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Date : 20061215

Dossier : IMM-1906-06

Référence : 2006 CF 1507

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2006

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE :

GHASSAN AL NAHHAS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 7 février 2006 par l’agent des visas à l’Ambassade du Canada à Damas, refusant d’accorder au demandeur un visa de résidence temporaire dans la catégorie de travailleur.

 

[2]               Pour les motifs suivants, je suis satisfait que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

 

FAITS PERTINENTS

 

[3]               Monsieur Ghassan Al Nahhas (le demandeur) est un homme d’affaire citoyen de la Syrie.

 

[4]               Le 21 décembre 2005, le demandeur a présenté une demande de visa de résidence temporaire dans la catégorie de travailleur. À l’époque, le demandeur était le président et seul employé de L.E.N.K.E.R., une compagnie immatriculée dans la province de Québec en 2005.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[5]               Dans une décision rendue le 7 février 2006, Paul Jamieson, l’agent des visas de l’Ambassade du Canada en Syrie (l’agent des visas), a rejeté la demande de visa temporaire du demandeur, car il n’était pas satisfait que ce dernier quitterait le Canada à la fin de la période autorisée.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[6]               Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

1)      L’agent des visas a-t-il commis une erreur dans l’appréciation de la preuve justifiant l’intervention de cette Cour?

2)      L’agent des visas a-t-il manqué à son devoir d’équité envers le demandeur?

 

EXTRAITS LÉGISLATIFS PERTINENTS

[7]               Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

 

 

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

a) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

 

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

NORME DE CONTRÔLE

[8]               L’attribution d’un visa de résidence temporaire par un agent des visas constitue une décision discrétionnaire (De La Cruz c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 26 F.T.R. 285 (C.F. 1re inst.)). De ce fait, les tribunaux doivent faire preuve d’une grande retenue lors du contrôle judiciaire de ces décisions (Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2). La norme de contrôle applicable aux conclusions factuelles de l’agent des visas est donc celle de la décision manifestement déraisonnable (Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 10).

 

[9]               Comme l’expliquait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Jaworski c. Canada (P.G.), [2000] A.C.F. no 643, la norme de la décision manifestement déraisonnable est l’équivalent de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, tel que modifié par L.C. 1990, ch. 8, lequel prévoit que la Cour fédérale ne peut intervenir en cas d’erreur de fait dans une décision d’un office général que si ce dernier a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

[10]           Par contre, lorsqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale, il est bien établi que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, puisqu’il s’agit d’une question de droit (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539). Par conséquent, si la Cour conclut qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, la demande de contrôle judiciaire sera accordée.

 

ANALYSE

1) L’agent des visas a-t-il commis une erreur dans l’appréciation de la preuve justifiant l’intervention de cette Cour?

 

 

[11]           L’agent des visas a refusé au demandeur un visa de résidence temporaire parce qu’il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada au terme de la période de son séjour autorisé, tel que requis par l’alinéa 20(1)b) de la Loi. Selon les notes inscrites au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), la décision de l’agent des visas s’appuie sur les déclarations suivantes du demandeur faites lors de son entrevue :

1)      Le demandeur aurait déclaré qu’il ne s’avait pas quand il retournerait en Syrie, pour plus tard mentionner qu’il demeurerait au Canada environ cinq à sept ans;

2)      Le demandeur compterait vivre au Canada avec sa famille durant cette période, et demandait d’ailleurs un visa de résidence temporaire pour sa femme et ses deux enfants;

3)      Le demandeur aurait l’intention de vendre sa maison en Syrie et d’acheter une maison au Canada.

 

[12]           Dans l’affidavit soumis à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire devant cette Cour, le demandeur affirme avoir mentionné plutôt que ses enfants poursuivaient des études en Syrie et qu’ils ne l’accompagneraient pas au Canada et que, possédant plusieurs propriétés en Syrie, il n’avait pas l’intention de liquider toutes ces propriétés. En réponse aux allégations du demandeur, l’agent des visas soumet aussi un affidavit dans lequel il maintient la version des faits notés dans le STIDI.

 

[13]           Le demandeur soumet de plus que l’agent des visas n’a pas tenu compte du fait qu’il avait toujours respecté les conditions de ses visas de visiteurs dans le passé. Dans son affidavit, l’agent des visas affirme au contraire avoir considéré cet élément, mais ne lui avoir tout simplement pas accordé un poids déterminant.

 

[14]           Dans Oei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 466, paragraphe 42, le juge Paul Rouleau précise :

À mon avis, il convient d’accorder plus de poids au témoignage de l’agent des visas au sujet de ce qui s’est passé durant l’entrevue pour les raisons suivantes. D’une part, celui-ci est corroboré par les notes qu’elle a retranscrites dans le système CAIPS, lesquelles ne font nulle mention de difficultés de communications avec le demandeur, alors qu’aucun élément ne vient appuyer ou confirmer les allégations du demandeur. En outre, les notes de l’agent ont été retranscrites dans le CAIPS le lendemain de l’entrevue du demandeur, soit le 21 mars 2001, alors que les événements étaient encore frais dans sa mémoire, et l’affidavit du demandeur date pour sa part du 31 août 2001, soit plus de cinq mois après l’entrevue. La contemporanéité des notes du CAIPS, qui corroborent le témoignage de l’agent, constitue à mon avis une raison suffisante de préférer son témoignage à celui du demandeur.

 

 

[15]           Également, dans Ahmed v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 1203, paragraphe 18, le juge Michel Beaudry déclare:

Based on a review of the CAIPS entries, which are dated the same date as the decision, as well as the evidence from both parties, the Court finds that the Visa Officer did not breach her duty of fairness to the applicant. Although there was no obligation to do so, the Visa Officer did express her misgivings and invited the applicant to provide further documentation to persuade her that his wealth was not gleaned from illegitimate sources. Unfortunately, the applicant said he had no further information. I attach greater weight to the Visa Officer’s affidavit about what took place during the interview because the CAIPS entries were done the same day and there is no mention that the applicant would have the opportunity to submit further documentation (Oei v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2002 FCT 466, [2002] F.C.J. No. 600 (F.C.T.D.) (QL)).

 

 

[16]           Je n’ai aucune hésitation à conclure, comme mes collègues les juges Rouleau et Beaudry, qu’il convient d’accorder plus de poids au témoignage de l’agent des visas au sujet de ce qui s’est passé en entrevue, qui est en conformité avec les « CAIPS notes ».

 

[17]           Ayant examiné attentivement la preuve dont disposait l’agent des visas pour rendre sa décision, ainsi que les motifs à l’appui de cette décision, je ne peux conclure que ce dernier a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

2) L’agent des visas a-t-il manqué à son devoir d’équité envers le demandeur?

[18]           Le demandeur soumet en deuxième lieu que la décision de l’agent des visas était empreinte de préjugés et que ce dernier a fait preuve de partialité.

 

[19]           Tel que le maintient le défendeur, une allégation de partialité est une allégation sérieuse qui ne doit pas être faite à la légère. Comme l’affirmait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 1091, au paragraphe 8 :

[…]Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle et non simplement appréhendée, portée à l'encontre d'un tribunal, est une allégation sérieuse.  Elle met en doute l'intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée.  Elle ne peut être faite à la légère.  Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur ou de son procureur.  Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. […]

 

[20]           Le demandeur ne soumet aucune preuve à l’appui, autre que son affirmation que l’entrevue n’a duré que cinq minutes, ce que l’agent des visas nie dans son affidavit. Les allégations du demandeur sont donc insuffisantes pour établir un manquement quelconque à l’équité procédurale.

 

[21]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

 

[22]           Les procureurs n’ont soumis aucune question pour certification.

 


JUGEMENT

[1]   La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[2]   Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                       IMM-1906-06

 

INTITULÉ :                                      GHASSAN AL NAHHAS  c.  MCI

                                                          

 

LIEU DE L'AUDIENCE :               MONTREAL

 

DATE DE L'AUDIENCE :              14 décembre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT :                   M. LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                    15 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Luc R. Desmarais

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Mr. Daniel Latulippe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me Luc R. Desmarais

Montréal, Québec

Téléphone:  (514) 845-0051

Télécopie:      (514) 845-9112

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Téléphone: (514) 283-6484

Télécopie : (514) 283-3856

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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