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Date : 20061228

Dossier : IMM-7552-05

Référence : 2006 CF 1556

Ottawa (Ontario), le 28 décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

 

ENTRE :

SUDIPTO SARKAR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Sudipto Sarkar, citoyen de l’Inde, en vue de faire annuler la décision du 19 octobre 2005 par laquelle l’agente d’immigration désignée, Mme Keefe (l’agente d’immigration), a rejeté sa demande de résidence permanente au Canada au motif que sa fille Konika est interdite de territoire au Canada au titre du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), parce que son état de santé – elle souffre d’un trouble envahissant du développement (TED : autisme) – risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux et, plus précisément, pour les services d’éducation. En application de l’alinéa 4(2)a) de la Loi, M. Sarkar est interdit de territoire parce que sa fille l’est aussi.

 

[2]               Le principal point en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si l’agente d’immigration a omis de se conformer à l’arrêt de la Cour suprême du Canada intitulé Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 706, publié le 21 octobre 2005, trois jours après avoir pris sa décision.

 

[3]               Au moment où l’agente d’immigration a pris sa décision, l’état du droit avait été exprimé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CAF 420, à savoir que des facteurs non médicaux, tels que la capacité et la volonté de la famille de payer le coût des services constituant un fardeau excessif, n’étaient pas un aspect pertinent dont un agent d’immigration devait tenir compte. La Cour suprême du Canada a annulé la décision et statué que l’on ne pouvait pas faire abstraction des ressources de la famille Hilewitz pour décider si leur enfant handicapé créerait pour le public un fardeau excessif.

 

[4]               Je reproduis à l’annexe A des présents motifs le texte de l’article 38 de la Loi, de même que les définitions des termes « fardeau excessif », « services de santé » et « services sociaux » qui figurent à l’article 1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) pour l’application de la Loi et du Règlement.

 

[5]               Les parties ne contestent pas qu’à l’heure actuelle l’état de santé de Konika et le fardeau qu’il impose présentement au système d’éducation sont visés par les définitions de « fardeau excessif » et « services sociaux » figurant dans le Règlement.

 

[6]               En outre, pour les besoins de la présente demande, le ministre ne soutient pas, comme il l’a fait dans la décision Colaco c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 896, que l’arrêt Hilewitz, précité, doit être interprété comme s’appliquant seulement aux gens d’affaires qui sollicitent le statut de résident permanent (les investisseurs, les travailleurs autonomes ou les entrepreneurs), et non aux travailleurs qualifiés. Dans Colaco, le juge Barnes a rejeté l’interprétation du ministre et a certifié une question sur ce point.

 

LES FAITS

[7]               M. Sarkar est titulaire d’un doctorat de l’Université Columbia; depuis 2001, il occupe le poste de professeur de finances et de commerce à l’Université McMaster, à Hamilton (Ontario), et il a obtenu la permanence en 2004. Il a pu enseigner au Canada après avoir obtenu un permis de travail. Il touche un salaire annuel d’environ 120 000 $ avec primes et a présenté sa demande de résidence permanente le 10 février 2003 par l’intermédiaire du consulat général du Canada à Buffalo (États-Unis) dans la catégorie des travailleurs qualifiés, au sens de l’alinéa 70(2)b) du Règlement. Sa demande englobait son épouse et sa fille Konika, qui est à sa charge.

 

[8]               En l’absence de la décision de l’agente d’immigration concernant Konika, il est évident que la demande de résidence permanente au Canada de M. Sarkar aurait été acceptée.

 

[9]               Voici un résumé des principales étapes du traitement de sa demande :

 

1.      Comme je l’ai indiqué, le consulat du Canada à Buffalo (New York) a reçu la demande de résidence permanente le 10 février 2003.

 

2.      Konika a été examinée par un médecin; le 1er mars 2004, ce dernier a informé la Direction générale des services de santé de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), à Ottawa, qu’il était nécessaire qu’un pédiatre spécialisé en développement fasse subir à l’enfant des examens médicaux supplémentaires en raison de son état de santé éventuel (c’est-à-dire, TED : autisme).

 

3.      Cette consultation a eu lieu le 16 septembre 2004. Le pédiatre a confirmé le diagnostic de Konika et a indiqué que celle-ci avait encore besoin des services d’un aide-éducateur, mais que [traduction] « cette exigence sera vraisemblablement retirée, vu l’amélioration de son état ». Il a ajouté que ses problèmes de comportement étaient probablement liés à des difficultés d’adaptation et qu’il se pouvait donc que son pronostic soit bon et qu’elle n’ait pas besoin de ressources additionnelles.

 

4.      Le 26 octobre 2004, le médecin vérificateur des Services de santé de CIC, à Ottawa, a rédigé un avis médical indiquant que l’affection dont souffrait Konika risquait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux car celle-ci avait besoin d’un programme éducatif particulier ainsi que d’un soutien additionnel, c’est-à-dire les services d’un aide-éducateur. Ce médecin a également indiqué dans son avis que Konika était interdite de territoire au titre de l’alinéa 38(1)c) de la Loi.

 

5.      Au cours des derniers mois de l’année 2004, le médecin vérificateur a reçu d’autres renseignements qui l’ont amené à retirer son évaluation concernant l’interdiction de territoire de Konika au titre de l’article 38 de la Loi et à demander des renseignements médicaux additionnels. Ce médecin en a donc fait part au consulat du Canada à Buffalo, qui a demandé au demandeur de produire des rapports médicaux additionnels au sujet de Konika.

 

6.      Le médecin vérificateur et le consulat du Canada à Buffalo ont tous deux reçus des renseignements médicaux additionnels, de même que des observations du conseiller juridique de la famille Sarkar, Howard Eisenberg; ces observations sont datées du 31 janvier 2005, et les deux paragraphes qui suivent en sont extraits :

[traduction] M. Sarkar et sa famille se dévouent entièrement à leurs enfants. Konika suit des séances d’orthophonie et d’ergothérapie, qui ne sont pas assurés par la province de l’Ontario. M. Sarkar en paie lui-même les frais. Les séances d’orthophonie coûtent 110 $ l’heure et les séances d’ergothérapie environ 80 $ l’heure. Vous constaterez dans le compte rendu des séances d’orthophonie que Konika retire de ces programmes de nombreux bienfaits. Selon M. Sarkar, la participation de Konika à ces programmes est de moins en moins nécessaire, mais il continue de payer ses séances parce qu’elles procurent à sa fille de grands bienfaits sur le plan social et une stimulation considérable.

 

Avant que Konika fréquente l’école publique, M. Sarkar a payé pour elle des services de garde privés. Ce dernier enseigne à titre permanent à l’École de commerce de l’Université McMaster, à Hamilton (Ontario). Il gagne environ 117 500 $. Il est tout à fait capable d’acquitter le coût des services sociaux qui sont nécessaires pour aider sa fille, et il est disposé à le faire. [Non souligné dans l’original.]

 

7.      Une autre lettre, datée du 21 décembre 2004, provient du chef de la Division de pédopsychiatrie de l’Université McMaster. Ce dernier y indique que Konika souffre d’une affection chronique et permanente, mais que cela ne veut pas dire que son état ne s’améliorera pas à la longue. La lettre confirme que même si Konika bénéficie actuellement des services d’un aide-éducateur, elle n’en aura probablement plus besoin d’ici deux ou trois ans. Il ajoute qu’il la voit en moyenne une fois par année, [traduction] « ce qui n’est guère un fardeau pour le système canadien des soins de santé ». Il confirme qu’elle n’a pas besoin d’autres services de santé.

 

8.      Une autre lettre, datée du 11 janvier 2005, provient de l’ergothérapeute de Konika, qui confirme que, depuis octobre 2001, elle est engagée à titre privé par M. Sarkar, qui l’a aussi payée directement pour consulter le personnel de l’établissement préscolaire que fréquentait Konika et, à une occasion, le personnel de l’école que cette dernière fréquente actuellement. L’ergothérapeute a confirmé les progrès que fait Konika.

 

9.      Le 11 août 2005, après avoir étudié tous les renseignements additionnels reçus, le médecin vérificateur a rédigé un nouvel avis médical concluant que Konika était interdite de territoire au titre de l’alinéa 38(1)c) de la Loi parce que son état de santé [traduction] « risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux » et que [traduction] « plus précisément, cet état de santé risque de nécessiter des services dont le coût serait vraisemblablement supérieur au coût par habitant canadien moyen sur cinq ans ». Le médecin vérificateur a reconnu que, selon le diagnostic établi, Konika souffre, à un degré moyen, d’un trouble envahissant du développement et a ajouté ce qui suit :

[traductionElle suit actuellement des séances d’orthophonie et d’ergothérapie, et bénéficie d’un programme d’enseignement individuel et des services d’un aide-éducateur. D’après le médecin vérificateur, le spécialiste évaluateur déclare que, même s’il s’agit d’un état permanent et chronique, il est possible qu’il y ait à la longue une amélioration sur le plan des aptitudes sociales et des capacités de communication. Il prévoit que les services d’un aide-éducateur ne seront plus nécessaires d’ici deux à trois ans. Elle a fait d’importants progrès grâce au programme qu’elle suit à l’école et à la maison, et grâce à sa famille qui la soutient beaucoup. Il est indiqué dans un rapport scolaire que le degré de soutien direct actuellement nécessaire diminuera à la longue.

 

[…] cette personne souffre d’une affection chronique et permanente. Elle a besoin et continuera d’avoir besoin de services éducatifs spéciaux. Elle bénéficierait probablement de séances d’orthophonie et d’ergothérapie. Ces services sont dispendieux… » [Non souligné dans l’original.]

 

[10]           Le Dr Waddell, médecin agréé, a déposé un affidavit où figure son estimation des frais éducatifs supplémentaires que nécessiterait Konika. Il a fait état de deux allocations d’aide spécialisée (AAS) accordées dans le cadre de subventions spéciales de l’Ontario pour frais d’études aux niveaux 2 et 3, d’un montant de 12 000 $ et de 27 000 $ par année, respectivement, moins les frais d’études ordinaires à l’école primaire de 3 885 $.

 

[11]           Le Dr Waddell a indiqué aussi que Konika aurait droit à une aide à domicile pour troubles du développement et il a fait état de frais de formation professionnelle et de programmes de jour pour adultes qui, selon moi, ne sont peut-être pas pertinents car les seuls frais supplémentaires indiqués au dossier qui sont supportés par l’État sont les frais liés à son programme éducatif spécial et aux services d’un aide-éducateur.

 

[12]           Toujours selon le dossier, M. Sarkar a payé les frais afférents aux services de garde que Konika a reçus avant d’entrer à l’école publique, et cette dernière fréquente le système d’écoles publiques depuis maintenant quatre ans, d’abord à temps partiel et depuis peu à temps plein.

 

ANALYSE

[13]           L’avocat du défendeur fait valoir que deux causes récentes tranchées par mes collègues traitent directement de la question dont je suis saisi : Newton–Juliard c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 177, une décision de ma collègue la juge Tremblay-Lamer, et Kirec c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 800, une décision de mon collègue le juge Blais.

 

[14]           Dans ces deux affaires, mes collègues ont indiqué que la norme de contrôle qui s’applique à une décision d’interdiction de territoire pour motifs sanitaires prise par un agent d’immigration dans le contexte d’une demande de résidence permanente est celle de la décision correcte. C’est cette norme que j’adopte en l’espèce.

 

[15]           Dans la décision Newton-Juliard, précitée, la juge Tremblay-Lamer a indiqué au paragraphes 22 et 23 de ses motifs de jugement que les éléments essentiels de l’arrêt Hilewitz sont les suivants :

[22]           La Cour suprême concluait que la situation financière des familles des personnes à charge handicapées est un critère pertinent pour l'appréciation de l'incidence prévue de l'admission de ces personnes sur les services sociaux (Hilewitz, précité, para. 40). Ainsi, les agents des visas ont commis une erreur en confirmant le refus des médecins agréés de prendre en considération l'incidence possible de la volonté et de la capacité des familles d'apporter leur soutien financier (Hilewitz, précité, para. 70).

[23]           La juge Abella, écrivant pour la Cour, remarquait qu'une analyse de l'histoire des dispositions législatives pertinentes indique que le législateur a l'intention de passer d'une politique d'exclusion basée sur des catégories à une politique requérant des évaluations individualisées (Hilewitz, précité, para. 53). Il appartient à l'agent des visas de déterminer s'il existe une « probabilité raisonnable » que l'état de santé du demandeur entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens. Pour déterminer d'une manière réaliste en quoi consiste le fardeau, il faut tenir compte de la capacité et de la volonté du demandeur d'assumer le coût des services sociaux (Hilewitz, précité, para. 54).

 

[16]           Au vu des faits de l’affaire dont elle était saisie, la juge Tremblay-Lamer a écrit ceci :

[24]           Au moment où ils ont présenté leur demande, les familles Hilewitz et de Jong avaient toutes deux exprimé leur intention d'inscrire leurs enfants à des écoles privées offrant une éducation spécialisée, ce qui rendait peu probable le recours aux services financés par l'État. M. Hilewitz a également exprimé l'intention d'acquérir une entreprise qui procurerait un emploi à son fils, ce qui éliminerait la nécessité de recourir à la formation professionnelle. Dans l'affaire Hilewitz, l'agente des visas elle-même a reconnu qu'il était « très improbable » que la famille Hilewitz ait recours à des services financés par l'État. En l'espèce, contrairement aux affaires précitées, la demanderesse a inscrit sa fille dans une école publique dès son arrivée au Canada. Quant aux services requis dans le futur, contrairement dans les cas Hilewitz et de Jong, jamais la demanderesse n'a invoqué qu'elle entendait faire appel au système d'éducation privé.  [Non souligné dans l’original.]

 

[25]           Je rejette l'argument de la demanderesse à l'effet que sa fille ne constituerait pas présentement un fardeau excessif au motif que l'école de Djéna est une école publique financée par la municipalité de Montréal à même l'impôt foncier. Même dans l'éventualité où l'école serait exclusivement financée par la municipalité il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une école financée par les fonds publics. La preuve au dossier fournie par les deux affidavits du Dr Gollish permet d'établir que le coût excessif des services requis pour Djéna se situe actuellement autour de 15 000 $. De plus, tenir compte comme le suggère la demanderesse du travail bénévole de celle-ci à l'école, est purement spéculatif puisque rien dans la preuve n'aurait permis au Dr Gollish de quantifier le temps que celle-ci y alloue.

[26]           En résumé, l'officier médical a procédé à une évaluation individualisée de la condition de Djéna en déterminant la nature, la gravité et la durée probable de la maladie de celle-ci tout en tenant compte de la disponibilité et du coût des services financés par l'État.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, je suis satisfaite qu'il a considéré tous les éléments décrits par la Cour suprême comme devant entrer en ligne de compte dans l'évaluation de fardeau excessif.

 

[17]           Dans la décision Kirec, précitée, le juge Blais cite la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Newton-Juliard, précitée, et ajoute ce qui suit au paragraphe 24 de ses motifs :

[24]           La juge Tremblay-Lamer fait une distinction entre l’affaire Hilewitz et l’affaire Newton‑Juliard en notant que la demanderesse dans l’affaire Newton‑Juliard utilisait les services sociaux publics et qu’elle n’avait exprimé aucune intention contraire. La juge Tremblay‑Lamer a donc conclu, en fonction de la preuve dont elle était saisie, que la demanderesse imposerait un fardeau excessif aux services sociaux. [Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Et de conclure ensuite le juge Blais :

[26]           En l’espèce, la fille du demandeur utilise les services sociaux du Canada depuis longtemps. De plus, le demandeur n’a jamais présenté d’observations attestant que sa fille n’entraînerait pas de fardeau excessif pour de tels services si la famille quittait les États-Unis pour le Canada. Il est clair que l’agente des visas a tenu compte de la situation personnelle de la fille du demandeur. L’agente des visas n’a donc pas commis d’erreur en rejetant la demande de résidence permanente du demandeur en raison de l’interdiction de territoire de sa fille pour des raisons médicales. [Non souligné dans l’original]

 

[19]           Ma conclusion est qu’il convient de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Contrairement aux décisions Newton-Juliard et Kirec, précitées, le demandeur en l’espèce a fait savoir par l’entremise de son avocat qu’il avait la volonté et la capacité de payer le coût des services sociaux qui aideraient sa fille.

 

[20]           Selon moi, rien dans le dossier n’étaye la conclusion selon laquelle le médecin agréé ou l’agente d’immigration a examiné, comme il le devait, la capacité et la volonté de M. Sarkar de payer les frais d’éducation supérieurs à la moyenne qu’a exigés, qu’exige et qu’exigera Konika.

 

[21]           En outre, il n’y a rien dans le dossier qui étaye la conclusion selon laquelle le médecin agréé ou l’agente d’immigration a examiné la mesure dans laquelle M. Sarkar a par le passé payé lui-même les frais des services préscolaires de Konika, ni la mesure dans laquelle il paye actuellement lui-même les frais des séances d’orthophonie et d’ergothérapie que suit sa fille, de même que les frais de certaines séances de développement dont elle bénéficie à domicile.

 

[22]           Dans ce contexte, l’agente d’immigration aurait dû examiner l’applicabilité de lois ontariennes telles que la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, à propos de laquelle le juge Abella a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Hilewitz :

 69          Les services sociaux relèvent de lois provinciales. En Ontario, la province où les familles Hilewitz et de Jong ont exprimé l’intention de s’installer, les établissements, l’aide et les services susceptibles d’être mis à la disposition des personnes ayant une déficience intellectuelle sont en partie régis par la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, L.R.O. 1990, ch. D.11, et ses modifications. Selon l’article 15 du règlement d’application de la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, R.R.O. 1990, Règl. 272, il faut déterminer si une personne qui demande [traduction] « l’admission à un établissement et de l’aide » est à même de supporter « tout ou partie du coût » de telles mesures. L’article 16 étend l’application de cette même règle aux demandes de « services ». Manifestement, la législation ontarienne envisage la participation financière des familles qui ont les moyens de le faire. Même si les intentions exprimées par les familles Hilewitz et de Jong en matière d’éducation et de formation ne se matérialisaient pas, les ressources financières de ces familles sont telles que ces dernières seraient vraisemblablement appelées à supporter une part substantielle, voire la totalité, des coûts afférents à certains services sociaux fournis par la province. [Non souligné dans l’original.]

 

[23]           Je conclus en disant que, dans l’affaire dont je suis saisi, le dossier était suffisamment clair pour que l’on soit tenu de prendre en considération la volonté et la capacité de M. Sarkar de supporter les frais relatifs au fardeau excessif que Konika entraînerait. Cela n’a pas été fait.

 

[24]           Cela étant, il n’est pas nécessaire de traiter du second argument du demandeur, à savoir que les autorités ont mal interprété la preuve concernant la question des besoins futurs de Konika en services éducatifs spéciaux.


JUGEMENT

 

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 19 octobre 2005 de l’agente d’immigration est annulée et la demande de résidence permanente au Canada de M. Sarkar, en compagnie de son épouse et de sa fille, est renvoyée à un autre agent d’immigration pour un nouvel examen.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 


ANNEXE A

 

Immigration et la protection des réfugiés, Loi sur l’

Immigration and Refugee Protection Act

2001, ch. 27

 

2001, c. 27

 

38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition (a) is likely to be a danger to public health; (b) is likely to be a danger to public safety; or (c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

Exception

Exception

(2) L’état de santé qui risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé n’emporte toutefois pas interdiction de territoire pour l’étranger  : a) dont il a été statué qu’il fait partie de la catégorie « regroupement familial » en tant qu’époux, conjoint de fait ou enfant d’un répondant dont il a été statué qu’il a la qualité réglementaire;b) qui a demandé un visa de résident permanent comme réfugié ou personne en situation semblable;c) qui est une personne protégée; d) qui est l’époux, le conjoint de fait, l’enfant ou un autre membre de la famille — visé par règlement — de l’étranger visé aux alinéas a) à c).

 

(2) Paragraph (1)(c) does not apply in the case of a foreign national who (a) has been determined to be a member of the family class and to be the spouse, common-law partner or child of a sponsor within the meaning of the regulations; (b) has applied for a permanent resident visa as a Convention refugee or a person in similar circumstances; (c) is a protected person; or (d) is, where prescribed by the regulations, the spouse, common-law partner, child or other family member of a foreign national referred to in any of paragraphs (a) to (c).

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Immigration and Refugee Protection Regulations

 

DORS/2002-227

 

SOR/2002-227

« fardeau excessif »

“excessive demand”

“excessive demand”

 

« fardeau excessif »

 

« fardeau excessif  » Se dit  :

“excessive demand” means

a) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives;

(a) a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or

b) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents. (excessive demand)

(b) a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of the denial or delay in the provision of those services to Canadian citizens or permanent residents. (fardeau excessif)

« services de santé »

“health services”

“health services”

 

« services de santé »

 

« services de santé » Les services de santé dont la majeure partie sont financés par l’État, notamment les services des généralistes, des spécialistes, des infirmiers, des chiropraticiens et des physiothérapeutes, les services de laboratoire, la fourniture de médicaments et la prestation de soins hospitaliers. (health services)

“health services” means any health services for which the majority of the funds are contributed by governments, including the services of family physicians, medical specialists, nurses, chiropractors and physiotherapists, laboratory services and the supply of pharmaceutical or hospital care. (services de santé)

« services sociaux »

“social services”

“social services”

 

« services sociaux »

 

« services sociaux » Les services sociaux — tels que les services à domicile, les services d’hébergement et services en résidence spécialisés, les services d’éducation spécialisés, les services de réadaptation sociale et professionnelle, les services de soutien personnel, ainsi que la fourniture des appareils liés à ces services  :

“social services” means any social services, such as home care, specialized residence and residential services, special education services, social and vocational rehabilitation services, personal support services and the provision of devices related to those services,

a) qui, d’une part, sont destinés à aider la personne sur les plans physique, émotif, social, psychologique ou professionnel;

(a) that are intended to assist a person in functioning physically, emotionally, socially, psychologically or vocationally; and

b) dont, d’autre part, la majeure partie sont financés par l’État directement ou par l’intermédiaire d’organismes qu’il finance, notamment au moyen d’un soutien financier direct ou indirect fourni aux particuliers. (social services)

(b) for which the majority of the funding, including funding that provides direct or indirect financial support to an assisted person, is contributed by governments, either directly or through publicly-funded agencies. (services sociaux)

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7552-05

 

INTITULÉ :                                       SUDIPTO SARKAR C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 DÉCEMBRE 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard P. Eisenberg                                        POUR LE DEMANDEUR

 

Stephen H. Gold                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Howard P. Eisenberg

Toronto (Ontario)                                             POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

 

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