, Apotex commencera bientôt à commercialiser et à vendre les comprimés de périndopril au Canada, du moins les comprimés de 8 mg.

 

III. Prétentions d'Apotex

 

[13]           En répondant à la requête que Servier a présentée en vue d'obtenir une injonction provisoire, Apotex soutient que Servier ne se présente pas à la Cour les « mains propres ». En outre, Apotex affirme que Servier a tardé d'une façon indue à présenter sa requête, de sorte que l'allégation selon laquelle il y a urgence est dénuée de fondement. À mon avis, il convient selon moi d'aborder ces deux questions sommairement avant d'analyser la question de savoir si, quant au fond, il est justifié d'accorder une injonction provisoire en l'espèce.

 

[14]           L'argument relatif aux « mains propres » découle de la présumée violation par Servier d'une ordonnance de confidentialité rendue en Australie. Les allégations selon lesquelles Servier ne se présente pas devant la Cour avec une attitude irréprochable est une prétention fort sérieuse. Cela étant dit, la Cour peut uniquement tirer une conclusion au sujet d'une telle allégation après avoir minutieusement examiné toute la preuve pertinente et après avoir enquêté à fond sur la question. Un tel examen n'est pas possible, étant donné les contraintes de temps inhérentes à une requête demandant une injonction provisoire et les prétentions limitées soumises par les parties dans le cadre d'une telle requête. La Cour n'est donc pas en mesure, en ce moment, de tirer des conclusions au sujet de l'argument des « mains propres ». Toutefois, la Cour peut examiner et trancher cette question dans une autre procédure se rapportant à l'affaire. Cela dit, il importe de noter que les défenderesses n'ont pas indiqué à la Cour, lors des téléconférences tenues en toute urgence les 20 et 21 novembre 2006, qu'elles avaient demandé, en Australie, une ordonnance par suite de la présumée violation de l'ordonnance de confidentialité de la part des demanderesses. Il faut se rappeler qu'une partie ne peut pas demander un redressement en equity lorsqu'elle n'agit pas elle‑même d'une façon conforme à l'équité (voir Pro Swing Inc. c. Elta Golf Inc., 2006 CSC 52; Hall c. Hebert, [1993] 2 R.C.S. 159).

 

[15]           Quant à l'argument selon lequel Servier a indûment tardé à présenter devant la Cour la requête ici en cause, puisque Servier a uniquement reçu le 26 octobre 2006 la confirmation selon laquelle Apotex commencerait à commercialiser les comprimés de périndopril en Australie le 1er décembre 2006 et qu'elle a déposé un avis de requête le 8 novembre 2006, soit 13 jours plus tard seulement, je ne puis conclure que la présente requête doit être annulée pour cause de retard indu.

 

 

IV. Analyse

 

(1)   Est‑il justifié d'accorder une injonction provisoire à l'encontre d'Apotex, étant donné qu'il est possible que cette dernière commercialise et vende, dans fort peu de temps, les comprimés de périndopril tant sur le marché canadien que sur le marché australien?

 

[16]           La Cour fédérale peut rendre des ordonnances provisoires conformément à l'article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, et à l'article 374 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98‑106.

 

[17]           Le critère à appliquer pour déterminer si une injonction doit être rendue a été établi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt RJR‑Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Selon le critère à trois volets énoncé dans l'arrêt RJR‑Macdonald, la Cour doit se poser les questions suivantes : a) Existe‑t‑il une question sérieuse à juger? b) La partie requérante subirait‑elle un préjudice irréparable si l'injonction n'était pas accordée? c) Quelle est la partie qui est favorisée par la prépondérance des inconvénients? En outre, en ce qui concerne les injonctions provisoires, la jurisprudence établit qu'en plus de satisfaire au critère de l'arrêt RJR‑Macdonald, la partie requérante doit également établir l'urgence (voir Procter & Gamble Inc. c. Colgate‑Palmolive Canada Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 160; Pfizer Ireland Pharmaceuticals c. Lilly Icos LLC, 2004 CF 223).

 

a) L'urgence

(i) Au Canada

 

[18]           Au Canada, l'autorisation réglementaire n'a pas encore été accordée aux fins de la vente ou de la commercialisation des comprimés de périndopril, et ce, quelle que soit la dose. On ne connaît pas la date à laquelle l'avis de conformité (l'AC) sera délivré aux défenderesses, ce qui leur permettrait de vendre ou de commercialiser le périndopril dans quelque dose que ce soit. Par conséquent, les demanderesses n'ont pas démontré l'existence d'une urgence, en ce qui concerne les actions des défenderesses sur le marché canadien.

 

[19]           En outre, dans son affidavit, M. Bernard Sherman, président d'Apotex Inc., déclare que les défenderesses sont prêtes à prendre l'engagement suivant : [traduction] « Les défenderesses s'engagent par les présentes à ce que, sur réception du premier AC par l'une ou l'autre aux fins de la commercialisation de tout produit contenant du périndopril au Canada, Apotex donne un préavis de dix jours aux avocats des demanderesses avant de vendre ou d'offrir en vente tout produit visé par ledit AC au Canada » (dossier de requête des défenderesses, affidavit de M. Bernard Sherman, pièce 5, page 195). Il importe de noter qu'à l'audition de la présente requête, les avocats des défenderesses ont déclaré qu'ils étaient prêts à porter le délai de préavis à 12 jours avant la vente ou la commercialisation de tout périndopril au Canada.

 

[20]           Étant donné qu'aucun AC n'a été délivré et que les défenderesses s'engagent à aviser les demanderesses avant de vendre ou de commercialiser au Canada tout produit contenant du périndopril, il n'y a pas d'urgence justifiant l'octroi d'une injonction provisoire à l'encontre des défenderesses en ce qui concerne leurs actions sur le marché canadien.

 

 

(ii) En Australie

 

[21]           Les comprimés de périndopril générique d'Apotex seront offerts en Australie dès le 1er décembre 2006. Compte tenu de ce seul fait, la Cour conclut qu'en ce qui concerne le marché australien, l'urgence est établie.     

 

b) L'existence d'une question sérieuse à juger

 

[22]           Le fardeau pour établir l’existence d’une question sérieuse à juger est peu rigoureux. Par conséquent, pour les besoins de la requête visant l'injonction provisoire ici en cause seulement, les défenderesses, avec beaucoup d'hésitation et sous réserve des arguments qu'elles ont soumis à l'appui de leur requête visant la radiation de tout ou partie de la déclaration (c'est la protonotaire Aronovitch qui est saisie de cette requête), reconnaissent que l'existence d'une question sérieuse à juger est établie, de façon à simplifier les arguments que la Cour doit examiner dans le cadre de la requête en injonction provisoire ici en cause.

 

c) Le préjudice irréparable

 

[23]           Le fardeau, lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un préjudice irréparable, est rigoureux (voir Fournier Pharma Inc. c. Apotex Inc., (1999), 1 C.P.R. (4th) 344 (CFPI), paragraphe 6). Ceci dit, dans le cadre d'une requête visant une injonction provisoire, la Cour n'a pas l'avantage d'examiner les contre‑interrogatoires se rapportant aux affidavits et elle doit donc évaluer la preuve présentée telle quelle.

 

[24]           Les demanderesses ont soumis l’affidavit d’un expert en économie pour démontrer que Servier subirait un préjudice irréparable si on laissait le périndopril générique arriver sur le marché australien. Cet expert, M. Jerry A. Hausman, professeur d'économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT), conclut ce qui suit :

[traduction] [...] l'introduction et le retrait subséquent du périndopril générique d'Apotex causeraient à Servier un préjudice économique irréparable sérieux qu'il est impossible d'évaluer avec exactitude. Ce préjudice serait attribuable aux causes suivantes :

·         la perte de la part de marché et de ventes de COVERSYL, lesquelles ne pourraient pas être recouvrées par suite du retrait ultérieur du marché du périndopril générique;

·         une baisse irréversible du prix du COVERSYL;

·         la mise à pied de représentants formés;

·         une grave réduction des activités de Servier en Australie;

 

(dossier de requête des demanderesses, affidavit de Jerry A. Hausman, page 434, paragraphe 72).

J'ai minutieusement lu l'affidavit de M. Hausman. La lecture de cet affidavit me permet de constater qu'il démontre que M. Hausman possède une connaissance approfondie des effets que l’offre de produits génériques a sur le marché en plus de donner des indications sérieuses et importantes quant à l’impossibilité qu'une indemnisation pécuniaire compense pleinement le préjudice causé par l'introduction du périndopril générique sur le marché australien, de sorte qu'un préjudice irréparable serait causé.

 

[25]           Les défenderesses soutiennent que le préjudice qui serait causé, selon les demanderesses, par l'introduction du périndopril générique peut être adéquatement compensé par l'octroi de dommages‑intérêts après l'instruction au fond de la demande des demanderesses. En outre, les défenderesses soutiennent que les effets à long terme, sur le marché, de l'introduction du produit générique relèvent simplement [traduction] « de la conjecture » et que les effets à long terme allégués ne sont pas pertinents en ce qui concerne la requête en cause étant donné qu'une injonction provisoire ne s'appliquerait que pour une période très brève, à savoir pour 14 jours ou jusqu'au prononcé du jugement relatif à l'injonction interlocutoire, en prenant la période la plus courte.

 

[26]           Étant donné la nature urgente de la présente requête, le fait que le contre‑interrogatoire relatif à la preuve n'a pas encore eu lieu et qu'à cause des contraintes extrêmes de temps, les défenderesses n'ont pas encore fini de présenter leur preuve, la Cour, compte tenu de l'exigence préliminaire rigoureuse à laquelle il faut satisfaire pour démontrer l'existence d'un préjudice irréparable, ne peut qu'accepter telle quelle la preuve présentée par les demanderesses. Par conséquent, les demanderesses ont présenté une preuve prima facie de préjudice irréparable si le périndopril générique devait être lancé sur le marché australien le 1er décembre 2006.

 

d) La prépondérance des inconvénients

 

[27]           Selon la dernière partie du critère à trois volets de l'arrêt RJR‑Macdonald, la prépondérance des inconvénients doit être prise en considération. En général, la prépondérance des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo. Dans ce cas‑ci, le maintien du statu quo permet dans un certain sens d'accorder une certaine réparation aux deux parties. En ce qui concerne le marché canadien, aucune urgence n'est démontrée et, par conséquent, les défenderesses ne sont pas tenues de cesser de fabriquer le périndopril. Quant au périndopril des défenderesses qui est lancé sur le marché australien, la prépondérance des inconvénients milite en faveur des demanderesses. À l'heure actuelle, le périndopril des défenderesses n'est pas encore offert sur le marché australien de consommation et, par conséquent, pour maintenir le statu quo, il faut prendre des mesures en vue de faire en sorte que le périndopril des défenderesses ne soit pas lancé sur ce marché.

 

[28]           Ceci dit, il importe de noter que les défenderesses déclarent, dans leur dossier, qu'elles sont prêtes à prendre l'engagement suivant : [Traduction] « Les défenderesses s'engagent par les présentes à ne pas exporter du périndopril, en quelque quantité que ce soit, au Royaume‑Uni, en France et en Australie en attendant que soit présentée la requête des demanderesses visant l'obtention d'une injonction interlocutoire dans la présente affaire » (dossier de requête des défenderesses, affidavit de M. Bernard Sherman, pièce 5, page 196). En plus de cet engagement, il faut empêcher les défenderesses de vendre, de distribuer, de fournir ou d'expédier tous les produits contenant du périndopril qui sont déjà sur le sol australien. Par conséquent, les défenderesses seront tenues de prendre tous les moyens raisonnables afin d'empêcher tout produit contenant du périndopril qu'elles ont fabriqué d'être mis en vente sur le marché australien de consommation et elles seront tenues de documenter pleinement leurs efforts à cet égard.

 

[29]           De plus, il faut noter que les demanderesses ont déclaré que [traduction] « Servier est prête à s'engager à indemniser Apotex du préjudice raisonnable subi à la suite de l'injonction, si la présente cour l'ordonne après avoir conclu de manière définitive à la non‑contrefaçon ou à l'invalidité du brevet 196 » (dossier de requête des demanderesses, mémoire des faits et du droit, page 1428, paragraphe 90). La Cour ordonnera également qu'un tel engagement soit pris, de façon à garantir que les défenderesses soient indemnisées d'une façon équitable, au besoin.

 

V.  Conclusion

 

[30]           La requête visant l'obtention d'une injonction provisoire contre les défenderesses est accordée en partie. L'injonction provisoire qui est rendue interdit l'exportation des produits contenant du périndopril en Australie, ainsi que la vente, la distribution, la fourniture ou l'expédition de tout produit contenant du périndopril qui est déjà en Australie. Les défenderesses devront prendre toutes les mesures raisonnables nécessaires afin d'empêcher tout produit contenant du périndopril qu'elles ont fabriqué d'être mis en vente sur le marché australien de consommation et elles seront tenues de documenter pleinement les efforts qu'elles ont déployés à cet égard. Aucune injonction provisoire se rapportant aux actions des défenderesses sur le marché canadien n'est rendue, étant donné qu'aucune urgence n'a été démontrée compte tenu de l'engagement pris par les défenderesses au paragraphe 19 de la présente décision, lequel fera partie de l'ordonnance.

 

VI. Les dépens

 

[31]           Dans l'intérêt de la justice, les dépens suivront la décision rendue à l'égard de la requête visant l'injonction interlocutoire. Si aucune décision n'est rendue au sujet de l'injonction interlocutoire, pour quelque raison que ce soit, les parties pourront me présenter une nouvelle demande de façon qu'une décision puisse être rendue au sujet des dépens.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

-         les défenderesses s'engagent, sur réception du premier AC aux fins de la commercialisation de tout produit contenant du périndopril au Canada, à donner un préavis de douze jours aux avocats des demanderesses avant de vendre ou d'offrir en vente tout produit visé par ledit AC au Canada;

-         les défenderesses s'engagent à ne pas exporter du périndopril, en quelque quantité que ce soit, au Royaume‑Uni, en France et en Australie en attendant qu'une décision soit rendue au sujet de la requête des demanderesses visant l'obtention d'une injonction interlocutoire dans la présente affaire;

-         les défenderesses doivent empêcher la vente, la distribution, la fourniture ou l'expédition de tout produit contenant du périndopril qu'elles ont fabriqué et qui est déjà en Australie. Les défenderesses devront prendre toutes les mesures raisonnables afin d'empêcher tout produit contenant du périndopril qu'elles ont fabriqué d'être mis en vente sur le marché australien de consommation et elles seront tenues de documenter pleinement leurs efforts à cet égard pour tout besoin futur. Cette partie de l'ordonnance s'appliquera pour une période de 14 jours et sa durée peut être prolongée sur demande, le tout sous réserve de la décision à rendre au sujet de la requête en injonction interlocutoire;

-         les demanderesses s'engagent à indemniser au besoin les défenderesses de tout préjudice raisonnable subi par suite de l'octroi de la présente injonction provisoire;

-         les dépens suivront la décision rendue à l'égard de la requête visant l'injonction interlocutoire. Si aucune décision n'est rendue au sujet de l'injonction interlocutoire, pour quelque raison que ce soit, les parties pourront me présenter une nouvelle demande de façon qu'une décision puisse être rendue au sujet des dépens.

 

                « Simon Noël »             

                                                                                                        Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1548-06

 

 

INTITULÉ :                                                   LES LABORATOIRES SERVIER et al.

                                                                        c.

                                                                        APOTEX INC. et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 24 NOVEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE SIMON NOËL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 29 NOVEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Judith Robinson

Joanne Chriqui

 

Andrew R. Brodkin

Nando De Luca

Ben Hackett

Lindsay P. Hill

     POUR LES DEMANDERESSES

 

 

 

     POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

     POUR LES DEMANDERESSES

 

 

     POUR LES DÉFENDERESSES

 

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