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Date : 20061227

Dossier : T-1521-04

Référence : 2006 CF 1555

ENTRE :

PEAK INNOVATIONS INC.

demanderesse

et

 

PRODUITS PYLEX INC. et

PIERRE CHARETTE

 

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

CHARLES E. STINSON

Officier taxateur

 

[1]               L'action dans laquelle la demanderesse allègue la violation d'un dessin industriel et le passing‑off à l'égard d'une vis de fondation ajustable est en cours; elle en est au stade de la communication préalable. J'ai fixé un échéancier pour la taxation sur dossier du mémoire de frais de la demanderesse, présenté en vertu des dispositions des articles 402 et 411 des Règles portant sur les requêtes abandonnées et sur le droit connexe à la taxation immédiate des dépens.

402. Dépens lors d'un désistement ou abandon – Sauf ordonnance contraire de la Cour ou entente entre les parties, lorsqu'une action, une demande ou un appel fait l'objet d'un désistement ou qu'une requête est abandonnée, la partie contre laquelle l'action, la demande ou l'appel a été engagé ou la requête présentée a droit aux dépens sans délai. Les dépens peuvent être taxés et le paiement peut en être poursuivi par exécution forcée comme s'ils avaient été adjugés par jugement rendu en faveur de la partie.

 

411. Dépens en cas de désistement requête Les dépens afférents à une requête qui fait l'objet d'un désistement ou dont le désistement est présumé peuvent être taxés lors du dépôt :

a) de l'avis de requête accompagné d'un affidavit précisant que l'avis n'a pas été déposé dans le délai prévu ou que le requérant n'a pas comparu à l'audition de la requête;

b) de l'avis de désistement, dans le cas où cet avis a été signifié.

 

I.  Position de la demanderesse

[2]               La demanderesse a soutenu que la suite d'événements établissait qu'elle avait droit aux dépens sans délai :

a)         N'ayant pas réussi à obtenir le consentement nécessaire aux fins du dépôt d'une déclaration modifiée, la demanderesse a signifié et déposé un dossier de requête en vue d'obtenir l'autorisation d'effectuer des modifications. Les défendeurs ont en même temps signifié et déposé un dossier de requête (la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs) en vue de procéder à un contre‑interrogatoire au sujet de l'affidavit de documents de la demanderesse et d'obtenir d'autres réparations;

b)         Quelques jours plus tard, les défendeurs ont consenti à un acte de procédure modifié, à condition de pouvoir déposer une défense modifiée. Ces actes de procédure ont été déposés. Lorsque les défendeurs, en réponse à la demande de la demanderesse, ont confirmé qu'ils donneraient néanmoins suite à leur requête en contre‑interrogatoire, la demanderesse a nécessairement signifié et déposé son dossier de requête en réponse;

c)         Au bout d'un certain temps, les défendeurs ont déposé un avis de désistement à l'égard de leur requête en contre‑interrogatoire. Par une lettre datée du 13 janvier 2006, l'avocat de la demanderesse a demandé le paiement des coûts associés à la réponse à la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs et a fait remarquer que [traduction] « les défendeurs ont initialement insisté pour donner suite à la requête malgré les modifications ultérieures apportées aux actes de procédure et l'invitation de la demanderesse à abandonner la requête ». Par une lettre datée du 13 janvier 2006 envoyée en réponse, l'avocat des défendeurs a refusé de payer :

[traduction] [...] Dans une lettre datée du 29 août 2005, vous avez énoncé votre position, à savoir qu'étant donné que les défendeurs ont signifié une défense modifiée et une demande reconventionnelle et que la date limite pour l'échange d'affidavits de documents n'était pas encore arrivée, une réponse de la demanderesse n'était pas nécessaire.

 

Le 12 octobre 2005, la demanderesse a signifié aux défendeurs un dossier de requête pour une requête à présenter le 17 octobre 2005, laquelle a par la suite été ajournée au 31 octobre 2005, en vue d'obtenir des précisions au sujet de la défense modifiée additionnelle et de la demande reconventionnelle. Au cours de conversations ultérieures et en particulier au cours de notre conversation téléphonique du 26 octobre 2005, nous avons convenu d'abandonner la requête que les défendeurs avaient présentée en vue d'obtenir la production de documents. Vous avez également convenu d'ajourner la requête que vous aviez présentée en vue d'obtenir des précisions, laquelle devait être entendue le 31 octobre 2005, et ce, pour une période indéfinie, comme l'a confirmé M. Chan dans une lettre datée du 28 octobre 2005, et d'abandonner votre requête conformément à la lettre de M. Chan en date du 31 octobre 2005. Le 1er novembre 2005, nous avons déposé un avis de désistement à l'égard de la requête des défendeurs, et nous avons abandonné la requête que les défendeurs avaient présentée en vue d'obtenir la production de documents.

 

Premièrement, les requêtes ont selon nous été abandonnées sur consentement des deux parties et, eu égard aux circonstances, il ne convient donc pas d'adjuger les dépens à la demanderesse pour sa requête. Deuxièmement, nous notons que le montant proposé dans le mémoire de frais semble plutôt excessif. Selon nos estimations, et compte tenu de la réponse préparée par la demanderesse, un montant de 450 $ serait un chiffre plus réaliste. Troisièmement, les documents demandés par les défendeurs n'ont pas été produits et la question de la non‑production de documents n'est pas encore réglée. [...]

 

 

[3]               Au cours de la période susmentionnée, et après le prononcé d'une ordonnance prévoyant le dépôt d'une défense modifiée additionnelle et d'une demande reconventionnelle à la suite de la requête que la demanderesse avait présentée en vue d'obtenir une réparation associée à la défense modifiée et à la demande reconventionnelle, la demanderesse a déposé une requête (la requête additionnelle de la demanderesse) (laquelle a été signifiée le 12 octobre 2005, comme il en a ci‑dessus été fait mention) en vue d'obtenir une ordonnance radiant certains paragraphes de la défense modifiée additionnelle et de la demande reconventionnelle ainsi que certaines autres réparations associées audit acte de procédure. L'avocat des défendeurs a ensuite proposé certaines modifications en vue d'apaiser les préoccupations de la demanderesse et a proposé que la requête additionnelle de la demanderesse soit donc abandonnée. La demanderesse a affirmé que ladite requête avait été ajournée. Les défendeurs n'avaient pas déposé de documents relatifs à la requête en réponse.

 

[4]               Aux dires de la demanderesse, l'article 402 des Règles ne prévoit pas, pour des requêtes qui n'ont aucun rapport entre elles, qu'il y ait confusion des droits aux dépens, comme c'est le cas pour la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs (qui a fait l'objet d'un désistement) et pour la requête additionnelle de la demanderesse (qui a été ajournée), cette dernière requête ayant été déposée et ayant eu effet, c'est‑à‑dire que l'acte de procédure des défendeurs a de nouveau été modifié, environ trois mois et demi après la signification de la première requête et ne faisant pas de quelque façon obstacle au droit de la demanderesse aux dépens en vertu de l'article 402 des Règles à l'égard de la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs. Les dépens réclamés, qui se situent au milieu de la fourchette de la colonne III pour les honoraires et les débours des avocats, sont raisonnables; en effet, une requête présentée au moyen d'observations écrites exige plus de préparation à l'égard des documents puisqu'il ne sera pas possible de les compléter à l'aide d'une argumentation orale.

 

II.  Position des défendeurs

[5]               Aux dires des défendeurs, cette preuve, qui ajoute plusieurs autres événements à l'exposé des événements de la demanderesse, empêche la demanderesse d'avoir droit aux dépens, et ce, à cause des articles 402 et 411 des Règles, ainsi que de la conduite des parties lorsqu'il s'est agi d'examiner les modifications aux actes de procédure et les demandes de réparation connexes en découlant :

a)         Après le dépôt de la défense modifiée et de la demande reconventionnelle, la demanderesse, en réponse à la demande de communication de diverses catégories de documents que les défendeurs avaient faite, a affirmé dans une lettre que, compte tenu des actes de procédure modifiés et des échanges en cours d'affidavits additionnels de documents portant sur les actes de procédure modifiés, la demande des défendeurs était prématurée parce que le règlement de la question de la suffisance de la communication des documents par la demanderesse était en cours, cette question se rapportant à la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs;

b)         Plusieurs lettres ont ensuite été envoyées et plusieurs conversations téléphoniques ont ensuite eu lieu au sujet de la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs et de la requête additionnelle de la demanderesse. Elles comprenaient notamment une offre d'ajournement de la requête additionnelle de la demanderesse pour une période indéfinie s'il n'y avait pas désistement la veille de la date de présentation. La veille, l'affaire a été ajournée au moyen d'une lettre de l'avocat de la demanderesse indiquant que les [traduction] « parties [avaient] convenu d'ajourner la requête pour une période indéfinie ». Quelques jours plus tard, la demanderesse a consenti au moyen d'une lettre au dépôt d'un acte de procédure modifié additionnel des défendeurs et a demandé la signification de cet acte de procédure, de façon à pouvoir se désister de la requête additionnelle qu'elle avait présentée. Les défendeurs ont ensuite procédé à la signification et au dépôt sur consentement de leur acte de procédure modifié et de l'avis de désistement de leur requête en contre‑interrogatoire.

 

[6]               Les défendeurs ont soutenu qu'étant donné la position que la demanderesse avait initialement prise au sujet de la suffisance de la communication des documents, des discussions qui avaient suivi entre les avocats et des modifications successives apportées sur consentement aux actes de procédure en question, les parties avaient effectivement convenu de se désister de leurs requêtes respectives. L'avis de désistement des défendeurs donnait suite à cette entente, ce qui est conforme à l'exception prévue à l'article 402 des Règles, à savoir un désistement sans que des dépens soient payables. La demanderesse a agi d'une façon sournoise en réclamant les dépens taxés à l'égard de la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs qui a fait l'objet d'un désistement au lieu d'avoir été ajournée pour une période indéfinie, comme l'avait été sa propre requête additionnelle qui avait été présentée à la même époque. Les défendeurs ont soutenu, à titre subsidiaire, qu'eu égard aux circonstances, il convient d'accorder les honoraires d'avocat à l'extrémité inférieure de la colonne III. Les défendeurs ont concédé le montant de 175 $ qui était réclamé pour les photocopies, mais ils ont soutenu que les montants de 32,03 $ et de 16 $ qui étaient respectivement réclamés pour la reliure et pour les services de messageries semblaient excessifs et n'étaient pas accompagnés de factures, comme c'est habituellement le cas.

 

III.  Taxation

[7]               Les exceptions à l'application de l'article 402 des Règles, à savoir une ordonnance ou une entente, sont libellées sous la forme active. Toutefois, conformément à l'esprit de l'article 3 des Règles, qui exige que les Règles soient interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter « une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible », je crois pouvoir décider s'il existait dans ce cas‑ci une entente implicite au sujet des dépens. Si je conclus à l'existence d'une telle entente, il s'ensuit que la demanderesse est revenue sur ladite entente. Malheureusement pour les défendeurs, la preuve ne me permet pas de conclure qu'une telle entente implicite était en place. La lettre du 28 octobre 2005 de l'avocat de la demanderesse confirmait l'ajournement pour une période indéfinie de la requête additionnelle de la demanderesse. La lettre du 31 octobre 2005 énonçait les conditions du désistement. Ces lettres étaient précédées d'une lettre datée du 26 octobre 2005, dans laquelle l'avocat de la demanderesse confirmait la conversation téléphonique qu'il avait eue avec l'avocat des défendeurs, lorsqu'ils s'étaient entendus pour informer la Cour, le 28 octobre 2005, de l'ajournement pour une période indéfinie de la requête additionnelle de la demanderesse (laquelle devait alors être présentée le 31 octobre 2005) si sa cliente ne lui avait pas demandé, avant le 28 octobre 2005, de se désister. Ces trois lettres, rédigées à quelques jours d'intervalle, indiquent selon moi que l'avocat de la demanderesse comprenait clairement la différence entre un ajournement et un désistement. Même si rien n'indique si l'avocat comprenait les conséquences différentes associées à un ajournement par opposition à un désistement, je crois qu'il comprenait probablement la différence entre les deux. Je ne me demanderai pas s'il songeait aux dépens à ce moment‑là, puisque selon moi cela n'est pas pertinent pour ce qui est de la question relative à l'article 402 des Règles qui m'a été soumise aux fins d'un règlement. L'avocat a ajourné la requête pour une période indéfinie, mais il ne s'est pas désisté. Ce faisant, il n'a pas accepté les conditions expresses ou implicites imposées par les défendeurs à l'égard d'une renonciation aux dépens associée à leur requête en contre‑interrogatoire. Les requêtes, bien qu'elles aient été déposées presque en même temps, étaient des événements interlocutoires distincts. L'une (la requête additionnelle de la demanderesse) a été ajournée pour une période indéfinie : l'article 402 des Règles ne s'applique pas à cette requête. L'autre (la requête en contre‑interrogatoire des défendeurs) a fait l'objet d'un désistement : l'article 402 des Règles s'applique à cette requête en l'absence d'une ordonnance ou d'une entente contraire.

 

[8]               Conformément au point de vue que j'ai souvent exprimé suivant l'approche que j'ai adoptée dans la décision Carlile c. Sa Majesté la Reine (1997), 97 D.T.C. 5284 (O.T.), et la remarque que lord Russell a faite dans l'arrêt Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All E.R. 603, page 608, à savoir que la taxation des dépens relève [traduction] « d'une justice rudimentaire, c'est‑à‑dire d'une justice marquée par une approximation raisonnable assez considérable », on peut user d'une certaine latitude pour parvenir, en matière de dépens, à un résultat raisonnable qui est équitable pour les deux parties. Il me semble que ce point de vue est étayé par les commentaires (voir James J. Carthy, W.A. Derry Millard et Jeffrey G. Gowan, Ontario Annual Practice 2005‑2006 (Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2005)) sur les articles 57 et 58 des Règles, à savoir que la taxation des dépens relève davantage de l'art que de l'application de règles et de principes et qu'elle met en oeuvre l'impression générale produite par le dossier et par les questions en litige, ainsi que le jugement et l'expérience de l'officier taxateur, qui fait face à la tâche difficile de soupeser l'effet de facteurs qui peuvent être à la fois multiples et aussi bien subjectifs qu'objectifs. Dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., [2003] A.C.F. no 1649 (O.T.), paragraphe 31, j'ai conclu que certains commentaires, dans la preuve, bien qu'ils aient été intéressés, étaient néanmoins pragmatiques et raisonnables quant à la réalité d'une myriade de débours essentiels pour lesquels le coût de la preuve, pour les établir, pourrait dépasser ou dépasserait le montant demandé. Toutefois, cela ne veut pas pour autant dire que les plaideurs peuvent se passer de présenter une preuve en s'en remettant à la discrétion et à l'expérience de l'officier taxateur. En l'espèce, la preuve est loin d'être absolue, compte tenu de l'absence de factures. En raison de la faiblesse de la preuve se rapportant aux circonstances entourant chaque dépense, le défendeur et l'officier taxateur peuvent difficilement être convaincus que chaque dépense était raisonnablement nécessaire. Moins il y a d'éléments de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s'en remettre à la discrétion de l'officier taxateur, qui doit exercer ce pouvoir avec prudence, sans perdre de vue l'austérité qui doit présider à la taxation, afin d'éviter de causer un préjudice à la partie condamnée aux dépens. Toutefois, la conduite d'un litige exige de réelles dépenses; il serait absurde que la somme des frais taxés soit nulle.

 

[9]               J'appliquerai l'article 409 et l'alinéa 400(3)o) des Règles (toute autre question qu'elle juge pertinente). Il s'agissait ici d'une instance interlocutoire distincte, mais il existait un rapport subjectif, de nature non théorique, avec l'instance principale puisque les défendeurs s'efforçaient de faire avancer les choses, et ce, peu importe qui était à l'origine du litige opposant les plaideurs ici en cause. Il faut récompenser ces efforts eu égard aux circonstances de l'affaire, en n'imposant aux défendeurs qu'une obligation minime à l'égard des dépens : j'admettrai les honoraires d'avocat au bas de la fourchette de la colonne III. Je conclus que la reliure (deux copies aux fins du dépôt, une copie aux fins de la signification et une copie pour l'avocat) et les frais de messagerie pour le dossier de la requête sont raisonnables et je les admettrai tels qu'ils ont été présentés. Le mémoire de dépens de la demanderesse pour le dossier de la requête des défendeurs en date du 27 juin 2005 et dont le montant était de 1 250,23 $ est taxé et admis au montant de 865,03 $.

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1521-04

 

 

INTITULÉ :                                                   PEAK INNOVATIONS INC.

                                                                        c.

                                                                        PRODUITS PYLEX INC. et al.

 

 

TAXATION DES DÉPENS EFFECTUÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION

DES DÉPENS :                                              CHARLES E. STINSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 27 DÉCEMBRE 2006

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Paul Smith

POUR LA DEMANDERESSE

 

Taylor Jordan Chafetz

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paul Smith Intellectual Property Law

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Taylor Jordan Chafetz

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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