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Date : 20061220

Dossier : IMM-3013-05

Référence : 2006 CF 1525

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

RAJEETHAN MANICKAN

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La Section de la protection des refugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de Rajeethan Manickan parce qu’elle n’a pas cru son témoignage sur les persécutions dont il aurait souffert de la part des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET), de la police, de l’armée, du Parti démocratique populaire de l'Eelam et de l'Organisation de libération du peuple de l'Eelam tamoul. Toutefois, la Commission a tenu pour acquis que M. Manickan avait fait la preuve de son sexe et de son identité de citoyen du Sri Lanka âgé de 29 ans et qu’il était un Hindou et un agriculteur originaire du Nord du Sri Lanka.

.

[2]        Bien que M. Manickan soulève un certain nombre de questions relativement à la décision de la Commission, à mon avis, une seule question a un bien‑fondé et elle est décisive dans la présente demande. La demande est accueillie parce que la Commission n’a pas cru le témoignage de M. Manickan malgré que la preuve de son âge, de sa nationalité, de son ethnie et de son lieu de résidence habituel établissent un lien entre M. Manickan et la preuve documentaire présentée à la Commission. La preuve documentaire comprenait des rapports sur la situation du pays qui démontraient par exemple que les hommes tamouls qui, comme M. Manickan, ont des cicatrices, sont plus sujets à un ciblage hostile de la part des forces de sécurité et à l’éventualité d’être soumis à des interrogatoires serrés ainsi qu’à des mauvais traitements.

 

[3]        La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale révèle qu’une conclusion d’absence de crédibilité n’empêche pas qu’une personne soit admise comme réfugiée si d’autres preuves satisfont à la fois à la composante subjective et à la composante objective du critère applicable à la reconnaissance du statut de réfugié. Voir Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168.

 

[4]        Après avoir pris acte de l’identité de M. Manickan, la Commission devait examiner la preuve documentaire qui lui avait été présentée relativement au risque que couraient les tamouls de sexe masculin comme lui, s’il devait être retourné au Sri Lanka. En omettant d’agir ainsi, la Commission a rendu sa décision sans avoir analysé toute la preuve qui lui avait été présentée. Pour une analyse récente de la jurisprudence de la Cour fédérale sur ce point, se référer aux motifs de ma collègue, la juge Macatvish, dans la décision Sivalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 773.

[5]        L’avocat du ministre a soutenu que la jurisprudence de la Cour n’était pas établie sur ce point. Je ne partage pas cette opinion, parce que l’arrêt Attakora de la Cour d’appel fédérale lie bien entendu la Cour. Comme mon collègue le juge Blais l’a fait remarquer dans la décision Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1349, au paragraphe 31, lorsque le demandeur d’asile est jugé ne pas être digne de foi, la question de savoir s’il est nécessaire que la Commission examine la preuve documentaire dépend de la nature de cette preuve et de son lien avec la demande d’asile. Chaque cause sera examinée en fonction des faits qui lui sont propres.

 

[6]        La preuve documentaire n’a pas besoin d’être examinée lorsque la seule preuve qui établit un lien entre un demandeur et les documents est le témoignage discrédité du demandeur. Par exemple, il y aura des cas où les rapports sur la situation du pays ne pourront pas éclairer davantage la situation particulière d’un demandeur. Dans d’autres cas, les rapports sur la situation du pays pourraient établir l’existence du bien‑fondé d’une base objective pour la crainte de persécution. Dans ce dernier cas, la Commission doit tenir compte de cette preuve.

 

[7]        Les avocats n’ont posé aucune question à certifier et je suis d’accord que le présent dossier n’en soulève aucune.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR statue que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du 27 avril 2005 est annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3013-05

 

INTITULÉ :                                                               RAJEETHAN MANICKAN

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 13 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                               LE 20 DÉCEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Vandervennen                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Vandervennen Lehrer                                                      POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

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