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Date : 20070110

Dossier : T-2064-06

Référence : 2007 CF 17

ENTRE :

PRADO TECHNOLOGIES INC.

 et

LES PRODUITS INNOVAPLAS INC.

demanderesses

et

 

9167-9027 QUÉBEC INC.,

(faisant affaire sous le nom LES PRODUITS DE RÉSINE ACCES,S),

GESTION BOURGAULT & THÉBERGE INC.

et

JEAN BOURGAULT

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une requête des défendeurs Jean Bourgault et Gestion Bourgault & Théberge Inc. ( Gestion B & T) afin d’obtenir une ordonnance en vertu des alinéas 221(1) a), c), d) et f) des Règles des Cours fédérales (les règles) afin que soit radiée à l’encontre du défendeur Jean Bourgault la déclaration d’action déposée par les demanderesses le 24 novembre 2006 (la déclaration).

Contexte

[2]               Les demanderesses sont impliquées dans la mise en marché de produits de plastique.

[3]               Plus précisément, la demanderesse Prado Technologies Inc. (Prado) est titulaire du brevet no. 2,409,866 pour une invention intitulée « Escalier de piscine » dont une des caractéristiques principales serait que la structure fuselée de l’escalier permet l’empilement de plusieurs escaliers ce qui serait avantageux au niveau du transport, de la manutention et de l’entreposage.

[4]               Par leur action, les demanderesses reprochent à la défenderesse 9167-9027 Québec Inc., pour ce qui est du présent, et, à la défenderesse Gestion B & T, pour ce qui est de la période avant mai 2006 (où Gestion B & T portait alors un autre nom, soit Les Produits de Résine Acces,s Inc.) d’avoir mis sur le marché un escalier de piscine contrefacteur.

[5]               Est inclus également dans le groupe des défendeurs, M. Jean Bourgault à titre individuel.

[6]               Selon les défendeurs Jean Bourgault et Gestion B & T, la déclaration ne révèle aucun fait matériel suffisant permettant à cette Cour de conclure à la responsabilité personnelle du défendeur Jean Bourgault, d’où la présente demande de radiation visant à exclure ce dernier de l’action.

[7]               Les allégués centraux touchant la présence de M. Bourgault à l’action se retrouvent aux paragraphes 12, 19 et 21 de la déclaration.  Ces paragraphes se lisent :

12.         (…)  Monsieur Bourgault est président et administrateur de la défenderesse Gestion B & T, dont il est co-propriétaire, par le biais de sa compagnie de portefeuille 3969029 Canada inc.

 

[…]

 

19.         Le défendeur Jean Bourgault a délibérément, intentionnellement et sciemment amené la défenderesse Gestion B & T ( à l’époque où elle portait le nom Les Produits de Résine Acces,s inc.) à fabriquer et à commercialiser des escaliers de piscine comprenant les éléments précédemment mentionnés, et à utiliser une méthode pour leur manutention comprenant les étapes précédemment mentionnées, après avoir vu les escaliers de piscine des demanderesses incorporant l’Invention, et après avoir été avisé des droits des demanderesses dans le brevet Prado, sans égard au risque de contrefaçon.

 

(je souligne)

[…]

 

21           L’entraînement délibéré, intentionnel et en connaissance de cause, de la défenderesse Gestion B & T, par le défendeur Jean Bourgault, dans les activités précédemment décrites, lesquelles étaient susceptibles d’entraîner la violation des droits de propriété intellectuelle des demanderesses, ou reflétait une indifférence face à ce risque, engage la responsabilité personnelle, conjointe et solidaire du défendeur Bourgault pour les actes de contrefaçon commis par Gestion B & T.

Analyse

Critères en matière de radiation

[8]               Tel que le rappelle l’extrait suivant de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sweet et al.  v.  Canada (1999), 249 N.R. 17, au paragraphe 6 en page 23, une radiation ne survient sous l’un ou l’autre des alinéas de la règle 221 que si la situation visée est claire et évidente :

[6]  Statements of claim are struck out as disclosing no reasonable cause of action only in plain and obvious cases and where the Court is satisfied that the case is beyond doubt (see Attorney General of Canada v. Inuit Tapirisat of Canada et al., [1980] 2 S.C.R. 735 at 740; Operation Dismantle Inc. v. The Queen, [1985] 1 S.C.R. 441 and Hunt v. Carey Canada. Inc., [1990] 2 S.C.R. 959). The burden is as stringent when the ground argued is that of abuse of process or that of pleadings being scandalous, frivolous or vexatious (see Creaghan Estate v. The Queen, [1972] F.C. 732 at 736 (F.C.T.D.), Pratte J.; Waterside Ocean Navigation Company, Inc. v. International Navigation Ltd et al., [1977] 2 F.C. 257 at 259 (F.C.T.D.), Thurlow A.C.J.; Micromar International Inc. v. Micro Furnace Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 214 (F.C.T.D.), Pinard J. and Connaught Laboratories Ltd. v. Smithkline Beecham Pharma Inc. (1998), 86 C.P.R. (3d) 36 (F.C.T.D.) Gibson J.). The words of Pratte J. (as he then was), spoken in 1972, in Creaghan Estate, supra, are still very much appropriate:

“… a presiding judge should not make such an order unless it be obvious that the plaintiff's action is so clearly futile that it has not the slightest chance of succeeding ...”

[9]               La question qui se pose alors est la suivante: Est-il clair et évident que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d’action au motif que celle-ci ne contiendrait pas de faits matériels suffisants pour engager la responsabilité de M. Bourgault en tant que défendeur à titre personnel ?

[10]           Pour les motifs qui suivent, je pense que dans le cadre de la présente requête en radiation – qui commande un test élevé – qu’il faut répondre à la question posée ci-haut par la négative.

[11]           De manière générale, je pense que la déclaration en ce qui nous concerne - ce qui constitue essentiellement le paragraphe 19 de celle-ci - a été rédigée avec suffisamment de soins pour hausser à ce stade-ci - quoique par une faible marge - l’allégation du paragraphe 19 de la déclaration au-dessus des allégations générales dénoncées dans des arrêts de principe tels Mentmore Manufacturing Co., Ltd  v. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164 (ci-après Mentmore) ou Dolomite Svenska Aktiebolag v. Dana Douglas Medical Inc. (1994), 58 C.P.R. (3d) 531 (ci-après Dolomite).

[12]           Dans Dolomite, la Cour a résumé comme suit en page 533 ce qui doit être allégué par une partie demanderesse pour que tienne à titre personnel une action en contrefaçon à l’égard d’un administrateur ou dirigeant d’une corporation :

In order to properly establish a cause of action against an individual as the directing mind of a corporation, a plaintiff cannot merely plead the facts of the defendant's capacity as a director or officer. The plaintiff must allege that the defendant knowingly and willingly authorized the infringing actions which form the basis of the cause of action. A statement of claim must particularize the circumstances from which it is reasonable to conclude that the purpose of the director or officer is not the direction of the manufacturing and selling activity of the company in the ordinary course of his relationship to it, but the deliberate, willful and knowing pursuit of a course of conduct that is likely to constitute infringement or reflects an indifference to the risk of infringement: Mentmore Manufacturing Co., Ltd. v. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164 at p. 174, […] Individuals who are officers and directors of corporations are not ipso facto responsible for infringement committed by their corporation: Katun Corp. v. Technofax Inc. (1988), 22 C.P.R. (3d) 269 at p. 270, 21 C.I.P.R. 270.

(je souligne)

[13]           L’extrait de l’arrêt Mentmore auquel la Cour réfère dans Dolomite se lit comme suit :

[T]here must be circumstances from which it is reasonable to conclude that the purpose of the director or officer was not the direction of the manufacturing and selling activity of the company in the ordinary course of his relationship to it but deliberate, willful and knowing pursuit of a course of conduct that was likely to constitute infringement or reflected an indifference to the risk of it.

[14]           Ici, la deuxième partie du paragraphe 19 de la déclaration allègue que le défendeur Bourgault a, dans un premier temps, vu les escaliers des demanderesses incorporant l’invention et eu vent des droits des demanderesses dans le brevet en litige.  Je pense que ces indications sont des allégations de faits matériels suffisantes pour nous amener à retenir ou comprendre, du moins pour l’instant, que la première partie du paragraphe 19 de la déclaration vise une conduite consciente du défendeur Bourgault qui va au-delà de la gestion des affaires de Gestion B & T, soit une inférence que Gestion B & T a servi délibérément de conduit au défendeur Bourgault pour que de la contrefaçon soit opérée.

[15]           Est-ce que cette thèse, à l’instar de la situation dans l’arrêt Mentmore, tombera à l’étape du procès au fond, c’est là un tout autre débat.  Toutefois, je dois conclure à ce stade-ci qu’il n’est pas clair et évident en vertu de l’alinéa 221(1)a) des règles que la déclaration ne dévoile à l’encontre du défendeur Bourgault aucune cause raisonnable d’action.  Tel que mentionné par la Cour suprême dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc. [1990] 2 R.C.S. 959, en page 980, concernant la radiation d’une action sur requête :

[…] dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable?  Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d'un jugement ».  La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action.  Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées […].

(je souligne)

[16]           Pour les mêmes motifs, auxquels il faut ajouter ce qui ressort du contre-interrogatoire sur affidavit qu’a subi M. Bourgault, je ne crois pas qu’il soit clair et évident que les autres alinéas de la règle 221 invoqués par les défendeurs s’appliquent en l’espèce.

[17]           La requête des défendeurs Jean Bourgault et Gestion B & T sera donc rejetée avec dépens.  Les mêmes défendeurs, ainsi que la défenderesse 9167-9027 Québec Inc., devront signifier et déposer leur défense dans les trente (30) jours de la date de l’ordonnance accompagnant les présents motifs.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

Montréal (Québec)

le 10 janvier 2007


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                          T-2064-06

 

INTITULÉ :   PRADO TECHNOLOGIES INC. ET AL

demanderesses

et

9167-9027 QUÉBEC INC. ET AL

défendeurs

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À MONTRÉAL SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                       LE 10 JANVIER 2007

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Me Marc-André Huot

 

POUR LES DEMANDEURS

Me François Grenier

 

POUR LES DÉFENDEURS

GESTION BOURGAULT & THÉBERGE INC. ET JEAN BOURGAULT

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

GESTION BOURGAULT & THÉBERGE INC. ET JEAN BOURGAULT

 

 

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